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25/04/1991 | MONACO | N°26076

Monaco | Tribunal de première instance, 25 avril 1991, B. c/ R.


Abstract

Conflit de lois

Divorce - Époux français - Application de la loi française pour l'appréciation de la prestation compensatoire

Divorce

Application de la loi française quant aux effets - Demande de réparation du dommage moral non consécutif au divorce : : rejet de la demande

Résumé

Les dispositions relatives à la prestation compensatoire, instituées par la loi française sur le divorce, invoquées, peuvent être appréciées par la juridiction monégasque, dès lors que les époux, tous deux de nationalité française entendent régl

er les conséquences de leur divorce par leur loi nationale.

La demande en réparation du préjudice moral, ...

Abstract

Conflit de lois

Divorce - Époux français - Application de la loi française pour l'appréciation de la prestation compensatoire

Divorce

Application de la loi française quant aux effets - Demande de réparation du dommage moral non consécutif au divorce : : rejet de la demande

Résumé

Les dispositions relatives à la prestation compensatoire, instituées par la loi française sur le divorce, invoquées, peuvent être appréciées par la juridiction monégasque, dès lors que les époux, tous deux de nationalité française entendent régler les conséquences de leur divorce par leur loi nationale.

La demande en réparation du préjudice moral, né durant le mariage, et non consécutif à la dissolution de celui-ci, ne saurait être accueillie.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, par exploit en date du 16 octobre 1989, B. née le 7 juillet 1965 à Monaco, de nationalité française a régulièrement assigné en divorce R. né le 7 février 1962 à Monaco, de nationalité française, qu'elle a épousé le 13 décembre 1986 par devant l'officier d'état-civil de la Principauté de Monaco sans contrat de mariage préalable ;

Qu'un enfant est issu de cette union : A. né le 22 septembre 1988 à Monaco ;

Attendu que B. fonde sa demande sur l'infidélité de son époux, ce dont elle entend justifier par un constat d'adultère dressé le 22 juillet 1989 ;

Qu'elle entend par ailleurs, réclamer à R. outre 200 000 F à titre de dommages-intérêts, une prestation compensatoire mensuelle de 2 000 F, ainsi que 1 800 F par mois à titre de part contributive à l'entretien et l'éducation de son fils dont elle sollicite l'exercice de l'autorité ;

Attendu que, sans nier son infidélité qu'il déclare justifiée par le comportement possessif et jaloux de son époux rendant la vie familiale intolérable, R. a formulé une demande reconventionnelle en divorce, ne s'est pas opposé à ce que l'autorité parentale du mineur A. soit exercée par la mère, a conclu au rejet des demandes de prestation compensatoire et de dommages-intérêts à ce que la part contributive pour l'entretien et l'éducation de l'enfant commun soit ramenée à la somme de 1 000 F indexée ;

Qu'il soutient pour l'essentiel, quant à l'attitude de B. à son égard, que celle-ci, d'une part, a volontairement tenté d'écarter du couple la famille et les amis et d'autre part a été vue courant juillet 1989 en compagnie d'une tierce personne dans une attitude particulièrement équivoque ; qu'enfin, il expose que son épouse a, préalablement au constat d'adultère, vidé de leur provision les comptes bancaires qu'elle gérait, à savoir leur compte joint et son compte personnel à lui, sur lequel il lui avait donné procuration ;

Attendu que les parties ont convenu, en cours d'instance, de se référer à la loi française, invoquant leur statut personnel des époux ; que toutefois, en l'état de leurs dernières déclarations à l'audience du 18 avril 1991, elles entendent limiter l'application de cette loi à la seule prestation compensatoire pouvant être éventuellement prescrite ;

Sur quoi,

Sur la demande principale :

Attendu, quant à la demande principale en divorce, qu'il ressort des termes non contestés d'un acte d'huissier français régulièrement dressé le 22 juillet 1989, que R. a commis un adultère en compagnie d'une demoiselle A., au domicile de B., père de la demanderesse ; que ces faits sont par ailleurs corroborés par diverses attestations versées aux débats (G., B., C., R.) démontrant que l'époux avait, préalablement au constat précité, une liaison adultère suivie avec la demoiselle A. ;

Que les relations de R. avec A. ainsi établies, de par leur caractère certain, volontaire et fautif, constituent dès lors la cause de divorce prévue par l'article 197-1° du Code civil, ce qui justifie qu'il soit fait droit à la demande principale, étant observé qu'une telle cause est également admissible en l'espèce sur la base de l'article 242 du Code civil français ;

Sur la demande reconventionnelle :

Attendu que R. fait grief à son épouse d'avoir manifesté un comportement jaloux et violent durant le mariage, puisqu'elle lui aurait interdit toute vie sociale et familiale ; qu'il produit à cet effet six attestations décrivant B. comme une personne jalouse, agressive en présence des amis de son mari et supportant mal sa belle famille ;

Attendu, toutefois, qu'au regard d'autres attestations émanant d'amis du couple et de camarades de l'époux, B. est au contraire décrite comme une personne discrète, aimable et sérieuse (attestations P., V., M., G.) ;

Que G., S., G., F. font état de visites réciproques et de divertissements qui ont été organisés tout au long du mariage, tandis que Z., S. (témoin de R. lors de son mariage), M. rapportent avoir régulièrement participé à de multiples activités sportives (football, tennis, footing, pêche), en compagnie de R. ;

Attendu, par ailleurs sur la volonté de B. d'obliger sa belle-famille, que les allégations formulés à ce propos sont contredites par les photographies produites par la demanderesse, lesquelles montrent la réunion des deux familles R.-B. lors des fêtes de Noël, du baptême du petit A. en octobre 1988, de la fête des mères en mai 1989 ; qu'il est de surcroît constant que B. et sa belle-mère ont séjourné ensemble avec le petit A., ce qui laisse présumer une certaine entente entre les deux femmes à cette époque ; que s'il est exact que le père de R. et les grands-parents paternels n'ont assisté ni au mariage des époux R.-B., ni au baptême de leur enfant, cela tient plus à une querelle interne à la famille R. et antérieure à cette union, qu'à une quelconque animosité qu'aurait soumis la demanderesse à l'égard de son beau-père ;

Attendu que R. ne saurait non plus prétendre que le couple était déjà séparé dès le mois de mai 1989 et avait l'intention de divorcer, cette allégation ne reposant sur aucune argumentation sérieuse ;

Que de même doivent être écartées les deux attestations établies par M. et D., lesquelles par leur grande imprécision, ne sauraient emporter la conviction du Tribunal sur une éventuelle relation de B. avec une tierce personne durant l'été 1989 ;

Attendu enfin que R. reproche à son épouse d'avoir intégralement vidé de leur provision les comptes bancaires du couple ; que toutefois, et au regard des chèques versés aux débats, si B. a bien émis courant juillet 1989 douze chèques représentant une somme totale de 2 823,50 F étant précisé que quatre chèques d'un montant respectif de 2 500 F établis ce même mois de juillet correspondent à l'achat d'un salon dont la commande a été passée par les deux époux en mars 1989, de telles dépenses correspondent toutefois plus à des achats ordinaires qu'à une volonté délibérée de l'épouse de dilapider l'argent du ménage ;

Attendu en conséquence qu'aucun manquement aux devoirs d'épouse de B. constitutif de l'injure grave requise par l'article 197 du Code civil ou l'article 242 du Code civil français, ne saurait s'induire des pièces versées aux débats par R. celui-ci n'établissant ni n'offrant de démontrer la réalité des griefs articulés à l'encontre de la demanderesse ;

Qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de débouter R. des fins de sa demande reconventionnelle en divorce ;

Attendu en conséquence qu'il convient de prononcer le divorce des époux R.-B. aux torts et griefs exclusifs de R. avec toutes conséquences de droit ;

Sur les mesures accessoires au divorce :

Attendu que B. entend à cet égard voir confirmer l'Ordonnance rendue le 15 septembre 1989 sur les mesures provisoires, lui confiant la garde de l'enfant commun A. et fixant à la charge de l'époux une contribution aux frais d'entretien et d'éducation de 1 800 F ;

Que R. s'il ne s'oppose pas à l'exercice du droit de garde par la mère, sollicite du Tribunal la réduction à 1 000 F de sa part contributive qui devra être indexée sur l'indice INSEE des prix à la consommation des ménages urbains ;

Qu'il convient dès lors, au vu de l'accord des parties à cet égard, de confier la garde du mineur A. à sa mère avec le plus large droit de visite au père, d'autant que cette mesure d'ores et déjà ordonnée à titre provisoire par l'Ordonnance du 15 septembre 1989, apparaît conforme à l'intérêt de l'enfant ;

Attendu qu'il résulte des éléments de fait communiqués par les parties, que celles-ci disposent chacune d'un salaire mensuel sensiblement égal d'environ 9 000 F ;

Que B. est propriétaire d'un appartement en Principauté de Monaco et est logée dans un appartement propriété de sa grand-mère alors que R. expose avoir fait l'acquisition d'un bien immobilier qu'il occupe actuellement à Monaco, au moyen d'un crédit hypothécaire d'une durée de 15 ans mettant à sa charge des remboursements mensuels de 6 081,06 F ; que, si l'importance de ces versements par rapport à son salaire laisse à penser que R. bénéficie de revenus complémentaires pour assurer ses besoins personnels, il apparaît néanmoins équitable de fixer à 1 500 F la part contributive qui devra être supportée par le père pour l'entretien et l'éducation du mineur A., laquelle sera indexée sur l'indice INSEE des prix à la consommation des ménages urbains ;

Attendu que les parties entendent se référer à la loi française pour ce qui est des dispositions relatives à la prestation compensatoire sollicitée par B. à l'encontre de son mari pour un montant de 2 000 F ; que les règles de droit international privé monégasque peuvent trouver à s'applique lorsque les parties le demandent et conduire en conséquence à faire régir par leur loi nationale le divorce d'époux de nationalité française ;

Attendu que la prestation compensatoire dont l'application est demandée au Tribunal par B. prévoit, telle qu'elle est instituée par la loi française, que lorsque le divorce met fin au devoir de secours prévu par l'article 212 du Code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;

Attendu qu'au regard des besoins et ressources de chacun des époux, examinés plus haut il n'apparaît pas que la rupture du lien conjugal soit de nature à créer une disparité dans la situation personnelle et financière de B. ;

Qu'il y a lieu de débouter cette dernière de sa demande de prestation compensatoire ;

Attendu enfin que B. sollicite du Tribunal la réparation du préjudice moral par elle subi du fait du comportement vexatoire de son époux, contre lequel elle réclame une somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Attendu cependant que dans cette matière spécifique du divorce, seul peut être réparé le préjudice que la dissolution du mariage a causé à l'époux qui a obtenu le divorce ; qu'en l'espèce, les conditions de la rupture après seulement 4 années de vie commune ne permettent pas de déterminer l'existence du préjudice moral allégué par la demanderesse, laquelle n'évoque que des préjudices éventuellement nés durant le mariage et non consécutifs à la dissolution de celui-ci ;

Qu'il convient dès lors de débouter B. de sa demande en dommages-intérêts ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement ;

Prononce le divorce des époux R.-B. aux torts exclusifs de R. avec toutes conséquences de droit ;

Fixe au 28 juillet 1989 les effets de la résidence séparée des époux ;

Confie à B. la garde de l'enfant commun A. et réserve à R. le plus large droit de visite, lequel en cas de désaccord des parties s'exercera de la manière suivante :

* une fin de semaine sur deux du vendredi 19 heures au dimanche 19 heures ;

* la première moitié de toutes les vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires ;

Condamne R. à payer à B. à son domicile, le premier de chaque mois et d'avance la somme de 1 500 F à titre de part contributive à l'entretien et l'éducation du mineur A. ;

Dit que cette pension sera révisée annuellement en fonction des variations de l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains (série France entière) publié par l'INSEE et pour la première fois le 1er janvier 1992, le cours de l'indice au mois du présent jugement étant pris pour base ;

Déboute B. de ses demandes de prestation compensatoire et de dommages-intérêts ;

Ordonne la liquidation du régime matrimonial ayant pu exister entre les époux ;

Commet Maître J.C. Rey, notaire, pour y procéder et Mademoiselle Isabelle Berro, juge suppléant, pour en suivre les opérations et faire rapport en cas de difficultés ;

Dit qu'en cas d'empêchement du notaire ou du magistrat ainsi commis, il sera procédé à son remplacement par simple Ordonnance ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MMes Blot, Brugnetti, av. déf ; ; Escaut, av. ; Toquet et Cohen, av. au Barreau de Nice.

Note

Cette décision est à rapprocher de l'arrêt de la Cour d'appel du 3 janvier 1986 publié au Recueil des décisions.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26076
Date de la décision : 25/04/1991

Analyses

Loi et actes administratifs unilatéraux ; Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps


Parties
Demandeurs : B.
Défendeurs : R.

Références :

Ordonnance du 15 septembre 1989
article 212 du Code civil
article 197-1° du Code civil
article 197 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1991-04-25;26076 ?

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