La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/1991 | MONACO | N°26074

Monaco | Tribunal de première instance, 18 avril 1991, N. c/ Centre Hospitalier Princesse Grace


Abstract

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité médicale

Centre Hospitalier : Établissement public - Application des règles de droit public

Préjudice

Exclusion de la responsabilité médicale laquelle est appréciée selon sa gravité - Recherche seulement de la faute simple de service - Acte de soins, constitutif dans son exécution d'une faute de service - Réparation des dommages : pretium doloris, préjudice d'agrément, préjudice esthétique, préjudice moral

Résumé

La responsabilité d'un centre hospitalier, créé sous

forme d'établissement public par la loi n° 127 du 15 janvier 1930, régi par les dispositions de la loi n°...

Abstract

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité médicale

Centre Hospitalier : Établissement public - Application des règles de droit public

Préjudice

Exclusion de la responsabilité médicale laquelle est appréciée selon sa gravité - Recherche seulement de la faute simple de service - Acte de soins, constitutif dans son exécution d'une faute de service - Réparation des dommages : pretium doloris, préjudice d'agrément, préjudice esthétique, préjudice moral

Résumé

La responsabilité d'un centre hospitalier, créé sous forme d'établissement public par la loi n° 127 du 15 janvier 1930, régi par les dispositions de la loi n° 918 du 27 décembre 1971 sur les établissements publics, relève de la compétence du Tribunal de première instance, qui applique les règles du droit administratif étant au demeurant précisé, que la victime était lors des faits de l'espèce, soignée en régime hôpital et non en régime clinique ouverte.

Il est, dès lors, sans intérêt, de rechercher comme le soutient le demandeur, si une obligation de moyens ou de résultat, ressortant des principes du droit privé de la responsabilité civile, incombait au Centre Hospitalier, lequel, en sa qualité d'établissement public, ne saurait être tenu que d'une faute de service, dont le degré de gravité requis est apprécié différemment en matière de responsabilité médicale, selon la nature du fait dommageable ; à cet égard, en effet, la preuve d'une faute lourde doit être exigée lorsque le dommage résulte d'un acte médical ou chirurgical, au sens strict, alors qu'une faute simple suffit quand il s'agit d'actes de soins ou du fonctionnement du service, par référence aux notions de surveillance des malades et d'application matérielles des traitements.

Une telle distinction se justifie, par le fait que, si la notion de « risque nécessaire » reste inhérente à tout acte médical strict, il n'en demeure pas moins que le patient, et en l'occurrence l'administré, est en droit d'attendre une exécution purement technique de l'acte de soins proprement dit, qui ne présente aucun défaut et garantisse son intégrité physique. Il en est notamment ainsi lorsque le traitement nécessite l'emploi de certains appareils simples et usuels, sans qu'aucune part d'aléa n'apparaisse alors admissible, et ce, que l'utilisateur soit un membre du personnel infirmier ou du personnel médical de l'établissement, étant à cet égard rappelé que la faute de service demeure essentiellement objective et anonyme.

Étant constant que le patient hospitalier a été victime d'un dommage corporel consécutif à la diffusion, hors de la veine, dans le tissu musculaire environnant, du liquide injecté par perfusion, en raison du déplacement du cathéter intra-veineux, que les diligences du personnel de service auraient dû permettre de déceler, il apparaît que la faute simple commise par les agents de l'établissement hospitalier, à l'occasion de l'exécution d'un acte de soin courant, jointe à une défaillance dans la mission générale de surveillance et de contrôle des patients placés sous sa responsabilité, caractérisent la faute de service imputable au centre hospitalier.

Les souffrances éprouvées, à la suite de seize interventions chirurgicales aux fins de réaliser une greffe cutanée au niveau de la nécrose de la face antérieure de la jambe et de la face dorsale du pied, suivies de multiples séances d'oxygéno-thérapie et de rééducation ainsi, que les vives douleurs ressenties à la pose au sol du pied droit, justifient l'existence d'un pretium doloris assez important.

Le fait par la victime âgée de deux ans et 9 mois de boiter, de ne plus pouvoir marcher pieds nus, de souffrir d'une rétractation des orteils et de se trouver ainsi empêchée de participer pleinement aux activités et jeux des enfants de son âge, est de nature à instituer un préjudice d'agrément.

Eu égard au caractère disgracieux et à la multiplicité des cicatrices importantes que présente la victime, il en découle pour celle-ci un préjudice esthétique dont le montant de la réparation actuelle est déterminé sous réserve, dont il est donné acte, au père de la victime de solliciter éventuellement un complément d'indemnité, une fois la croissance de l'enfant achevée.

Les parents sont fondés à invoquer un préjudice moral en raison de la gravité de l'état de santé de leur fillette qui a provoqué leur angoisse pendant toute la durée de son hospitalisation et avec une acuité encore accrue lors de chacune de seize interventions chirurgicales effectuées.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu qu'il est constant que la jeune Z. N. a été admise le 5 septembre 1987 au Centre hospitalier Princesse Grace (CHPG), où divers soins lui ont été prodigués ; qu'au cours de ces soins, ayant notamment consisté en une perfusion elle devait toutefois souffrir d'un œdème de la cuisse lui ayant laissé des séquelles ; que, pour apprécier l'étendue de celles-ci, le docteur Philippe Gross a été judiciairement commis en référé à la demande de H. N., père de l'enfant ; que ce praticien a déposé le 13 février 1989 un rapport d'expertise ;

Attendu que, suivant l'exploit susvisé, H. N. a assigné le CHPG aux fins de s'entendre celui-ci homologuer ce rapport, déclarer responsable des conséquences dommageables occasionnées à la mineure Z. N. et condamner à réparer l'entier préjudice qui en serait résulté pour cette enfant soit :

* 15 00 F du chef de l'ITT ;

* 80 000 F du chef du pretium doloris ;

* 300 000 F au titre de l'IPP ;

* 150 000 F pour le préjudice d'agrément ;

* 100 000 F pour le préjudice esthétique ;

Que, par ailleurs, H. N. sollicite la réparation du préjudice patrimonial directement subi par lui-même comme par son épouse du fait de l'accident et requiert à ce titre une indemnisation de 16 080,55 F à laquelle il ajoute une demande en réparation du préjudice moral qu'il chiffre à 25 000 F ; Qu'enfin, H. N. qui précise que lesdites sommes devront produire intérêts de retard à compter du jour de l'assignation, requiert l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu que le CHPG qui estime pour sa part qu'aucune faute n'a été retenue à l'encontre du personnel de l'hôpital conclut à l'absence de responsabilité de ce dernier et s'oppose formellement à l'homologation du rapport de l'expert Gross ; Qu'il entend dès lors voir débouter H. N. - agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de tuteur et représentant légal de sa fille mineure Z. - des fins de son exploit introductif d'instance ; Que subsidiairement, et au cas où sa responsabilité serait admise, le CHPG soutient que seule une provision pourrait être allouée à la victime ; Qu'il fait à cet égard valoir le caractère définitif des conclusions de l'expert en raison du très jeune âge de l'enfant et estime qu'une provision de 50 000 F devrait être satisfactoire ;

Attendu qu'H. N. qui s'oppose à une telle proposition expose que tout établissement hospitalier est tenu à une obligation de résultat en ce qui concerne certains actes médicaux simples, comme le sont les perfusions et qu'il appartenait en l'espèce au CHPG de prendre toutes précautions utiles pour que le cathéter intra-veineux servant à la perfusion pratiquée, ne se déplace pas durant la nuit et occasionne, ce faisant, un écoulement dans les tissus et muscles voisins du liquide injecté ; Qu'en l'occurrence, la pose d'un bandage de grande taille enserrant toute la jambe de la fillette et le défaut flagrant de surveillance imputable au personnel caractériseraient selon le demandeur la faute à l'origine exclusive du dommage subi par l'enfant ; Que, reprenant le bénéfice de son exploit introductif d'instance, H. N. sollicite qu'il lui soit donné acte de ses réserves de demander ultérieurement le paiement de compléments d'indemnités tant en ce qui concerne le préjudice corporel de sa fille que les frais supplémentaires qu'il devrait éventuellement acquitter dans le cas d'aggravation de son état de santé ;

Attendu que le CHPG réplique pour sa part que la pose d'un grand bandage et d'une attelle ont été nécessités par le jeune âge de la victime et son état d'agitation extrême et que les feuilles de surveillance démontrent à suffisance que des contrôles réguliers ont été effectués tout au long de la nuit ; Que de la sorte, la responsabilité du CHPG n'aurait pas lieu d'être engagée, H. N. devant être débouté des fins de sa demande ;

SUR CE,

Attendu qu'il convient en premier lieu d'observer que, créé sous forme d'établissement public par la loi n° 127 du 15 janvier 1930, le CHPG est régi par les dispositions de la loi n° 918 du 27 décembre 1971 sur les établissements publics ; Que le présent litige relatif à la responsabilité de cet établissement relève bien de la compétence du Tribunal de Première Instance appliquant les règles du droit administratif, étant au demeurant précisé que la jeune victime, Z. N., était lors des faits de l'espèce soignée en régime hôpital et non en régime de clinique ouverte ;

Attendu qu'il est dès lors sans intérêt de rechercher comme le soutient le demandeur si une obligation de moyens ou de résultat, ressortant des principes du droit privé de la responsabilité civile, incombait au CHPG, lequel, en sa qualité d'établissement public ne saurait être tenu que d'une faute de service, dont le degré de gravité requis est apprécié différemment en matière de responsabilité médicale, selon la nature du fait dommageable ; Qu'à cet égard, en effet, la preuve d'une faute lourde doit être exigée lorsque le dommage résulte d'un acte médical ou chirurgical au sens strict, alors qu'une faute simple suffit quand il s'agit d'actes de soins ou du fonctionnement du service, par référence aux notions de surveillance des malades et d'application matérielle des traitements ;

Attendu qu'une telle distinction se justifie par le fait que si la notion de « risque nécessaire » reste inhérente à tout acte médical strict, il n'en demeure pas moins que le patient, et en l'occurrence l'administré, est en droit d'attendre une exécution purement technique de l'acte de soins proprement dit qui ne présente aucun défaut et garantisse son intégrité physique ;

Qu'il en est notamment ainsi lorsque le traitement nécessite l'emploi de certains appareils simples et usuels sans qu'aucune part d'aléa n'apparaisse alors admissible, et ce, que l'utilisateur soit un membre du personnel infirmier ou du personnel médical de l'établissement, étant à cet égard rappelé que la faute de service demeure essentiellement objective et anonyme ;

Attendu qu'en l'état des principes sus-énoncés et du rapport de l'expert médical, il y a lieu de déterminer si la responsabilité du CHPG doit ou non être engagée, et dans l'affirmative, quelle est l'étendue du préjudice subi ;

1 - Sur la responsabilité du CHPG

Attendu que le docteur Philippe Gross rappelle dans son rapport du 13 février 1987 que la jeune Z. N. alors âgée de 17 mois était transportée le 5 septembre 1987 de l'hôpital de Menton au CHPG de Monaco à l'effet d'y subir un lavage d'estomac en suite de l'absorption massive de cachets de « Temesta » ; Qu'aussitôt admise dans cet établissement à 20 h 40, la jeune enfant était d'abord confiée à l'interne de garde en pédiatrie qui faisait immédiatement procéder au lavage gastrique et appelait l'interne en service de réanimation pour effectuer une perfusion par voie veineuse sur le dos du pied droit, laquelle était réalisée au moyen d'un cathlon « bleu » - soit cathéter de fin calibre - relié à une pompe automatique à alarme de pression devant retentir au moindre problème d'écoulement du liquide de perfusion ; que l'ensemble du cathéter veineux était alors maintenu au moyen d'une attelle postérieure rigide et d'un bandage recouvrant les orteils et allant jusqu'à mi-cuisse, ce mode de fixation posant un problème de contrôle à l'infirmière de garde qui en faisait l'observation dans son rapport du 9 septembre 1987 ; que la feuille de surveillance établissait enfin que la jeune Z. s'était calmée puis endormie vers 0 heures et que les « contrôles » effectués à 2 h, 3 h et 5 H n'avaient révélé aucune anomalie, jusqu'à ce que retentisse la sonnerie d'alarme de la perfusion à 5 h 45 ; que c'est alors que la fillette était découverte avec un œdème très important de la cuisse, le pied présentant plusieurs phlyctènes et l'extrémité des orteils étant cyanosée ;

Attendu, quant à l'origine de ce dommage, que l'expert Philippe Gross observe : « la nécrose cutanée et le tableau d'ischémie de la jambe droite apparaît bien secondaire au passage dans les espaces sous-cutanés du pied et de la jambe de liquide hypertonique de perfusion (sérum glucosé à 10 %) délivré par une pompe de perfusion programmable au débit de 68 ml/heures entre 22 heures et 5 heures 45 du matin... », et, quant à la quantité de liquide diffusé en extra-vasculaire, qu'elle a dû être « assez importante » pour entraîner l'œdème ayant atteint la partie moyenne de la cuisse, ce qui avait fait dire au chirurgien que le « membre avait doublé de volume » ;

Qu'au vu de ces observations, le docteur Gross conclut que les séquelles actuelles s'avèrent bien imputables au CHPG, ce que ne dément pas le docteur L. P. médecin-conseil de l'assureur du CHPG dans sa note technique du 29 novembre 1989, où il confirme tant la cause du dommage que le lieu de sa réalisation ;

Attendu que le lien de causalité entre le préjudice corporel de la jeune Z. et l'administration de la perfusion intra-veineuse réalisée au CHPG étant dès lors établi, il y a lieu de déterminer si la responsabilité de cet établissement public peut être engagée sur la base d'une faute simple de service, et ce, dès lors qu'une perfusion revêt le caractère d'un acte de soins ;

Qu'il est à cet égard constant que si la pose du cathéter avait bien été effectuée à l'intérieur de la veine, ainsi que le confirment les premiers rapports réalisés par l'interne, il s'évince néanmoins de l'analyse de l'expert judiciaire que l'ampleur de l'œdème ne peut être résultée que d'une importante diffusion de liquide hors de la veine, remontant donc aux premières heures de la nuit, soit à une époque voisine de la mise en place de ce dispositif ; Que de surcroît, outre la faillibilité avérée de ce mode de fixation de la perfusion par cathlon, son maintien en place au moyen d'un bandage de grande taille recouvrant la jambe de la fillette ne devait pas permettre au personnel de garde de déceler quelque anomalie que ce soit lors de ses visites dans la chambre, mais aurait dû le conduire à procéder à des vérifications régulières approfondies quant à la bonne tenue du cathéter sous la bande et à l'absence de dérive, et ce, étant précisément rappelé que l'infirmière de service avait manifestement conscience des risques encourus du fait de ce dispositif qu'elle avait signalé dans son rapport du 9 septembre 1987 ;

Qu'en tout état de cause, cette carence ressortant du mauvais fonctionnement du service a occasionné le dommage, dont les conséquences auraient pu être moindres si la diffusion du liquide de perfusion dans les espaces sous-cutanés avait pu être interrompue plus tôt grâce aux diligences du personnel ;

Attendu en définitive, que la faute simple commise par ses agents lors de l'exclusion d'un acte de soin courant, jointe à une défaillance dans la mission générale de surveillance et de contrôle des patients placés sous sa responsabilité caractérisent la faute de service imputable au CHPG, dont celui-ci doit désormais répondre ;

Attendu qu'il y a dès lors lieu d'examiner le préjudice qui a pu directement résulter de ladite faute de service, tant pour la jeune victime que pour ses parents ;

2 - Sur la réparation du dommage

A. - PRÉJUDICE PERSONNELLEMENT SUBI PAR L'ENFANT

1° Sur l'ITT

Attendu que l'expert Gross indique que la jeune Z. a subi une incapacité temporaire de 88 jours, suivie d'une ITP de 30 jours ; Que durant le temps de cette incapacité, la fillette âgée de dix-sept mois dût rester immobilisée à l'hôpital d'abord puis à son domicile, sans pouvoir s'adonner aux jeux et activités de son âge, ce qui a de toute évidence occasionné un sérieux préjudice à l'enfant et justifie l'octroi d'une indemnité chiffrée à 15 000 F ;

2° Sur l'IPP

Attendu qu'aux termes de son examen, l'expert Gross révèle la persistance d'importantes cicatrices sur la presque totalité de la cuisse, de la jambe et du pied droit, outre la présence d'une légère boiterie à droite due à un raccourcissement de la jambe ; Qu'il note également l'absence de tout réflexe achiléen et de tout pouls pédieux, un pouls tibial postérieur extrêmement faible, une amyotrophie importante au niveau du tiers moyen de la jambe droite, une position en talus modérée de l'avant-pied avec éversion de celui-ci, un valgus de l'arrière-pied en appui, avec perte de l'extension active des orteils ;

Que ledit praticien qui observe que l'invalidité ne serait pas inférieure à 15 % relève néanmoins le caractère très provisoire d'une telle évaluation, susceptible de se modifier avec la croissance de l'enfant et les nouvelles interventions chirurgicales qui seraient vraisemblablement opérées ;

Qu'il s'ensuit eu égard au nombre et à l'importance des séquelles subies, comme au très jeune âge de la victime qu'il y a lieu de chiffrer à 120 000 F l'évaluation du préjudice résultant de l'IPP et de donner acte au demandeur de ses réserves de formuler ultérieurement une nouvelle demande de ce chef, si l'état de santé de la jeune Z. s'aggravait dans l'intervalle ;

3° Sur le « pretium doloris »

Attendu que l'expert le qualifie « d'assez important », tout en constatant que la jeune Z. fut hospitalisée à plusieurs reprises et dut souffrir seize interventions chirurgicales sous anesthésie générale à l'effet de subir notamment une greffe cutanée au niveau de la nécrose présente à la face antérieure de la jambe et de la face dorsale du pied ; Que l'enfant suivit en outre de multiples séances d'oxygéno-thérapie, des séances de rééducation et éprouve toujours de vives douleurs à 1 pose au sol du pied droit ; Qu'eu égard à de telles souffrances il y a lieu de chiffrer à 80 000 F la réparation de ce chef de préjudice ;

4° Sur le préjudice d'agrément

Attendu que le docteur Gross relève les difficultés d'évaluation du préjudice d'agrément en raison du très jeune âge de l'enfant ; Qu'il est toutefois d'ores et déjà établi que cette fillette âgée de 2 ans et 9 mois lors de son examen, boîte du côté droit, ne peut plus marcher pieds nus et souffre d'une rétractation des orteils, toutes séquelles l'empêchant de participer pleinement aux activités et jeux des enfants de son âge ; Qu'il apparaît en l'état équitable d'allouer d'ores et déjà à l'enfant une réparation de 100 000 F et de donner acte au demandeur de ses réserves de formuler ultérieurement une demande complémentaire en cas d'aggravation de ce chef de dommage ;

5° Sur le préjudice esthétique

Attendu que si ce préjudice n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation précise de l'expert, qui observe que l'éventualité de nouvelles interventions chirurgicales comme les problèmes liés à la croissance seront susceptibles d'influer sur l'aspect de la jambe, il ressort néanmoins déjà des constatations effectuées en page 12 de son rapport que la jeune Z. présente une rétractation des téguments de la face supérieure du pied au niveau de la prise de greffe, des cicatrices de prélèvement cutané à la cuisse de 7 x 7 cm, une grande cicatrice de 20 cm de long sur la jambe droite, outre une zone cicatricielle de 4 x 4 cm de surface, déprimée et adhérent aux plans sous-jacents, sur la face dorsale du pied, une cicatrice d'aspect gaufré et zone cicatricielle rétractée de 7 cm de long sur 6 cm de large jusqu'au cou de pied, et enfin, à la face postéro-interne de la jambe, une cicatrice sus et sous-malléolaire de 6 cm par 2 cm ;

Attendu qu'eu égard au caractère disgracieux et à la multiplicité de telles cicatrices, il apparaît équitable d'évaluer le préjudice qui en découle déjà pour la jeune Z. à la somme de 85 000 F tout en donnant également acte à son père H. N. de ses plus expresses réserves de solliciter éventuellement un complément d'indemnité une fois la croissance de l'enfant achevée ;

B. - PRÉJUDICE PÉCUNIAIRE SUBI PAR LE PÈRE DE LA VICTIME

1° Le préjudice patrimonial

Attendu en premier lieu que le père de la victime indique que durant les dix jours qu'a duré l'hospitalisation de sa fille à l'hôpital Lenval, il resta en permanence à son chevet et subit un manque à gagner équivalent au salaire de 10 journées de travail ;

Que le demandeur ne produisant cependant aucune pièce à l'appui de ses prétentions tant en ce qui concerne sa rémunération habituelle que s'agissant de la réalité de son interruption de travail, il y a lieu de le débouter de ce chef de demande ;

Attendu par ailleurs qu'H. N. expose qu'il dut acquitter certains frais d'hospitalisation et de transport en ambulance à Nice, outre le montant de séances de rééducation réglées à un kinésithérapeute N. et les frais de trajet quotidien de Monaco à Nice durant l'hospitalisation de la jeune Z. ; Que les pièces justificatives produites par le père de la victime attestent du bien fondé de ses prétentions et commandent qu'il soit fait droit à sa demande de réparation arrondie à 13 080 F dont le défendeur n'a au demeurant pas contesté le quantum ;

2° Sur le préjudice moral

Attendu qu'il est incontestable que du fait de la gravité de l'état de santé de leur fillette, H. N. et son épouse sont demeurés très angoissés pendant toute la durée de son hospitalisation et avec une acuité encore accrue lors de chacune des seize interventions chirurgicales effectuées ;

Qu'eu égard à ces circonstances et à l'inquiétude encore actuellement éprouvée par le demandeur, il apparaît équitable d'évaluer le préjudice moral consécutif à la faute du CHPG à la somme de 25 000 F ;

Attendu, s'agissant enfin de la demande d'exécution provisoire du présent jugement, qu'eu égard à l'urgence s'attachant à l'indemnisation d'un préjudice grave et certain, sans laquelle les intérêts légitimes de la victime seraient en péril, il apparaît opportun d'y faire droit à concurrence de la somme de 300 000 F ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

statuant contradictoirement ;

Ayant tels égards que de droit pour le rapport d'expertise établi le 13 février 1989 par le docteur Gross ;

Déclare le CHPG responsable des conséquences dommageables de la perfusion intra-veineuse réalisée le 5 septembre 1987 sur la jeune Z. N. ;

Condamne le CHPG à payer à H. N. :

1° en qualité de représentant légal de sa fille mineure, la somme de 400 000 F en réparation du préjudice subi par celle-ci sur le plan corporel ;

2° la somme de 13 080 F au titre du préjudice patrimonial dont il a personnellement souffert à la suite de l'accident de sa fille et celle de 25 000 F en réparation de son préjudice moral ;

Soit une somme globale de 438 080 F avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Donne acte à H. N. de ses réserves de solliciter ultérieurement un complément d'indemnité en ce qui concerne l'IPP et les préjudices esthétiques et d'agrément subis par sa fille ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence de la somme de 300 000 F ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Clerissi et Sanita, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26074
Date de la décision : 18/04/1991

Analyses

Responsabilité (Public) ; Professions et actes médicaux


Parties
Demandeurs : N.
Défendeurs : Centre Hospitalier Princesse Grace

Références :

loi n° 127 du 15 janvier 1930
loi n° 918 du 27 décembre 1971


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1991-04-18;26074 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award