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11/04/1991 | MONACO | N°26066

Monaco | Tribunal de première instance, 11 avril 1991, SCI Arjopat c/ SAM d'exploitation du Pari Mutuel Urbain.


Abstract

Baux commerciaux

Destination des lieux loués - Activité commerciale envisagée par les parties - Obligation d'utiliser les lieux loués conformément à leur destination - Défaut d'exploitation - Résiliation du bail (oui)

Résumé

Il appartient, en droit commun, au preneur d'user de la chose louée, suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.

Dans le cas d'espèce, bien que les parties n'aient point convenu expressément d'une destination particulière, la nature de l'objet social de la société locataire, laquelle était concess

ionnaire de l'exploitation des jeux de PMU et de loto, et la connaissance préalable de cette acti...

Abstract

Baux commerciaux

Destination des lieux loués - Activité commerciale envisagée par les parties - Obligation d'utiliser les lieux loués conformément à leur destination - Défaut d'exploitation - Résiliation du bail (oui)

Résumé

Il appartient, en droit commun, au preneur d'user de la chose louée, suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.

Dans le cas d'espèce, bien que les parties n'aient point convenu expressément d'une destination particulière, la nature de l'objet social de la société locataire, laquelle était concessionnaire de l'exploitation des jeux de PMU et de loto, et la connaissance préalable de cette activité par le bailleur, laissent présumer la destination des locaux loués, au sens de l'article 1568-19 du Code civil, et en tout état de cause de leur utilisation pour une activité commerciale.

En cessant toute activité dans les lieux, depuis plus de trois ans, la société locataire a méconnu, notamment par défaut d'usage, les obligations imposées par les articles 1568 et 1569 du Code civil, ce dernier texte donnant la possibilité au bailleur suivant les circonstances de faire résilier le bail.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que par acte sous seing privé du 27 septembre 1975 et avenant du 30 septembre 1976 - la copie versée aux débats laisse présumer qu'il n'a pas été enregistré et qu'il devra donc être soumis à cette formalité s'il ne l'a déjà été - la société civile dénommée Arjopat a donné à bail à la SAM dénommée Société d'exploitation du pari mutuel urbain (SEPMU) pour une période de trois, six, neuf années, renouvelable, un certain nombre de locaux, avec possibilité pour la SEPMU d'y exploiter toute activité commerciale et « bénéfice » de la protection des lois sur les locations commerciales ;

Attendu que, réunis en assemblée générale extraordinaire, le 13 novembre 1987, les actionnaires de la SEPMU, prenant acte de la décision du Gouvernement Princier de ne pas renouveler la concession d'exploitation du jeu du pari mutuel urbain antérieurement consentie à la société, ont observé que cette décision interdisait l'exercice de l'objet social et contraignait la SEPMU à une « cessation totale de (ses) opérations » ; qu'ils ont donc décidé à l'unanimité la dissolution anticipée de la société à compter du 13 novembre 1987, et ont nommé comme liquidateur S. A., en lui donnant généralement pour mission « de terminer au mieux les opérations de liquidation » ;

Attendu que par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 août 1989, la SCI Arjopat, rappelant à la SEPMU qu'elle exploitait exclusivement dans les locaux, conformément à son objet social, la concession en Principauté du PMU et du loto, mais qu'à défaut d'autorisation administrative, aucune activité n'était plus exercée depuis deux années au moins, a notifié à sa locataire qu'elle considérait le bail comme résilié de plein droit, en lui demandant de libérer les lieux ;

Qu'en réponse, le liquidateur de la SEPMU s'est opposé à cette libération en estimant que le bail, partie de l'actif de la société, n'était pas résilié de plein droit ;

Attendu que, par l'exploit susvisé, la SCI Arjopat, qui se prévaut d'une occupation des lieux par la SEPMU non conforme à la destination conventionnelle, en invoquant tant l'article 1569 du Code civil que la loi n° 490 du 24 novembre 1948, a fait assigner cette société devant le Tribunal pour que soit prononcée la résiliation du bail commercial du 29 septembre 1975, et ordonnée l'expulsion de la SEPMU sous astreinte, en sollicitant en outre le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu qu'en réponse, la SEPMU, représentée par sa liquidatrice, qui indique se trouver dans l'impossibilité matérielle et juridique de céder son bail compte tenu de la spécificité de son activité passée, mais considère que son fonds de commerce constituait un élément de l'actif social, demande au Tribunal de lui donner acte de ce que la mission du liquidateur consiste à « réaliser dans les meilleures conditions possibles la dissolution de la SEPMU » et déclare s'en rapporter à justice sur le mérite de l'action introduite par la société demanderesse ;

Sur quoi,

Attendu que la demande dont le Tribunal est saisi, tendant à obtenir la résiliation du bail, doit être distinguée de l'hypothèse d'un refus de renouvellement prévue ou organisée par les articles 9 et suivants de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, sur les loyers commerciaux, laquelle apparaît exclue en la cause ;

Attendu, en droit commun, qu'il appartient au preneur d'user de la chose loué suivant la destination qui lui a été donnée par le bail ; que dans le cas d'espèce, les parties n'ont pas convenu expressément d'une destination particulière ; que cependant, la nature de l'objet social de la SEPMU, concessionnaire de l'exploitation des jeux de PMU et de loto, et la connaissance préalable de cette activité par la SCI Arjopat, laissaient présumer la destination des locaux loués, au sens de l'article 1568, 1° du Code civil ; qu'en tout état de cause, les locaux devaient être utilisés pour une activité commerciale, ainsi que les parties l'ont convenu ;

Attendu, en conséquence, qu'en cessant toute activité dans les lieux à compter de novembre 1987, la SEPMU a méconnu, notamment par défaut d'usage, les articles 1568 et 1569 du Code civil ; que ce dernier texte ouvre, dès lors, au bailleur la possibilité, suivant les circonstances, de faire résilier le bail ;

Attendu qu'en l'espèce, le défaut d'exploitation de toute activité commerciale dans les lieux depuis de trois ans est incontestablement de nature à occasionner un préjudice au bailleur, dès lors que la valeur des locaux, et les revenus qui peuvent en être tirés, subissent une minoration ; qu'il est, dès lors, légitime de permettre à la société Arjopat d'obtenir la résiliation du bail qu'elle a consenti à la SEPMU ;

Attendu que la libération des lieux doit, en conséquence, être ordonnée dans les formes précisées au dispositif du présent jugement ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de donner à la SEPMU l'acte qu'elle sollicite ; que si son rapport à justice équivaut à une contestation de la demande, cette contestation ne se trouve en l'espèce étayée par aucun élément qui permettrait de faire échec à ladite demande ;

Attendu que l'urgence qui s'attache, pour la demanderesse, à recouvrer la disponibilité des locaux dans lesquels n'est plus exercée d'exploitation depuis de longues années justifie que le présent jugement soit assorti de l'exécution provisoire ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS ;

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement ;

Prononce la résiliation du bail commercial consenti, selon acte du 27 septembre 1975 et avenant du 30 septembre 1976, par la société civile immobilière Arjopat, à la société anonyme monégasque d'Exploitation du pari mutuel urbain (SEPMU) sur des locaux dépendants de l'immeuble, tels que ces locaux sont désignés audit acte ;

Dit en conséquence de la défenderesse devra libérer les lieux dans un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement et qu'à défaut, elle sera tenue au paiement d'une astreinte provisoire de 1 000 F par jour de retard, pendant un délai de deux mois passé lequel il serait à nouveau fait droit ;

Ordonne en tant que de besoin l'expulsion de la société anonyme monégasque d'Exploitation du pari mutuel urbain (SEPMU) de corps et de biens, ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Sbarrato et Lorenzi, av. déf.

Note

Selon le droit commun du contrat de louage, le preneur doit en principe utiliser effectivement le bien loué, et le défaut d'occupation des lieux ou d'exploitation normale de la chose louée peut même, en l'absence d'une clause spéciale du bail, justifier la résiliation de celui-ci.

Il convient de se reporter à l'étude contenue dans le JCI. Bail à loyer, fascicule 232, page 5. « Ainsi l'obligation incombant au preneur d'après l'article 1728 du Code civil d'user de la chose en bon père de famille et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, impliquant celle d'entretenir les lieux et d'y exploiter jusqu'à la fin du bail le commerce prévu par celui-ci, la Cour d'appel a pu, même en l'absence d'une clause spéciale du contrat à cet égard, estimer que l'abandon constaté par la société locataire des lieux et du commerce, prévu par le bail, constituait une violation des obligations mises à la charge du preneur par le texte ci-dessus, et justifiait en conséquence, suivant une appréciation souveraine, la résiliation du bail (Cass. corn., 29 mars 1960) ».

L'article 1568 du Code civil monégasque est identique à l'article 1728 du Code civil français.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26066
Date de la décision : 11/04/1991

Analyses

Baux commerciaux


Parties
Demandeurs : SCI Arjopat
Défendeurs : SAM d'exploitation du Pari Mutuel Urbain.

Références :

article 1728 du Code civil
article 1569 du Code civil
article 1568, 1° du Code civil
article 1568-19 du Code civil
articles 1568 et 1569 du Code civil
article 1568 du Code civil
loi n° 490 du 24 novembre 1948


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1991-04-11;26066 ?

Source

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