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21/06/1990 | MONACO | N°25611

Monaco | Tribunal de première instance, 21 juin 1990, Compagnie U.A.P. c/ demoiselle G. et L.


Abstract

Action civile

Action indemnitaire exercée par l'assureur de l'État contre le responsable d'un accident causé à un préposé de l'État - Action subrogatoire prohibée - Absence de lien causal entre le préjudice invoqué et l'accident

Conclusions

L'effet du « s'en rapporter à justice »

Résumé

L'assureur privé de l'État, employeur de la victime d'un accident, qui a versé à celle-ci des prestations et une rente viagère, en vertu d'un contrat du 3 octobre 1952 le liant à l'État, n'est pas fondé à se retourner contre l'auteur r

esponsable de l'accident en invoquant un préjudice que celui-ci lui aurait directement causé.

L'action intro...

Abstract

Action civile

Action indemnitaire exercée par l'assureur de l'État contre le responsable d'un accident causé à un préposé de l'État - Action subrogatoire prohibée - Absence de lien causal entre le préjudice invoqué et l'accident

Conclusions

L'effet du « s'en rapporter à justice »

Résumé

L'assureur privé de l'État, employeur de la victime d'un accident, qui a versé à celle-ci des prestations et une rente viagère, en vertu d'un contrat du 3 octobre 1952 le liant à l'État, n'est pas fondé à se retourner contre l'auteur responsable de l'accident en invoquant un préjudice que celui-ci lui aurait directement causé.

L'action introduite par l'assureur à l'encontre de l'auteur responsable ne peut être qualifiée de recours subrogatoire, dès lors que la loi française du 13 juillet 1930, régissant, aux termes des accords passés, entre les parties, le contrat d'assurance de personnes conclu le 3 octobre 1952 entre l'U.A.P. et l'État prohibe la subrogation de l'assureur dans les droits du bénéficiaire contre les tiers en son article 55 devenu - L. 131-2 du Code des assurances français, alors que par ailleurs les conditions d'une subrogation légale ne sont pas réunies.

Aussi l'action de l'assureur ne peut s'analyser ainsi que le demandeur le soutient, qu'en une action en responsabilité du fait personnel, fondée sur la faute judiciairement consacrée de l'auteur.

Cependant à supposer démontré l'intérêt pour agir à l'encontre de l'auteur, il n'existe en la cause aucune relation de cause à effet entre le fait fautif constitué par l'accident et le préjudice allégué, lequel trouve en réalité sa source dans la mise en œuvre du contrat, dont les stipulations ne sont pas opposables aux tiers et ne sauraient engendrer d'obligations à leur détriment.

La formulation de la partie défenderesse, déclarant dans ses conclusions « s'en rapporter à justice » qui équivaut à une contestation de la demande, ne saurait être considéré comme en admettant le bien fondé.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'eu égard aux décisions de justice ci-après mentionnées auxquelles il y a lieu de se reporter, en tant que de besoin, il suffit de rappeler que A. L., victime d'un accident de la circulation survenu le 24 octobre 1985, dont H. G. a été déclarée entièrement responsable selon jugement du Tribunal correctionnel du 6 mai 1986 l'ayant au préalable condamnée pénalement, a été indemnisé de son préjudice par ce même Tribunal, statuant sur les intérêts civils le 3 mai 1988, dont la décision a été confirmée en appel le 8 mai 1989 ;

Que le préjudice corporel de L. (incapacité temporaire de travail, pretium doloris, incapacité permanente, préjudice d'agrément) a été indemnisé par l'allocation d'une somme totale de 227 000 F et son préjudice matériel (acquisition d'une literie spéciale) réparé par l'octroi de 2 930 F. ; qu'en conséquence, H. G. a été condamnée au paiement de ces sommes, à titre de dommages-intérêts revenant à L. ;

Attendu que, par l'exploit susvisé, la Compagnie d'Assurances dénommée « l'Union des Assurances de Paris - Incendie-Accidents » (ci-après UAP), qui expose avoir pris en charge, en sa qualité d'assureur privé de l'État monégasque, employeur de L., une partie des suites pécuniaires consécutives à l'accident (honoraires de médecins, frais d'hospitalisation, frais pharmaceutiques et de massages, frais de déplacement) et être tenue au paiement à L., en vertu du contrat la liant à l'État, d'une rente viagère contractuellement fixée à 13 438,21 F. par an qui répare une IPP fixée à 25 % « aux dires de divers médecins », a fait assigner H. G. - « en présence » de L. également attrait devant le Tribunal - en paiement de la somme de 273 379,39 F., représentant les frais ci-dessus mentionnés, outre les arrérages échus et le capital constitutif de la rente viagère, sur le fondement du préjudice que cette défenderesse lui aurait directement causé sur le plan pécuniaire du fait de l'accident dont elle a été déclarée responsable par jugement devenu définitif ;

Attendu que H. G. a déclaré s'en rapporter à justice sur le bien fondé de ces prétentions en précisant qu'elle a déjà été condamnée à payer à L. diverses indemnités consécutives à l'accident et qu'il ne saurait être admis qu'elle puisse être tenue de payer deux fois pour les mêmes causes ;

Attendu que, pour sa part, L., qui s'interroge sur les raisons de son appel en la cause et remarque que l'UAP, en son autre qualité d'assureur de H. G., lui a réglé les indemnités allouées par les juridictions répressives, estime que la présente procédure revêt un caractère artificiel et n'a été introduite que dans le dessein de lui nuire lors de l'instance pénale ; qu'il considère en conséquence, avoir été abusivement attrait en justice et sollicite la condamnation de « la Compagnie d'Assurances UAP - Incendie Accidents et (de) la demoiselle G.-UAP in solidum » à lui payer 100 000 F. à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et malicieuse, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu qu'en réponse la Compagnie UAP constate que H. G. déclare s'en rapporter sur le mérite de ses prétentions - en demandant au Tribunal d'en prendre acte et de lui en adjuger par conséquent le bénéfice - et précise qu'à l'égard de cette défenderesse, son action en remboursement est exclusivement fondée sur les dispositions de l'article 1229 du Code civil compte tenu de la faute de conduite dûment consacrée par les décisions intervenues ;

Qu'en ce qui concerne la position adoptée par L., l'UAP conteste l'allégation de procédure abusive et explique que celui-ci a été attrait pour lui permettre de faire valoir, le cas échéant, ses droits personnels, étant ici observé que, dans des écrits antérieurs, l'UAP a demandé au Tribunal de constater que L. a été intégralement indemnisé de son entier préjudice ;

Que l'UAP précise n'avoir pas dirigé son assignation contre L. mais contre H. G., citée « en présence » de celui-ci, s'élève contre le grief de manœuvre allégué de mauvaise foi en observant en particulier que L. a bénéficié d'une double indemnisation du chef de l'IPP constituée par les dommages-intérêts alloués en capital et par la rente viagère qu'elle lui sert, prétend que la preuve d'un quelconque préjudice n'est pas rapportée et conclut donc au rejet de cette demande ;

Sur quoi,

Attendu que l'action présentement introduite par l'UAP à l'encontre de H. G. ne peut être qualifiée de recours subrogatoire dès lors que la loi française du 13 juillet 1930 régissant, aux termes des accords passés entre les parties, le contrat d'assurance de personnes conclu le 3 octobre 1952 entre l'UAP et l'État prohibe la subrogation de l'assureur dans les droits du bénéficiaire contre les tiers en son article 55 devenu L. 131-2 du Code des Assurances ;

Que par ailleurs, les conditions d'une subrogation légale ne sont pas réunies ;

Attendu que l'action de l'UAP ne peut s'analyser en conséquence, ainsi que la demanderesse le soutient, qu'en une action en responsabilité du fait personnel fondée sur la faute, judiciairement consacrée, de H. G. ;

Attendu que celle-ci, par sa formule de rapport à justice qui équivaut à la contestation de la demande, ne saurait être considérée comme en admettant le bien fondé ;

Attendu que l'UAP soutient que la faute commise par H. G. lors de l'accident du 24 octobre 1985 lui a occasionné un préjudice puisqu'elle s'est trouvée contrainte, en l'état des dispositions du contrat d'assurance profitant à L., de lui verser diverses prestations ;

Attendu cependant, à supposer démontré l'intérêt pour agir à l'encontre de H. G., qu'elle assure également, de la Compagnie UAP, qu'aucun lien de causalité entre la faute commise et le dommage invoqué n'existe en la cause ; qu'en effet, il résulte du contrat conclu le 3 octobre 1952 que le versement des frais médicaux et autres ainsi que le service de la rente qui sont garantis aux groupes de personnes visées par le contrat - dont L. faisait partie - ont lieu, par suite d'un accident ou d'une maladie professionnelle, quelle que soit la cause de l'incapacité qui atteindrait le bénéficiaire ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas de relation de cause à effet entre le fait fautif constitué par l'accident et le préjudice allégué, lequel trouve en réalité sa source dans la mise en œuvre du contrat ;

Attendu par ailleurs que les stipulations contractuelles liant l'UAP à l'État, par lesquelles sont définies la nature et l'étendue des prestations bénéficiant au groupe de personnes visées, ne sont pas opposables aux tiers et ne sauraient engendrer d'obligations à leur détriment ;

Attendu que la Compagnie UAP doit en conséquence être déboutée de ses demandes dirigées contre H. G. ;

Attendu, par ailleurs, qu'en appelant L. en la cause sans former de demande à son encontre alors, en outre que, de son aveu même, sa présence n'était nullement nécessaire puisque réparation intégrale lui a été allouée et que ce défendeur ne pouvait plus faire valoir de droit quelconque, de surcroît à l'encontre d'un autre défendeur, la Compagnie UAP a commis une faute dont elle doit réparation ;

Qu'en égard aux éléments d'appréciation du préjudice subi par celui-ci, en raison notamment des frais qu'il s'est trouvé contraint d'exposer pour défendre en justice et dont partie n'est pas répétible, le Tribunal estime devoir lui allouer la somme de 5 000 F. à titre de dommages-intérêts ;

Que, toutefois seule la demanderesse doit être condamnée au paiement de cette somme ;

Attendu qu'en l'absence de toute urgence, au demeurant non invoquée, le Tribunal ne saurait faire droit à la demande d'exécution provisoire ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute la Compagnie UAP-Incendie Accidents de l'ensemble de ses demandes ;

La condamne à payer à A. L. la somme de 5 000 F. à titre de dommages-intérêts et déboute celui-ci du surplus de ses prétentions ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Clérissi, Sbarrato et Lorenzi, av.-déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25611
Date de la décision : 21/06/1990

Analyses

Sécurité au travail ; Droit des obligations - Responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle


Parties
Demandeurs : Compagnie U.A.P.
Défendeurs : demoiselle G. et L.

Références :

article 1229 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1990-06-21;25611 ?

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