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31/05/1990 | MONACO | N°25602

Monaco | Tribunal de première instance, 31 mai 1990, M. c/ époux P.


Abstract

Preuve

Matière commerciale - Facture non conforme à la commande

Obligations

Obligations solidaires - Solidarité des époux commerçants.

Résumé

Dès lors que des travaux supplémentaires, non prévus au devis initial ont été effectués par une entreprise, sans que ceux-ci aient fait l'objet d'une commande écrite, conformément aux stipulations expresses du marché, la facture les concernant produite, se trouve dénuée de toute valeur probante de sorte que son montant ne saurait être retenu dans le décompte des travaux.

Deux Ã

©poux exploitant en commun un fond de commerce doivent, en leur qualité de codébiteurs, être tenus solidaireme...

Abstract

Preuve

Matière commerciale - Facture non conforme à la commande

Obligations

Obligations solidaires - Solidarité des époux commerçants.

Résumé

Dès lors que des travaux supplémentaires, non prévus au devis initial ont été effectués par une entreprise, sans que ceux-ci aient fait l'objet d'une commande écrite, conformément aux stipulations expresses du marché, la facture les concernant produite, se trouve dénuée de toute valeur probante de sorte que son montant ne saurait être retenu dans le décompte des travaux.

Deux époux exploitant en commun un fond de commerce doivent, en leur qualité de codébiteurs, être tenus solidairement au paiement d'une dette représentant des travaux d'aménagement de leurs fonds, en raison de sa nature commerciale à leur égard ; si la solidarité ne se présume pas, aux termes de l'article 1057 du Code civil, cette disposition n'est point applicable en matière commerciale, où, selon un usage antérieur au Code de commerce et maintenu depuis lors, la soldarité entre débiteurs se justifie par l'intérêt des parties en cause.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu qu'il résulte des éléments de la cause la relation suivante des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties ;

Selon devis acceptés n° B105 et B104 des 27 et 29 janvier 1985 d'un montant total de 220 000 F. hors taxes, les époux P.-P. ont chargé G. M., exerçant le commerce à l'enseigne « Building Equipment Supplies », en abrégé « BES » à l'aménagement du magasin et de la fourniture du mobilier nécessaire à son équipement, où ils exploitent à ., leur fonds de commerce de vente d'articles d'habillement et de bijouterie fantaisie ;

Les travaux ayant été achevés le 14 mai 1985, M. adressait le même jour aux époux P. la facture correspondante d'un montant de 260 920 F. (TTC) suivie le 1er juin 1985 d'une facture de 31 920 F. (TTC) relative aux fournitures et travaux non compris dans les devis initiaux ;

Faisant état de ce qui lui restait dû, à titre de solde de travaux, la somme de 136 115 F. demeurée impayée malgré un commandement en date du 12 juin 1985, G. M., exerçant le commerce sous l'enseigne « building Equipment Supplies » a, suivant exploit en date du 26 juin 1985 (instance n° 620 du rôle général de 1985) fait assigner les époux P. en paiement solidaire de la somme de 138 157 F. avec intérêts de droit au jour de la demande, sollicitant par ailleurs, que soit constaté, à défaut de règlement de ladite somme, leur état de cessation des paiements ;

Suivant exploit en date du 9 janvier 1986 (Instance n° 282 du rôle général de 1986), G. M., autorisé par ordonnance du 25 novembre 1985 à prendre une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce appartenant à F. P., sis ., ce pour avoir sûreté, garantie et paiement de la somme de 150 000 F., montant auquel sa créance a été provisoirement évaluée, a fait assigner F. P. en validation de l'inscription provisoire de nantissement prise le 6 décembre 1985 ;

Les époux P. ayant fait état de malfaçons et de l'inachèvement des travaux effectués par M. et ayant dénié avoir commandé les travaux supplémentaires dont le paiement leur était réclamé par ce dernier, le Tribunal de ce siège, a, par jugement en date du 19 juin 1986, joint les instances portant les numéros 620/85 et 282/86 du rôle général et avant dire droit au fond, ordonné une mesure d'expertise pour vérifier tant la consistance que la qualité des travaux exécutés par M. ainsi qu'apurer les comptes entre parties ;

Aux termes de son rapport en date du 15 septembre 1987, déposé le 6 octobre 1987 au Greffe général, l'expert Daverio, a notamment conclu :

* que les travaux présentent des désordres mineurs et que le coût des travaux de réfection s'élève à la somme de 5 930 F. hors taxe ;

* que, par ailleurs, les travaux prévus aux devis et non effectués consistant en la fourniture et en la pose d'une porte ainsi que du matériel de blindage nécessaire s'élèvent à la somme de 9 600 F. hors taxe ;

* que, déduction faite du coût des malfaçons et inachèvements constatés s'élevant à 18 418,58 F. et compte tenu des acomptes déjà versés par P., s'élevant à 156 552 F., ce dernier reste donc devoir à M. à titre de solde de travaux une somme de 292 667 F. (156 552 + 18 418,58) = 117 696,42 F.,

* que, toutefois si les travaux de reprise des malfaçons et d'achèvement devaient être effectués par une autre entreprise, il y aurait lieu de les majorer de 40 %, ce qui les porterait à la somme de : 18 418,58 + 7 367,43 = 25 786,01 F et ramènerait alors le solde dû par P. à la somme de 110 328,99 F. ;

Au vu dudit rapport et après que l'affaire eut été renvoyée devant le Tribunal de première Instance suivant ordonnance du 19 octobre 1987, G. M., réitèrent sa demande originaire, a conclu à la condamnation des époux P., au paiement de la somme de 136 115 F. avec intérêts à compter du 1er juin 1985, représentant le solde des travaux qu'il a exécutés pour le compte de ceux-ci, en faisant observer que les malfaçons dont fait état l'expert dans son rapport sont insignifiantes et sont d'ordre esthétique, qu'en tout état de cause leur évaluation ne saurait dépasser la somme de 2 150 F. ; et qu'enfin aucune considération ne permet, ainsi que l'a fait l'expert, de majorer de 40 % le montant des travaux de reprise et d'achèvement dans l'hypothèse, où ils seraient réalisés par une autre entreprise ;

Il a, en outre, sollicité leur condamnation au paiement de la somme de 70 000 F. à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial qu'il a subi du fait du non paiement de ses factures ;

Les époux P. ont conclu au rejet de la demande de M. tendant au paiement de la facture de 31 747 F. relative à des travaux supplémentaires qu'ils n'avaient jamais commandés, et, pour le surplus, ont sollicité une nouvelle expertise à leurs frais avancés, en faisant valoir que le rapport de l'expert Daverio serait entaché d'omissions en ce que, d'une part, il n'a pas retenu les travaux nécessaires pour que les étagères de l'ensemble des meubles deviennent mobiles alors qu'elles sont fixes, et que, d'autre part, il n'a pas évalué le préjudice subi par le maître de l'ouvrage résultant de l'abandon du chantier qui aurait dû être terminé le 20 mars 1985 ;

Sur ce,

Quant à la demande principale

Attendu qu'il est constant que les travaux litigieux ont été réalisés en exécution des devis acceptés des 27 et 29 janvier 1985, en fixant le prix à 260 920 F. (TTC) dont étaient exclus « les coûts pour éventuelles modifications ou suppléments », étant par ailleurs précisé que « pour d'éventuels travaux et/ou fournitures supplémentaires, ils seront valables seulement par écrit » ;

Attendu qu'à l'issue des opérations d'expertise qui se sont prolongées pendant plus d'une année au contradictoire des parties, le demandeur critique les évaluations tant des malfaçons que des inachèvements constatés par l'expert sans produire aucune justification de ses dires tandis que les défendeurs allèguent l'existence d'ommissions matérielles entachant les constatations de l'expert dont ils ne fournissent aucun commencement de preuve ;

Attendu qu'il résulte des conclusions de l'expert Daverio que les travaux exécutés par M. sont affectés d'un certain nombre de malfaçons concernant notamment la pose de l'escalier reliant le rez-de-chaussée du magasin au premier sous-sol ainsi que les crémaillères des armoires, qu'ils comportent en outre, des inachèvements par rapport aux stipulations du marché concernant l'absence de fourniture et de pose de deux portes, dont une blindée ;

Qu'aucun élément ne permettant d'infirmer ses observations, l'expert apparaît avoir fait une juste évaluation des malfaçons et inachèvements qu'il a ainsi fixée à la somme de 18 418,58 F. ;

Attendu qu'en revanche, c'est à tort que l'expert a cru devoir retenir dans le compte des travaux exécutés par M., le coût des travaux supplémentaires effectués par ce dernier s'élevant à la somme de 31 747 F. selon facture en date du 1er juin 1985 ;

Qu'en effet de tels travaux devaient, aux termes des stipulations expresses du marché, faire l'objet d'une commande écrite du maître de l'ouvrage ; qu'il appartenait, en conséquence, à M. de rapporter la preuve d'une autorisation écrite concernant lesdits travaux dont il demande le paiement, délivrée par P. ;

Attendu que M., s'abstenant d'établir une telle preuve et fondant exclusivement sa réclamation sur la facture susvisée alors que ce document qui émane de la partie qui s'en prévaut est dénué de valeur probante, il échet de débouter M. de sa demande tendant au paiement de travaux supplémentaires ;

Attendu qu'il s'évince des considérations qui précèdent, que le montant global des travaux dont M. peut solliciter le paiement s'élève à la somme de 260 920 F. ;

Que déduction faite, d'une part du coût des travaux de reprise des malfaçons et de ceux d'achèvement évalués par l'expert à la somme de 18 418,58 F., d'autre part des acomptes versés dont le montant non contesté s'établit à 156 552 F., le solde restant dû à M. s'élève, après compensation, à la somme de : 260 920 F. - (18 418,58 + 156 552) = 85 949,42 F. ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que, cette somme représentant le solde du prix des travaux d'aménagement du fonds de commerce qu'exploitent en commun les époux P.-P., ceux-ci doivent en leur qualité de codébiteurs, être tenus solidairement au paiement de cette dette, à raison de sa nature commerciale à leur égard, dès lors que si la solidarité ne se présume pas aux termes de l'article 1057 du Code civil, cet article n'est pas applicable en matière commerciale, où selon un usage antérieur au Code de commerce et maintenu depuis lors, la solidarité entre débiteurs se justifie par l'intérêt des parties en cause ;

Qu'il échet en conséquence de les condamner solidairement au paiement de la somme de 85 949,42 F. avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 1985, date de la sommation de payer, valant mise en demeure, s'agissant d'une créance d'origine contractuelle ;

Quant aux demandes accessoires,

Attendu que, M. ne rapportant pas la preuve d'un préjudice distinct du retard de paiement déjà indemnisé par les intérêts moratoires de la créance, il y a lieu de le débouter de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu d'autre part, que les formalités et délais prévus par les articles 762 bis et 762 quater du Code de procédure civile ayant été respectées, il convient de constater que la procédure d'inscription de nantissement apparaît régulière et de renvoyer en conséquence M. à l'accomplissement des formalités légales en ce qui concerne l'inscription définitive ;

Attendu, qu'en revanche, il n'y a pas lieu de constater l'état de cessation des paiements de P., qui n'est pas suffisamment établi en l'espèce, le non paiement du solde de sa dette ne pouvant être considéré, eu égard à son caractère litigieux et à défaut d'autres éléments d'information versés aux débats, comme l'indice certain que P. serait hors d'état de faire face à son passif avec son actif immédiatement disponible, aucun élément comptable n'étant actuellement produit ;

Attendu qu'enfin les défendeurs doivent être condamnés solidairement aux dépens en application de l'article 235 du Code de Procédure Civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Dit n'y avoir lieu à nouvelle expertise ;

Déclare les époux P.-P. redevables solidairement envers G. M. exerçant le commerce à Monaco sous l'enseigne « Building Equipment Supplies », de la somme de cent quatre mille trois cent soixante-huit F. (104 368 F.) à titre de solde de travaux ;

Déclare G. M., exerçant le commerce à Monaco, sous l'enseigne « Building Equipment Supplies » responsable des conséquences dommageables des malfaçons et inachèvements affectant les travaux réalisés par lui, pour le compte des époux P.-P., et le déclare redevable à ce titre envers les époux P.-P. de la somme de dix-huit mille quatre cent dix-huit F. cinquante huit centimes (18 418,58 F.) ;

Après compensation, condamne solidairement les époux P.-P. à payer à G. M. la somme de quatre vingt cinq mille neuf cent quarante-neuf F. quarante deux centimes (85 949,42 F.) avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 1985 ;

Déboute G. M. de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts ;

Déclare régulière avec toutes conséquences de droit l'inscription provisoire de nantissement prise le 6 décembre 1985, au répertoire du commerce et de l'industrie, volume 19, numéro 7, sur le fonds de commerce appartenant à F. P. ;

Renvoie G. M. de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts ;

Dit n'y avoir lieu, en l'état, de constater l'état de cessation des paiements des époux P.-P. ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. : Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mme Clérissi et Léandri, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25602
Date de la décision : 31/05/1990

Analyses

Commercial - Général ; Fonds de commerce ; Droit des obligations - Régime général


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : époux P.

Références :

ordonnance du 25 novembre 1985
ordonnance du 19 octobre 1987
article 1057 du Code civil
articles 762 bis et 762 quater du Code de procédure civile
article 235 du Code de Procédure Civile
Code de commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1990-05-31;25602 ?

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