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15/02/1990 | MONACO | N°25582

Monaco | Tribunal de première instance, 15 février 1990, P. c/ Société Agemar.


Abstract

Tribunaux

Compétence du Tribunal - « Action en résolution de bail » - Demande indéterminée en son montant - Taux de compétence - Demande en principal : contenu

Baux d'habitation

Tribunal de première instance compétent, demande en résiliation et en paiement au principal d'une somme excédent 30 000 - Absence d'état des lieux : effets - Obligation du bailleur : délivrance de la chose en bon état - Résiliation du contrat sanctionnant le manquement du bailleur

Résumé

Le chef de demande tendant à la « résolution » du contr

at de bail d'habitation peut être qualifié d'indéterminé en son montant et commander à ce seul titre la compét...

Abstract

Tribunaux

Compétence du Tribunal - « Action en résolution de bail » - Demande indéterminée en son montant - Taux de compétence - Demande en principal : contenu

Baux d'habitation

Tribunal de première instance compétent, demande en résiliation et en paiement au principal d'une somme excédent 30 000 - Absence d'état des lieux : effets - Obligation du bailleur : délivrance de la chose en bon état - Résiliation du contrat sanctionnant le manquement du bailleur

Résumé

Le chef de demande tendant à la « résolution » du contrat de bail d'habitation peut être qualifié d'indéterminé en son montant et commander à ce seul titre la compétence du Tribunal de Première Instance.

Dès lors, qu'à la date de l'assignation, le montant de la demande en paiement apparaît supérieur au taux du ressort de 30 000 F. énoncé par l'article 6 du Code de procédure civile, le tribunal de première instance, juge de droit commun se trouve compétent pour en connaître. S'il est de principe que le taux de compétence s'apprécie en fonction du montant de la demande en principal, il est aussi de règle que ledit principal est constitué par le capital, les dommages et intérêts, et les intérêts dûs au jour de la demande, tandis que ceux, qui seraient dûs après celle-ci, forment pour leur part les accessoires de la créance.

Faute d'état des lieux dressé entre les parties, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état, par application de l'article 1571 du Code civil, sauf preuve contraire ; cette dernière se trouve rapportée par la production d'un constat d'huissier et de factures de travaux, établissant l'inhabitabilité des lieux loués, lors de l'entrée du preneur. Il s'évince en conséquence que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance de la chose « en bon état de réparations de toute espèce » telle qu'édictée par l'article 1560 alinéa 1 du Code civil.

Le preneur qui, sans avoir pu habiter les lieux, en raison de leur état, en a eu néanmoins la disposition, apparaît fondé à solliciter non point « la résolution » mais la « résiliation » du contrat de bail aux torts du bailleur, à compter de la date de restitution des clefs à celui-ci.

Motifs

Le Tribunal,

Audience du 15 février 1990

En la cause du sieur M. P., de nationalité britannique, demeurant actuellement en Principauté de Monaco, . chez Monsieur N. P. ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Michel Boeri, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part,

Contre,

La Société Agemar, dont le siège est sis à ., prise en la personne de son représentant légal, domicilié es-qualité audit siège ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jacques Sbarrato, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part,

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire Notari, huissier, en date du 14 février 1989, enregistré ;

Attendu que, par l'exploit susvisé, M. P., qui expose avoir pris à bail à compter du 1er mai 1988 par l'intermédiaire de l'agence Deplanche Immobilier un appartement de type Studio, situé ., moyennant un loyer trimestriel de 9 000 F. outre les charges et soutient que les travaux de remise en état du logement, auxquels le propriétaire s'était obligé, n'ont pas été entrepris, à telle enseigne qu'au 13 juin 1988 l'appartement n'était toujours pas alimenté en eau froide, a fait assigner la Sam Agemar, propriétaire des lieux, en résolution du contrat de bail du fait de l'inexécution par cette société de ses obligations contractuelles et en paiement de la somme de 24 469,60 F. (correspondant à la caution, aux loyers et charges versés d'avance, à la commission d'intermédiaire et aux frais d'enregistrement et de timbre par lui réglés lors de la signature du bail) avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 1988, outre 5 000 F. à titre de dommages et intérêts, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu qu'en réponse la Sam Agemar a soulevé à titre principal l'incompétence de ce Tribunal pour connaître de la présente demande, inférieure au seuil de compétence du Tribunal de Première Instance fixé à 30 000 F. ; qu'elle a dès lors conclu à l'irrecevabilité des demandes en paiement dont elle fait l'objet ;

Qu'à titre subsidiaire, la Société Agemar relève que son locataire n'a émis aucune réserve lors de son entrée dans les lieux qu'il a reconnus, dans le contrat, en parfait état de réparation locative ; qu'elle conteste la pertinence du constat d'huissier établi près de 3 mois après la date d'effet du contrat et indique avoir fait remettre en état tous les sanitaires de l'appartement ce qui contredit selon elle, la défaut d'alimentation en eau ;

Qu'elle constate que P. n'a pas respecté les clauses du bail lui imposant de garnir de meubles les lieux loués, de les entretenir en parfait état de réparation locative, de souscrire une assurance et de procéder au règlement des loyers à chaque échéance : qu'à cet égard, elle observe que le locataire ne s'est pas acquitté des loyers et charges du 2e trimestre de location (août, septembre et octobre 1988 soit 10 500 F.) et forme une demande reconventionnelle en paiement de cette somme avec intérêts de droit, outre 5 000 F. à titre de dommages et intérêts pour « frais irrépétibles » ;

Attendu qu'en réplique, P. a fait valoir que sa demande en résolution du contrat de bail s'analyse en une demande indéterminée en son montant ressortissant à la compétence d'attribution de ce Tribunal, les sommes demandées à titre de répétition n'étant que l'accessoire de la résolution du contrat ; qu'il conclut dès lors au rejet de l'exception d'incompétence soulevée ;

Qu'au fond, il rappelle s'être trouvé dans l'impossibilité d'occuper les lieux faute pour la bailleresse d'y avoir fait effectuer les travaux de remise en état et d'alimentation en eau, ce que confirme le constat d'huissier du 29 juillet 1988, lequel révèlerait des désordres ne pouvant manifestement lui être imputés ;

Attendu que, dans d'ultimes conclusions, la Société Agemar déclare s'en tenir aux précédents moyens qu'elle a développés sur l'exception d'incompétence et soutient que P. ne rapporte pas la preuve d'une inexécution de ses obligations de bailleresse - les documents produits par lui n'étant pas probants - tandis qu'elle constate qu'il a contractuellement reconnu les lieux comme étant en parfait état de réparations locatives, ce qui correspondait d'ailleurs à la réalité après la réfection des peintures et de la plomberie par ses soins ;

Qu'elle réitère en conséquence les termes de sa demande reconventionnelle ;

Sur quoi,

Attendu, sur la compétence, que, si le chef de demande tendant à la « résolution » du contrat de bail peut être qualifié d'indéterminé en son montant et commander à ce seul titre la compétence du Tribunal de Première Instance, il doit être relevé qu'il en va de même sur ce dernier point de celui tendant au paiement des sommes précitées ;

Attendu que ce deuxième chef de demande comprend en effet, les sommes de 24 469,60 F. en capital, 5 000 F. à titre de dommages et intérêts et les intérêts dus à compter du 29 juillet 1988 ;

Que, s'il est de principe que le taux de compétence s'apprécie en fonction du montant de la demande en principal, il est tout aussi constant que ledit principal est constitué par le capital, les dommages et intérêts et les intérêts dus au jour de la demande, tandis que ceux qui seraient dus après ladite demande forment pour leur part les accessoires de la créance ;

Attendu, en conséquence qu'à la date de l'assignation, le montant de la demande en paiement apparaissait supérieur au taux du ressort de 30 000 F. énoncé par l'article 6 du Code de Procédure Civile en sorte que le Tribunal de Première Instance, juge de droit commun, est compétent pour en connaître ;

Qu'en toutes hypothèses, l'exception d'incompétence doit dès lors être rejetée ;

Attendu au fond que le contrat de bail daté du 22 avril 1988 et enregistré le 17 mai suivant comporte une clause pré-imprimée par laquelle le preneur reconnaît que les lieux loués sont « à l'heure actuelle en parfait état de réparation locative » ;

Que, faute d'état des lieux dressé entre les parties, le preneur est par ailleurs présumé les avoir reçus en bon état par application de l'article 1571 du Code civil, sauf preuve contraire ;

Attendu cependant que les éléments du dossier ôtent toute force probante à la clause précitée et détruisent la présomption édictée par la loi ; qu'en effet, il résulte de la facture des travaux de plomberie versée aux débats par la bailleresse et acquittée par elle - en sorte qu'en l'espèce la clause 5e dernier paragraphe du bail n'apparaît pas avoir été appliquée - que l'appartement a fait l'objet d'une remise en état sanitaire et que des pièces hors d'usage (mélangeurs, robinet, bonde... etc.) ont été remplacées au cours du mois de juin 1988 ;

Que ces travaux ont manifestement été entrepris à la suite des plaintes formulées par le preneur, tant dans un état des lieux unilatéral du 29 juin faisant ressortir un mauvais état général ultérieurement constaté par huissier le 26 juillet 1988, que dans une correspondance du 13 juin 1988 - à laquelle il n'apparaît pas avoir été répondu par son destinataire le mandataire de la bailleresse - confirmant ce mauvais état et insistant sur l'absence d'alimentation en eau froide de l'appartement « depuis le 1er mai 1988 » et les difficultés pour ouvrir la fenêtre, ce courrier réitérant par ailleurs une demande demeurée insatisfaite visant à l'établissement d'un état des lieux contradictoire ;

Attendu au demeurant qu'il n'est pas constaté que P., qui qualifiait l'appartement de « non vivable » et prétendait être contraint de loger à l'hôtel, n'a pas habité ce logement, sa bailleresse lui reprochant d'ailleurs de n'avoir pas garni de meubles meublant les lieux loués ;

Attendu que le constat établi le 26 juillet 1988 et la sommation du 28 juillet suivant font état de cette inhabitabilité par suite du défaut de remise en état des lieux loués et de leur absence d'alimentation en eau dûment vérifiée par l'huissier ;

Attendu, en conséquence, qu'il s'évince des considérations qui précèdent que la Société Agemar a manqué à son obligation de délivrance de la chose « en bon état de réparations de toute espèce » telle qu'édictée par l'article 1560 alinéa 1 du Code civil ; que certaines de ces réparations seulement (travaux de plomberie) n'ont été effectuées que plusieurs semaines après la conclusion du bail ;

Attendu qu'il s'ensuit que P. est fondé à solliciter non la résolution mais la résiliation du contrat de bail l'ayant lié à la Société Agemar, aux torts de cette société ; qu'ayant manifesté son intention de rompre les relations contractuelles à l'issue du premier trimestre de location et ayant restitué les clefs à cette date au mandataire de sa bailleresse, P., qui même s'il n'a pas habité les lieux loués, a pu en disposer, en sorte qu'ils n'étaient plus disponibles pendant ce trimestre, ne saurait en effet être suivi en sa demande tendant à la mise néant du contrat de bail ;

Attendu que cette résiliation, qui doit donc être prononcée à dater du 31 juillet 1988, n'a pas lieu d'être imputée au locataire dès lors que les manquements contractuels qui lui sont reprochés par la Société Agemar ont été la conséquence de la délivrance des lieux telle que ci-dessus décrite et sont exclusifs de toute faute de sa part ; que cette société doit en conséquence, être déboutée de ses demandes reconventionnelles ;

Attendu que P. est donc en droit d'obtenir restitution, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 1988, date de la mise en demeure, de la somme de 9 000 F. correspondant au montant du dépôt de garantie versé à la signature du bail ; qu'eu égard aux frais qu'il a dû engager pour faire valoir ses droits et à la résistance fautive opposée par sa bailleresse il y a lieu de lui allouer en outre 2 000 F. à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la demande tendant à l'exécution provisoire du présent jugement, qui n'est pas motivée, n'a pas lieu d'être accueillie faute d'urgence ;

Attendu que les dépens suivent la succombance :

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Rejette l'exception d'incompétence soulevée, et, se déclarant compétent,

Prononce, à dater du 31 juillet 1988, la résiliation aux torts de la Société Agemar du contrat de bail enregistré le 17 mai 1988 ayant lié les parties ;

Condamne la Société Agemar à restituer à M. P., avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 1988, la somme de 9 000 F. montant des causes sus énoncées et à lui payer la somme de 2 000 F. à titre de dommages et intérêts ;

Déboute P. du surplus de ses demandes,

Déboute la Sam Agemar de ses demandes reconventionnelles ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MM. Boeri, Sbarrato, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25582
Date de la décision : 15/02/1990

Analyses

Baux ; Immeuble à usage d'habitation


Parties
Demandeurs : P.
Défendeurs : Société Agemar.

Références :

article 6 du Code de procédure civile
article 1571 du Code civil
article 1560 alinéa 1 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1990-02-15;25582 ?

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