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08/02/1990 | MONACO | N°25578

Monaco | Tribunal de première instance, 8 février 1990, Société Seatek Advanced Marino Propulsion Technology c/ Union Internationale Motonautique et F.


Abstract

Association

Association de droit privé - Loi 1072 du 27 juin 1984 - Décision de l'association prétendue préjudiciable à un tiers - Irrecevabilité de la demande en annulation de la décision par le tiers - Exception = article 18 de la loi 1072 recevabilité de l'action en responsabilité délictuelle

Responsabilité délictuelle

Action d'un tiers entre une association - Décision présentant un caractère soudain et abusif, préjudiciable au tiers

Résumé

L'action intentée par une entreprise ayant pour objet la conception, la fabricatio

n et la commercialisation de moteurs destinés à équiper des canots automobiles de haute compétition (c...

Abstract

Association

Association de droit privé - Loi 1072 du 27 juin 1984 - Décision de l'association prétendue préjudiciable à un tiers - Irrecevabilité de la demande en annulation de la décision par le tiers - Exception = article 18 de la loi 1072 recevabilité de l'action en responsabilité délictuelle

Responsabilité délictuelle

Action d'un tiers entre une association - Décision présentant un caractère soudain et abusif, préjudiciable au tiers

Résumé

L'action intentée par une entreprise ayant pour objet la conception, la fabrication et la commercialisation de moteurs destinés à équiper des canots automobiles de haute compétition (communément appelés « offshore ») tendant à l'annulation de la décision prise par une association monégasque réglementant notamment les conditions des courses « offshore » et le championnat du monde motonautique, aux motifs que celle-ci a modifié discriminatoirement et abusivement, au détriment de la demanderesse, le règlement « offshore », en pénalisant les moteurs diesel utilisés en classe 1 « offshore », alors qu'ils en étaient exclus auparavant, sans avoir soumis cette mesure au vote de l'assemblée générale de ladite association, ne saurait prospérer.

En effet, la demanderesse qui ne conteste pas être un tiers par rapport à l'association, personne morale de droit privé, soumise comme telle à la loi n° 1072 du 27 juin 1984, ainsi qu'aux principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations et qui n'aurait aucune vocation à en devenir membre, se trouve dépourvue de qualité pour solliciter l'annulation de cette décision, lui fût-elle préjudiciable, étant donné d'une part que les formalités imposées par les statuts d'une association notamment pour la convocation et le mode de délibération de l'assemblée générale, ne protègent que les intérêts privés de ses membres et ne peuvent être sanctionnés que par une nullité relative, dont ils pourraient seuls, se prévaloir, et que d'autre part, aucune disposition légale n'a été invoquée, en l'occurrence, à l'appui d'une telle demande ; la demanderesse ne pourrait, pour obtenir cette annulation, se prévaloir des dispositions de l'article 18 de la loi n° 1072 du 27 juin 1984, dont les conditions ne sont pas remplies en l'espèce, dès lorsque la décision querellée n'a trait ni à l'acquisition de biens par l'association, ni à l'acceptation des libéralités par celle-ci.

Une action en responsabilité délictuelle à l'encontre de l'association et de son président en exercice, pris en son nom personnel, apparaît recevable, en raison du changement de réglementation litigieux dont la demanderesse prétend que le caractère soudain et abusif lui aurait causé préjudice ; mais cette action ne saurait avoir pour effet d'entraîner le prononcé de l'annulation de la décision dans la mesure où elle serait jugée fautive et préjudiciable, contrairement à ce qui se produirait s'il agissait d'un acte administratif.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, par l'exploit susvisé, la société par actions de droit italien dénommée « Seatek Advanced Marine Propulsion Technology » a fait assigner l'association monégasque dénommée « Union Internationale Motonautique » et son président, pris en nom personnel, aux fins d'obtenir :

* l'annulation de la décision de cette association en date du 12 mars 1989, entraînant modification de la réglementation des courses offshore ;

* leur condamnation in solidum au paiement de la somme de cinquante millions de francs de dommages-intérêts ;

Qu'elle expose, au soutien de sa demande, qu'elle a pour objet la conception, la fabrication et la commercialisation de moteurs destinés à équiper des canots automobiles de haute compétition (communément appelés offshore) et que son activité se trouve ainsi être sous la dépendance de la réglementation des compétitions sportives, telle qu'elle est fixée par l'Union Internationale Motonautique, laquelle, réglementant notamment les conditions des courses offshore et le championnat du monde se trouve investie par là-même « d'une mission de police sportive » ;

Qu'elle soutient que l'Union Internationale Motonautique a failli à cette mission lorsque, par décision du 12 mars 1989, elle a modifié l'article 704-8 du règlement offshore en pénalisant les moteurs diesel utilisés en classe 1 offshore alors qu'ils en étaient exclus auparavant ;

Qu'elle a tout d'abord fait observer qu'une telle mesure serait entachée de nullité pour n'avoir pas été soumise au vote de l'Assemblée Générale de cette association devant statuer à la majorité simple en contravention avec les articles 4-1.1 et 4-2.63 de son règlement intérieur ;

Qu'elle a ensuite prétendu que cette modification du règlement était discriminatoire et abusive dès lors qu'elle ne correspondait pas à l'intérêt du motonautisme dont l'Union Internationale Motonautique avait la charge, lequel devait être gouverné par la seule préoccupation de satisfaire au développement de ce sport, alors qu'elle a porté atteinte au principe de libre concurrence et d'égalité devant la réglementation sportive ;

Qu'elle ajoute enfin, qu'à supposer que le Tribunal juge bien fondée la modification litigieuse, elle revêtirait à tout le moins en l'espèce, un caractère brusque et donc abusif dès lors que cette décision, d'application immédiate, ne lui laissait pas le temps de s'y adapter, s'agissant d'un sport mécanique de haute compétition dans lequel les investissements pour satisfaire à une réglementation donnée, supposent une période d'amortissement d'au moins cinq ans ;

Attendu que l'Union Internationale Motonautique a, préalablement à toute discussion au fond, fait tout d'abord remarquer que la société demanderesse ne justifiait pas avoir versé la caution judicatum solvi dont elle avait demandé l'application conformément à l'article 259 du Code de procédure civile, qu'elle a d'autre part, conclu à l'irrecevabilité de la demande en annulation formée par cette dernière en faisant observer l'absence de tout lien contractuel entre la Société Seatek Advanced Marine Propulsion Technology et l'Union Internationale Motonautique dont elle n'a, en outre, jamais été membre ;

Qu'en conséquence, elle ne saurait prétendre contester, en sa qualité de tiers, une décision d'ordre interne prise par les organes compétents de cette association ;

Attendu que R. F. a soutenu, quant à lui, qu'il ne saurait être attrait en justice en son nom propre du seul fait qu'aucune faute personnelle ne peut lui être reprochée dans l'exercice de son activité de président de l'Union Internationale Motonautique d'autant que la décision litigieuse a été l'œuvre de l'assemblée générale de l'association ;

Attendu que la Société Seatek Advanced Marine Propulsion Technology, réitérant sa demande initiale et sollicitant en outre, l'exécution provisoire de la décision à intervenir, a conclu au rejet des prétentions des défendeurs, en soutenant que l'Union Internationale Motonautique ayant engagé sa responsabilité civile sur le terrain quasi délictuel comme peut le faire toute personne morale, ce fait lui donnait qualité et intérêt pour agir à son encontre du chef de ses agissements fautifs dont elle avait apporté la démonstration ;

Sur ce,

Attendu qu'il convient d'observer que le présent litige est actuellement limité, de l'accord des parties en l'état de leurs écritures respectives, à l'examen des exceptions et fin de non-recevoir opposées par les défendeurs, à l'action de la société demanderesse ;

Qu'il y a lieu tout d'abord, de relever que les défendeurs renoncent à se prévaloir désormais de l'exception de  « cautio judicatum solvi » qu'ils ont soulevée en l'état du versement par la demanderesse de la somme de 205 000 F. à la caisse des dépôts et consignations ainsi qu'en atteste le récépissé délivré le 1er février 1990 par le Trésorier des Finances ;

Attendu que l'Union Internationale Motonautique constitue une association, personne morale de droit privé, soumise comme telle à la loi n° 1072 du 27 juin 1984, ainsi qu'aux principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ;

Qu'il échet de constater tout d'abord que la Société Seatek Advanced Marine Propulsion ne conteste nullement être un tiers par rapport à cette association, du seul fait qu'elle reconnaît ne pas en être membre, étant par ailleurs observé qu'elle n'aurait en aucun cas, vocation à le devenir d'une manière quelconque, dès lors qu'elle ne saurait entrer dans aucune des catégories de membres de ladite association, telles que fixées par les articles 4-1 à 4-6 de ses statuts ;

Qu'il s'évince de ces considérations, que la société demanderesse se trouve dépourvue de qualité pour solliciter l'annulation de la décision prise le 12 mars 1989 par l'Assemblée Générale de l'Union Internationale Motonautique, lui fût elle préjudiciable, du seul fait, d'une part, que les formalités imposées par les statuts d'une association, notamment par la convocation et le mode de délibération de l'Assemblée générale, ne protègent que les intérêts privés de ses membres et ne peuvent être sanctionnés que par une nullité relative dont ils pourraient, seuls se prévaloir, et que, d'autre part, aucune disposition légale n'a été invoquée, en l'occurrence, à l'appui d'une telle demande, étant précisé à ce sujet, que la demanderesse ne pourrait, pour obtenir cette annulation, se prévaloir des dispositions de l'article 18 de la loi n° 1072 du 27 juin 1984, dont les conditions ne sont pas remplies en l'espèce, dès lors que la décision querellée n'a trait ni à l'acquisition de biens par l'association, ni à l'acceptation de libéralités par celle-ci ;

Attendu que si pour s'opposer, dans le dernier état de ses écritures, aux moyens d'irrecevabilité soulevés par les défendeurs, la Société Seatek Advanced Marine Propulsion Technology invoque l'existence d'une action en responsabilité délictuelle, il demeure qu'une telle action ne saurait avoir pour effet d'entraîner le prononcé de l'annulation de la décision lui faisant grief ; qu'il n'en irait autrement que s'il s'agissait d'un acte administratif ;

Qu'en dépit des écritures de la demanderesse à cet égard, apparaissant faire appel à une telle notion, tel n'est pas le cas en l'occurrence dès lors que l'Union Internationale Motonautique, en tant que personne morale de droit privé, a agi sans délégation administrative de pouvoirs, ni participation à une mission de service public ou exercice de prérogatives de puissance publique, étant au demeurant précisé que dans le cas contraire le Tribunal ne serait pas compétent, en application de l'article 90 B de la Constitution de la Principauté de Monaco du 17 décembre 1962, pour prononcer l'annulation requise ;

Attendu qu'il échet dès lors, au vu des considérations qui précèdent, de déclarer la Société Seatek Advanced Marine Propulsion Technology irrecevable en sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Assemblée Générale de l'Union Internationale Motonautique du 12 mars 1989 ;

Attendu qu'en revanche, la demande d'indemnisation formée par la Société Seatek Advanced Marine Propulsion Technology, tant à l'encontre de l'Union Internationale Motonautique que de son président en exercice, R. F., pris en nom personnel, a raison du changement de réglementation litigieux dont elle prétend que le caractère soudain et abusif lui aurait causé un préjudice, apparaît recevable, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la circonstance que le préjudice invoqué trouverait sa source dans la décision d'une assemblée générale d'une association, organisme conventionnel, n'étant pas de nature à faire obstacle à ce qu'un tiers, comme en l'espèce la demanderesse, puisse se prévaloir de la situation juridique née de cette décision, puisqu'il pourrait alors invoquer la faute dont l'exécution d'une telle décision aurait pu être ainsi l'occasion, s'agissant d'un pur fait, vrai en tant que tel à l'égard de tous ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare la Société Seatek Advanced Marine Propulsion Technology irrecevable en sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'assemblée générale de l'Union Internationale Motonautique en date du 12 mars 1989 ;

Déclare, en revanche, la société Seatek Advanced Marine Technology recevable en sa demande, tendant au paiement de dommages-intérêts ;

Renvoie en conséquence l'Union Internationale Motonautique et R. F., ce dernier pris en son nom personnel, à conclure au fond à l'audience du jeudi 22 février 1990 à 9 heures ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Lorenzi et Brugnetti, av. déf. ; Gastaud, av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25578
Date de la décision : 08/02/1990

Analyses

Associations et fondations ; Droit des obligations - Responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle


Parties
Demandeurs : Société Seatek Advanced Marino Propulsion Technology
Défendeurs : Union Internationale Motonautique et F.

Références :

article 259 du Code de procédure civile
article 90 B de la Constitution
article 18 de la loi n° 1072 du 27 juin 1984
loi n° 1072 du 27 juin 1984


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1990-02-08;25578 ?

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