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11/01/1990 | MONACO | N°25568

Monaco | Tribunal de première instance, 11 janvier 1990, D. c/ Société Etoral Finance Inc Trade Development Bank


Abstract

Mandat

Durée déterminée - Révocation du mandat - Inapplication de l'article 1843 du Code civil - Renonciation du mandant à la révocation - Faute du mandant - Préjudice du mandataire

Résumé

Étant donné que le mandat conféré par le maître de l'ouvrage porte sur sa représentation au cours de diverses phases d'une opération de construction, y compris celle relative à la réception définitive des travaux, le mandat dont il n'est pas établi, ni même soutenu qu'il ait été conféré dans l'intérêt des parties en cause, ne peut faire l'objet

d'une révocation au sens de l'article 1843 du Code civil, faute d'avoir été conclu sans déterminat...

Abstract

Mandat

Durée déterminée - Révocation du mandat - Inapplication de l'article 1843 du Code civil - Renonciation du mandant à la révocation - Faute du mandant - Préjudice du mandataire

Résumé

Étant donné que le mandat conféré par le maître de l'ouvrage porte sur sa représentation au cours de diverses phases d'une opération de construction, y compris celle relative à la réception définitive des travaux, le mandat dont il n'est pas établi, ni même soutenu qu'il ait été conféré dans l'intérêt des parties en cause, ne peut faire l'objet d'une révocation au sens de l'article 1843 du Code civil, faute d'avoir été conclu sans détermination de durée, à la discrétion du maître de l'ouvrage, lequel y avait renoncé, puisque un terme précis, à savoir l'achèvement de la construction, avait été librement convenu entre les parties.

Il en résulte qu'en décidant unilatéralement de mettre un terme au mandat en cours, les opérations de construction, n'étant pas achevées, sans motif légitime, le maître de l'ouvrage a commis une faute qui a eu pour effet de priver le mandataire de la rémunération qu'il aurait dû percevoir en vertu du contrat, dès lors que des salaires lui avaient été promis dans le cadre de l'article 1838 du Code civil.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu qu'il est constant, eu égard aux éléments du dossier, que :

-dans le cadre d'une opération immobilière sise . dont la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank était le maître de l'ouvrage, C. D. s'est proposé, par lettre du 8 août 1983, de représenter sur place le maître de l'ouvrage dans le contrôle des devis des travaux et l'établissement de l'appel d'offres, l'analyse des soumissions et des offres, la surveillance des entreprises et des marchés, la vérification des situations de travaux et des propositions de paiement, la surveillance des réceptions des travaux et le contrôle des situations définitives... etc., moyennant des honoraires de 5 % hors taxes « sur les montants des factures hors taxes relatives à la construction (excavation, maçonnerie) à l'exclusion de tout aménagement intérieur (menuiserie, décoration, installation coffres, téléphone, alarme, etc.)... payables au fur et à mesure (des) règlements aux diverses entreprises »,

-La Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank, par lettre du 1er septembre 1983, a confirmé son accord avec le contenu de la correspondance précitée du 8 août 1983 ;

-La mission d'assistance et de représentation de la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank par C. D. a donné lieu au paiement d'acomptes d'honoraires en fonction des situations hors taxe, conformément aux engagements pris, jusqu'au 9 mai 1988 ;

-À cette date, la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank informait C. D. par courrier recommandé qu'il était mis fin à sa mission ; cette société précisait : « ... Comme vous le savez depuis plus d'une année nous n'avons plus recours à vos services parce que le maître d'œuvre (sic) a décidé de vendre l'immeuble en l'état, sans achever les travaux de finition.

De ce fait, nous vous présentons ci-joint un décompte final de vos honoraires calculés à 5 % hors taxes sur le coût des travaux de construction. Jusqu'à ce jour, le total des travaux s'élève à 18 451 120,05 FF. A ce montant nous sommes disposés à inclure dans le calcul de vos honoraires le pourcentage correspondant aux indemnités convenues en mai 1988 avec les entreprises Smetra et Alberti, respectivement de 600 000 FF et 140 000 FF. Le montant total des travaux s'élève donc à 19 191 120 FF. Vos honoraires de 5 % sont de 959 556 FF qui, et après déduction des montants que vous avez déjà perçus de 905 772,80 FF., se solde à 53 783,20 FF.... »,

-À ce courrier daté du 9 mai 1988 était effectivement joint un état dénommé « décompte final des honoraires dus à M. C. D. » mentionnant d'une part le coût de l'immeuble au 10 mai 1988, les dates et les montants des acomptes perçus d'autre part ;

Attendu que, par l'exploit susvisé du 10 novembre 1988, C. D. a fait assigner la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank pour obtenir sa condamnation à lui payer « la somme correspondant à 5 % des travaux hors taxes, sous déduction des acomptes perçus », tout en demandant au Tribunal de « dire que cette somme sera calculée sur les pièces comptables du marché qui devront être versées aux débats par Etoral Finance Inc. » ;

Qu'au soutien de son assignation et de ses conclusions ultérieures, C. D. prétend que sa mission s'entendait sans équivoque comme allant jusqu'à la réception définitive des travaux de construction en sorte qu'elle doit être conçue comme couvrant la totalité de ces travaux ; qu'il observe que, pour le calcul de la rémunération de l'architecte de l'immeuble, les travaux ont été évalués à environ 30 000 000 F. ce qui ferait ressortir une disproportion flagrante avec l'évaluation annoncée dans la lettre du 9 mai 1988 ;

Qu'il affirme qu'aucun solde de compte ne peut être établi si un décompte général des dépenses ayant permis l'achèvement de l'immeuble n'est pas produit ;

Qu'il estime qu'une indemnité de rupture de contrat compensant son manque à gagner lui est acquise, ainsi que la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank l'aurait d'ailleurs admis en offrant de lui payer, par conclusions du 16 mars 1989, une somme de 258 605,40 F. ;

Qu'il précise que cette indemnité doit être calculée sur la différence entre les acomptes perçus et le coût total de l'immeuble achevé ;

Qu'il fait état par ailleurs d'un préjudice complémentaire qui serait né de l'allongement anormal des travaux ayant entraîné une diminution de ses revenus moyens mensuels ;

Que ce demandeur évalue enfin à 20 000 000 F. environ, sauf à ordonner une mesure d'expertise en cas de contestation, les sommes nécessaires pour achever l'immeuble ;

Attendu qu'en réponse la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank s'oppose à ces prétentions ; qu'elle conteste la valeur de la référence faite aux architectes et indique que l'assistance assurée par C. D. a consisté dans le secrétariat technique et financier qu'il faisait fonctionner en liaison avec les deux architectes de l'immeuble ;

Qu'elle déduit de la nature de ces prestations que les honoraires n'étaient dus que pendant le temps où elle demeurerait le maître de l'ouvrage et dément avoir pris l'obligation de rémunérer le demandeur jusqu'aux travaux de finition de l'immeuble, le pourcentage convenu ne portant que sur le coût des travaux d'excavation et de maçonnerie ;

Qu'elle offre donc d'acquitter le solde de 53 783,20 F. mentionné dans la lettre du 9 mai 1988 sauf à y ajouter 204 822,20 F. correspondant à une facture de C. D. en date du 5 mai 1983, soit 258 605,40 F. au total à titre de solde d'honoraires, offre qu'elle demande au tribunal de déclarer satisfatoire ;

Qu'elle soutient que la rupture des relations contractuelles ne peut être qualifiée d'abusive puisque la convention d'assistance et représentation de C. D. devenait sans objet dès l'instant où la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank n'avait plus lieu d'être représentée en sa qualité de maître de l'ouvrage, ce qui s'est produit lorsqu'elle a vendu l'immeuble en cours de construction ;

Sur quoi,

Attendu qu'en confiant à C. D. la mission de la représenter en sa qualité de maître de l'ouvrage au cours des diverses phases de l'opération de construction de l'immeuble, y compris celle relative à la réception définitive des travaux, la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank a donné à C. D. un mandat dont la durée épousait, de manière implicite mais nécessaire, celle de l'opération immobilière elle-même ; que cette société a d'ailleurs accepté d'acquitter à son mandataire des honoraires eux-mêmes en relation avec la durée de la construction de l'immeuble ;

Attendu que ce mandat, dont il n'est pas établi, ni même soutenu, qu'il a été conféré dans l'intérêt commun des parties en cause, aurait pu être révoqué à la discrétion de la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank, par application de l'article 1843 du Code civil, s'il avait été conclu sans détermination de durée ;

Attendu toutefois que la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank apparaît en l'espèce avoir renoncé - comme il lui était d'ailleurs loisible de le faire - à son droit de révocation puisqu'un terme précis, la fin de la construction de l'immeuble, a été librement convenu entre les parties qui ont ainsi entendu s'engager pour une certaine période de temps ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'en décidant unilatéralement de mettre un terme au mandat en cours, puisqu'il est constant que les opérations de construction de l'immeuble n'était pas achevées, la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank qui allègue avoir perdu la qualité de maître de l'ouvrage - sans au demeurant en justifier - soit un motif de rupture ne présentant pas les caractères d'une cause légitime, a commis une faute qui a eu pour effet de priver C. D. de la rémunération qu'il aurait dû percevoir par l'effet du contrat, dès lors que des salaires, au sens de l'article 1838 du Code civil, lui avaient été promis ;

Attendu en conséquence que C. D. est bien fondé à réclamer paiement de dommages-intérêts devant compenser la perte de ses honoraires calculés conformément aux accords intervenus, c'est-à-dire en fonction « des factures hors taxes relatives à la construction (excavation, maçonnerie) » ;

Attendu qu'en l'état des contradictions existantes entre les écrits des parties et les pièces produites (relevé annexé à la lettre du 9 mai 1988 ne faisant pas état des honoraires D. facturés le 8 mars 1988 pour 33 051,40 F. ayant pourtant fait l'objet d'un chèque de même montant émis à la même date par la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank au bénéfice de C. D., offre de paiement d'une note d'honoraires du 5 mai 1983, donc antérieure à la convention, pour un montant de 204 822,20 F. TTC représentant une avance sur les rémunérations à percevoir qui n'apparaît pas avoir été comptabilisée ...), le Tribunal, qui ne dispose pas des éléments d'appréciation suffisants, estime devoir recourir à une mesure d'expertise, dans les termes du dispositif du présent jugement, pour lui permettre d'apprécier le montant des dommages-intérêts pouvant revenir au demandeur ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare la Société Etoral Finance Inc. Trade Development Bank responsable de la rupture du mandat l'ayant lié à C. D. et tenue de réparer le préjudice qui en est résulté pour celui-ci ;

Avant dire droit sur le montant des dommages-intérêts pouvant revenir à C. D. ;

Ordonne une mesure d'expertise à ses frais avancés et commet pour y procéder M. Rainier Boisson, architecte, demeurant ., assisté s'il y a lieu, de tout sapiteur de son choix, aura pour mission :

* d'évaluer la valeur de construction de l'immeuble sis ., en se faisant communiquer par les parties ou par les tiers concernés toutes factures relatives aux travaux de construction de l'immeuble (excavation, maçonnerie) à l'exclusion de ceux relatifs à l'aménagement intérieur (menuiserie, décoration, etc.) ou, à défaut de communication de ces éléments, en procédant par estimation,

* de calculer des honoraires hors taxes au taux de 5 % sur les montants hors taxes desdites factures ou estimation,

* de manière générale, de faire le compte entre les parties et les concilier si faire se peut ;

Dit que l'expert dressera et déposera rapport de ses opérations dans les trois mois de la saisine ;

Commet Monsieur Philippe Narmino, premier juge, chargé de suivre l'expertise ;

Dit qu'en cas d'empêchement du juge ainsi commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MMes Blot et Marquet, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25568
Date de la décision : 11/01/1990

Analyses

Contrat - Général ; Contrat de mandat


Parties
Demandeurs : D.
Défendeurs : Société Etoral Finance Inc Trade Development Bank

Références :

article 1838 du Code civil
article 1843 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1990-01-11;25568 ?

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