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04/01/1990 | MONACO | N°25565

Monaco | Tribunal de première instance, 4 janvier 1990, D. c/ dame L.


Abstract

Divorce

Mesures provisoires - Compétence ratione materiae du Tribunal - Article 203, alinéa 5 du Code civil indépendamment de sa compétence sur le fond - Intérêts concernés se situant à Monaco

Résumé

Le Tribunal appelé à statuer sur les seules mesures provisoires, en application de l'article 203 alinéa 5 du Code civil, n'est pas tenu d'apprécier au préalable sa compétence pour connaître du fond du litige, mais peut, s'agissant d'une disposition procédurale d'ordre public, trancher le litige qui lui est soumis lorsque lesdites mesures provi

soires concernent des intérêts sis à Monaco et présentent un caractère d'urgence.

Il s'e...

Abstract

Divorce

Mesures provisoires - Compétence ratione materiae du Tribunal - Article 203, alinéa 5 du Code civil indépendamment de sa compétence sur le fond - Intérêts concernés se situant à Monaco

Résumé

Le Tribunal appelé à statuer sur les seules mesures provisoires, en application de l'article 203 alinéa 5 du Code civil, n'est pas tenu d'apprécier au préalable sa compétence pour connaître du fond du litige, mais peut, s'agissant d'une disposition procédurale d'ordre public, trancher le litige qui lui est soumis lorsque lesdites mesures provisoires concernent des intérêts sis à Monaco et présentent un caractère d'urgence.

Il s'ensuit qu'à ce stade, le Tribunal n'a pas à rechercher si la loi étrangère invoquée doit ou non régir le litige ; il lui appartient d'appliquer, quelque soit la nationalité des parties - qui conservent au demeurant, la faculté de solliciter du Tribunal compétent pour connaître du divorce au fond, l'application de leur loi personnelle - les règles monégasques organisant la procédure préalable à l'instance en divorce, et en particulier les dispositions de l'article 203 alinéa 5 du Code civil.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, par Ordonnance du 18 octobre 1989 à laquelle il y a lieu de se reporter, le vice-président de ce Tribunal, saisi d'une requête en divorce émanant de D., sur laquelle il a ajourné les parties aux fins de conciliation, a considéré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'exception d'incompétence soulevée par L. épouse réservant la connaissance de cette question au Tribunal, a autorisé à assigner son épouse en divorce après avoir constaté la non-conciliation des époux, et a renvoyé à date fixe les parties devant le Tribunal, par application de l'article 203 alinéa 5 du Code civil, pour qu'il soit par elles conclu sur l'exception soulevée et les mesures provisoires ;

Attendu que déférant à ces prescriptions, D. a fait assigner son épouse L. en divorce selon exploit du 25 octobre 1989 d'une part, tandis qu'il concluait aux côtés de celle-ci le 7 décembre 1989 sur la compétence et les mesures provisoires d'autre part ;

Attendu que L., invoquant la nationalité française des époux et la situation en France de leur domicile conjugal, soutient que le Tribunal de Grande Instance de Paris, où elle vit avec l'enfant mineur, né le 21 mars 1989, est compétent par application de la loi française pour connaître du divorce dont il est d'ailleurs saisi par requête du 1er juin 1989 (demande acceptée) ou 11 septembre 1989 (divorce pour faute) ;

Qu'au fond, elle reproche à son époux une agressivité excessive et des scènes de violences l'ayant conduite à s'enfuir avec son enfant du domicile conjugal au domicile de sa mère, où elle réside actuellement ; qu'elle indique percevoir de l'URSSAF une allocation de femme isolée et forme, dans le dispositif de ses écrits judiciaires qui seul lie le Tribunal, les demandes suivantes, pour le cas où « par impossible », le Tribunal de Monaco retiendrait sa compétence :

* l'application de la loi française,

* l'autorisation de résider séparément,

* l'attribution de l'autorité parentale sur l'enfant mineur demeurant avec elle,

* la condamnation de D. à verser une somme de 15 000 F. par mois, indexée, à titre de part contributive à l'entretien et l'éducation du mineur,

* le paiement d'une pension de 5 000 F. par mois indexée, à titre de pension alimentaire,

* la condamnation de D. à lui payer 13 000 F. pour lui permettre de régler des frais afférents à la garde de l'enfant commun,

* et le paiement de 10 000 F. à titre de dommages-intérêts « pour frais de transport et de justice », outre les dépens ;

Attendu que D. estime pour sa part que le Tribunal de Monaco est compétent pour connaître du présent divorce, d'autant qu'il a été saisi avant que le Tribunal de Paris ne le soit lui-même régulièrement ;

Que, sur les mesures provisoires, accédant au vœu de son épouse quant à l'application en la cause de la loi française, il demande au Tribunal de juger que l'autorité parentale sera conjointement exercée par les père et mère, avec résidence de l'enfant au domicile de la mère, sous réserve de son droit de visite et d'hébergement à exercer la moitié des petites et grandes vacances scolaires ;

Qu'il offre de payer la somme de 2 500 F. par mois au titre de sa part contributive à l'entretien et l'éducation du jeune, avec indexation, et conclut au rejet des autres demandes en prétendant que son épouse dispose de revenus importants, de l'ordre de 25 000 F. par mois tandis qu'il bénéficierait pour sa part d'environ 18 000 F. mensuels ;

Sur quoi,

Attendu qu'à l'audience des plaidoiries du 14 décembre 1989, a renoncé à décliner la compétence de ce Tribunal du chef des mesures provisoires et les parties ont admis qu'il y avait lieu de reporter le débat sur la compétence à la date de l'examen du divorce au fond, estimant que le Tribunal est bien compétent pour statuer sur les mesures provisoires dont il est présentement et exclusivement saisi à ce stade, même s'il devait décliner sa compétence ultérieurement sur l'action en divorce ;

Attendu que tel est bien le sens, au demeurant, de la jurisprudence arrêtée en pareille matière, selon laquelle le Tribunal appelé à statuer sur les seules mesures provisoires, c'est-à-dire au cours d'une phase non définitive de la procédure, n'est pas tenu d'apprécier au préalable sa compétence pour connaître du fond du litige mais peut, par application de la loi monégasque conçue comme loi de procédure et de police, trancher le litige qui lui est soumis sur lesdites mesures provisoires lorsque celles-ci concernent des intérêts sis à Monaco et doivent recevoir une solution immédiate en raison de leur urgence ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'à ce stade, le Tribunal n'a pas à rechercher si la loi étrangère invoquée doit ou non régir le litige sur les mesures provisoires ; qu'il lui appartient d'appliquer, quelle que soit la nationalité des parties - qui conservent au demeurant la faculté de solliciter du Tribunal compétent pour connaître du divorce au fond l'application de leur loi personnelle - les règles monégasques organisant la procédure préalable à l'instance en divorce, et en particulier les dispositions de l'article 203 alinéa 5 du Code civil ;

Attendu, en ce qui concerne la garde de l'enfant commun, né le 21 mars 1989, que le très jeune âge de ce mineur commande, dans son intérêt supérieur, de le confier à la garde de sa mère, ce que le père a d'ailleurs admis, en fait, en acceptant que l'enfant réside avec la mère ;

Qu'à cet égard, il y a lieu de prendre acte de l'accord des parties et d'autoriser en conséquence L. à résider séparément [adresse] à Paris ;

Attendu, quant aux droits de visite et d'hébergement, qu'il n'apparaît pas de l'intérêt de l'enfant, âgé de quelques mois seulement, de demeurer trop longtemps éloigné de sa mère ni de subir les effets de fréquents déplacements de Paris à Monaco ; qu'en conséquence, les demandes formulées de ce chef par le père ne peuvent être intégralement accueillies ; qu'il y a lieu de ménager ces droits de visite et d'hébergement comme il est dit au dispositif du présent jugement ;

Attendu, sur la part contributive du père à l'entretien de l'enfant commun, qu'il est au préalable nécessaire d'évaluer les besoins du jeune et les facultés respectives de ses parents ;

Attendu que ceux-ci apparaissent minorer les ressources dont ils disposent réellement ; qu'en effet, il résulte des pièces produites de part et d'autre que, contrairement à ce qui est prétendu ;

* L. n'est pas sans ressources, dès lors qu'elle est titulaire d'un portefeuille d'actions et d'obligations et qu'elle dispose de revenus (cf. : déclaration d'impôt 1988), qu'elle ne travaille pas pour subvenir à ses besoins, qu'elle a recruté une puéricultrice pour s'occuper de son enfant, qu'elle est copropriétaire à Paris (16e) d'un appartement de maître sur deux niveaux - où elle est venue s'installer avec la « nurse » et son enfant -, provenant de la succession de son frère à l'occasion de laquelle elle a acquitté près de 400 000 F. de droits de succession et qu'elle a renoncé, lors d'une procédure de dissolution d'un premier mariage, à toute pension alimentaire « disposant de revenus suffisants pour assurer sa subsistance » ;

* D. mène un train de vie sans rapport avec les seuls revenus qu'il déclare percevoir et les charges qu'il invoque, les attestations produites relatant divers séjours, voyages, loisirs et autres modes d'existence que ne sauraient satisfaire les revenus déclarés de son entreprise de lavage d'automobiles ;

Attendu par ailleurs que le très jeune âge de l'enfant ne justifie pas les sommes réclamées par la mère actuellement, étant observé que lors de la saisine des juridictions parisiennes, celle-ci sollicitait 6 000 F. à ce titre ;

Attendu en conséquence qu'eu égard aux éléments d'appréciation dont il dispose, le Tribunal estime devoir fixer à 5 000 F. par mois la part contributive du père à l'entretien et l'éducation du mineur, sans qu'il y ait lieu de prévoir l'indexation de cette somme eu égard au caractère provisoire s'attachant à la présente décision ; que la somme de 13 000 F. réclamée supplémentairement au titre de la garde de l'enfant ne saurait dès lors être allouée ;

Attendu, en ce qui concerne la pension alimentaire réclamée par L., qu'il n'est pas justifié par cette partie, eu égard aux observations qui précèdent, d'un état d'impécuniosité nécessitant qu'il soit pourvu à sa subsistance par son époux ;

Qu'elle doit donc être déboutée de ce chef de demande ;

Attendu qu'en revanche, sa réclamation relative à l'indemnisation pour frais de l'instance, en ce qu'elle revêt un caractère de dépenses exceptionnelles, doit être admise à concurrence de 5 000 F. ;

Attendu que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Se déclarant compétent et statuant contradictoirement sur les seules mesures provisoires,

Autorise L. épouse D. à résider séparément de son mari ;

Confie à la mère la garde de l'enfant commun, né le 21 mars 1989 et réserve au père le plus large droit de visite, lequel, sauf meilleur accord des parties, s'exercera de la manière suivante :

* la première moitié de toutes les vacances scolaires monégasques égales ou supérieures à 6 jours, à charge pour le père de venir chercher l'enfant au domicile de sa mère et de l'y ramener, ce, à ses frais ;

Fixe à 5 000 F. par mois le montant de la part contributive du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant et condamne en tant que de besoin D... à payer cette somme le premier de chaque mois et d'avance à son domicile à L... ;

Le condamne en outre à payer à son épouse la somme de 5 000 F. au titre des frais de l'instance ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Pennaneac'H, subst. proc. gén. ; Mes Sbarrato et Blot, av. déf. ; Hazan-Yilouz, av. au barr. de Paris.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25565
Date de la décision : 04/01/1990

Analyses

Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps ; Contentieux et coopération judiciaire


Parties
Demandeurs : D.
Défendeurs : dame L.

Références :

Ordonnance du 18 octobre 1989
Article 203, alinéa 5 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1990-01-04;25565 ?

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