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14/12/1989 | MONACO | N°25564

Monaco | Tribunal de première instance, 14 décembre 1989, Société Univerre et V. es-qualité de syndic c/ Compagnie Française d'Assurances pour le Commerce Extérieur.


Abstract

Assurances

Double convention : garantie d'un risque commercial et mandat de recouvrement - Indivisibilité (non) - Compensation entre primes et créances recouvrées (non)

Cessation des paiements

Assuré en état de cessations de paiements - Non connexité entre primes et créances recouvrées - Compensation impossible

Résumé

Il n'y a pas d'indivisibilité entre la convention d'assurances portant sur la garantie d'un risque commercial et celle de mandat de recouvrement de créances, conférée à l'assureur, bien que s'agissant des mêmes pa

rties, dès lors qu'il n'existe entre lesdites conventions aucune interdépendance pouvant résulter d...

Abstract

Assurances

Double convention : garantie d'un risque commercial et mandat de recouvrement - Indivisibilité (non) - Compensation entre primes et créances recouvrées (non)

Cessation des paiements

Assuré en état de cessations de paiements - Non connexité entre primes et créances recouvrées - Compensation impossible

Résumé

Il n'y a pas d'indivisibilité entre la convention d'assurances portant sur la garantie d'un risque commercial et celle de mandat de recouvrement de créances, conférée à l'assureur, bien que s'agissant des mêmes parties, dès lors qu'il n'existe entre lesdites conventions aucune interdépendance pouvant résulter du dédoublement et de l'extension d'un engagement initial unique, par l'effet duquel l'un des cocontractants serait fondé à refuser son obligation, tant que l'autre n'aurait pas exécuté la sienne, et faisant ainsi apparaître une connexité entre la créance issue de la première et la dette issue de la seconde, alors qu'en fait il y a eu succession dans le temps de deux accords distincts n'ayant ni la même cause, ni le même objet ; en effet, aux termes des conditions particulières de la police d'assurances, le mandat de recouvrement prévu par son article V était subordonné dans son existence même au consentement ultérieur express de l'assuré, manifesté distinctement par rapport à la convention d'assurances originaire, laquelle ne pouvait être le fait générateur unique de ce mandat, dès lors que celui-ci pouvait ne pas être conclu.

Il en résulte qu'au cas de cessation des paiements de l'assuré, l'assureur ne saurait se prévaloir de la compensation entre le montant des primes d'assurances qui lui sont dues et la créance recouvrée pour le compte de l'assuré.

En effet, le jugement ouvrant une procédure d'exécution collective interdit au débiteur en liquidation de biens ou en règlement judiciaire de payer un de ses créanciers et de recevoir un paiement de la part d'un de ses débiteurs, de sorte que la compensation, considérée comme un double paiement ne peut plus s'opérer entre une créance dans la masse et une créance du failli.

Si une exception est apportée à ce principe ce n'est que lorsque les créances ou dettes réciproques sont connexes parce qu'elles naissent d'une même convention ou de conventions indivisiblement liées, ce qui n'est point le cas en l'espèce.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu qu'il résulte des éléments de la cause la relation suivante des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties :

La Société Anonyme Monégasque dénommée « Univerre » a souscrit le 19 décembre 1983 auprès de la Compagnie Française d'Assurances pour le Commerce Extérieur en abrégé COFACE, une police destinée à la garantir, pour ses exportations à destination d'un certain nombre de pays étrangers, parmi lesquels la Grande Bretagne, contre le risque commercial résultant de l'insolvabilité de ses clients débiteurs, moyennant le paiement d'une prime annuelle minimum de 150 000 F. outre le versement d'un dépôt de garantie de 30 000 F. ;

Qu'aux termes de l'article 1er des conditions générales du contrat, la Compagnie acceptait de considérer comme étant en état d'insolvabilité « le débiteur qui, après avoir pris livraison de marchandises, ne sera pas acquitté de la dette correspondante dans un délai de 42 mois après l'échéance fixée au marché, sous réserve que la validité ou le montant de la créance ne soit pas contesté » ;

L'article 13 de ces mêmes conditions générales stipulait que le seul fait, pour l'assuré, de solliciter la mise en jeu de la garantie habilitait la Compagnie à exercer de plein droit tous les droits et actions de l'assuré sur la créance ayant fait l'objet de la déclaration de sinistre ; il était toutefois précisé, par ailleurs, à l'article V des conditions particulières de la police que, nonobstant les dispositions susvisées, la Compagnie acceptait de n'intervenir auprès d'un débiteur défaillant que dans la mesure où l'assuré lui aurait adressé une demande formelle d'intervention ;

Faisant état de ce que deux factures de livraisons de marchandises effectuées en date des 30 juillet et 11 août 1986 à la société de droit anglais « L. G. et Son LTD » d'un montant total de 14 083,26 Livres Sterling étaient demeurées impayées, la société Univerre en faisait la déclaration à la COFACE le 27 octobre 1986, laquelle lui en accusait réception le 16 janvier 1987 en l'avisant qu'elle intervenait auprès de son acheteur ;

Par la suite, la COFACE, suivant lettre recommandée du 23 juin 1987, informait à la Société Univerre de ce qu'elle suspendait sa garantie dans l'attente d'une décision judiciaire définitive et exécutoire du Royaume Uni tout en lui proposant de confier la défense de ses intérêts à ses correspondants locaux ;

La Société Univerre acquiesçant à cette offre demandait à la COFACE d'intenter une procédure à l'encontre de la Société « L. G. et Son LTD » en lui précisant que celle-ci restait lui devoir un solde de 12 083,26 Livres Sterling ;

Entre temps, la Société Univerre ayant été déclarée en état de cessation des paiements par jugement du Tribunal de ce siège du 9 juillet 1987, la COFACE produisait au passif de celle-ci entre les mains de son syndic L. V., suivant bordereau du 29 janvier 1988, pour la somme de 107 522,60 F., montant de sa créance au titre des primes échues et impayées, après déduction du dépôt de garantie de 30 000 F., laquelle était admise à titre chirographaire pour sa totalité par ordonnance du Juge Commissaire du 19 avril 1988, devenue définitive ;

Suivant lettre recommandée du 3 mars 1988, la COFACE informait le syndic V. de ce qu'elle était redevable envers la Société Univerre d'une somme de 115 783,78 F., après déduction des frais et honoraires de recouvrement, s'élevant à 3 212,90 F., représentant le règlement effectué entre ses mains par la société « L. G. et Son LTD » à la suite du recours exercé contre cette dernière et lui faisait parvenir en même temps, après avoir compensé ladite somme avec celle de 107 522,60 F. lui restant due par la Société Univerre au titre des primes impayées, un chèque de 11 474,08 F. pour solde ;

Par lettre recommandée en date du 10 mars 1988, le Syndic V. retournait à la COFACE ledit chèque en lui rappelant que le dessaisissement de la Société Univerre, résultant du jugement déclaratif du 9 juillet 1987, faisait désormais obstacle à toute compensation ; il la mettait en demeure de lui faire parvenir sans délai la somme de 115 783,78 F. qu'elle avait reçue de la Société « L. G. et Son LTD » ;

Cette mise en demeure étant restée sans effet, suivant exploit en date du 17 juin 1988, L. V., agissant es-qualité de syndic du règlement judiciaire de la société anonyme monégasque dénommée « Univerre », a fait assigner la Compagnie Française d'Assurances pour le Commerce Extérieur, en abrégé COFACE, en paiement de la somme de 115 783,78 F. avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 1987, et ce, au besoin, à titre de dommages-intérêts supplémentaires, outre celle de 50 000 F. de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Il a fait notamment valoir au soutien de sa demande que la COFACE ne saurait utilement prétendre compenser le montant des primes qui lui sont dues par la Société Univerre avec la somme qu'elle détient pour le compte de celle-ci du seul fait qu'il ne s'agit pas de dette et créance nées de l'exécution d'un même contrat et présentant entre elles un lien de connexité puisque la créance de la COFACE trouve sa cause dans la police d'assurances souscrite par la Société Univerre tandis que celle de ladite société trouve sa cause dans le mandat de recouvrement qu'elle avait confié à la COFACE, s'agissant de deux contrats distincts entre lesquels n'existe aucun lien de connexité ;

La Société COFACE a conclu au débouté en faisant valoir qu'elle est bien fondée à compenser sa créance de 107 522,60 F. produite et admise au passif de la Société Univerre avec la somme de 115 783,78 F. dont elle a obtenu le règlement pour le compte de cette même société ; qu'en effet le mandat de recouvrement que lui avait confié celle-ci ne constitue pas un contrat distinct de la police d'assurances mais n'est que l'application des dispositions de l'article V de ses conditions générales ;

Sur ce,

Attendu que, si le jugement ouvrant une procédure d'exécution collective interdit au débiteur en liquidation de biens ou en règlement judiciaire de payer un de ses créanciers et de recevoir un paiement de la part d'un de ses débiteurs, et si la compensation, considérée comme un double paiement, ne peut, en conséquence, plus s'opérer entre une créance dans la masse et une créance du failli, le principe reçoit cependant exception lorsque les créances ou dettes réciproques sont connexes parce qu'elles naissent d'une même convention ou de conventions indivisiblement liées ;

Attendu, à ce sujet, que s'il n'est pas contesté par les parties que la créance de la Société COFACE qui a pour objet le paiement de primes qui lui sont dues par son assurée, la Société Univerre prend ainsi sa source dans le contrat d'assurances comme étant la contrepartie du risque garanti, par contre ces mêmes parties sont en désaccord sur le fait générateur de la dette de la Société COFACE envers la Société Univerre, la défenderesse prétendant que c'est le contrat d'assurances tandis que le demandeur le dénie en soutenant que c'est un mandat ;

Attendu qu'il résulte des documents de la cause que le paiement par la Société « L. G. et Son LTD » de la somme litigieuse de 115 783,78 F., laquelle est actuellement détenue par la Société COFACE qui reconnaît en être redevable, a été obtenu par celle-ci à la suite du recouvrement qu'elle a exercé avec l'accord préalable de son assurée, conformément aux dispositions de l'article V des conditions particulières de la police d'assurances, d'où il suit que cette somme a été recouvrée en exécution d'un mandat donné par la société Univerre à son assureur ;

Attendu cependant qu'il n'en demeure pas moins, qu'il n'y a pas en l'espèce d'indivisibilité entre la convention d'assurances et celle de mandat, bien que s'agissant des mêmes parties, dès lors qu'il n'existait entre lesdites conventions aucune interdépendance pouvant résulter du dédoublement et de l'extension d'un engagement initial unique par l'effet duquel l'un des cocontractants serait fondé à refuser son obligation tant que l'autre n'aurait pas exécuté la sienne, et faisant ainsi apparaître une connexité entre la créance issue de la première et la dette issue de la seconde, alors qu'en fait il y a eu succession dans le temps de deux accords distincts n'ayant ni la même cause, ni le même objet ; Qu'en effet aux termes des conditions particulières de la police d'assurances, le mandat de recouvrement prévu par son article V, était subordonné dans son existence même au consentement ultérieur exprès de l'assuré manifesté distinctement de la convention d'assurances originaire, qui ne pouvait en être ainsi le fait générateur unique dès lors que ledit mandat pouvait ne pas être conclu ;

Qu'il convient donc de constater que la société Coface ne saurait prétendre compenser la somme de 115 783,78 F. qu'elle doit à la société Univerre, en exécution du mandat donné par celle-ci, avec sa créance de primes née du contrat d'assurances à l'encontre de cette dernière ;

Attendu qu'en conséquence la somme de 115 783,78 F. devant être rapportée à la masse des créanciers de la société Univerre représentée par son syndic L. V., il échet de condamner la société Coface au paiement de cette somme, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 10 mars 1988, date de la mise en demeure en raison de la nature contractuelle et commerciale de la créance ;

Attendu qu'en outre, la défenderesse, qui n'a pu, en sa qualité d'assureur professionnel, se méprendre sur la portée de ses droits à l'encontre de son assurée, a fautivement occasionné au demandeur, en le contraignant à ester en justice, un préjudice certain et devra l'indemniser de ce chef à concurrence de la somme de 10 000 F. ;

Attendu qu'enfin les dépens suivront la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Rejette l'exception de compensation soulevée par la Société Anonyme de droit français dénommée « Compagnie Française d'Assurances pour le Commerce Extérieur » ;

Condamne en conséquence la Compagnie Française d'Assurances pour le Commerce Extérieur à payer à L. V., es-qualités de syndic au règlement judiciaire de la Société Anonyme de droit monégasque dénommée « Univerre » la somme de cent quinze mille sept cent quatre-vingt trois francs soixante-dix huit centimes (115 783,78 F.) avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 1988 ;

La condamne en outre, à payer à L. V., es-qualités, la somme de dix mille F. à titre de dommages-intérêts ;

Déboute la Compagnie Française d'Assurances pour le Commerce Extérieur de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MMes Karczag-Mencarelli et Lorenzi, av. déf. ; Gantelme, av. au barr. de Paris.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25564
Date de la décision : 14/12/1989

Analyses

Contrats d'assurance ; Procédures collectives et opérations de restructuration


Parties
Demandeurs : Société Univerre et V. es-qualité de syndic
Défendeurs : Compagnie Française d'Assurances pour le Commerce Extérieur.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1989-12-14;25564 ?

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