La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/1989 | MONACO | N°25562

Monaco | Tribunal de première instance, 7 décembre 1989, État de Monaco c/ Société Sicom, D.G.M., Imofi, Ambrif, Dalbou, Dame veuve C.


Abstract

Procédure civile - Péremption d'instance

Conditions - Articles 407 et 408 du Code de procédure civile.

Contrat administratif

Location d'un terrain domanial avec autorisation de construire - Nature non commerciale du contrat - Inapplication de la forclusion prévue par l'article 31 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les locaux commerciaux

Prescription quinquennale

Non-application de l'article 2097 du Code civil - Absence de présomption de paiement - Loyer non déterminé

Résumé

L'instance introduite le 26 septembre 19

69 tendant à renouveler un bail, à une moindre durée et à en faire fixer la valeur locative par voie d'ex...

Abstract

Procédure civile - Péremption d'instance

Conditions - Articles 407 et 408 du Code de procédure civile.

Contrat administratif

Location d'un terrain domanial avec autorisation de construire - Nature non commerciale du contrat - Inapplication de la forclusion prévue par l'article 31 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les locaux commerciaux

Prescription quinquennale

Non-application de l'article 2097 du Code civil - Absence de présomption de paiement - Loyer non déterminé

Résumé

L'instance introduite le 26 septembre 1969 tendant à renouveler un bail, à une moindre durée et à en faire fixer la valeur locative par voie d'expertise, ayant abouti à un arrêt de la Cour d'appel du 5 avril 1971 confirmant la mesure d'expertise ordonnée, dont le rapport a été déposé le 10 décembre 1974, alors que la procédure n'a été reprise que par une assignation délivrée le 28 janvier 1987, se trouve éteinte par discontinuation des poursuites, emportant extinction de la procédure au sens des articles 407 et 408 du Code de procédure civile.

Il n'en va pas de même de la présente instance ayant donné lieu, depuis l'exploit introductif du 28 janvier 1987, à des échanges réguliers d'écrits judiciaires entre les parties jusqu'à ce jour.

Ainsi le demandeur, à supposer exact que l'action ayant fait l'objet de l'instance engagée le 26 septembre 1969 soit la même que celle dont le tribunal est présentement saisi, conserve en tout état de cause la faculté de faire valoir judiciairement cette action - que la péremption n'éteint pas, aux termes de l'article 408 du Code de procédure civile - en introduisant une instance distincte sur le plan procédural.

La convention par laquelle l'État donne à bail une parcelle domaniale pour 18 ans, résiliable à son gré, moyennant un loyer fixé conformément aux dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux ou conformément aux dispositions de la législation comparable en vigueur à la date de la signature, en autorisant le locataire à édifier des constructions pouvant être rachetées par l'État à l'expiration du bail, s'analyse en un contrat administratif, excluant par sa nature même l'existence prétendue d'un bail commercial.

Il s'ensuit que le défendeur ne saurait valablement soulever la forclusion de l'action en fixation du prix du loyer instituée par l'article 31 de la loi n° 490.

Il ne peut davantage se prévaloir de la présomption quinquennale instaurée par l'article 2097 du Code de procédure civile ; en effet, cette prescription qui repose sur une présomption de paiement en parfaite contradiction avec les circonstances de fait de la cause - implique au vœu de la jurisprudence que ces loyers soient déterminés en leur montant - ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque cette détermination fait précisément l'objet du présent litige.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que des éléments de la cause résulte la relation suivante des faits de la procédure :

Selon acte du 23 juin 1950, enregistré, l'État de Monaco a donné à bail pour une durée de dix-huit années consécutives devant se terminer le 31 mai 1968, à R. S. - qui a presque aussitôt cédé ses droits aux autres preneurs - et aux sociétés Sicom et Sonoudex, un terrain sis à Fontvieille, sur lequel ces sociétés ont régulièrement édifié un immeuble connu sous le nom « Le V. », moyennant le paiement d'un loyer déterminé et sous certaines conditions particulières dont notamment :

* l'interdiction de céder le droit au bail ou de sous-louer, sauf cession de l'un des co-locataires à l'autre, sans le consentement de l'État,

* la faculté pour l'État de Monaco, à l'expiration du bail, de conserver les constructions édifiées sur la parcelle moyennant indemnité,

* la résiliation de plein droit et sans formalité du bail avant son expiration, si l'État de Monaco devait, pour des raisons d'utilité publique, reprendre la disposition de la parcelle ;

Diverses parties de l'immeuble « Le V. » ont été cédées par les sociétés Sicom et Sonoudex qui ont pris soin d'informer l'État de Monaco des cessions envisagées à l'occasion de chacune d'elles ; l'Administration leur faisait alors savoir par écrit que les conditions du bail « ne sont pas applicables (à la cession de) tout ou partie des constructions dont les sociétés Sicom et Sonoudex sont propriétaires » ; elle imposait toutefois l'obligation pour les cessionnaires de satisfaire à l'avenir à son éventuelle demande de rachat des locaux, et, en cas de non-exercice par ses soins de ce droit d'achat, indiquait qu' « un nouveau bail aux conditions prévues à l'acte du 23 juin 1950, sous réserve du prix (serait) consenti (aux cessionnaires) s'(ils en font) la demande, pour la jouissance indivise, avec les sociétés Sicom et Sonoudex, du terrain domanial sur lequel sont édifiées les constructions... » ;

L'Administration ajoutait encore ces précisions :

« Le montant du loyer de ces locations sera, à défaut d'accord amiable fixé conformément aux dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les locaux commerciaux ou conformément aux dispositions de la législation comparable en vigueur à la date de la signature desdits contrats de location » ;

Il est constant qu'au 31 mai 1968, date d'expiration de la convention du 23 juin 1950, l'État de Monaco n'a pas usé de la faculté qui lui était offerte d'acquérir les constructions édifiées sur son terrain ;

Pour autant aucune initiative - de part ou d'autre - n'était prise quant à l'occupation dudit terrain, exception faite de pourparlers, intervenus durant l'été 1968 entre l'Administration des domaines et le représentant des propriétaires de l'immeuble « Le V. », relatifs à une proposition de renouvellement du bail pour trois, six ou neuf années, moyennant un prix de loyer augmenté, proposition qui n'a pas été acceptée ;

Dans ces conditions, l'État de Monaco faisait assigner par exploit du 26 septembre 1969, les sociétés Sicom et Sonoudex pour qu'il soit pris acte par le Tribunal de l'accord des parties à ce litige sur l'établissement d'un bail avec les mêmes objets, charges et conditions que celui du 23 juin 1950, mais pour une durée de trois, six ou neuf années devant prendre fin le 31 mai 1977, et qu'un expert soit désigné à l'effet de recueillir tous éléments d'appréciation nécessaires à la fixation de la valeur locative équitable du terrain objet de la location ;

Cette instance aboutissait à un jugement du 8 mai 1970 par lequel le Tribunal, après le rejet de l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Sicom et Sonoudex, refusait d'analyser l'acte administratif du 23 juin 1950 en un bail commercial soumis à la loi n° 490 et, retenant sa compétence comme juridiction administrative, désignait J. Porta en qualité d'expert en lui impartissant la mission sollicitée par l'État de Monaco ;

Par arrêt du 5 avril 1971, la Cour d'appel confirmait cette analyse de la convention litigieuse et la mesure d'expertise ordonnée en première instance ;

L'expert Porta déposait son rapport le 10 décembre 1974 sans toutefois que l'État de Monaco n'en poursuive l'homologation ;

Par l'exploit susvisé du 28 janvier 1987, introductif de la première instance, l'État de Monaco a fait assigner les défenderesses ci-dessus désignées, qui occupent actuellement partie de l'immeuble « Le V. », à l'effet qu'il soit jugé :

* que la convention du 23 juin 1950 a été renouvelée le 1er juin 1968 pour une première période de trois, six ou neuf années expirant le 31 mai 1977 puis, pour une nouvelle période devant prendre fin le 31 mai 1986,

* que c'est ce renouvellement qui a permis aux sociétés Sicom et Sonoudex et à leurs cessionnaires de disposer de droits dans l'immeuble « Le V. » (excepté sur le terrain demeuré la propriété de l'État),

* que les droits des défenderesses sont affectés des mêmes obligations et de la même précarité que celles prévues à la convention du 23 juin 1950,

* qu'au 31 mai 1986, soient condamnées à lui payer, sous réserve des loyers ou indemnités d'occupation échus ou à échoir :

• la société SICOM, 89 084 F. ;

• L. B., veuve C., 86 300,12 F. ;

• la SCI DGM, 77 948,50 F. ;

• la SCI IMOFI, 77 948,50 F. ;

• la SCI AMBRIF, 139 193,75 F. ;

outre les dépens ;

Ces défenderesses et la SCI Dalbou qui est intervenue volontairement aux débats, s'opposent aux demandes de l'État de Monaco, en invoquant divers moyens sur lesquels il sera revenu ci-après, et soutiennent qu'elles sont en droit de se maintenir dans les lieux en vertu du bail initial renouvelé, dont l'échéance interviendra le 30 mai 2004, moyennant le paiement du montant du loyer convenu à l'origine dans l'acte du 23 juin 1950 ;

Les écrits judiciaires échangés par les parties permettent de résumer ainsi qu'il suit leurs positions respectives :

Éditions Techniques - Juris-Classeurs - 1991

* L'État de Monaco soutient que la convention conclue le 23 juin 1950 s'est renouvelée du fait du non-exercice de son droit de rachat, à son échéance en 1968 pour neuf ans, reportant l'expiration du contrat au 31 mai 1977, puis à cette date, pour neuf années supplémentaires s'achevant le 31 mai 1986, sans pour autant que les parties se soient accordées sur le prix du loyer ainsi qu'en témoigne la procédure introduite en septembre 1969 ; l'État de Monaco conteste cependant que la présente instance constitue la poursuite de cette procédure et estime qu'il s'agit d'un litige nouveau ressortissant à la compétence générale du Tribunal de Première Instance ; il en déduit qu'aucune péremption d'instance ne peut être opposée en la cause ;

Il conteste par ailleurs que les loyers dus pour le bail du terrain se soient prescrits par le jeu de l'article 2097 du Code civil et soutient qu'aucune prescription, notamment quinquennale, ne peut courir en l'espèce dès lors qu'il s'agit de loyers en litige et de créances non encore déterminées en leur montant ;

L'État de Monaco considère que c'est en vertu de l'acte administratif de 1950 que se maintiennent dans les lieux les défenderesses, en précisant qu'il a admis le « renouvellement » et a bien voulu maintenir, dans l'exercice de son « appréciation souveraine », le bénéfice de la convention originaire à son expiration, mais moyennant une redevance actualisée et aux mêmes autres clauses et conditions que celle-ci - dont la nature juridique n'a pu être modifiée puisqu'aucune autre convention n'est intervenue par la suite - ;

Il considère que les jugements et arrêt précités ayant refusé de reconnaître un caractère commercial à la convention du 23 juin 1950 sont opposables aux défenderesses par l'effet de l'article 1198 du Code civil ;

Constatant que celles-ci rejettent ses demandes telles qu'elles résultent du tableau chiffré annexé à l'exploit introductif d'instance, l'État sollicite une mesure d'expertise pour évaluer la contrepartie financière lui revenant depuis le 1er juin 1968 compte tenu des surfaces mises respectivement à la disposition des défenderesses depuis cette date ;

Par ailleurs, il conclut à l'irrecevabilité de l'intervention de la SCI Dalbou faute de qualité et d'intérêt à agir, après avoir observé que cette société s'est - seule - acquittée de ses devoirs en payant à l'État de Monaco le loyer demandé ;

* Les défenderesses font observer que depuis le dépôt du rapport de l'expert Porta, désigné par jugement du 8 mai 1970, cette instance n'a plus connu de suite jusqu'à l'assignation, objet du présent litige, qui reproduit précisément les calculs de loyers opérés par ledit expert dans son rapport déposé le 10 décembre 1974, dont l'homologation est donc implicitement demandée ; elles en déduisent qu'il s'agit de la continuation d'une seule et même instance et soulèvent l'exception de péremption de ladite instance sur le fondement de l'article 407 du Code de procédure civile ;

Quant à l'action elle-même, déniant toute autorité de chose jugée aux décisions judiciaires précitées, elles prétendent qu'elle est prescrite par l'effet de l'article 31 de la loi n° 490, en sorte que l'État de Monaco serait forclos en son action en fixation du prix du loyer depuis le 1er juin 1968 ; en tout état de cause elles invoquent la prescription de l'article 2097 du Code civil ;

Sur le fond du litige, les défenderesses font subsidiairement valoir que la convention de 1950 s'est trouvée reconduite à son échéance pour une durée de dix-huit ans égale à celle initialement prévue, puis de nouveau en 1986 pour une autre période de dix-huit années devant s'achever en 2004, sans pour autant que le prix du loyer - « immuable » selon elles - ait été modifié depuis l'origine ; elles ne reconnaissent à l'État de Monaco que le droit de demander une nouvelle fixation du prix du loyer à compter de l'assignation susvisée du 28 janvier 1987 sans pouvoir remonter au 1er juin 1968 ;

Elles contestent tant l'opposabilité à leur égard de la procédure suivie en 1970 et 1971 puisqu'elles n'y étaient pas parties, que le fond même de cette procédure en ce qu'elle a abouti à la description de locaux ou d'autres éléments par l'expert en vue de la fixation d'un nouveau loyer ;

Elles expliquent enfin l'intervention de la société Dalbou par la nécessité de parvenir à une solution uniforme pour tous les propriétaires de l'immeuble en relevant que le paiement d'un nouveau prix de loyer par cette société - effectué au demeurant dans des circonstances particulières - n'équivaut pas à un acquiescement de sa part aux demandes de l'État de Monaco ;

Sur quoi,

Attendu, dans le domaine des faits, qu'à l'exception de la SCI Dalbou, il est constant que les copropriétaires de l'immeuble « Le V. » ne règlent aucun loyer à l'État depuis le 31 mai 1968 pour l'occupation de la parcelle domaniale sur laquelle cet immeuble est bâti, ainsi qu'il résulte de l'attestation du 3 novembre 1989 produite en cours de délibéré à la demande du Tribunal ;

Sur la péremption :

Attendu que si la péremption de l'instance introduite selon assignation de l'État de Monaco en date du 26 septembre 1969 a pu emporter extinction de la procédure par discontinuation de poursuites, comme le soutiennent les défenderesses, il n'en va pas de même de la présente instance qui a donné lieu, depuis l'exploit introductif du 28 janvier 1987, à des échanges réguliers d'écrits judiciaires entre les parties jusqu'à ce jour ;

Qu'ainsi l'État de Monaco, demandeur, à supposer exact que l'action ayant fait l'objet de l'instance engagée en 1969 soit la même que celle dont le Tribunal est présentement saisi, conserve en tout état de cause la faculté de faire valoir judiciairement cette action - que la péremption n'éteint pas, aux termes de l'article 408 du Code de procédure civile - en introduisant une instance distincte sur le plan procédural ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de passer outre ce moyen d'irrecevabilité ;

Sur les prescriptions :

Attendu que la présente action, qui tend pour l'essentiel à obtenir paiement des loyers correspondant à l'occupation de la parcelle domaniale donnée à bail sans contrepartie depuis 1968, ne s'inscrit nullement dans le cadre de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux et n'est pas « exercée en vertu de (cette) loi » au sens de l'article 31 de ce texte ;

Attendu en effet que les particularités de la convention initiale du 23 juin 1950 et la nature juridique du contrat administratif qui en résulte - telle que cette nature a été analysée, aux termes de motifs auxquels le Tribunal entend se référer, dans les décisions juridictionnelles précitées des 8 mai 1970 et 5 avril 1971 - excluent qu'il s'agisse d'un bail commercial auquel la loi invoquée s'appliquerait ;

Que la présente action se place en conséquence hors du champ d'application de l'article 31 invoqué ;

Attendu que le moyen de prescription ne saurait davantage être accueilli sur le fondement de l'article 2097 du Code civil relatif à la prescription quinquennale « des loyers des maisons... et généralement tout ce qui est payable par année... » ; que pour courir valablement, une telle prescription - qui repose, doit-il être rappelé, sur une présomption de paiement en parfaite contradiction avec les circonstances de fait de la cause -, implique au vœu de la jurisprudence que ces loyers soient déterminés en leur montant, ce qui n'est pas le cas de l'espèce, puisque cette détermination fait précisément l'objet du présent litige ;

Sur l'intervention de la société Dalbou :

Attendu que cette société doit être déclarée recevable en son intervention dès lors que, comme les défenderesses, elle a intérêt à obtenir qu'une décision judiciaire clarifie sa situation juridique par rapport à l'État, même si elle a satisfait aux demandes en paiement de ce demandeur antérieurement à la présente procédure ; qu'au demeurant, un tel paiement n'emporte pas renonciation aux droits qu'elle entend faire valoir aux côtés des autres propriétaires, alors surtout que l'État de Monaco a en dernier lieu renoncé à réclamer les montants qu'il sollicitait à l'origine pour demander une expertise aux fins d'évaluation des sommes lui revenant ;

Sur la situation locative des parties en cause :

Attendu que, conclue pour une durée de dix-huit années entières et consécutives à compter du 1er juin 1950, la convention du 23 juin 1950 est arrivée à son terme le 31 mai 1968 ;

Attendu cependant que les preneurs, ou leurs ayants droit, ont été laissés en possession des lieux à cette date, non sans avoir été informés au préalable par l'État de Monaco  « qu'un nouveau bail aux conditions prévues à l'acte du 23 juin 1950 sous réserve du prix » leur serait consenti à leur demande ;

Attendu qu'une telle demande - qui ne pouvait intervenir de convention expresse qu'à l'expiration de ce premier contrat - doit être considérée comme ayant été effectuée tacitement par les défenderesses ou leurs ayants droit, par suite de leur maintien dans les lieux et l'occupation consécutive de la parcelle donnée à bail ; qu'elle a été confirmée par la suite à l'occasion des pourparlers entrepris en 1968 qui témoignent de la volonté d'un renouvellement, puis lors de l'assignation du 26 septembre 1969 dans laquelle l'Administration des domaines elle-même fait état de l'accord des parties sur l'établissement d'un nouveau bail, même si les conditions de celui-ci n'ont pu faire l'objet d'une entente ;

Attendu que ce nouveau bail, consenti de manière unique aux conditions initiales, excepté celles relatives au prix du loyer, a donc été conclu pour une seconde période de dix-huit années consécutives, s'étant achevée le 31 mai 1986 ; que, depuis lors, les défenderesses ont été laissées en possession de la parcelle dans des conditions non précisées, tant en ce qui concerne la durée que le prix de la location ;

Attendu qu'il doit être fait application des principes généraux et du droit commun des contrats et notamment du contrat de bail, à défaut d'autre élément de référence, quant à la durée du nouveau bail qui s'est opéré à la date du 31 mai 1986, conformément à l'article 1578 du Code civil ;

Attendu que, dès lors qu'aucune manifestation de volonté n'est intervenue de part ou d'autre, relativement à cette durée - hormis celle formée par chacune des parties à l'occasion de la présente instance -, il doit être admis que le bail s'est trouvé conclu sans détermination de durée ; que si d'ordinaire il y a lieu de se référer aux usages pour une telle détermination, les circonstances particulières de l'espèce rendent cette référence sans pertinence en la cause ; que par ailleurs, les conditions d'une reconduction tacite ne sont nullement réunies, étant en outre, observé que les preneurs n'exécutent plus leur obligation essentielle depuis 1968 ;

Attendu, en conséquence, que ce bail sans indication de durée se poursuivra valablement à supposer les obligations contractuelles exécutées, jusqu'à ce que l'une des parties y mette fin en donnant congé à l'autre ;

Attendu toutefois, que le régime de précarité institué par l'acte du 23 juin 1950 quant aux constructions édifiées sur la parcelle louée et la reprise de disposition de ladite parcelle de terrain par l'État de Monaco - inhérent à la nature administrative de ce contrat dont il constitue l'essence - demeure en vigueur, comme ayant été convenu entre les parties audit acte même après l'expiration des effets de celui-ci, en sorte que l'État conserve sa faculté de rachat au terme de la location actuelle ;

Attendu, quant au prix du loyer, que l'Administration a pris soin d'écarter sur ce point les clauses et conditions prévues à l'acte du 23 juin 1950, et a précisé - ce qui a été accepté - que le nouveau bail qui prendrait effet à échéance du bail initial soit le 31 mai 1968 comporterait un « montant de loyer... fixé, à défaut d'accord amiable, conformément aux dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, sur les locaux commerciaux ou conformément aux dispositions de la législation comparable (alors) en vigueur... » ;

Attendu qu'il est constant que l'accord envisagé n'est pas intervenu ; qu'il y a donc lieu de retenir que cette fixation du prix du loyer doit s'opérer, aux termes des dispositions de l'article 21, modifié par la loi du 21 mars 1975, de la loi n° 490 précitée, en fonction de la valeur locative équitable de la chose louée, eu égard aux conditions économiques générales de la Principauté ;

Que le loyer impayé depuis le 31 mai 1968 sauf en ce qui concerne la partie intervenante, doit être calculé à compter de cette date jusqu'à ce jour ; qu'il convient par ailleurs de connaître la charge à laquelle chacun des cessionnaires-occupants des lieux sera personnellement tenu ;

Qu'eu égard aux éléments techniques devant être recueillis, il y a lieu, pour déterminer le montant du loyer devant ainsi être acquitté depuis le 31 mai 1968 par les titulaires de droits dans l'immeuble « Le V. » - lesquels contestent le prix demandé par l'État de Monaco -, de recourir à une mesure d'expertise dans les termes mentionnés au dispositif du présent jugement ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare la SCI Dalbou recevable en son intervention ;

Rejette les exceptions de péremption d'instance et de prescription de l'action soulevées par les parties défenderesses et intervenantes ;

Dit qu'un nouveau bail a été consenti par l'État de Monaco le 1er juin 1968 aux conditions antérieurement prévues, dont celle relative à la durée du bail, excepté en ce qui concerne le prix du loyer ;

Constate qu'à l'expiration dudit bail, survenue le 31 mai 1986, les défenderesses ont été laissées en possession de la parcelle domaniale ;

Dit qu'il s'est alors conclu, aux conditions de précarité antérieurement convenues, un bail sans détermination de durée qui se poursuivra jusqu'à ce que l'une des parties y mette fin en donnant congé à l'autre ;

Constate que l'État de Monaco est créancier de loyers depuis le 1er juin 1968 et dit que ce demandeur est fondé à obtenir, en contrepartie de la mise à disposition de la parcelle domaniale, un prix de loyer calculé à compter de cette date jusqu'à ce jour en fonction de la valeur locative équitable de la chose louée, eu égard aux conditions économiques générales de la Principauté ;

Avant dire droit sur le montant des loyers dus, ordonne une mesure d'expertise aux frais avancés de l'État de Monaco et commet, pour y procéder, Monsieur Chatelin André, ., lequel, serment préalablement prêté aux formes de droit, aura pour mission ;

1° de rechercher et fournir tous éléments d'appréciation nécessaires à la fixation de la valeur locative équitable, eu égard aux conditions économiques générales de la Principauté, et compte tenu des circonstances spécifiques de la cause, du terrain loué à compter du 1er juin 1968 jusqu'au jour d'établissement du rapport ;

2° de calculer, tant globalement que pour chacun des occupants concernés eu égard aux surfaces dont ils disposent dans l'immeuble « Le V. » édifié sur la parcelle, les loyers qui seraient dus en fonction de la valeur locative déterminée comme il est dit ci-dessus ;

Dit que l'expert ainsi commis répondra à tous dires écrits des parties, les conciliera si faire se peut, sinon dressera et déposera rapport de ses opérations dans un délai de trois mois ;

Désigne Monsieur Philippe Narmino, Premier Juge, pour suivre ces opérations d'expertises et faire rapport en cas de difficultés ;

Dit qu'en cas d'empêchement du Juge commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MMes Marquet et Léandri, av. déf.

Note

Sur les critères que retient la jurisprudence pour déterminer le contrat administratif, il y a lieu de se reporter aux attendus de l'arrêt de la

Cour d'appel du 5 avril 1971. L'acte administratif est caractérisé par l'intervention de la puissance publique, son rattachement à une activité de service public et des clauses exorbitantes au droit commun manifestant que les parties ont fait choix du procédé de droit public de préférence au procédé du droit privé.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25562
Date de la décision : 07/12/1989

Analyses

Contrats et marchés publics ; Baux ; Propriété des personnes publiques et domaine public


Parties
Demandeurs : État de Monaco
Défendeurs : Société Sicom, D.G.M., Imofi, Ambrif, Dalbou, Dame veuve C.

Références :

article 31 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948
Articles 407 et 408 du Code de procédure civile
article 408 du Code de procédure civile
article 2097 du Code de procédure civile
article 407 du Code de procédure civile
loi n° 490 du 24 novembre 1948
article 1198 du Code civil
article 2097 du Code civil
article 1578 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1989-12-07;25562 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award