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07/12/1989 | MONACO | N°25561

Monaco | Tribunal de première instance, 7 décembre 1989, S.A.M. Damor c/ Dame H., S.C.I. L'Aurore Immobilière, État


Abstract

Saisie-arrêt

Action en validité - Appréciation à la date de la saisie-arrêt - Tiers saisi : Caisse des dépôts et consignations (non) - Tiers non débiteur du saisi, ni détenteur pour le compte de celui-ci - Mise hors de cause de l'État

Résumé

Il est de principe que la validité d'une saisie-arrêt doit être appréciée à la date à laquelle elle a été pratiquée. La saisie-arrêt effectuée par un créancier chirographaire sur des fonds provenant d'une vente sur adjudication, fonds consignés à la caisse des dépôts et consignations, en att

endant la clôture de la procédure d'ordre, doit être déclarée nulle et de nul effet, étant donné que...

Abstract

Saisie-arrêt

Action en validité - Appréciation à la date de la saisie-arrêt - Tiers saisi : Caisse des dépôts et consignations (non) - Tiers non débiteur du saisi, ni détenteur pour le compte de celui-ci - Mise hors de cause de l'État

Résumé

Il est de principe que la validité d'une saisie-arrêt doit être appréciée à la date à laquelle elle a été pratiquée. La saisie-arrêt effectuée par un créancier chirographaire sur des fonds provenant d'une vente sur adjudication, fonds consignés à la caisse des dépôts et consignations, en attendant la clôture de la procédure d'ordre, doit être déclarée nulle et de nul effet, étant donné que la condition essentiellement requise par l'article 487 du Code de procédure civile, qui exige que la saisie-arrêt porte sur les sommes dues par le tiers au débiteur du saisissant, n'était nullement remplie lors de la saisie ; l'État assigné à tort comme tiers saisi ne pouvait être considéré comme débiteur du saisi ou même du détenteur du bien appartenant à celui-ci.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, par l'exploit susvisé, la société anonyme monégasque Damor, agissant en vertu de titres authentiques constitués par des grosses portant reconnaissances de dette, au profit des porteurs, par la société civile dénommée l'Aurore Immobilière, a saisi-arrêté entre les mains de l'État-Trésorerie des Finances la somme de 256 739 F. dont elle se prétend créancière en principal, intérêts et accessoires arrêtés en novembre 88, outre celle de 40 000 F. à titre prévisionnel, et fait assigner S. H., l'État de Monaco et la SCI l'Aurore Immobilière à l'effet d'obtenir :

* la condamnation de S. H. à lui payer la somme précitée de 256 739 F. outre les intérêts au taux conventionnel de 10 % par an à compter de novembre 1988,

* la validation de la saisie,

* la déclaration affirmative, par le tiers-saisi, des sommes qu'il détient pour le compte de S. H. et le versement entre ses mains de toutes sommes dont celle-ci sera reconnue débitrice jusqu'à concurrence de sa créance en principal et accessoires,

* et le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu qu'au soutien de ses demandes, la Société Damor expose, dans ledit exploit du 9 février 1989, être désormais porteur de 23 grosses fractionnelles, créées selon le cas suivant acte Rey en date des 5 et 9 août 1976 ou acte Crovetto du 20 novembre 1969, par lesquelles la Société Civile « L'Aurore Immobilière » a reconnu devoir les sommes en principal de 1 000 000 F., et 310 000 F., et prétend être créancière de cette société de la somme globale de 2 773 677 F. après calcul des intérêts arrêtés en mai 1988 ;

Que la Société Damor indique avoir été déclarée adjudicataire, selon jugement du Tribunal de Première Instance en date du 6 juillet 1988, d'un appartement et d'une terrasse - propriété de la société civile - qui constituaient la garantie hypothécaire des grosses précitées pour le prix de 2 330 000 F. qu'elle a payé par compensation - à concurrence alors de 2 284 650 F. - du fait de la présentation des grosses concernées, lesquelles sont demeurées entre ses mains après disparition du gage hypothécaire pour matérialiser le solde de la créance due en principal et accessoires s'élevant au total, en novembre 1988, à 513 478 F. (489 027 F. en mai 1988, soit 2 773 677 F.-2 284 650 F.) ;

Qu'elle soutient que la modification de la nature de sa créance - qui, d'hypothécaire, est devenue chirographaire pour ce solde - n'affecte en rien son titre authentique de créance, dont elle dispose encore, et prétend qu'il lui est loisible d'actionner en paiement à son choix soit la société civile l'Aurore Immobilière soit l'un de ses deux associés - ou chacun d'eux -, tenus par parts viriles ;

Qu'elle précise qu'en l'espèce la société se trouvant, « après sa déconfiture et la vente de ses biens » totalement insolvable, elle dirige sa demande contre S. H., associée de la SCI, pour obtenir le remboursement de 256 739 F. représentant la part à laquelle est tenue cette débitrice (513 478 : 2) ;

Que la Société Damor relate par ailleurs que S. H. ayant fait l'objet de saisies immobilières, certains de ses biens propres ont été vendus par adjudication le 14 décembre 1988, à savoir un emplacement de garage et un appartement sis ., respectivement adjugés pour 105 000 et 1 020 000 F. ;

Que pressentant que ces montants, supérieurs aux créances hypothécaires ayant motivé les adjudications, laisseront un important « boni » devant revenir à la débitrice S. H., elle s'estime bien fondée en sa demande de saisie-arrêt ;

Attendu que l'État (Caisse des dépôts et consignations), après avoir indiqué avoir reçu certaines sommes du greffier en chef dans le cadre d'une procédure d'ordre et considéré que ces sommes ne sont pas destinées à S. H. ou à la SCI l'Aurore Immobilière « mais à leur créance », a soutenu en des conclusions du 2 février 1989, qu'eu égard à l'origine des fonds versés, il ne peut avoir la qualité de tiers-saisi et a demandé au Tribunal de le déclarer bien fondé à ne pas effectuer de déclaration affirmative ;

Que cette position ayant été contestée par la Société Damor, qui soutient que l'État, après affectation d'une partie des sommes détenues aux créanciers hypothécaires, est bien débiteur d'un « boni » envers S. H. et qu'il a donc la qualité de tiers-saisi au sens conféré par la jurisprudence, l'État a pris de nouvelles conclusions par lesquelles il maintient ses prétentions initiales ; Que, tout en fournissant des précisions sur la nature et le montant des sommes reçues des adjudicataires, il estime que l'article 487 du Code de procédure n'est pas applicable en la cause dès lors que rien ne lui permet de connaître la destination desdites sommes ; Que l'État demande donc de considérer que les informations par lui révélées n'ont pas valeur de déclaration affirmative, faute pour lui d'être un tiers saisi et conclut au rejet des demandes de la Société Damor ;

Attendu que pour leur part, S. H. et la SCI « l'Aurore Immobilière » - sous réserve pour celle-là de contester ultérieurement tant la recevabilité que le bien fondé de l'action en paiement dont elle fait l'objet - demandent au Tribunal de constater que la Société Damor a fait pratiquer la saisie-arrêt sans avoir préalablement sollicité ni obtenu l'autorisation du Président du Tribunal de faire procéder à cette mesure conservatoire dès lors qu'elle ne disposait, à l'encontre de S. H. personnellement, d'aucun titre de créance authentique ou privé, et entendent faire juger que les fonds détenus par l'État ne constituent pas des fonds revenant à S. H. puisqu'il s'agit de fonds déposés à la Caisse des dépôts et consignations dans le cadre d'une procédure d'ordre, se trouvant en conséquence expressément affectés aux seuls créanciers de la Société l'Aurore Immobilière ;

Que les défenderesses poursuivent dès lors la nullité de cette saisie qui serait irrégulière et en sollicitent la mainlevée sans réserve ;

Sur quoi,

Attendu qu'avant d'examiner la question relative au solde de la créance dont la Société Damor se prétend titulaire à l'encontre de la SCI l'Aurore Immobilière et pour la moitié dudit solde, à l'encontre de S. H., l'une des deux associés de ladite SCI, le Tribunal estime devoir se prononcer sur la régularité de la procédure de saisie-arrêt, introduite par l'exploit susvisé du 9 février 1989, frappant les sommes qui seraient détenues pour le compte de S. H. ;

Attendu qu'il est constant que les ventes par adjudication intervenues le 14 décembre 1988 ont fait l'objet d'une procédure d'ordre ouverte pour chacun des deux biens vendus, l'emplacement de garage d'une part et l'appartement de l'autre ;

Que si l'ordre concernant le premier de ces biens a fait l'objet d'un procès-verbal de distribution du prix par règlement amiable intervenu le 9 octobre dernier seulement, la procédure d'ordre concernant le second bien est actuellement en cours, à défaut d'accord amiable intervenu entre les créanciers ; Que la Société Damor, bien que non inscrite à l'État hypothécaire, y a d'ailleurs produit à titre chirographaire pour les sommes présentement réclamées ;

Attendu qu'il est de principe que la validité d'une saisie-arrêt doit être appréciée à la date à laquelle elle a été pratiquée, soit en l'espèce le 9 février 1989 ; qu'il apparaît ainsi que lors de la saisie, aucun des ordres susvisés n'était parvenu à son terme ni même d'ailleurs ouvert, la détention par l'État des sommes ayant fait l'objet des récépissés numéros 16 460 et 16 461 n'ayant eu lieu qu'au titre des formalités relatives aux ventes aux enchères ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'État ne pouvait alors être considéré comme débiteur de S. H. ou même détenteur de biens lui appartenant ; qu'en effet, l'affectation des sommes consignées à la Caisse des Dépôts et Consignations ne peut être connue qu'à la clôture des procédures d'ordre ; que c'est seulement à la fin des opérations, dans la mesure où elles laisseraient apparaître un reliquat revenant à la débitrice, après désintéressement des créanciers inscrits, qu'il pourrait être valablement prétendu que l'État détient des sommes pour compte de celle-ci ;

Attendu que la demanderesse a d'ailleurs implicitement admis cette thèse puisqu'elle n'entend faire porter sa saisie que sur ledit reliquat, qu'elle qualifie de « boni » dans ses écrits judiciaires ;

Que le Tribunal observe en outre, au vu des pièces qu'elle produit, que la société anonyme monégasque Damor a estimé devoir former le 31 juillet 1989 une opposition distincte portant expressément sur ce reliquat « dès que les ordres seront clôturés » ;

Attendu, en conséquence, que la condition essentiellement requise par l'article 487 du Code de procédure civile, qui exige que la saisie-arrêt porte sur les sommes dues par le tiers au débiteur du saisissant, n'était nullement remplie lors de la saisie, laquelle doit en conséquence être déclarée nulle et de nul effet ;

Qu'il y a lieu par conséquent d'en ordonner la mainlevée de ce chef, sans qu'il soit dès lors nécessaire d'avoir égard au moyen tiré de l'absence d'autorisation préalable à la saisie ;

Attendu qu'il ne peut être fait grief à l'État - qui lors de la saisie, ne pouvait connaître les sommes dont il deviendra le cas échéant débiteur, ou qu'il détiendra pour le compte de S. H., à l'issue des procédures d'ordre ci-dessus mentionnées - de ne pas avoir fait la déclaration prévue par les articles 493 et suivants du Code de procédure ; Que le Tribunal estime devoir prononcer sa mise hors de cause d'office puisque son maintien dans la procédure n'est pas justifié ;

Attendu qu'eu égard aux développements ci-dessus, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire sollicitée par la demanderesse ;

Attendu que la demande en paiement formée à l'encontre de S. H. n'ayant pas été discutée par cette défenderesse, qui s'est réservée la possibilité de la contester tant en la forme qu'au fond sans susciter d'opposition de la part de la Société Anonyme Monégasque Damor, il convient de la renvoyer à conclure sur ce point ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare nulle et de nul effet la saisie-arrêt pratiquée selon exploit de Maître Escaut Marquet huissier, en date du 9 février 1989 ;

Ordonne en conséquence la mainlevée de ladite saisie ;

Met l'État hors de cause ;

Renvoie les défenderesses à conclure pour l'audience du 8 février 1989 sur l'action en paiement dont S. H. fait l'objet ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MMes Boéri, Clérissi, Marquet, av. déf. ; Gardetto, av. stag.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25561
Date de la décision : 07/12/1989

Analyses

Règles d'assiette et de recouvrement ; Procédure civile ; Protection sociale ; Responsabilité (Public)


Parties
Demandeurs : S.A.M. Damor
Défendeurs : Dame H., S.C.I. L'Aurore Immobilière, État

Références :

article 487 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1989-12-07;25561 ?

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