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28/07/1989 | MONACO | N°25551

Monaco | Tribunal de première instance, 28 juillet 1989, Dame B.-L. c/ État de Monaco


Abstract

Responsabilité de la puissance publique

Ouvrage public : parking - Chute d'un usager (tache d'huile) - Action de la victime contre l'État - Fondement contractuel - Défaut d'entretien (non)

Résumé

L'usager d'un parking public (ouvrage construit et géré par l'État) victime d'une chute provoquée par une tache d'huile ne peut engager une action en réparation contre l'Administration sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

L'obligation de sécurité de l'État ne s'analyse point en une obligation de résultat, eu égard à la nature

des prestations que sont en droit d'attendre d'un service public de parcage ses utilisateurs....

Abstract

Responsabilité de la puissance publique

Ouvrage public : parking - Chute d'un usager (tache d'huile) - Action de la victime contre l'État - Fondement contractuel - Défaut d'entretien (non)

Résumé

L'usager d'un parking public (ouvrage construit et géré par l'État) victime d'une chute provoquée par une tache d'huile ne peut engager une action en réparation contre l'Administration sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

L'obligation de sécurité de l'État ne s'analyse point en une obligation de résultat, eu égard à la nature des prestations que sont en droit d'attendre d'un service public de parcage ses utilisateurs.

La responsabilité de l'État ne peut être recherchée en l'espèce que sur la base d'une obligation générale de diligence dans la mise en œuvre de mesures de sécurité conformes à la situation et à la configuration des lieux considérés au regard de la présence simultanée de véhicules et de piétons et du degré d'autonomie devant être nécessairement conféré à chaque utilisateur du parking compte tenu de l'intérêt général et des nécessités du service public.

S'il doit être reconnu à l'Administration la charge d'entretenir les voies des parkings qu'elle exploite de manière à assurer au public un usage conforme à leur objet, il ne saurait cependant lui être imposé par voie contractuelle l'obligation de faire enlever ou signaler à tout instant les obstacles minimes qui peuvent s'y trouver délaissés en dehors de son fait ; alors surtout que la présence d'une tache d'huile de petite dimension, ne pouvait aucunement être considérée comme anormale ni imprévisible pour la victime.

Il s'ensuit qu'aucune faute contractuelle de défaut d'entretien ou de signalisation ne peut être retenue à la charge de l'Administration.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, par assignation du 24 mars 1988, F. B., épouse L., demande que l'État soit déclaré entièrement responsable de l'accident dont elle a été victime le 18 avril 1987 et sollicite l'organisation d'une mesure d'expertise médicale ainsi que l'allocation d'une indemnité provisionnelle de 30 000 F. ;

Attendu que la demanderesse expose qu'elle a glissé sur une tache d'huile alors qu'elle sortait du véhicule piloté par son mari, lequel venait de le garer au Parking des Pêcheurs ;

Que sa chute entraînait l'intervention des services de police, ainsi qu'il résulte d'une attestation de l'inspecteur de police Thévenot du 17 septembre 1987, de même que son hospitalisation dans le service du docteur B. ;

Attendu que F. L. précise que la responsabilité de l'État est engagée car le sol du parking était affecté d'un vice qui a joué un rôle causal et a ainsi constitué une violation de l'obligation de sécurité à l'origine du dommage ;

Attendu que dans ses écritures du 9 juin 1988, l'État conclut au débouté de F. L. de ses demandes ; que, selon lui, l'action de cette partie est irrecevable « car la matérialité de la cause du déséquilibre ayant entraîné la chute de la demanderesse n'est pas établie » ; qu'en effet, l'attestation de l'inspecteur de police Thévenot du 17 septembre 1987 démontrerait seulement que Madame L. s'est blessée en tombant sur le sol en descendant de voiture ;

Qu'il soutient ainsi que la preuve de la relation de cause à effet entre la tache d'huile et la chute de la victime n'est nullement rapportée ;

Attendu, enfin, que l'État souligne que tout utilisateur d'un parking même correctement entretenu, doit s'attendre à trouver parfois une petite tache d'huile dont l'existence n'entraîne aucune conséquence pour les usagers si ces derniers font preuve d'un minimum d'attention ;

Attendu que la demanderesse, dans ses conclusions du 30 novembre 1988 fait remarquer que le défendeur n'a pas indiqué les moyens sur lesquels il se fondait pour écarter sa responsabilité ;

Attendu que F. L. précise, pour sa part, qu'elle appuie ses prétentions en tant que cliente sur la base de la responsabilité contractuelle ou délictuelle ;

Que selon elle, dans le cadre de la responsabilité contractuelle, le client n'a pas à rapporter la preuve de la faute de son cocontractant, dans la mesure où ce dernier est assujetti à une obligation de sécurité ;

Attendu par ailleurs, que la demanderesse indique que, au plan de la responsabilité délictuelle, elle invoque la présomption de l'article 1231 du Code civil, l'État étant gardien du sol sur lequel elle a glissé ;

Que, selon F. L., le caractère inerte de la chose n'exonère pas le gardien de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui, étant précisé que, dans cette hypothèse la victime doit établir toutefois que la chose a eu un rôle actif dans la réalisation du dommage ;

Attendu que la demanderesse fait valoir qu'elle rapporte précisément la preuve de cette relation causale car, selon elle, nul ne saurait contester que l'existence de cette tache d'huile a été prépondérante dans la réalisation du dommage ; qu'à cet égard, l'attestation de l'inspecteur Thévenot apporte toutes les précisions suffisantes ;

Attendu que l'État, dans ses écritures du 12 janvier 1989 demande l'adjudication de ses précédentes conclusions en indiquant qu'il appartenait à Madame L. de veiller à sa propre sécurité ;

Que, par ailleurs, selon le défendeur, même si la responsabilité de l'État peut être fondée sur les articles 1229 et suivants du Code civil il est non moins certain que celle-ci ne saurait être appréciée selon les mêmes critères que celle obligeant un simple particulier ;

Attendu que, par conclusions du 23 février 1989, la demanderesse maintient ses précédentes écritures en demandant que l'État soit en outre condamné à lui payer la somme de 22 502,09 F. correspondant au montant des frais d'hospitalisation ;

Sur quoi,

Attendu que, lors de la chute, motif de son action, la demanderesse apparaît avoir eu simultanément la qualité d'usager de l'ouvrage public que constitue le bâtiment du « Parking des Pêcheurs » et celle d'usager du service public de stationnement organisé par la puissance publique dans ce bâtiment ;

Attendu qu'en ce cas, le régime de la responsabilité contractuelle prime l'application de tout autre régime de responsabilité puisque l'usager d'un tel service se trouve dans une situation contractuelle ; d'où il suit que F. L., née B. n'est pas recevable à invoquer à rencontre de l'Administration comme elle fait, fût-ce subsidiairement, les règles de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle ;

Attendu qu'il convient par voie de conséquence de rechercher si l'Administration a pu manquer en l'occurrence à des obligations contractuelles lui incombant, expressément ou tacitement créées par les parties ; qu'à cet effet en l'absence de stipulations formelles du contrat conclu en l'occurrence, qui seraient invoquées par F. L., il ne peut s'agir que des obligations que se devait d'assurer l'Administration pour assurer la sécurité des usagers du parking des Pêcheurs ;

Attendu que ces obligations ne sauraient aucunement s'analyser en l'espèce comme incluant à la charge de l'Administration une obligation de sécurité promise comme obligation de résultat, eu égard à la nature des prestations que sont en droit d'attendre d'un service public de parcage les utilisateurs de ce service, et alors qu'une telle obligation se trouve notamment exclue en droit privé de la part des hôteliers, des cafetiers et des restaurateurs ;

Attendu qu'il en résulte que la responsabilité de l'État ne peut être recherchée en l'espèce que sur la base d'une obligation générale de diligence dans la mise en œuvre de mesures de sécurité conformes à la situation et à la configuration des lieux considérés, au regard de la présence simultanée en ces lieux de véhicules et de piétons et du degré d'autonomie devant être nécessairement conféré à chaque utilisateur du parking compte tenu de l'intérêt général et des nécessités du service public ;

Attendu qu'à cet égard s'il doit être reconnu à l'Administration la charge d'entretenir les voies des parkings qu'elle exploite de manière à assurer au public un usage conforme à leur objet, il ne saurait cependant lui être tacitement imposé par voie contractuelle l'obligation de faire enlever ou signaler à tout instant les obstacles minimes qui peuvent s'y trouver délaissés en dehors de son fait ;

Qu'alors surtout qu'en l'espèce la présence d'une tache d'huile de petite dimension, ainsi qu'il est constant selon l'attestation de police versée aux débats, ne pouvait aucunement être considérée comme anormale ni imprévisible pour la victime, de par sa situation dans un espace ouvert au passage et au stationnement de véhicules à moteur dans lequel celle-ci venait d'ailleurs de circuler peu avant en automobile, il s'ensuit qu'aucune faute contractuelle de défaut d'entretien ou de signalisation ne peut être en l'espèce retenue à la charge de l'Administration ;

Que, de ce chef, l'action de F. L., qui se devait de surcroît de veiller à sa propre sécurité, en sorte qu'elle apparaît avoir commis une faute d'inattention à l'origine de son propre dommage en n'apercevant pas cette tache d'huile au sol, doit être, par voie de conséquence, rejetée ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute F. L., née B. de l'ensemble de ses demandes ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MMes Léandri et Marquel, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25551
Date de la décision : 28/07/1989

Analyses

Responsabilité (Public) ; Immatriculation, circulation, stationnement


Parties
Demandeurs : Dame B.-L.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

Code civil
article 1231 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1989-07-28;25551 ?

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