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11/05/1989 | MONACO | N°25546

Monaco | Tribunal de première instance, 11 mai 1989, Société J. P. Parfumeur c/ Dame E.


Abstract

Marques de fabrique

Dépôt au bureau international de la marque. Protection sur le territoire monégasque comme si cette marque y avait été directement déposée. Antériorité du dépôt à l'usage : dépôt constituant une forme particulière du premier usage. Contrefaçon : enseigne et objets portant le nom et la marque

Lois, ordonnances et arrêtés

Traités et conventions internationaux, supériorité sur la loi interne, même postérieure

Résumé

Une marque nominale (de parfum et de vêtement en l'espèce) régulièrement déposée a

u bureau international de la propriété intellectuelle conformément à l'article 7 de l' « Arrangement de Madrid », ...

Abstract

Marques de fabrique

Dépôt au bureau international de la marque. Protection sur le territoire monégasque comme si cette marque y avait été directement déposée. Antériorité du dépôt à l'usage : dépôt constituant une forme particulière du premier usage. Contrefaçon : enseigne et objets portant le nom et la marque

Lois, ordonnances et arrêtés

Traités et conventions internationaux, supériorité sur la loi interne, même postérieure

Résumé

Une marque nominale (de parfum et de vêtement en l'espèce) régulièrement déposée au bureau international de la propriété intellectuelle conformément à l'article 7 de l' « Arrangement de Madrid », concernant l'enregistrement international des marques du 14 avril 1891, révisé en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967, qui a été rendu exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 5.685 du 29 octobre 1975, est dispensée, pour sa protection sur le territoire de la Principauté, du dépôt monégasque prévu par l'article 3, 2e alinéa de la loi n° 1.058 du 17 juin 1983 sur les marques de fabrique, de commerce ou de service et par la section I de l'ordonnance souveraine n° 7.801 du 21 septembre 1983 fixant les conditions d'application de ladite loi.

En effet la loi interne, même si elle est postérieure, est primée par le traité international que constitue l' « Arrangement de Madrid » susvisé auquel la Principauté a adhéré à partir du 29 avril 1956.

Il doit donc être reconnu à cette marque par application de l'article 4 de l' « Arrangement de Madrid » la même protection à Monaco que si elle y avait été directement déposée.

Le dépôt d'une marque antérieurement à tout usage de celle-ci par autrui doit être tenu pour une forme particulière du premier usage par le déposant, usage légalement requis pour l'appropriation de la marque selon le droit monégasque, seul applicable en l'espèce pour déterminer le titulaire actuel de la marque litigieuse, ce qui est le préalable nécessaire à la recevabilité devant la juridiction monégasque de toute action en contrefaçon de ladite marque.

Il s'en suit que celle-ci doit être considérée comme ayant été la propriété de la société demanderesse dès avant sa reproduction nominale par la défenderesse qui ne l'avait manifestement pas utilisée comme telle avant que le premier dépôt de cette marque n'ait eu effet à Monaco.

L'utilisation d'une enseigne portant le nom de la marque et l'usage de celle-ci à titre de nom commercial, de même que la diffusion avec son indication, d'articles vestimentaires, sacs d'emballage ou documents publicitaires, s'analyse, selon le dernier état de la jurisprudence applicable, en un usage de marque contrefaite, ces faits tombant sous le coup de l'article 23 de la loi n° 1.058 du 10 juin 1983 ouvrant dès lors à la société demanderesse l'exercice de l'action civile en résultant sous réserve de l'article 15 du Code de procédure pénale.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que la société anonyme française dénommée « J. P. Parfumeur » est propriétaire en France de la marque nominale J. dont elle a par ailleurs, le 8 mars 1983, renouvelé pour 20 ans le dépôt au Bureau International de la Propriété intellectuelle conformément à l'article 7 de l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques du 14 avril 1891, tel que révisé en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967, qui a été rendu exécutoire à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 5685 du 29 octobre 1975 ;

Attendu que le dépôt renouvelé mentionne comme produits auxquels s'applique la marque J., dont la protection est demandée, ceux des classes 3, 5, 9, 14, 16, 18, 20, 21, 23 à 26 et 34 définies par la classification adoptée par les pays de l'union issue de l'Arrangement de Nice du 15 juin 1957, tel que révisé en dernier lieu à Genève le 13 mai 1977, et qui a été rendu exécutoire à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 7046 du 20 mars 1981, ladite classification ayant été ultérieurement publiée à Monaco par annexe à l'Ordonnance Souveraine n° 7802 du 21 septembre 1983 ;

Que, lors dudit dépôt, la protection de la marque J. a été sollicitée pour Monaco, étant rappelé que l'ensemble des États de l'Union de Madrid pour l'enregistrement international des marques, et notamment la Principauté de Monaco, a déclaré, conformément à l'article 3 bis de l'Arrangement de Madrid susvisé, tel que modifié à Nice (1957) et à Stockholm (1967) que la protection résultant de l'enregistrement international ne s'étendra à ces États que si le titulaire de la marque le demande expressément ;

Attendu qu'en l'état de ce dépôt et exposant qu'il était venu à sa connaissance qu'un magasin de vêtements établi à . avait adopté la dénomination « J. » à titre d'enseigne et/ou de nom commercial sans son autorisation, faits susceptibles de constituer une contrefaçon ou l'imitation illicite et frauduleuse de sa marque au sens des dispositions des articles 23 et suivants de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 sur les marques de fabrique de commerce ou de service, la Société J. P. a obtenu le 18 décembre 1986 du Président du Tribunal une Ordonnance rendue sur le vu d'un extrait du registre international des marques attestant du dépôt précité, n° R. 266873, par laquelle ladite société a été autorisée à procéder, par tout huissier de son choix, à la désignation et à la description détaillée ainsi qu'à la saisie réelle en deux exemplaires de tous produits irrégulièrement revêtus de la marque « J. » qui se trouveraient exposés à la vente dans le magasin sis ., comme aussi de tous documents publicitaires qui en émaneraient revêtus de ladite marque, de même qu'à la description de l'enseigne de ce magasin ;

Attendu qu'il ressort des constatations auxquelles il a été procédé en vertu de cette Ordonnance par Me Marie-Thérèse Escaut-Marquet, Huissier, qui en a délivré procès-verbal sous la date du 15 mai 1987, que, dans ledit magasin, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble F., est exploité un fonds de commerce de prêt à porter de luxe à l'enseigne J., et que cette dénomination figure sur la vitrine, à gauche de la porte d'entrée, en lettres blanches d'une hauteur de 60 cm environ, sur le battant gauche de ladite porte, pareillement en lettres blanches, d'une hauteur de 10 cm environ, sur les étiquettes des vêtements mis en vente, face à la rubrique « client », sur de grands sacs en matière plastique blanche remis par le magasin et servant au transport des vêtements acquis, sur des sacs en papier destinés aux mêmes fins, sur des cartes publicitaires assorties aux sacs, ainsi que sur le cachet du magasin ;

Attendu que, par l'exploit susvisé, délivré dans le délai de quinzaine prévu par l'article 29 de la loi précitée à peine de nullité des constatations ainsi opérées, la société J. P. qui considère que ces faits constituent incontestablement la contrefaçon ou à tout le moins l'imitation illicite ou frauduleuse de la marque J., ce qu'elle demande au Tribunal de déclarer, a fait assigner M.-J. E., propriétaire exploitante du fonds de commerce ayant pour enseigne J., à l'effet que le Tribunal :

* interdise à cette défenderesse de faire usage de la marque J. à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, sous astreinte définitive de 3 000 F., par infraction constatée et par jour de retard en ce qui concerne l'enseigne, ce à compter de la signification du jugement de condamnation requis ;

* condamne M.-J. E. à lui payer, outre la somme de 200 000 F. en réparation de l'atteinte portée à sa marque, la somme de 500 000 F. à titre d'indemnité provisionnelle en réparation de la perte partielle de marché qu'elle aurait subie, et ordonne une expertise comptable pour la détermination de l'indemnité définitive devant lui revenir de ce chef ;

* ordonne, sous contrôle d'huissier, et sous astreinte définitive de 3 000 F. par jour de retard, la destruction de tous documents, papiers commerciaux, cartes, emballages, étiquettes et autres, portant la dénomination J. en possession de la défenderesse, et ce, à compter de la signification du jugement sollicité ;

* ordonne la publication dudit jugement dans six journaux ou revues monégasques ou étrangers et notamment français qu'elle se réserve de choisir mais aux frais de la défenderesse, à raison de 20 000 F. par insertion, et ce, au besoin, à titre de dommages-intérêts complémentaires ;

* et condamne, enfin, la défenderesse à lui payer la somme de 20 000 F. pour frais dits « irrépétibles »,

le tout avec le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement ;

Attendu qu'en défense, M.-J. E. demande au Tribunal de déclarer la société J. P. Parfumeur irrecevable et mal fondée en ses divers chefs de demande ;

Qu'elle estime pour l'essentiel à cet effet ;

* liminairement, que les textes invoqués par la demanderesse (articles 23 et suivants de la loi n° 1058) ne sont pas applicables en l'espèce car relatifs à la protection pénale des marques,

* ensuite, que la protection de la marque J. ne peut être assurée à Monaco faute pour cette marque d'avoir été déposée et enregistrée auprès du service de la propriété industrielle de Monaco, conformément à l'article 3 de la loi n° 1058 précitée ; alors, par ailleurs, qu'il résulterait « explicitement sinon formellement » des dispositions de l'article 1er (dernier alinéa) de l'Ordonnance Souveraine n° 7801 du 21 septembre 1983 précisant les conditions d'application de ladite loi, qu'une marque qui a été déposée internationalement doit néanmoins faire l'objet d'un dépôt particulier à Monaco dans les formes impératives résultant de ces deux textes ;

* par ailleurs, que les griefs de contrefaçon et d'imitation de marque qui lui sont faits ne peuvent être tenus pour établis dès lors qu'elle n'a utilisé la dénomination J. que pour désigner le fonds de commerce qu'elle exploite depuis 1977, sans jamais s'être livrée, en revanche, à une quelconque commercialisation d'effets vestimentaires sous la marque J., en sorte que la société J. P., qui apparaîtrait au demeurant n'avoir jamais vendu à Monaco sous ladite marque que des parfums, ne saurait s'opposer à l'usage de celle-ci comme enseigne dans le domaine de l'habillement ;

* enfin, qu'elle est d'une parfaite bonne foi car elle ignorait que la marque J., à la supposer protégeable à Monaco, pouvait concerner des vêtements ; qu'en outre, J. constitue le surnom officiel sous lequel elle est connue depuis de nombreuses années notamment dans le domaine commercial, domaine dans lequel elle a reçu l'autorisation administrative d'exercer sous ce nom, et qu'ainsi, alors par ailleurs qu'elle n'a pu occasionner de concurrence à la société J. P. Parfumeur, de par son activité spécifique, les dommages-intérêts qui pourraient le cas échéant être alloués à cette société ne devraient qu'être symboliques, d'autant plus que cette partie aurait fait preuve de négligence en se manifestant tardivement après l'ouverture du magasin sous l'enseigne litigieuse et qu'elle n'a pu au demeurant justifier du dommage éprouvé comme découlant des faits qu'elle lui reproche ;

Sur quoi,

Attendu qu'il ne peut être sérieusement nié que, du fait de son enregistrement régulier au Bureau international de la propriété intellectuelle effectué, ainsi qu'il est constant, en renouvellement de dépôts antérieurs, en particulier, à l'utilisation à Monaco de l'enseigne litigieuse de l'espèce (pour le cas où cette utilisation exprimerait une volonté d'appropriation de marque, hypothèse en soi contestable), la marque J. est dispensée, pour sa protection sur le territoire de la Principauté, du dépôt monégasque prévu par l'article 3 (2e alinéa) de la loi n° 1058 du 17 juin 1983 sur les marques de fabrique, de commerce ou de service et par la section I de l'Ordonnance Souveraine n° 7801 du 21 septembre 1983 fixant les conditions d'application de ladite loi, dès lors que cette loi est primée par le traité international susvisé, dénommé « Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques » du 14 avril 1891 qui est exécutoire à Monaco depuis 1975, ainsi qu'il a été dit, dans la forme résultant de sa dernière révision, et auquel la Principauté avait adhéré à partir du 29 avril 1956 ;

Qu'il est de principe, en effet, selon la jurisprudence monégasque, que les conventions internationales priment les lois internes, même postérieures, des pays contractants (Cour de Révision 21 avril 1980 G. N-S. née M. c. Y. P. née Q.) ;

Qu'ainsi, sans qu'il y ait lieu de se référer à la loi monégasque invoquée par la défenderesse qui ne saurait avoir en cette matière que valeur supplétive à défaut de dépôt international régulier, - et alors par ailleurs que l'article 1er, dernier alinéa, de l'Ordonnance Souveraine n° 7801 du 21 septembre 1983 ne saurait concerner la marque de l'espèce, non prévue en tant que telle par les conventions internationales visées par l'article 2 de la loi n° 1058 - il doit être reconnu à la marque J., par application de l'article 4 de l'Arrangement de Madrid susvisé, la même protection à Monaco que si cette marque y avait été directement déposée, étant précisé, ainsi que l'a souligné la demanderesse, qu'aucun refus à la protection de cette marque n'a été à ce jour opposé par l'Administration monégasque quant au territoire de la Principauté, en vertu des dispositions de l'article 5 du traité précité, et que la demanderesse est certainement fondée à invoquer l'Arrangement de Madrid, en ce qu'il est plus favorable à la protection de ses droits que la Convention de Paris du 20 mars 1883, également applicable en l'occurrence mais prévoyant simplement un droit de priorité pour les dépôts nationaux d'une marque au profit de celui qui aurait antérieurement déposé celle-ci au Bureau International de la Propriété Intellectuelle ;

Attendu qu'à raison de ce que le dépôt d'une marque antérieurement à tout usage de cette marque par autrui doit être tenu pour une forme particulière du premier usage de celle-ci par le déposant, usage légalement requis pour l'appropriation de la marque selon le droit monégasque devant seul être appliqué en l'espèce pour déterminer le titulaire actuel de la marque J., ce qui est le préalable nécessaire à la recevabilité à Monaco de toute action en contrefaçon de ladite marque, il s'ensuit que cette dernière doit être considérée comme ayant été propriété de la société J. P. Parfumeur dès avant sa reproduction nominale par la défenderesse qui ne l'avait manifestement pas utilisée comme telle avant que le premier dépôt de cette marque n'ait eu effet à Monaco, ce qu'elle n'allègue d'ailleurs pas ;

Qu'il n'y a pas lieu d'avoir égard sur ce point au fait que ladite société n'aurait usé de cette marque à Monaco que pour des parfums, ainsi que le prétend M.-J. E., ce que conteste toutefois la demanderesse, dès lors que la protection de cette même marque s'applique en particulier, selon l'enregistrement qui en a été fait comme il a été ci-dessus rapporté, aux produits de la classe 25 visant notamment les vêtements, domaine qui constitue, de l'aveu même de M.-J. E. et conformément aux indications rapportées au Répertoire du Commerce et de l'Industrie, dont il a été justifié, l'essentiel de l'activité commerciale par elle exercée sous l'enseigne J. et le nom commercial de même dénomination qu'elle revendique, en sorte que la défenderesse apparaît, sans conteste, distribuer des produits similaires à ceux concernés par la marque arguée de contrefaçons, circonstance rendant a priori plausible, au regard du principe de la spécialité des marques, le caractère illicite allégué de l'utilisation par M.-J. E. de la marque J. ;

Attendu qu'à ce propos la reproduction de ladite marque à titre d'enseigne révèle incontestablement de la part de M.-J. E., qui en est l'auteur, une contrefaçon ;

Que l'utilisation d'une telle enseigne et l'usage de la marque J. à titre de nom commercial, de même que la diffusion, avec son indication, d'articles vestimentaires, sacs d'emballage ou documents publicitaires s'analyse, selon le dernier état de la jurisprudence applicable, en un usage de marque contrefaite ;

Attendu que ces faits tombent à Monaco sous le coup de l'article 23 de la loi 1058 du 10 juin 1983 ouvrant dès lors à la société J. P. Parfumeur l'exercice de l'action civile en résultant - sous réserve de ce qui est dit à l'article 15 du Code de procédure pénale - sans qu'il y ait lieu dès lors de retenir comme sérieux le moyen tiré du caractère pénal des faits invoqués par la demanderesse au soutien de son action, qu'a développé liminairement M.-J. E. en ses conclusions ;

Que cette dernière ne saurait être admise, pour faire échec à la demande, à arguer de sa bonne foi puisqu'il est de principe que celle-ci est sans effet quant à la réalisation des faits de contrefaçon qui impliquent seulement un élément d'imprudence consistant à avoir reproduit des marques enregistrées et, partant, publiées, sans s'être informé au préalable de leur disponibilité, étant au demeurant observé que M.-J. E. n'ignorait pas, en l'espèce, l'existence de la marque contrefaite, dont le caractère notoire n'est pas douteux, et qu'elle s'est jusqu'ici abstenue de faire cesser volontairement, en dépit de l'ancienneté de la demande, l'atteinte manifestement illégitime par elle occasionnée à la marque J. ;

Attendu que, pour la réparation des conséquences dommageables de cette atteinte, et outre les mesures qui seront ci-après spécifiées pour les faire cesser à l'avenir, il convient de s'interroger sur l'importance du dommage qui a pu être occasionné de leur chef dans le passé à la société demanderesse ;

Qu'à ce propos, il s'agit pour l'essentiel de déterminer, d'une part, si la société J. P. Parfumeur a pu directement subir un maque à gagner certain du fait de ce que l'activité commerciale de la défenderesse s'est accompagnée de l'utilisation indue de la marque contrefaite dont s'agit, et, par ailleurs, si une telle utilisation, de par les circonstances de fait dont elle s'est accompagnée, a pu aboutir à une banalisation de la marque J. de nature à faire perdre à celle-ci partie de son pouvoir attractif au préjudice de la société demanderesse ;

Attendu que, sur le premier point, et dès lors que la marque J. ne figurait pas à titre de « griffe » sur les articles mis en vente par la défenderesse mais était simplement mentionnée de manière accessoire sur l'étiquette servant à leur spécification et face à la rubrique « client », ainsi que cela s'induit du procès-verbal susvisé de Me Marie-Thérèse Escaut-Marquet, il doit en être déduit que la clientèle de la défenderesse n'a pas été généralement déterminée dans ses achats par la présence d'une telle mention, en sorte que l'utilisation de la marque J. dans ces conditions n'a pu occasionner de pertes commerciales significatives pour la société J. P. Parfumeur, alors au demeurant que celle-ci utilise principalement la marque J. pour la distribution de parfums, et exceptionnellement pour celle de robes et d'accessoires, et qu'en revanche, l'essentiel de l'activité de la défenderesse consiste en la revente de vêtements ;

Que dès lors, sans qu'il y ait lieu d'envisager d'expertise à cet égard, il convient de rejeter de ce chef les demandes de la société J. P. Parfumeur ;

Attendu, sur le deuxième point, que, si l'utilisation de la dénomination J. par M.-J. E. pour la promotion d'une activité commerciale de revente d'articles étrangers au domaine premier d'application de la marque déposée de même nom a nécessairement eu un effet avilissant pour celle-ci, il convient de relever qu'en revanche une telle activité s'est développée dans le cadre d'une grande artère de la Principauté, ce qui n'a pu manquer de limiter le caractère néfaste de la banalisation ainsi occasionnée de la marque J. et dont il sera, en conséquence, dû réparation sans qu'il y ait lieu de s'attacher au caractère tardif allégué de l'action de la demanderesse, puisqu'il n'est nullement établi que celle-ci aurait eu depuis longtemps connaissance des faits incriminés ;

Qu'au regard de cet ensemble de données, le Tribunal dispose des éléments suffisants d'appréciation pour fixer à 30 000 F. le préjudice subi de ce chef par la société J. P. Parfumeur, en ce inclus celui né de la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de le faire liquider judiciairement ;

Que, de ce dernier chef, il ne saurait être en conséquence fait droit à la demande de condamnation formulée par la société J. P. Parfumeur pour frais irrépétibles ;

Que, par ailleurs, au regard de l'absence de perte de marché ci-dessus évoquée, et de ce que la clientèle de M.-J. E. apparaît avoir été distincte de celle de la société demanderesse, la publication du présent jugement n'a pas lieu d'être ordonnée comme le sollicite la demanderesse, une telle mesure n'apparaissant pas nécessaire à la réparation du préjudice occasionné ;

Attendu que, dans le domaine des mesures propres à prévenir celui-ci pour l'avenir, les demandes d'interdiction d'usage sous astreinte de la dénomination litigieuse sont incontestablement justifiées et seules de nature à faire cesser l'atteinte occasionnée à la marque déposée de l'espèce, dont il appartiendra le cas échéant à la société J. P. Parfumeur de veiller désormais à la protection en usant, au besoin, au vu du présent jugement, des dispositions de l'article 16 de la loi n° 721, modifiée, du 27 décembre 1961 sur le répertoire du commerce et de l'industrie ;

Qu'il convient, en raison de ce que le maintien de la situation actuelle mettrait en péril la défense de la marque J., d'ordonner de ce chef, vu l'urgence déduite de cette circonstance, l'exécution provisoire du présent jugement ainsi qu'il est demandé ;

Qu'à ce propos, les mesures de destruction requises sous contrôle d'huissier s'avèrent superfétatoires en l'état des interdictions susvisées faites à la défenderesse ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de les ordonner ;

Qu'enfin, les dépens du présent jugement, qui doivent être supportés par M.-J. E. en application de l'article 231 du Code de procédure civile, comprendront ainsi qu'il est à juste titre demandé, les frais de la saisie-contrefaçon autorisée par l'Ordonnance présidentielle susvisée du 18 décembre 1986 ayant en l'espèce constitué, pour la partie demanderesse, le préalable nécessaire de l'instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare M.-J. E. responsable de contrefaçon et d'usage illicite de la marque J. régulièrement déposée et propriété de la société anonyme française dénommée « J. P. Parfumeur » ;

La condamne à payer à ladite société la somme de 30 000 F. (trente mille F.), montant des causes sus-énoncées, à titre de dommages-intérêts ;

Lui enjoint d'avoir à procéder à la suppression effective de la dénomination J., tant de son enseigne que de son nom commercial, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement et sous peine d'une astreinte provisoire de 500 F. par jour de retard durant un délai de quatre mois passé lequel il serait à nouveau fait droit ;

Lui fait défense, à l'avenir, d'utiliser la dénomination J., pour l'exploitation de son fonds de commerce, sous quelque forme que ce soit ;

Dit qu'à défaut de satisfaire à l'interdiction qui lui est faite d'user de la dénomination précitée, elle encourra également, trois mois après la signification du présent jugement, une astreinte provisoire de 500 F. par infraction constatée et ce, durant un délai de quatre mois passé lequel il serait à nouveau fait droit ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement du chef des condamnation, injonction, défense et astreintes qui viennent d'être prononcées ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Composition

MM. Landwerlin prés., Serdet prem. subst. proc. gén., MMes Blot et Clérissi av. déf., Le Tarnec av. Cour d'Appel de Paris.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25546
Date de la décision : 11/05/1989

Analyses

Marques et brevets ; Commerce et développement ; International - Général


Parties
Demandeurs : Société J. P. Parfumeur
Défendeurs : Dame E.

Références :

ordonnance souveraine n° 7.801 du 21 septembre 1983
article 15 du Code de procédure pénale
Ordonnance Souveraine n° 5685 du 29 octobre 1975
article 231 du Code de procédure civile
article 23 de la loi n° 1.058 du 10 juin 1983
Ordonnance Souveraine n° 7046 du 20 mars 1981
ordonnance souveraine n° 5.685 du 29 octobre 1975
Ordonnance Souveraine n° 7801 du 21 septembre 1983
Ordonnance Souveraine n° 7802 du 21 septembre 1983
Arrangement de Madrid
article 1er (dernier alinéa) de l'Ordonnance Souveraine n° 7801 du 21 septembre 1983
article 3 (2e alinéa) de la loi n° 1058 du 17 juin 1983
loi n° 1.058 du 17 juin 1983
loi n° 1058 du 10 juin 1983


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1989-05-11;25546 ?

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