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28/04/1989 | MONACO | N°25545

Monaco | Tribunal de première instance, 28 avril 1989, Dame J.-C. c/ American Express


Abstract

Saisie-arrêt

Obligation du tiers saisi quant à la remise des fonds - Réclamation supérieure au montant de la déclaration affirmative : irrecevabilité

Faillites

Action subsidiaire en cessation des paiements contre le tiers saisi relativement à un montant supérieur à la déclaration affirmative (irrecevabilité) - Siège social du tiers-saisi en France : incompétence de la juridiction monégasque pour connaître de l'action en cessation des paiements, en vertu de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950

Résumé

Le tribuna

l se trouve compétent par application de l'article 3, 2°, du Code de procédure civile pour déterminer...

Abstract

Saisie-arrêt

Obligation du tiers saisi quant à la remise des fonds - Réclamation supérieure au montant de la déclaration affirmative : irrecevabilité

Faillites

Action subsidiaire en cessation des paiements contre le tiers saisi relativement à un montant supérieur à la déclaration affirmative (irrecevabilité) - Siège social du tiers-saisi en France : incompétence de la juridiction monégasque pour connaître de l'action en cessation des paiements, en vertu de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950

Résumé

Le tribunal se trouve compétent par application de l'article 3, 2°, du Code de procédure civile pour déterminer les obligations d'un tiers-saisi relativement à la remise de deniers saisis-arrêtés à Monaco.

Un créancier ne saurait réclamer à un établissement bancaire tiers-saisi de se libérer entre ses mains du montant d'une somme excédant celui de la déclaration affirmative qui n'a pas été contestée, de sorte que l'action subsidiaire en cessation des paiements contre cet établissement se trouve par voie de conséquence, inopérante.

La demande en cessation des paiements s'avère d'autant moins justifiée que, d'une part, le tribunal ne serait pas compétent pour en connaître par application de l'article 2 de la convention franco-monégasque sur la faillite et la liquidation judiciaire du 13 septembre 1950, rendue exécutoire à Monaco par l'Ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1957, étant rappelé que la demanderesse n'a pas justifié par la production de documents émanant du Répertoire du Commerce et de l'Industrie de ce que la banque défenderesse aurait son siège social à Monaco, comme il est indiqué, semble-t-il par erreur dans l'assignation, contrairement à la mention « American Express » (France) figurant conjointement dans les dernières écritures des parties et que, d'autre part, aucun élément sérieux n'est de nature à étayer quant au fond une telle demande, alors que cet établissement n'apparaît pas, de notoriété publique, connaître de difficultés financières.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, le 6 décembre 1983, et en vertu d'une Ordonnance présidentielle l'y autorisant, délivrée le 28 novembre précédent, I. C., née J., a fait pratiquer entre les mains de l'agence de Monte-Carlo de la Banque American Express une saisie sur les sommes détenues par cette dernière pour le compte de la succession d'une dame M. J., ce, à concurrence de la somme de 80 000 F. dont elle s'estimait créancière ;

Que la Banque American Express a sur ce indiqué, le 14 décembre 1983, détenir à la date de la saisie-arrêt la somme de 231 775,32 F. pour le compte de la succession J. ;

Qu'ultérieurement, toutefois, et par lettre du 25 avril 1984, cette banque a modifié sa déclaration, la ramenant à la somme de 80 000 F. montant de la saisie ordonnée ;

Attendu que, par réformation d'un précédent jugement rendu par le Tribunal le 9 mai 1985 en suite de la saisie-arrêt ainsi pratiquée, la Cour d'Appel, par un arrêt en date du 27 octobre 1987, a, d'une part, condamné la dame G. J., épouse divorcée K., et les demoiselles E. et M. K., prises en leur qualité de seules héritières de M. J., à payer à I. C. la somme principale de 70 000 F. majorée des intérêts de retard calculés au taux légal à compter rétroactivement du 6 mai 1983, d'autre part, déclaré bonne et régulière la saisie-arrêt pratiquée le 6 décembre 1983, donné acte à la Banque American Express de sa déclaration affirmative, et dit et jugé que cette banque se libérera valablement entre les mains d'I. C. jusqu'à due concurrence de la condamnation prononcée en principal intérêts et frais ;

Attendu par ailleurs que, le 22 mai 1984, A. C., beau-père d'I. C. née J., a fait également pratiquer à l'encontre de la succession J. une saisie-arrêt entre les mains de l'Agence de Monte-Carlo de la Banque American Express, en réponse à laquelle cette dernière a, par lettre du 24 mai 1984, déclaré qu'elle détenait pour le compte de ladite succession la somme de 80 000 F. en précisant cependant que cette somme se trouvait déjà immobilisée par suite de la saisie-arrêt susvisée, à la requête d'I. C. ;

Qu'en définitive, la créance d'A. C. a été liquidée par un jugement du Tribunal en date du 9 mai 1985, à la somme de 40 000 F., majorée des intérêts de retard, et à celle de 4 000 F. à titre de dommages-intérêts complémentaires ;

Attendu que, postérieurement à cet ensemble de décisions et après signification de l'arrêt précité de la Cour d'Appel dont elle poursuit l'exécution, I. C. a fait délivrer à la Banque American Express, sous la date du 23 décembre 1987, et en vertu dudit arrêt, un commandement de payer les sommes de 70 000 F. à titre principal, de 30 803,57 F. à titre d'intérêts, de 9 369 F. pour dépens, de 2 680 F. de droits d'enregistrement et de 34 F., coût de la grosse, outre les coûts de la signification de l'arrêt et dudit commandement de payer, soit au total la somme de 112 891,53 F. en ce non compris ces derniers coûts ;

Attendu que, peu après et au motif qu'il lui était apparu que, sous de fallacieux prétextes la Banque American Express refusait de lui remettre les sommes ainsi réclamées, I. C. a, suivant l'exploit susvisé du 30 décembre 1987, fait délivrer à l'American Express une assignation d'une part, en déclaration de cessation de paiements à défaut de règlement à deniers découverts et au premier appel de la cause de l'ensemble des sommes spécifiées par le commandement de payer précité, d'autre part, en paiement d'une somme de 30 000 F. à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu que, conformément à l'ensemble de ses écritures judiciaires, dont il ressort d'ailleurs qu'elles tendent en dernier lieu, notamment, au prononcé de la liquidation des biens de la défenderesse, I. C. a soutenu pour l'essentiel :

* tout d'abord, et pour répondre à une exception d'incompétence régulièrement soulevée dans la présente instance par la Banque American Express et tirée de ce que cette dernière a son siège en France sans disposer d'établissement principal à Monaco, ce qui ferait échec à ce que sa cessation des paiements puisse être constatée à Monaco, que le Tribunal est compétent par application de l'article 3 du Code de procédure civile pour statuer sur la demande dès lors que l'objet premier de celle-ci est d'obtenir non pas l'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif mais le paiement des sommes réclamées comme il vient d'être dit à la défenderesse, qui devrait être considérée en l'espèce comme tenue de satisfaire à Monaco aux obligations découlant de sa déclaration affirmative, étant en outre observé que ladite banque figure dans l'arrêt précité de la Cour d'Appel comme ayant son siège social à Monaco ;

* ensuite, que le montant de la déclaration affirmative initialement formulée par la Banque American Express à hauteur de 231 775,32 F. est suffisant pour régler aussi bien les sommes présentement réclamées que celle à laquelle a été liquidée par le Tribunal, à la date du 9 mai 1985, la créance d'A. C. en principal et accessoires, en sorte qu'il appartenait à cette banque de conserver entre ses mains les deniers revenant à la succession J. de manière à permettre le règlement desdites sommes ;

Attendu que la Banque American Express dénommée communément par les parties, selon le dernier état de leurs écritures, « American Express Bank (France) », a conclu, en revanche, outre à l'exception d'incompétence ci-dessus mentionnée, qu'elle n'était tenue de conserver pour le compte de la succession J. que la somme de 80 000 F., à laquelle avait été limitée la première saisie, étant par elle précisé qu'elle s'était entièrement dessaisie, à la date du 15 mars 1984, entre les mains du notaire chargé de ladite succession, du reliquat des sommes qu'elle détenait à ce titre, soit 151 525,32 F. et, d'autre part, qu'en l'état de la dualité de saisies-arrêts pratiquées comme il vient d'être dit, il convenait, en l'espèce, au résultat des procédures judiciaires auxquelles celles-ci avaient donné lieu, de procéder, conformément à l'article 732 du Code de procédure civile, à une distribution par contribution de la somme de 75 860,83 F. représentant les sommes saisies arrêtées par I. C. selon exploit du 6 décembre 1983 et par A. C. suivant exploit du 22 mai 1984, déduction faite des frais exposés pour l'ouverture de la procédure de distribution par contribution, laquelle se trouve actuellement en cours, ainsi qu'il est constant ;

Que la Banque American Express, sollicitant dès lors le rejet de la demande d'I. C., a en outre conclu à ce que celle-ci soit condamnée à lui payer la somme de 500 000 F. à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui aurait causé la présente action, qu'elle estime à caractère abusif dès lors, d'une part, que le paiement réclamé ne pouvait intervenir comme l'a sollicité la demanderesse et que celle-ci n'avait aucune raison de la prétendre en cessation des paiements sauf à user par ce biais d'un moyen judiciaire de pression que rien, en fait, ne justifie ;

Sur quoi,

Attendu que, conformément aux termes des conclusions d'I. C. datées du 6 octobre 1988 (p. 2) et préalablement à l'appréciation de la compétence éventuelle du Tribunal pour prononcer la liquidation des biens envisagée pour la Banque American Express, à la supposer justifiée, il convient d'examiner si la demanderesse disposait, en exerçant la présente action, d'un titre lui permettant d'exiger à l'encontre de la Banque American Express, prise en sa qualité de tiers-saisie qui lui est seule prêtée par l'assignation, le paiement immédiat des sommes indiquées par ladite assignation soit au total, outre accessoires, celle de 112 891,53 F., étant relevé que le Tribunal est manifestement compétent pour procéder à cet examen par application de l'article 3, 2° du Code de procédure civile, s'agissant de déterminer les obligations d'un tiers saisi relativement à la remise de deniers saisis-arrêtés à Monaco ;

Attendu qu'il apparaît manifestement qu'une telle somme excède le montant de la dernière déclaration affirmative effectuée sous la date du 25 avril 1984 dans l'instance consécutive à la première des saisies-arrêts susvisées, pratiquée le 6 décembre 1983 par I. C. qui n'a pas, dans l'instance correspondante contesté la légitimité d'une telle déclaration ;

Qu'étant observé que la saisie-arrêt dont s'agit était elle-même limitée à la somme de 80 000 F. déclarée par la Banque American Express, celle-ci s'est trouvée déchargée de l'obligation de conserver, comme tiers-saisie le surplus des sommes antérieurement détenues pour le compte de la succession J., mais non saisies-arrêtées, en sorte qu'I. C. ne pouvait exécuter le titre judiciaire dont elle disposait contre le tiers-saisi qu'à concurrence de la somme de 80 000 F. ;

Que sa réclamation initiale formée pour la somme précitée de 112 891, 53 F. s'avère dès lors, à tout le moins, partiellement injustifiée ;

Attendu par ailleurs qu'en l'état de la dernière saisie-arrêt opérée à la requête d'A. C. et à défaut de jonction ayant pu être ordonnée conformément à l'article 497 du Code de procédure civile, il convenait nécessairement d'appliquer en l'espèce l'article 723 dudit Code, sauf à I. C. à s'entendre préalablement avec son beau-père pour une distribution extrajudiciaire des deniers saisis-arrêtés à leur requête sur la banque tiers-saisie, laquelle ne pouvait se faire juge des droits de chacun de ces créanciers ;

Attendu qu'il s'ensuit que la demanderesse n'était pas fondée à réclamer en l'état à cette banque et au premier appel de la cause paiement immédiat de la somme de 112 891,53 F., en sorte que, par voie de conséquence, sa demande de constatation de la cessation des paiements de la Banque American Express, ou de prononcé de la liquidation des biens de celle-ci, n'a pas à être présentement examinée dès lors qu'une telle demande constitue uniquement, selon les propres écritures de la demanderesse, le subsidiaire d'un défaut de règlement de sommes pouvant être exigées sur-le-champ à l'encontre de la banque tiers-saisie, ce qui n'est pas le cas comme il vient d'être dit ;

Attendu qu'une telle demande s'avère par ailleurs d'autant moins justifiée en l'espèce que, d'une part, le Tribunal ne serait pas compétent pour en connaître par application de l'article 2 de la Convention franco-monégasque sur la faillite et la liquidation judiciaire du 13 septembre 1950, rendue exécutoire à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 692 du 9 janvier 1957, étant rappelé que la demanderesse n'a pas justifié par la production de documents émanant du Répertoire du Commerce et de l'Industrie de ce que la banque défenderesse aurait son siège social à Monaco comme il est indiqué, semble-t-il par erreur, dans l'assignation, contrairement à la mention « American Express (France) » figurant conjointement dans les dernières écritures des parties et que, d'autre part, aucun élément sérieux n'est de nature à étayer quant au fond une telle demande alors que cet établissement n'apparaît pas, de notoriété publique, connaître de difficultés financières ;

Que, de ce chef, il convient pour sanctionner l'atteinte à la réputation commerciale qui a été occasionnée à la Banque American Express par la présente instance, et tout en réparant le dommage matériel né du caractère abusif de celle-ci, d'allouer à cette partie une somme de 5 000 F. à laquelle le Tribunal, compte tenu des éléments suffisants dont il dispose à cet égard, estime devoir fixer le montant des préjudices subis ;

Qu'enfin, I. C. succombant en son action, doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts et condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Déboute I. C. de l'ensemble de ses demandes ;

Composition

MM. Landwerlin prés., Serdet prem. subst. proc. gén., MMes Lorenzi et Clérissi av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25545
Date de la décision : 28/04/1989

Analyses

Procédure civile ; Règles d'assiette et de recouvrement ; Procédures collectives et opérations de restructuration ; Traités bilatéraux avec la France


Parties
Demandeurs : Dame J.-C.
Défendeurs : American Express

Références :

article 3 du Code de procédure civile
article 3, 2° du Code de procédure civile
Code de procédure civile
article 732 du Code de procédure civile
Ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1957
article 497 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1989-04-28;25545 ?

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