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09/03/1989 | MONACO | N°25529

Monaco | Tribunal de première instance, 9 mars 1989, Société H. A.G. c/ Dame L.


Abstract

Contrat de travail

Bulletin de congés payés - Conditions d'établissement de ce bulletin - Preuve insuffisante du bulletin de salaires pour établir le non paiement des congés payés

Résumé

La seule production de bulletins de salaires, ne comportant aucune mention du paiement des congés payés, est insuffisante à établir que le salarié ait été présent sur les lieux de travail pendant les périodes litigieuses, alors que l'employeur a pu légitimement rétribuer son employé durant ses congés sur la base du salaire habituel que celui-ci percevai

t, en le remplissant alors de ses droits quant aux congés payés, auxquels il pouvait prétend...

Abstract

Contrat de travail

Bulletin de congés payés - Conditions d'établissement de ce bulletin - Preuve insuffisante du bulletin de salaires pour établir le non paiement des congés payés

Résumé

La seule production de bulletins de salaires, ne comportant aucune mention du paiement des congés payés, est insuffisante à établir que le salarié ait été présent sur les lieux de travail pendant les périodes litigieuses, alors que l'employeur a pu légitimement rétribuer son employé durant ses congés sur la base du salaire habituel que celui-ci percevait, en le remplissant alors de ses droits quant aux congés payés, auxquels il pouvait prétendre, étant observé qu'une « prime de vacances » était en outre servie.

Au surplus, à supposer l'employé présent sur les lieux de son travail pendant les périodes litigieuses, celui-ci ne saurait pour autant cumuler les salaires qu'il a perçus avec l'indemnité afférente aux congés payés prévue par l'article 10 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 relative au bulletin de congés payés, dont l'arrêté ministériel n° 57-134 du 27 mai 1957 énonce les indications qu'il doit comporter, dès lors que cette indemnité est destinée à remplacer le salaire durant les périodes d'absence pour congés et non à s'y ajouter, lorsque le salarié présent, accomplit son travail.

Motifs

Le Tribunal,

Statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du Travail

Attendu que par jugement du 26 mai 1988, auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des circonstances de la cause, le Tribunal du Travail saisi par Madame L. de demandes en paiement de congés payés (7 600 F.), de préavis (8 000 F.), de congés payés sur préavis (800 F.), d'une indemnité de congédiement (3 937,50 F.) et de dommages-intérêts pour « préjudice subi du fait d'intenter une procédure » (500 F.), soit 20 837,50 F. au total, demandes dirigées contre son ancien employeur la société H. A.G. V., a énoncé que la charge de la preuve du paiement des indemnités de congés payés incombe à l'employeur et relevé que les bulletins de paye de l'employée ne comportent aucune mention de ces versements, de telle sorte que la demande de ce chef a été admise, a rappelé les dispositions légales relatives au préavis et considéré que cette indemnité était due en l'espèce compte tenu de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, a relevé que la salariée, à l'encontre de laquelle aucune faute grave n'est invoquée, ouvre droit à l'indemnité de congédiement prévue par la loi, et a estimé justifiée, eu égard aux circonstances de la cause, la demande en paiement de dommages-intérêts, qualifiée de « très raisonnable » ;

Qu'en conséquence le Tribunal du Travail, jugeant fondées les demandes dans leur ensemble, a condamné la société H. à payer à Madame L. la somme de 20 837,50 F., outre les dépens ;

Attendu que la société H. AG a, par exploit susvisé, régulièrement formé appel de cette décision, signifiée le 9 juin 1988 ;

Qu'il résulte des écrits judiciaires pris par l'appelante que la décision entreprise est seulement critiquée :

1) en ce qu'elle a alloué les congés payés ;

A cet égard, la société H. affirme que son ancienne employée a régulièrement perçu son salaire pendant la période de ses congés au mois d'août de chaque année et qu'elle a en outre reçu une prime de vacances au cours de ces mois, ce qui n'aurait aucun sens si elle n'avait pas effectivement bénéficié de ces congés ; l'appelante soutient que l'absence de mention de ces congés sur les bulletins de paye est exclusivement imputable à son ancienne employée qui avait la charge de les établir et observe qu'aucune réclamation de ce chef n'a été formulée par celle-ci durant la période considérée (14 mois), ce qui confirmerait qu'elle a été régulièrement remplie de ses droits ;

2) et en ce qu'elle a octroyé l'indemnité de préavis ;

La société H. considère en effet qu'en ayant maintenu en fonction son employée à mi-temps pendant le premier trimestre 1987, par esprit humanitaire, alors que la faible activité de l'entreprise aurait dû conduire à la licencier dès la fin de l'année 1986, elle a largement rempli ses obligations vis-à-vis de Madame L. qui, déchargée de l'essentiel de ses activités, a été ainsi en mesure de chercher un autre travail tout en étant payée sans fournir de contrepartie réelle ;

Que la société H., qui poursuit la réformation du jugement du 26 mai 1988, demande en conséquence au Tribunal de dire :

« - qu'en l'état des pièces versées aux débats, la dame L. qui rédigeait elle-même ses bulletins de salaire, ne justifie pas ne pas avoir touché ses congés payés alors surtout qu'elle n'a jamais rien réclamé de ce chef à son employeur ce qui serait surprenant si des sommes lui avaient été dues de ce chef ;

* qu'en l'état du fait que la dame L. a pratiquement cessé son activité fin 1986 et a été déclarée à mi-temps pour la période de janvier à juin 1987, alors qu'elle ne peut justifier avoir exercé pendant cette période aucun travail réel, elle ne saurait être recevable dans sa demande d'indemnité de préavis » ;

Attendu que, pour sa part, Madame L., qui observe que la société H., faute de faire porter son appel sur ces chefs, admet que l'indemnité de congédiement et les dommages-intérêts auxquels elle a été condamnée sont dus, déduit de cet acquiescement la reconnaissance par son adversaire qu'elle est bien créancière des sommes réclamées initialement ;

Que subsidiairement, elle conteste sa responsabilité dans rétablissement des bulletins de paye signés par l'employeur et estime qu'il appartient à celui-ci de prouver, au vu desdits bulletins, que les congés payés ont été réglés ; qu'elle dénie de même l'allégation selon laquelle les trois premiers mois de l'année 1987 auraient en fait constitué le préavis en relevant qu'aucune lettre de licenciement ne lui a été adressée au préalable et que ses bulletins ne portent pas la mention d'un tel préavis ;

Qu'elle conclut en conséquence au rejet des demandes contenues dans l'exploit d'appel et forme elle-même deux demandes :

* la première tendant à obtenir la remise sous astreinte par son ancien employeur des bulletins de paye relatifs aux années 1983, 1984, 1985 et aux cinq premiers mois de l'année 1986 qui ne lui auraient jamais été délivrés,

* la seconde, en paiement de 5 000 F. de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Sur quoi,

Attendu que l'appel de la société H., qui apparaît régulier en la forme, doit être déclaré recevable ;

Attendu en revanche que la première demande de l'intimée, en ce qu'elle est formée pour la première fois en cause d'appel sans avoir en conséquence été soumise aux premiers juges, ne saurait être reçue ;

Attendu que s'il est acquis aux débats, au vu des pièces produites, que l'employeur n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 20 de la Loi n° 619 du 26 juillet 1956 relative au « bulletin de congés payés » dont l'arrêté ministériel n° 57 134 du 27 mai 1957 énonce les indications qu'il doit comporter, il demeure toutefois que les bulletins de salaire versés au dossier attestent que Madame L. a constamment perçu des salaires pendant toute la durée de son emploi ;

Attendu qu'à eux seuls, ces bulletins sont insuffisants à établir, - comme le soutient implicitement l'intimée qui se borne à produire ces documents à l'appui des allégations selon lesquelles elle n'aurait pas bénéficié des congés pendant les périodes considérées (mai 1986 à juin 1987) -, la présence de cette employée sur les lieux de son travail pendant lesdites périodes litigieuses ; que la société H. a pu en effet légitimement rétribuer son employée durant ses congés sur la base du salaire habituel que celle-ci percevait en la remplissant alors de ses droits quant aux congés payés auxquels elle pouvait prétendre, le Tribunal observant qu'une « prime de vacances » était en outre servie ;

Qu'il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges, au seul motif que les bulletins produits ne comportent aucune mention du paiement des congés payés, ont estimé que Madame L. n'avait pas bénéficié de congés et ont accueilli sa demande de ce chef ;

Attendu, au surplus, que même à la supposer présente sur les lieux de son travail pendant les périodes litigieuses, Madame L. ne pourrait pour autant cumuler les salaires qu'elle a perçus avec l'indemnité afférente aux congés payés prévue par l'article 10 de la loi n° 619 précitée dès lors que cette indemnité est destinée à remplacer le salaire durant les périodes d'absence pour congés et non à s'y ajouter lorsque le salarié, présent, accomplit son travail ;

Attendu, par ailleurs, que malgré les allégations de l'employeur qui, au vu des pièces produites, apparaît avoir pris la décision de rupture du contrat de travail le 30 juin 1987, soit le jour même de la cessation des relations de travail, aucun élément ne permet d'affirmer que Madame L. a bénéficié d'un délai de préavis conformément aux dispositions des articles 7 et suivants de la loi n° 729 du 16 mars 1963, avec en particulier le bénéfice des heures de liberté mentionnées par l'article 10 de ladite loi ;

Attendu en conséquence qu'à défaut d'administrer la preuve du respect d'un préavis ou de l'observation d'un délai congé, la société H. doit être tenue au paiement de l'indemnité édictée par l'article 11 de la loi n° 729, étant observé que les conditions énoncées par le second alinéa de cet article n'apparaissent pas établies en l'espèce ;

Qu'eu égard aux circonstances de la cause, c'est donc à juste titre que les premiers juges ont alloué une somme représentant deux mois de salaire, soit 8 000 F. ;

Attendu que le sort de l'indemnité de congés payés sur préavis correspondant au 1/10 de cette somme (800 F.), allouée par les premiers juges sans motivation de leur part, n'a pas lieu d'être apprécié par le Tribunal d'appel à défaut pour l'appelant d'avoir fait porter son recours sur ce chef du jugement ;

Attendu que l'appel partiellement fondé de la société H. ne revêt en conséquence aucun caractère fautif de nature à ouvrir droit à dommages-intérêts au profit de l'intimée ;

Attendu que l'appelant, qui succombe pour l'essentiel, doit supporter les dépens de la présente instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Substitués à ceux des premiers juges,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du Travail dans les limites de l'appel ;

Déclare l'appel recevable en la forme ;

Déclare irrecevable la demande de l'intimée tendant à obtenir de son ancien employeur la remise de bulletins de paye ;

Infirme le jugement entrepris du 26 mai 1988 en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement de congés payés relatifs à la période de mai 1986 à juin 1987 et alloué 7 600 F. de ce chef ;

Dit en conséquence Madame L. mal fondée en sa demande en paiement de ladite somme ;

Confirme le jugement en ce qu'il a alloué à celle-ci la somme de 8 000 F. à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

Déboute Madame L. de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Composition

MM. Landwerlin prés., Serdet prem. subst. proc. gén., MMes Marquilly et Marquet av. déf., Palmero avocat stagiaire.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25529
Date de la décision : 09/03/1989

Analyses

Social - Général ; Contrats de travail ; Conditions de travail


Parties
Demandeurs : Société H. A.G.
Défendeurs : Dame L.

Références :

article 10 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956
article 20 de la Loi n° 619 du 26 juillet 1956
loi n° 729 du 16 mars 1963
arrêté ministériel n° 57-134 du 27 mai 1957


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1989-03-09;25529 ?

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