La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/1989 | MONACO | N°25525

Monaco | Tribunal de première instance, 23 février 1989, Dame C. épouse S. c/ Sieur D.


Abstract

Testament

Testament olographe - Fausseté invoquée - Preuve non rapportée

Résumé

L'invocation de la fausseté du deuxième testament olographe révoquant le premier sur la base d'un examen superficiel des écrits et signatures du de cujus, lesquels présentent, malgré le temps écoulé entre les deux testaments, des similitudes certaines, apparaît manifestement insuffisante, tant à caractériser le faux testament allégué, qu'à justifier une mesure d'expertise subsidiairement sollicitée.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, par l'

exploit susvisé, Y. C. épouse S., qui expose avoir été instituée légataire universelle de Y. D. selon testame...

Abstract

Testament

Testament olographe - Fausseté invoquée - Preuve non rapportée

Résumé

L'invocation de la fausseté du deuxième testament olographe révoquant le premier sur la base d'un examen superficiel des écrits et signatures du de cujus, lesquels présentent, malgré le temps écoulé entre les deux testaments, des similitudes certaines, apparaît manifestement insuffisante, tant à caractériser le faux testament allégué, qu'à justifier une mesure d'expertise subsidiairement sollicitée.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, par l'exploit susvisé, Y. C. épouse S., qui expose avoir été instituée légataire universelle de Y. D. selon testament olographe en date du 15 mars 1982, a fait assigner A. D., qui se prévaut de même d'un testament olographe de Y. D. du 12 janvier 1987 l'ayant institué légataire universel, à l'effet que soit prononcée l'annulation de ce testament gratifiant D. et que soit dès lors jugé qu'en l'état du testament de 1982, elle est la légataire universelle de Y. D., décédée à Monaco, le 31 janvier 1987, avec toutes conséquences de droit ;

Qu'à titre subsidiaire, Y. S. sollicite la désignation d'un expert graphologue dont la mission consistera à déterminer si le testament de 1987 a été rédigé de la main de la de cujus ou si, au contraire, il s'agit d'un faux ;

Attendu qu'au soutien de ses prétentions, la demanderesse fait valoir que le testament querellé, outre le fait qu'il a été rédigé à une période suspecte eu égard à la date du décès de la testatrice - qui avait fait l'objet d'une hospitalisation le 13 janvier 1987, soit le lendemain même de la rédaction du testament - et à l'état de santé de celle-ci, emportée par une grave maladie, constitue un faux ainsi que cela résulterait d'un rapport d'expertise graphologique établi par un expert auprès des juridictions belges dont la compétence, dûment reconnue, ne saurait être mise en doute ;

Attendu qu'en réponse A. D., pour conclure au rejet de ces demandes, soutient que la testatrice - sa cousine - était en possession de toutes ses facultés mentales à l'époque du testament contesté, ainsi que cela résulte des éléments versés aux débats, et conteste la valeur du document émanant de l'expert graphologue prétendu ;

Qu'en se prévalant de sa probité et de l'excellente réputation d'honnêteté dont il jouit en Principauté, D. constate que la présente action lui reproche d'être l'auteur d'un faux testament ou, à tout le moins, de tenter d'en bénéficier, ce qui porte selon lui gravement atteinte à son honneur ;

Qu'il estime subir un préjudice matériel également du fait que les opérations successorales se trouvent paralysées par la présente instance ; que, se portant reconventionnellement demandeur, A. D. poursuit en conséquence la condamnation de Y. S. à lui payer 100 000 F. à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral et matériel subi ;

Sur quoi,

Attendu que l'analyse des écrits judiciaires de la demanderesse fait apparaître, en dépit des allusions qu'elles contiennent de ce chef, que l'annulation du testament du 12 janvier 1987 est poursuivie non pas en raison de l'insanité d'esprit dans laquelle se serait trouvée la testatrice, mais parce que ledit testament serait « un faux », c'est-à-dire qu'il ne serait pas l'œuvre de celle-ci faute d'avoir été écrit de sa main ;

Attendu, au demeurant, que cette insanité d'esprit n'apparaît nullement établie par les circonstances de l'espèce qui démontrent au contraire que Y. D., dont la maladie n'était pas de nature à empêcher l'expression d'une volonté libre et consciente, jouissait de toutes ses facultés mentales ; qu'à cet égard, les témoignages des personnes qui l'ont entourée avant et pendant son hospitalisation sont éloquents ; que, par ailleurs, elle a pu consentir le 24 janvier 1987 une procuration générale à A. D. par acte dont la signature a été authentifiée par Maître P.L. Aureglia, Notaire à Monaco ;

Attendu que la demanderesse estime rapporter la preuve de la fausseté du testament par l'expertise établie à sa demande à Liège (Belgique) le 17 août 1987 par A. T., se présentant comme « expert en écriture près les Tribunaux » ;

Attendu qu'aux termes de cette « expertise » de deux pages, l'auteur, qui admet n'avancer ses conclusions que sur la base d' « une approche non approfondie des documents », après avoir constaté la similitude de forme de chaque lettre, énonce qu' « une étude approfondie de chaque lettre, des interlettres, des attaques, des finales et surtout du mouvement général de l'écriture (variations brusques d'inclinaison après des mouvements bien contrôlés) pourrait aboutir à l'identification d'un faux » et que « les signes de faux en écriture semblent suffisamment probants » ;

Attendu que cette étude, menée sur la base d'un examen superficiel des écrits et signatures de la de cujus, - lesquels présentent, malgré le délai écoulé entre les deux testaments, des similitudes certaines - et concluant de manière hypothétique qu'une analyse plus sérieuse, qui n'a pas été entreprise « pourrait » mettre en évidence un faux, est manifestement insuffisante tant à caractériser le faux testament invoqué qu'à justifier la mesure d'expertise subsidiairement sollicitée ;

Attendu que les autres éléments du dossier établissent au contraire la vraisemblance de l'intention libérale de Y. D. à l'égard d'A. D. et font en conséquence sérieusement présumer de l'authenticité du testament de 1987 ; qu'il peut être relevé à cet égard le dévouement de D. vis-à-vis de sa cousine relaté par une vieille amie de celle-ci, A. R., qui atteste encore que Y. D. tenait son cousin en grande estime et qu'elle lui avait confié, peu avant sa mort, qu'elle l'avait institué légataire de ses biens, le Tribunal observant que cette confidence n'est nullement contredite par la déclaration de N. S., demeurant à ., selon laquelle la de cujus lui avait fait savoir que son héritière était Y. C. épouse S., dès lors qu'Y. D. a pu modifier ses intentions libérales dans les derniers temps de son existence ;

Que, par ailleurs la confiance dont était investi D. par sa cousine est encore confortée par la procuration générale très étendue qui lui a été consentie ;

Attendu en conséquence que Y. S. doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions ;

Attendu, sur la demande reconventionnelle que la présente demande suppose de manière implicite mais nécessaire que A. D. est sinon l'auteur, du moins l'utilisateur d'un faux par imitation d'écriture et de signature ;

Attendu que cette imputation, faite à tout le moins avec légèreté ainsi qu'il résulte des motifs du présent jugement, constitue une faute dont la demanderesse doit répondre ; qu'eu égard à la réputation sans tache dont A. D. bénéficie, celui-ci apparaît subir un préjudice moral certain qu'il y a lieu de réparer par l'allocation à son profit d'une somme de 20 000 F. eu égard aux éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose ; qu'en revanche, le préjudice matériel allégué n'a pas lieu d'être indemnisé à défaut d'être justifié ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement ;

Déboute Y. C. épouse S. de ses demandes, fins et conclusions ;

La condamne à payer à A. D. la somme de 20 000 F. à titre de dommages-intérêts ;

Composition

MM. Landwerlin prés., Serdet prem. subst. proc. gén., MMes Karczag-Mencarelli et Lorenzi av. déf., Petraccini av. barreau de Grasse.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25525
Date de la décision : 23/02/1989

Analyses

Civil - Général ; Droit des successions - Successions et libéralités


Parties
Demandeurs : Dame C. épouse S.
Défendeurs : Sieur D.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1989-02-23;25525 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award