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01/12/1988 | MONACO | N°25507

Monaco | Tribunal de première instance, 1 décembre 1988, S.C.I. Orberose c/ ME C., époux V., B., M.


Abstract

Société civile

Cession de parts assorties d'une clause de garantie du passif souscrite par les cédants - Clause constituant une stipulation pour autrui - Application quant au passif né d'un redressement fiscal opéré en France pour une cause antérieure à la cession de parts et ayant donné lieu à une transaction avec l'administration fiscale française acceptée au nom de la société

Stipulation pour autrui

Clause valant stipulation pour autrui contenue dans une cession de parts sociales

Résumé

Les cédants de parts sociales, qui se

sont engagés par une clause à garantir les cessionnaires des dettes sociales contractées avant la c...

Abstract

Société civile

Cession de parts assorties d'une clause de garantie du passif souscrite par les cédants - Clause constituant une stipulation pour autrui - Application quant au passif né d'un redressement fiscal opéré en France pour une cause antérieure à la cession de parts et ayant donné lieu à une transaction avec l'administration fiscale française acceptée au nom de la société

Stipulation pour autrui

Clause valant stipulation pour autrui contenue dans une cession de parts sociales

Résumé

Les cédants de parts sociales, qui se sont engagés par une clause à garantir les cessionnaires des dettes sociales contractées avant la cession, ne sont pas fondés à invoquer l'inopposabilité de la transaction intervenue entre la société et l'administration fiscale relative à un redressement fiscal, dont l'origine est antérieure à la cession, bien qu'ils n'aient point été parties à cette transaction, la clause susvisée valant stipulation pour autrui.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que par assignation du 25 mai 1983, la S.C.I. Orberose demande que M. et Mme V. et Me C., Notaire, soient solidairement condamnés à lui payer les sommes de :

* 440 300 F en remboursement d'un redressement fiscal dont elle a fait l'objet pour les années 1977, 1978 et 1979 ;

* 100 000 F en dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu que la S.C.I. Orberose expose que, par acte du 12 juin 1979, les époux V. ont cédé leurs 80 parts constituant le capital de la société civile immobilière à B. et M., à savoir :

* M. V. : 65 parts à B., 5 parts à M.,

* Mme V. : 10 parts à B. ;

Que dans l'acte de cession a été insérée une clause de garantie du passif conçue en ces termes :

« Que cette société n'a aucun passif à l'exception d'une somme globale de 183 277,67 F que les cédants s'obligent solidairement entre eux à régler dans les 10 jours des présentes et que s'il se révélait un autre passif antérieur aux présentes, les cédants le prendraient à leur charge en proportion des droits sociaux par eux respectivement cédés et ils l'acquitteraient de leurs deniers personnels ».

Attendu que la S.C.I. Orberose invoque deux motifs à l'appui de sa demande en remboursement de la somme de 440 300 F :

* l'application de cette clause de garantie du passif, tant à l'égard des époux V. que de Me C.,

* l'existence d'une obligation de conseil à la charge de Me C. Notaire, rédacteur de l'acte de cession, laquelle doit s'analyser, selon la demanderesse (concl. 17 avril 1986) comme une obligation de renseigner les parties sur les conséquences des engagements qu'ils contractent notamment en matière fiscale ;

Attendu que M.M. B. et M., cessionnaires, sont intervenus volontairement aux débats aux côtés de la S.C.I. Orberose le 7 février 1985 en diminuant la demande de remboursement de 400 300 F à 90 006 F, montant d'une transaction intervenue le 15 juin 1984 avec la Direction Générale des Impôts et en maintenant, en revanche, leur seconde demande au titre des dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu que les époux V. ont soulevé deux exceptions, l'une pour défaut de qualité de la S.C.I. Orberose (concl. 1er mars 1984), la seconde pour incompétence de la juridiction saisie en vertu de l'article 3§ 2 du Code de procédure civile (concl. 9 octobre 1985) ;

Qu'en effet, selon les défendeurs, la S.C.I. Orberose n'a aucune qualité pour réclamer le remboursement de cette dette aux anciens porteurs de parts qui ne sont pas débiteurs à l'égard de la société ;

Que par ailleurs, dans la mesure où le redressement fiscal fait suite à des obligations nées en France, l'immeuble appartenant à la S.C.I. Orberose étant sis à Cap-D'Ail, le Tribunal Civil de Monaco est incompétent ;

Attendu que Me C., quant à lui, conclut au débouté de la S.C.I. Orberose et de M.M. M. et B. et sollicite l'allocation de 10 000 F pour préjudice matériel et moral, en précisant que les cessionnaires ont été informés par ses soins des conséquences fiscales de l'acquisition des parts d'une société dont l'actif était constitué par un immeuble situé en France et que c'est en considération du fait que dans une société civile immobilière les porteurs de parts répondent du passif social sur leurs biens personnels qu'une clause de garantie du passif été insérée dans l'acte ;

Attendu qu'il y a lieu de souligner que, par assignation du 24 janvier 1985, M.M. B. et M. avaient demandé que les époux V. et Me C. soient condamnés ( « au cas où le Tribunal ne ferait pas droit à la demande introductive de la S.C.I. Orberose à rencontre de M. et Mme V. et de Me C. » ), selon les termes de l'assignation du 25 mai 1983 ;

Attendu que Me C. demande la jonction des deux instances nées de l'assignation du 25 mai 1983 et de celle du 24 janvier 1985 ;

Attendu enfin que les époux V. maintiennent leurs précédentes conclusions, à savoir l'existence de deux exceptions, interdisant tout examen au fond de l'affaire ;

Attendu que par jugement du 4 juin 1987, le Tribunal

1° a décidé la jonction des deux instances (assignations des 25 mai 1983 et 24 janvier 1985),

2° s'est déclaré compétent,

3° a renvoyé la cause et les parties pour être conclu par les époux V. ;

Attendu que ces derniers, dans leurs conclusions du 7 janvier 1988, soutiennent l'irrecevabilité de la demande car, selon eux, la transaction du 15 juin 1984 entre la S.C.I. Orberose et le fisc leur serait inopposable ;

Attendu que, selon eux, les demandeurs auraient dû mener les discussions avec le fisc au contradictoire des cédants ;

Que par conséquent, ils ne peuvent être tenus au paiement de cette transaction sans y avoir été parties ;

Attendu par ailleurs que les époux V. soulignent le peu de sérieux du redressement fiscal de 400 300 F à 90 006 F ;

Qu'à titre subsidiaire, les époux V. font remarquer que M.M. B. et M. ne pouvaient se retourner contre eux que pour un redressement portant sur 2 ans et demi et non trois années, la propriété Villa M., sise à Cap-D'Ail, ayant été vendue le 12 juin 1979 ;

Attendu qu'en l'état actuel de la procédure le Tribunal est saisi :

* 1° d'une demande de la S.C.I. Orberose, de M.M. B. et M. en vue de la condamnation solidaire de M. et Mme V. et Me C. au paiement de :

a) 90 006 F en application d'une clause de garantie de passif ;

b) 100 000 F de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

* 2° d'une demande reconventionnelle de Me C. en paiement de 10 000 F pour préjudice matériel et moral ;

Sur l'application de la clause de garantie du passif

Attendu que les époux V. soulèvent aujourd'hui l'irrecevabilité de la demande en soutenant en définitive que la transaction proposée par le fisc français et acceptée par B. et M. au nom d'Orberose leur est inopposable dans la mesure où ils n'y ont pas été parties ;

Attendu qu'il y a lieu de remarquer tout d'abord que les défendeurs ne peuvent plus invoquer l'irrecevabilité de la demande alors que, par jugement du 4 juin 1987, le Tribunal a rejeté les deux exceptions et a renvoyé la cause pour examen au fond ;

Attendu qu'en réalité l'argumentation des époux V. pose, non un problème de forme, mais une question de fond à savoir s'ils peuvent être obligés à une dette dont le montant et l'exigibilité ont été déterminés dans une transaction à laquelle ils n'étaient pas parties ;

Attendu que toutefois ce moyen est inopérant ; qu'en effet, la lecture de la clause de garantie du passif ci-dessus mentionnée, insérée dans l'acte de cession du 12 juin 1979, laisse précisément apparaître qu'ils se désignaient comme « devant prendre en charge, en proportion des droits sociaux cédés, tout passif antérieur aux présentes » ;

Qu'ils ne sauraient donc se prévaloir de l'inopposabilité de la transaction passée entre la S.C.I. Orberose et l'Administration fiscale, à laquelle, de toute manière, ils n'auraient pu être parties, n'ayant plus alors en effet aucune qualité pour représenter la S.C.I. Orberose ;

Qu'en tout état de cause, cette clause s'analyse de leur part en une promesse de payer les dettes sociales, non connues au jour de la cession et dont l'origine lui serait antérieure ;

Qu'il ressort de la volonté ainsi exprimée des parties que, dans le cadre de cette clause valant stipulation pour autrui, les époux V., cédants-promettants, se sont engagés conjointement en proportion de leurs droits cédés, sur la demande de MM. B. et M., cessionnaires-stipulants, à payer les dettes de la société, à un tiers bénéficiaire, soit la société, soit ses représentants, voire même les créanciers sociaux ;

Que la mise en jeu de ladite clause s'impose donc, étant observé que la transaction dont le remboursement du montant est sollicité concerne un redressement fiscal pour les années 1977, 1978 et 1979 et dont l'origine est effectivement antérieure à la cession ;

Qu'à cet égard, l'argumentation des défendeurs, présentée à titre subsidiaire dans leurs écritures du 7 janvier 1988, est elle aussi sans fondement ;

Qu'en application de l'acte du 12 juin 1979, il y a donc lieu de condamner conjointement les époux V. à payer la somme de 90 006 F, dans la proportion des 7/8, soit 78 755,25 F à la charge de M. V. (70 parts cédées sur 80) et dans la proportion de 1/8, soit 11 250,75 F à la charge de Mme V., (10 parts cédées sur 80) ;

Sur l'obligation solidaire de Me C.,

Attendu qu'il y a lieu de souligner que Me C. ne pouvait être tenu  « in solidum »  avec les époux V. à rembourser le montant de la transaction, dans la mesure où la solidarité entre débiteurs suppose l'existence d'une faute qui leur soit commune ;

Qu'en l'espèce, la responsabilité de Me C. ne peut être examinée qu'au plan délictuel dans la mesure où il n'a instrumenté qu'en qualité de rédacteur d'acte, alors que celle des époux V. a été engagée au regard des dispositions contractuelles de l'acte du 16 juin 1979 ;

Attendu, en outre, que l'obligation qui pèse sur le notaire rédacteur d'acte est une obligation de conseil, s'analysant comme une obligation de prudence et de diligence et non comme une obligation de résultat ;

Qu'il importe peu de savoir si Me C. a ou non mis en garde ses clients sur les conséquences fiscales de l'acquisition de parts sociales d'une société dont l'actif était constitué par un immeuble situé en France ;

Qu'en effet, et en tout état de cause, l'insertion de cette clause de garantie prémunissait les cessionnaires contre tous risques d'avoir à supporter un passif trouvant son origine antérieurement à la cession et découvert ultérieurement ;

Attendu par conséquent qu'il convient de débouter la S.C.I. Orberose, MM. B. et M. de leurs demandes à l'endroit de Me C. ;

Sur la demande pour résistance abusive,

Attendu qu'en refusant d'honorer leurs engagements, dont les conditions de mise en œuvre et l'étendue avaient été cependant clairement définies dans l'acte de cession du 12 juin 1979 et en contraignant par leur attitude les demandeurs à recourir à la voie contentieuse, les époux V. ont causé un préjudice qu'il convient d'évaluer à 50 000 F.

Que, s'agissant d'une dette de nature délictuelle, il échet de condamner  « in solidum »  les époux V. à payer ladite somme ;

Sur la demande reconventionnelle de Me C.,

Attendu qu'en assignant le rédacteur de l'acte de cession dont la responsabilité à défaut d'être engagée, ne pouvait pas être invoquée pour les raisons ci-dessus mentionnées, la S.C.I. Orberose a causé à Me C. un préjudice qui sera intégralement réparé par une somme de 5 000 F, toutes causes confondues, étant précisé que l'assignation du 24 janvier 1985 lancée par MM. M. et B. n'a eu pour seul objet que de les faire intervenir aux débats, sans modifier l'assignation initiale de la S.C.I. Orberose ;

Qu'il convient donc de débouter Me C. de sa demande à l'égard de MM. B. et M. ;

Sur le ou les créanciers des sommes de 90 006 F. et 50 000 F,

Attendu qu'aux termes du jugement du 4 juin 1987, lequel avait joint les deux instances résultant des assignations des 25 mai 1983 et 24 janvier 1985, les demandeurs sont actuellement : la S.C.I. Orberose, MM. B. et M. ;

Attendu que la seconde assignation du 24 janvier 1985 n'a été lancée par MM. M. et B. qu'à titre subsidiaire « au cas où le Tribunal aurait débouté la S.C.I. Orberose de sa demande » (1° assignation du 25 mai 1983), à la suite de l'exception pour défaut de qualité soulevée par les époux V. ;

Que c'est pourquoi, dans leurs conclusions du 7 février 1985, postérieures à leur propre assignation, MM. M. et B. ont ainsi désigné la S.C.I. Orberose comme seule créancière des sommes dont ils réclamaient le paiement à l'encontre des époux V. et de Me C. ;

Que par conséquent, les sommes de 90 006 F en remboursement du montant de la transaction et de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive devront être payées par les époux V. à la S.C.I. Orberose ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

statuant contradictoirement,

Condamne conjointement les époux J.-D. et M. V. à payer à la S.C.I. Orberose la somme de 90 006 F, en remboursement du montant de la transaction du 15 juin 1984, ladite somme se répartissant à raison de 78 755,25 F à la charge de J.-D. V. et de 11 250,75 F à la charge de M. V. ;

Condamne in solidum les époux V. à payer à la S.C.I. Orberose la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Condamne la S.C.I. Orberose à payer à Maître C. la somme de 5 000 F toutes causes de préjudice confondues ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Composition

MM. Landwerlin prés., Serdet prem. subst. proc. gén., MMes Sanita, Marquilly et Lorenzi av. déf., de Kap-Herr av. barreau de Paris.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25507
Date de la décision : 01/12/1988

Analyses

Parts sociales ; Constitution, dissolution et actes relatifs à la vie de la société ; Contrat - Formation


Parties
Demandeurs : S.C.I. Orberose
Défendeurs : ME C., époux V., B., M.

Références :

Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1988-12-01;25507 ?

Source

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