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01/12/1988 | MONACO | N°25506

Monaco | Tribunal de première instance, 1 décembre 1988, Compagnie d'assurances Mutuelles Unies c/ Communauté immobilière M.-C. S. et l'État de Monaco.


Abstract

Responsabilité civile

Dommage constitué par des dégâts des eaux subis par le copropriétaire d'un appartement - Action récursoire de l'assureur de ce dommage contre la copropriété - Action fondée sur l'obligation générale d'entretien des parties communes pesant sur la copropriété -Transfert de cette obligation sur les copropriétaires quant au bon fonctionnement des conduites d'évacuation d'eau - Obligation de résultat : manquement du copropriétaire assuré à cette obligation - Rejet de l'action récursoire

Copropriété

Règlement de coprop

riété -Stipulations relatives à l'entretien des parties communes

Résumé

Aux termes de l'arti...

Abstract

Responsabilité civile

Dommage constitué par des dégâts des eaux subis par le copropriétaire d'un appartement - Action récursoire de l'assureur de ce dommage contre la copropriété - Action fondée sur l'obligation générale d'entretien des parties communes pesant sur la copropriété -Transfert de cette obligation sur les copropriétaires quant au bon fonctionnement des conduites d'évacuation d'eau - Obligation de résultat : manquement du copropriétaire assuré à cette obligation - Rejet de l'action récursoire

Copropriété

Règlement de copropriété -Stipulations relatives à l'entretien des parties communes

Résumé

Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959 l'obligation d'entretien en bon état de propreté et de réparations des parties communes, dont font partie incontestablement les tuyaux, canalisations ou caniveaux en cause, incombe au syndic de la copropriété, sauf dispositions contraires dans le règlement de copropriété.

Par application de ce règlement qui a transféré aux copropriétaires la charge de cet entretien, il appartient au copropriétaire d'assurer l'écoulement de l'eau, quelle que soit sa nature ou sa provenance, dans le caniveau obstrué dépendant de sa loggia, étant donné qu'a été mise à sa charge une obligation de résultat.

L'assureur de ce copropriétaire qui a couvert le sinistre ne saurait en conséquence être fondé à exercer une action récursoire contre la copropriété.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu qu'il est constant que le 4 août 1985 un sinistre « dégâts des eaux », consécutif au débordement du caniveau du balcon de l'appartement propriété de C. A. dans l'immeuble M.-C. S. sis ., s'est déclaré dans ledit appartement ;

Que la pénétration des eaux, par la porte fenêtre du balcon, a occasionné aux mobilier et équipement garnissant l'appartement des dommages évalués par les experts des compagnies d'assurances à la somme de 67 107 F ;

Que la Compagnie Mutuelle Unies, assureur de C. A., a réglé cette somme à son assuré dans les droits duquel elle est désormais subrogée ;

Attendu que, par l'exploit susvisé du 27 avril 1987, la Compagnie Mutuelles Unies a fait assigner la copropriété de l'immeuble M.-C. S. en paiement, avec intérêts de droit à compter de l'assignation, de la somme précitée de 67 107 F outre 2 000 F à titre de dommages intérêts pour résistance abusive, sur le fondement de l'article 21 du cahier des charges de la copropriété qui mettrait certes l'entretien des caniveaux des loggias et terrasses des appartements à la charge des copropriétaires mais qui ne leur imposerait d'assurer que l'évacuation des eaux pluviales, celle provenant comme en l'espèce de l'arrosage d'un jardin public étant exclues ;

Qu'au soutien de sa demande, la compagnie d'assurances fait valoir que la copropriété consciente de l'obligation limitée ainsi mise à la charge de chaque copropriétaire, fait appel deux fois par an à une entreprise spécialisée dans les travaux de curage dont la dernière intervention avant le sinistre remonte à mars 1985 ;

Que, tenant comme établie la cause de l'engorgement du caniveau - qui serait dû à une accumulation de détritus et de boues en provenance de l'arrosage des jardins publics aménagés sur la terrasse de l'immeuble - la compagnie demanderesse estime qu'il ne s'est donc pas agi d'eaux pluviales dont l'évacuation aurait pu incomber à son assuré et observe, pour écarter toute responsabilité de celui-ci, d'une part que le recours à une entreprise spécialisée par la copropriété le relève en tout état de cause de son obligation personnelle d'entretien, et, d'autre part, que le dispositif en place sur le caniveau interdit toute pénétration de boues ou détritus en provenance de son balcon et des plantations personnelles qui y sont disposées ;

Attendu qu'en réponse, la Communauté Immobilière du M.-C. S. - qui renonce à l'exception de non communication des pièces qu'elle soulevait in limine litis - conteste la valeur du rapport établi par l'expert de la Compagnie Mutuelles Unies, qui aurait manifesté un évident parti pris exclusif de toute objectivité dans son interprétation de l'article 21 du règlement de la copropriété ; qu'elle soutient pour sa part que l'obligation d'entretien du copropriétaire concerné à l'effet d'assurer le fonctionnement des ouvrages destinés à l'évacuation des eaux subsiste et n'a pas été respectée en l'espèce qu'elle prétend également qu'il ne peut être exclu que l'obstruction à l'origine du dommage ait pu provenir du lot privatif sinistré ;

Que la copropriété mentionne toutefois avoir appelé l'État de Monaco en intervention forcée et garantie par exploit séparé et sollicite, outre la jonction des procédures, le rejet des demandes de la Compagnie Mutuelles Unies qui n'administre pas la preuve d'une faute de la copropriété ou d'une défaillance de l'ouvrage relevant des parties communes, tandis que serait au contraire établie la défaillance du propriétaire à l'origine du sinistre qu'il a subi ;

Qu'à titre subsidiaire et dans la mesure où la cause de l'obstruction résiderait dans les boues en provenance du jardin public, la copropriété demande à être relevée et garantie par l'État des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Attendu que, par exploit séparé du 4 février 1988, la Communauté Immobilière de l'immeuble M.-C. S. a, en effet, fait assigner l'État en la cause, principalement pour intervenir aux débats et subsidiairement pour la relever et garantir de toute condamnation dont elle pourrait faire l'objet ; qu'au soutien de cette assignation, la copropriété se borne à affirmer contrairement à ce qu'elle invoque en défense à l'action principale, que « la présence d'un jardin public équipé d'un arrosage automatique semble avoir participé en tout ou en partie à la présence anormale des boues... et à l'obturation des canalisations » ;

Attendu que l'État, sans s'opposer à la jonction sollicitée, conclut au débouté de la copropriété en ce qu'elle entend obtenir sa garantie ;

Que l'État conteste sa responsabilité dans la survenance du sinistre en affirmant que les jardinières de la terrasse publique ne sont pas à l'origine des accumulations de boues, lesquelles proviennent des jardinières dépendant de l'immeuble M.-C. S. dont il n'assure pas l'entretien ;

Sur quoi,

Attendu que les deux instances ci-dessus analysées, manifestement connexes, doivent être jointes dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;

Attendu que le fondement de l'action de la compagnie d'assurances demanderesse, qui se prévaut d'une interprétation restrictive de l'article 21 du règlement de copropriété en ce qu'il est exclusivement relatif à l'évacuation des eaux pluviales, s'inscrit dans le cadre de l'article 6 de l'Ordonnance-Loi n° 662 du 23 mai 1959 qui met à la charge du syndic de la copropriété, sauf dispositions contraires dans le règlement, une obligation d'entretien des parties communes en bon état de propreté et de réparation, étant ici observé qu'il n'est pas contesté que les tuyaux, canalisations ou caniveaux en cause constituent des parties communes ;

Mais attendu que cette obligation d'entretien pesant par l'effet de la loi sur le syndic a été transférée sur les copropriétaires par le règlement de copropriété de l'immeuble ;

Que ce règlement prévoit en effet que « les copropriétaires devront supporter... le passage de l'eau dans ces tuyaux, regards et caniveaux et maintenir constamment ces équipements en bon état d'entretien et de fonctionnement » (Article 21) et encore que « les copropriétaires bénéficiant de l'usage exclusif de loggias, balcons, patios ou terrasses devront les maintenir en parfait état d'entretien... Les écoulements d'eau ne devront pas être obstrués par des dépôts de terre ou de feuilles mortes... » (article 39) ;

Attendu en conséquence, dès lors qu'il est constant que le sinistre a eu pour cause une obstruction, par dépôt de boues, de la canalisation d'évacuation au niveau situé dans le caniveau traversant la loggia de l'appartement sinistré, que le copropriétaire aux droits duquel se trouve la Compagnie Mutuelles Unies apparaît seul responsable du dommage survenu le 4 août 1985 par l'effet d'un défaut d'entretien et de nettoyage dudit caniveau ayant nui à son fonctionnement ;

Attendu qu'il appartenait à ce copropriétaire, par application du règlement de la copropriété auquel il a souscrit, d'assurer l'écoulement de l'eau, quelle que soit sa nature ou sa provenance, dans le caniveau dépendant de sa loggia ; qu'à cet égard, une obligation de résultat est mise à sa charge puisque les équipements doivent être maintenus par lui en bon état de fonctionnement et que les écoulements d'eau qu'il lui incombe d'entretenir ne doivent pas être obstrués par des dépôts de terre ou autre ;

Qu'il s'ensuit que l'argumentation relative à la mise en œuvre de ces obligations pour le cas d'eaux pluviales seulement apparaît sans portée - le Tribunal observant au surplus que l'origine des dépôts de boues litigieux n'est nullement établie avec certitude -, de même que se révèle inopérante la discussion concernant l'intervention régulière, à la diligence du syndic, d'une entreprise de curage des réseaux d'évacuation ;

Attendu en définitive que le recours exercé, aux lieu et place du copropriétaire sinistré, par sa compagnie d'assurances n'est pas fondé dès lors que la responsabilité du sinistre incombe à ce copropriétaire et non à la copropriété ;

Qu'il s'ensuit que l'appel en garantie formé par cette partie contre l'État est sans objet et que la copropriété doit être déboutée de ses demandes ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

statuant contradictoirement,

Joint les instances n° 518/87 et 345/88 du Rôle Général introduites par assignations des 27 avril 1987 et 4 février 1988 ;

Déboute la Compagnie d'Assurances Mutuelles Unies de l'ensemble de ses demandes ;

Constate en conséquence que l'appel en garantie formé par la Communauté Immobilière de l'Immeuble M.-C. S. à l'encontre de l'État est sans objet ;

Déboute la copropriété de ce chef ;

Condamne la Compagnie Mutuelles Unies aux dépens de l'instance principale, distraits au profit de Maître Jacques Sbarrato, avocat-défenseur sous sa due affirmation ;

Composition

MM. Landwerlin prés., Serdet prem. subst. proc. gén., MMes Léandri, Sbarrato et J.-Ch. Marquet av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25506
Date de la décision : 01/12/1988

Analyses

Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle ; Copropriété ; Normes techniques et de sécurité de construction


Parties
Demandeurs : Compagnie d'assurances Mutuelles Unies
Défendeurs : Communauté immobilière M.-C. S. et l'État de Monaco.

Références :

article 6 de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1988-12-01;25506 ?

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