La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/1988 | MONACO | N°25496

Monaco | Tribunal de première instance, 10 novembre 1988, Consorts C. c/ S.A. O.-B. et Compagnie « La Mutuelle »


Abstract

Accident du travail

Présomption d'imputabilité tirée de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 - Présomption non irréfragable - Décès de la victime totalement indépendant du travail - Preuve rapportée - Rejet de l'action en indemnité des ayants droit fondée sur la loi n° 636.

Résumé

Le décès étant survenu au temps et au lieu de travail, les ayants droit de la victime peuvent valablement se prévaloir de la présomption d'imputabilité édictée par l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, aux termes de laquelle toute lés

ion survenue à l'occasion ou par le fait du travail doit bénéficier de la protection légale.

Ce...

Abstract

Accident du travail

Présomption d'imputabilité tirée de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 - Présomption non irréfragable - Décès de la victime totalement indépendant du travail - Preuve rapportée - Rejet de l'action en indemnité des ayants droit fondée sur la loi n° 636.

Résumé

Le décès étant survenu au temps et au lieu de travail, les ayants droit de la victime peuvent valablement se prévaloir de la présomption d'imputabilité édictée par l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, aux termes de laquelle toute lésion survenue à l'occasion ou par le fait du travail doit bénéficier de la protection légale.

Cependant la présomption, qui joue en leur faveur, n'est pas pour autant irréfragable et peut notamment être combattue, s'il est établi que la cause de la lésion, voire en l'espèce du décès, est totalement étrangère au travail.

Le travail n'apparaissant pas avoir en l'espèce joué un rôle causal dans la survenance du décès, la présomption d'imputabilité édictée par l'article 2 susvisé, ne saurait bénéficier aux ayants droit de ce dernier, lesquels doivent dès lors être déboutés des fins de leurs demandes.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que R. C., employé en qualité de chauffeur par la S.A.M. O.-B., dont l'assureur-loi est la Compagnie La Mutuelle, est décédé le 14 juin 1986 sur l'Autoroute A8 alors qu'il conduisait un camion appartenant à son employeur ; qu'en suite du refus formulé par l'assureur-loi de prendre en charge les conséquences de ce décès, qu'il ne considérait pas comme un accident du travail, une enquête était diligentée les 12 août et 14 août 1986 par devant le Juge chargé des Accidents du Travail, laquelle permettait d'établir que R. C. était décédé d'un arrêt cardiaque après avoir immobilisé son camion et avoir tenté de téléphoner à son employeur à un péage ;

Qu'au vu de telles circonstances matérielles, la Compagnie La Mutuelle persistait dans son refus de prise en charge et l'affaire était renvoyée devant le Tribunal de Première Instance selon Ordonnance de non-conciliation du 5 novembre 1986 ;

Attendu que, suivant exploit du 17 juin 1987, M.-A. C. et son fils, C. C., assignaient la S.A.M. O.-B. et la Compagnie La Mutuelle aux fins de s'entendre dire et juger que l'accident mortel survenu le 14 juin 1986 à R. C. doit être soumis à la loi n° 636 sur les Accidents du Travail et voir condamner l'assureur-loi à leur payer en leur qualité respective de conjoint survivant et de descendant mineur les rentes prévues par la loi (de 30 % et de 15 % du salaire annuel de la victime) ;

Attendu que la S.A.M. O.-B. et la Compagnie La Mutuelle, persistant dans leur refus de prise en charge, entendent pour leur part voir dire et juger que le décès de R. C. est dû à une cause naturelle et que le travail n'a joué aucun rôle dans sa survenance, dès lors que ce salarié était déjà atteint d'une affection pour laquelle il suivait un traitement établissant des prédispositions pathologiques ; qu'elles estiment dès lors que les hoirs C. ne peuvent se prévaloir des dispositions de la loi n° 636 et doivent être déboutés des fins de leur demande ;

Sur ce,

Attendu qu'il ressort tant du procès-verbal établi par l'unité de Gendarmerie du Luc que de l'enquête diligentée les 12 et 14 août 1986 par devant le Juge chargé des Accidents du Travail, que le décès de R. C. est survenu le 14 juin 1986 sur l'Autoroute A8 alors qu'il effectuait son travail de chauffeur pour le compte de son employeur, la S.A.M. O.-B. ; qu'en effet, il est constant qu'après avoir chargé le camion de son patron à Monaco, R. C. se dirigeait au volant de celui-ci vers Toulon d'où il devait partir pour l'Angleterre, suivi par son collègue de travail, J.-L. M. au volant de son propre véhicule ; qu'ayant toutefois ressenti un malaise à hauteur de Puget-sur-Argens, R. C. immobilisait son camion après le péage de la station-service Total ; qu'il tentait alors de joindre téléphoniquement son employeur avec l'aide de la caissière à qui il parvenait à indiquer le numéro de téléphone de la Société O.-B. avant de s'effondrer, terrassé par une crise cardiaque, ce que rapportait cette employée au collègue de la victime, J.-L. M., arrivé quelques instants plus tard sur les lieux ;

Attendu qu'au regard de ces éléments de fait, il apparaît incontestable que, le décès étant survenu au temps et au lieu du travail, les ayants-droit de la victime peuvent valablement se prévaloir de la présomption d'imputabilité édictée par l'article 2 de la loi n° 636, aux termes de laquelle toute lésion survenue à l'occasion ou par le fait du travail doit bénéficier de la protection légale ;

Attendu cependant que si, de ce fait, la charge de la preuve n'incombe nullement à M.-A. C. et à son fils C., la présomption qui joue en leur faveur n'apparaît pas pour autant irréfragable et peut notamment être combattue s'il est établi que la cause de la lésion, voire en l'espèce du décès, est totalement étrangère au travail, lequel ne doit avoir joué aucun rôle dans sa survenance ;

Qu'il ressort à cet égard, tant des éléments de l'enquête préliminaire diligentée par la Gendarmerie du Luc que des auditions auxquelles a procédé le juge chargé des accidents du travail que le matin des faits R. C. s'était plaint auprès de son patron, O.-B., de ressentir une grande fatigue et une gêne dans la poitrine ; que néanmoins, en dépit de ses symptômes et de l'offre de son employeur de le faire remplacer, R. C. prenait le volant de son camion jusqu'à la survenance de ce malaise à l'origine de ce que le Dr L. devait qualifier de « mort naturelle » ;

Qu'il convient dès lors de déterminer si une part a pu être prise par l'exercice de sa profession dans le décès de R. C., lequel ne présenterait alors, contrairement au qualificatif susvisé, aucun caractère pathologique, voire naturel, mais serait bien la conséquence de l'action soudaine et violente d'une cause extérieure ;

Qu'à cet égard, il est cependant constant que R. C., âgé seulement de 49 ans, exerçait quotidiennement son emploi de chauffeur qui n'exigeait de lui aucun effort particulier ; qu'en outre, les procès-verbaux de Gendarmerie du Luc ne démontrent la survenance d'aucun fait soudain et extérieur dont la réalisation sur l'Autoroute A8 aurait pu provoquer le malaise de R. C., celui-ci n'ayant au demeurant évoqué auprès de la caissière de la Station Total aucun évènement de cette nature ;

Attendu en contrepartie qu'entendue dans le cadre de l'enquête diligentée par le magistrat chargé des Accidents du Travail, l'épouse de la victime déclarait ignorer si son mari présentait ou non une affection cardiaque, mais était en mesure de préciser qu'il utilisait un médicament dénommé « Natirose », dont il est constant qu'il est généralement prescrit pour soigner les angines de poitrine et les maladies cardio-vasculaires ; que la préexistence d'une telle pathologie est au demeurant confirmée par le Dr J. L. qui a constaté le décès de R. C. et précisait, selon courrier adressé le 31 juillet 1986 au Juge chargé des Accidents du Travail, qu'il avait découvert dans les affaires de la victime une boîte de Trinitrine dont la prescription ne concerne que les patients atteints de maladies cardiaques ou pulmonaires aiguës ;

Qu'ainsi, à défaut de tout document médical officiel attestant avec certitude de l'état morbide préexistant, les éléments de fait précédemment analysés démontrent que le décès de R. C. fut consécutif à un état pathologique évoluant pour son propre compte, en dehors de toute relation avec le travail, et auquel ne peut être attribuée aucune origine certaine, mais dont l'antériorité est confirmée tant par la nature des traitements suivis par R. C. depuis plusieurs mois que par les symptômes ressentis hors du temps et du lieu de travail ;

Qu'en conséquence, le travail n'apparaissant avoir en l'espèce joué aucun rôle causal dans la survenance du décès, la présomption d'imputabilité édictée par l'article 2 de la loi n° 636 ne saurait bénéficier aux ayants-droit de ce dernier qui doivent dès lors être déboutés des fins de leurs demandes ;

Et attendu que les dépens doivent suivre la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

statuant contradictoirement,

Dit que le travail n'a joué aucun rôle dans le décès de R. C. et déclare détruire la présomption d'imputabilité édictée par l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 ;

Déboute M.-A. C. et C. C. de leurs demandes, fins et conclusions.

Composition

MM. Landwerlin prés., Serdet prem. subst. proc. gén., MMes Marquilly et Léandri av. déf., Pastor-Pouget av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25496
Date de la décision : 10/11/1988

Analyses

Sécurité au travail ; Protection sociale ; Responsabilité de l'employeur


Parties
Demandeurs : Consorts C.
Défendeurs : S.A. O.-B. et Compagnie « La Mutuelle »

Références :

article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1988-11-10;25496 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award