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09/06/1988 | MONACO | N°25457

Monaco | Tribunal de première instance, 9 juin 1988, T. c/ Hoirs L., Compagnie d'assurances ® La Protectrice, Ministère public.


Abstract

Procédure pénale - Action civile

Règle « Electa una via, non datur recursus ad alteram » - Tempérament : désistement de l'action civile devant la juridiction pénale - Recevabilité de l'action ultérieurement portée devant la juridiction civile

Désistement

Conditions de désistement de l'action civile - Application de l'article 79 du Code de procédure pénale

Résumé

En application de l'article 81 du Code de procédure pénale consacrant le principe énoncé par l'adage « Electa une via, non datur recursus ad alteram », l'irr

évocabilité de l'option après jugement sur l'action publique apparaît tempérée par la possibilité qui est lais...

Abstract

Procédure pénale - Action civile

Règle « Electa una via, non datur recursus ad alteram » - Tempérament : désistement de l'action civile devant la juridiction pénale - Recevabilité de l'action ultérieurement portée devant la juridiction civile

Désistement

Conditions de désistement de l'action civile - Application de l'article 79 du Code de procédure pénale

Résumé

En application de l'article 81 du Code de procédure pénale consacrant le principe énoncé par l'adage « Electa une via, non datur recursus ad alteram », l'irrévocabilité de l'option après jugement sur l'action publique apparaît tempérée par la possibilité qui est laissée à la victime partie civile de se désister de son action (pour aggravation de son préjudice corporel) devant la juridiction répressive et par la faculté qui lui est alors conférée de saisir la juridiction civile.

Il ressort, par ailleurs, des dispositions de l'article 79 du Code de procédure pénale qu'un tel désistement est recevable en tout état de cause à la condition d'être formulé par une déclaration à l'audience ou par une notification au Ministère public (ce qui a été accompli en l'espèce) ou à l'inculpé.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que par jugement du 20 juin 1972 auquel il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des faits et de la procédure, le Tribunal correctionnel de Monaco a déclaré R. C. et M. T. responsables chacun pour moitié des conséquences de l'accident de la circulation dont M. T. avait été victime le 31 mars 1972 et institué une mesure d'expertise confiée au Docteur Grinda avec mission d'examiner la dame T. à laquelle était allouée une provision de 5 000 F ; que ledit jugement était confirmé par arrêt de la Cour d'appel en date du 4 décembre 1972 ;

Que, suite au dépôt dudit rapport expertal qui ne la satisfait pas au regard de l'évolution de son état de santé, M. T., suivant exploit du 26 avril 1982, sollicitait du Tribunal de première instance l'institution d'une expertise complémentaire confiée à un neuropsychiatre ; que selon jugement en date du 20 janvier 1983, le Tribunal de céans déclarait toutefois la dame T. irrecevable en son action devant le juge civil au motif que celle-ci constituait le prolongement de celle portée devant la juridiction répressive qui restait donc saisie du litige ;

Attendu que par nouvel exploit du 7 août 1987, M. T. assignait alors devant le Tribunal de première instance L. L. et G.-T. L. prises en leur qualité d'héritières de R. M. C. décédé le 15 décembre 1980, et la Compagnie d'assurances La Protectrice, aux fins de s'entendre constater l'extinction de l'action pénale, voir ordonner une nouvelle mesure d'expertise confiée à un neuropsychiatre et s'entendre les requises condamner à lui payer une indemnité provisionnelle de 60 000 F à titre complémentaire, le tout avec exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu que L. L., G.-T. L. et la Compagnie d'assurances La Protectrice se sont, quant à elles, opposées à la demande de M. T. qu'elles estiment irrecevable ; qu'elles font valoir que seul le Tribunal correctionnel qui avait déclaré recevable la constitution de partie civile de M. T. et avait condamné l'inculpé à réparer la moitié du préjudice subi par cette dernière, demeure saisi de l'action civile introduite par cette victime ; que subsidiairement pour le cas où l'action de M. T. serait déclarée recevable, les codéfenderesses entendent voir limiter la nouvelle mesure d'expertise aux seules séquelles objectives de l'accident litigieux, et voir débouter la demanderesse tant de sa demande de provision complémentaire que d'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu que M. T. a par d'ultimes conclusions en réponse fait valoir qu'antérieurement à l'introduction de la présente action elle s'était désistée de sa constitution de partie civile dans l'instance pénale suivie à l'encontre de R. C., ce dont elle justifie par la production de la lettre A.R. adressée le 16 décembre 1983 au procureur général et les notifications du 11 mai 1988 adressées tant à M. T. qu'aux parties défenderesses ;

Qu'en l'état de ce désistement, M. T. estime que la juridiction civile a compétence pour fixer l'étendue de son préjudice, dont l'importance justifie selon elle la désignation d'un nouvel expert médical spécialiste en neuropsychiatrie ;

Sur ce,

Attendu sur la recevabilité de l'action portée devant la juridiction civile, qu'en application des dispositions de l'article 81 du Code de procédure pénale consacrant le principe énoncé par l'adage « Electa una via, non datur recursus ad alteram », l'irrévocabilité de l'option après jugement sur l'action publique apparaît tempérée par la possibilité qui est laissée à la victime partie civile de se désister de son action devant la juridiction répressive et par la faculté qui lui est alors conférée de saisir la juridiction civile qu'il ressort par ailleurs des dispositions de l'article 79 du Code de procédure pénale qu'un tel désistement est recevable en tout état de cause à la condition d'obéir à certaines conditions de forme, dont M. T. justifie en l'espèce qu'elles ont été remplies, à savoir la notification dudit désistement par exploit au Ministère public et aux héritières du responsable ;

Attendu en conséquence que la présente demande diligentée à l'encontre des héritières du responsable R. C. et la Compagnie d'assurances La Protectrice apparaît recevable et qu'il convient d'en examiner le bien-fondé ;

Attendu que M. T. fait valoir à l'appui de sa demande d'expertise complémentaire que l'expert Grinda n'avait pas fixé de date de consolidation de ses blessures et ne s'était tenu qu'aux seuls signes objectifs qu'elle présentait alors que le traumatisme neuropsychique ne pouvait être stabilité ; que la partie civile précise toutefois qu'après ladite expertise elle doit être hospitalisée en 1974 puis en 1975, pour un état dépressif important consécutif à l'accident du 31 mars 1972 et qu'elle était toujours, en 1980, traitée, par le Docteur L., pour ces troubles psychiques ;

Attendu qu'eu égard au contenu du rapport de l'expert Grinda d'une part, lequel ne mentionne nullement les conséquences neuropsychiques de l'accident du 31 mars 1972 et écarte formellement de son analyse les syndromes subjectifs non encore contrôlés, et aux pièces médicales produites par la victime d'autre part, notamment les nombreux certificats du Docteur L. neuropsychiatre, le rapport établi par le Docteur M. le 12 juillet 1976 qui constate la survenance d'un syndrome névrotique réactionnel secondaire au traumatisme initial subi par la victime le 31 mars 1972 et enfin le certificat établi le 18 mars 1982 par le Docteur T. qui conclut à la nécessité d'un examen médical plus approfondi de la victime, il y a lieu de dire qu'il n'y a pas lieu d'homologuer le rapport du Docteur Grinda mais qu'il convient d'instaurer une nouvelle mesure d'expertise confiée à tel praticien qu'il appartiendra assisté d'un sapiteur spécialiste chargé pour sa part de déterminer les séquelles d'ordre neuropsychiatrique en rapport avec l'accident du 31 mars 1972 ;

Attendu, s'agissant de la demande de provision complémentaire chiffrée à 60 000 F par M. T. dans ses dernières conclusions, qu'il y a lieu de constater qu'en dépit du caractère tardif de cette nouvelle demande diligentée comme le fait observer les codéfenderesses plus de 15 ans après l'accident, la victime qui n'avait perçu lors de l'exercice de l'option pénale qu'une provision initiale de 5 000 F justifie de l'aggravation de son état de santé dans l'intervalle et de la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de subir de nombreux soins et traitements ;

Qu'il suit qu'il y a lieu d'allouer à M. T. une provision complémentaire de 30 000 F à valoir sur le montant de son préjudice corporel ;

Et attendu que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Constate que M. T. s'est valablement désistée de sa constitution de partie civile devant la juridiction pénale ;

La déclare recevable en sa demande portée devant la juridiction civile ;

Dit n'y avoir lieu à homologation du rapport du Docteur Grinda et, statuant à nouveau, avant dire droit sur l'évaluation du préjudice corporel subi par M. T., condamne L. L., G.-T. L. prises en leur qualité d'héritières de R. C. et la Compagnie d'assurances La Protectrice à lui payer une indemnité provisionnelle complémentaire de 30 000 F et ordonne une nouvelle mesure d'expertise confiée au Docteur Grellier, demeurant ., lequel serment préalablement prêté se fera assister de tout sapiteur de son choix spécialiste en neuropsychiatrie et aura la mission suivante :

1° Prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. T., y compris du rapport d'expertise établi le 21 mars 1973 par le Docteur Grinda ;

2° Examiner la victime et décrire les blessures occasionnées par l'accident du 31 mars 1972 ;

3° Déterminer la durée de l'I.T.T. et la date de consolidation ;

4° Fixer le taux d'I.P.P. spécifique aux diverses séquelles occasionnées par cet accident, tant d'un point de vue purement physique que neuropsychiatrique et déterminer le taux global de l'I.P.P. en résultant ;

5° Déterminer si la victime était atteinte préalablement à l'accident d'un état pathologique antérieur, de quelle nature, et dire si l'accident a pu occasionner et dans quelles proportions, l'aggravation de cet état préexistant ;

6° Dire s'il subsiste un préjudice d'agrément et un préjudice esthétique et les évaluer ;

7° Préciser l'importance du pretium doloris ;

Dit que l'expert répondra à tout dire écrit des parties, les conciliera si faire se peut et sinon déposera rapport de ses opérations dans un délai de 3 mois à compter du début de ses opérations ;

Désigne Madame Monique François, premier juge au siège, pour suivre ces opérations et faire rapport en cas de difficultés ;

Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert ou du magistrat ainsi commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;

Dit que l'expertise se fera aux frais avancés de M. T. ;

Réserve les dépens en fin de cause ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Léandri et Sanita, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25457
Date de la décision : 09/06/1988

Analyses

Procédure pénale - Jugement


Parties
Demandeurs : T.
Défendeurs : Hoirs L., Compagnie d'assurances ® La Protectrice, Ministère public.

Références :

article 79 du Code de procédure pénale
article 81 du Code de procédure pénale


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1988-06-09;25457 ?

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