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09/06/1988 | MONACO | N°25450

Monaco | Tribunal de première instance, 9 juin 1988, Hoirs P. c/ Dame Q. veuve R.


Abstract

Bail à usage d'habitation

Exercice du droit de reprise - Défaut de justification des besoins normaux - Sanction : nullité de la procédure

Résumé

Faute par le propriétaire, lors de la notification de son intention de reprendre le local donné en location, de justifier que l'occupation de celui-ci, en raison particulièrement de ses conditions de logement et de ses moyens d'existence répond pour lui ou le bénéficiaire de la reprise à des besoins normaux, la procédure engagée pour l'exercice du droit de reprise doit être déclarée nulle en appli

cation de l'article 28-3° de l'ordonnance-loi n. 669 du 17 septembre 1959, cette irrégula...

Abstract

Bail à usage d'habitation

Exercice du droit de reprise - Défaut de justification des besoins normaux - Sanction : nullité de la procédure

Résumé

Faute par le propriétaire, lors de la notification de son intention de reprendre le local donné en location, de justifier que l'occupation de celui-ci, en raison particulièrement de ses conditions de logement et de ses moyens d'existence répond pour lui ou le bénéficiaire de la reprise à des besoins normaux, la procédure engagée pour l'exercice du droit de reprise doit être déclarée nulle en application de l'article 28-3° de l'ordonnance-loi n. 669 du 17 septembre 1959, cette irrégularité étant de nature à causer un grief au locataire privé ainsi de faire valoir utilement ses moyens de défense en discutant les conditions de la reprise.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que, suivant l'exploit susvisé, L. Q. veuve P., A. P., C. P. et G. P. ont fait assigner E. Q. veuve R. qui occupe au 2e étage de l'immeuble sis ., un appartement dont ils sont copropriétaires indivis, pour l'avoir recueilli dans la succession de feu M. P., décédé à Monaco le 13 août 1976, afin que soit validé le congé qu'ils lui ont notifié le 1er août 1986 dans le cadre de l'exercice du droit de reprise dudit appartement au profit de L. Q. veuve P., et que soit ordonnée l'expulsion de l'occupante dès le prononcé de la décision à intervenir, sous peine d'une astreinte comminatoire de 200 F par jour de retard ;

Attendu qu'E. Q. soutient en réponse que les demandeurs n'établissent nullement que l'exercice du droit de reprise répond pour la dame L. Q. à des « besoins normaux », étant observé qu'il s'agit d'une seule occupante et que l'appartement dont s'agit est en fait composé de cinq pièces principales ; que la défenderesse fait en outre valoir que les copropriétaires ne satisfont pas aux prescriptions légales qui imposent à toute personne qui entend bénéficier du droit de reprise de prouver qu'elle ne pourrait l'exercer à rencontre d'un autre locataire ; qu'en effet, si une telle preuve a été rapportée en ce qui concerne L. Q. et M. P., aucune justification de cette nature n'a été produite s'agissant des trois autres copropriétaires demandeurs, à savoir A., C. et G. P. ;

Qu'E. Q. entend dès lors voir débouter lesdits copropriétaires des fins de leurs demandes et sollicite subsidiairement qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve de conclure ampliativement si nécessaire ;

Sur ce,

Attendu qu'aux termes de l'article 28 de l'ordonnance-loi n. 669 du 17 septembre 1959 sont prévues un certain nombre de conditions que doivent remplir à peine de nullité de la procédure le propriétaire et le bénéficiaire de la reprise ;

Attendu qu'en l'espèce L. Q. veuve P., A. P., C. P. et G. P. justifient bien être copropriétaires indivis de l'appartement sis ., qu'ils ont recueilli dans la succession de leur époux, père et grand-père M. P. ainsi qu'en a attesté le 31 juillet 1986 Maître L.C. Crovetto, notaire à Monaco ;

Attendu toutefois que si les codemandeurs apparaissent ainsi remplir la plupart des conditions légalement exigées, ayant également trait à la procédure de notification du congé, ils n'établissent cependant pas, ni même offrent de prouver que l'occupation du logement à reprendre soit de nature à répondre aux « besoins normaux » de la bénéficiaire de la reprise par eux désignée, à savoir L. Q. veuve P. ; qu'ils se bornent à cet égard à indiquer que cette dernière étant locataire d'un autre appartement, elle pourrait utilement faire l'économie du loyer en étant logée dans des locaux lui appartenant ;

Attendu toutefois que cette simple affirmation ne répond pas au vœu du législateur qui a entendu instituer par les dispositions de l'article 28-3° une formalité substantielle prescrite à peine de nullité ; qu'en effet, le non-respect des prescriptions légales qui s'imposent aux copropriétaires voulant exercer le droit de reprise empêche la défenderesse E. Q. de connaître la situation de fait dans laquelle se trouvent ses adversaires et la prive de faire valoir utilement ses moyens de défense en discutant les conditions de la reprise ;

Attendu qu'il est en l'espèce constant que les codemandeurs - qui n'invoquent que l'avantage financier que la bénéficiaire de la reprise pouvait retirer d'une éventuelle suppression de loyer - n'ont nullement justifié que l'occupation de l'appartement de 5 pièces sis . répondait lors de la notification du congé aux besoins normaux de L. Q., ainsi que l'impose la loi ; qu'il devait notamment être justifié de la situation de fait de la bénéficiaire de la reprise au jour de la notification du congé et en particulier de ses conditions de logement et moyens d'existence ;

Que cette omission et l'irrégularité qui en découle apparaissent de nature à causer un grief à la défenderesse ; qu'il convient dès lors de constater la nullité de la procédure tout en rejetant en l'état la demande de reprise des copropriétaires demandeurs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le bien-fondé de l'exception de déchéance opposée par la défenderesse en application des dispositions de l'article 30 de l'ordonnance-loi n. 669 qui enjoint dans certaines conditions aux copropriétaires exerçant le droit de reprise d'établir qu'ils n'avaient pas en Principauté d'autre locataire à l'encontre duquel la reprise pouvait être utilement exercée ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Constate la nullité de la procédure diligentée par L. Q. veuve P., A. P., C. P. et G. P., copropriétaires indivis, aux fins de reprise d'un appartement loué à E. Q. veuve R. sis . ;

Rejette la demande desdits copropriétaires indivis ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Sbarrato et Lorenzi, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25450
Date de la décision : 09/06/1988

Analyses

Droit des biens - Biens et patrimoine ; Droit de propriété ; Contrat - Général ; Contrat - Formation


Parties
Demandeurs : Hoirs P.
Défendeurs : Dame Q. veuve R.

Références :

article 28-3° de l'ordonnance-loi n. 669 du 17 septembre 1959
article 28 de l'ordonnance-loi n. 669 du 17 septembre 1959


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1988-06-09;25450 ?

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