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10/03/1988 | MONACO | N°25424

Monaco | Tribunal de première instance, 10 mars 1988, Société Laboratori L. c/ Société Cosmetic Laboratories.


Abstract

Marques

Dépôt international - Effet à Monaco - Demande expresse ou non - Contenu de la protection

Preuve

Matière commerciale - Date d'un acte - Admissibilité des preuves : liberté de produire tous moyens

Résumé

L'enregistrement opéré sous tel numéro auprès du Bureau international de la propriété intellectuelle d'une marque nominale (Misslyn) au profit d'une société de droit italien laquelle a introduit une action en contrefaçon de cette marque et en annulation de dépôt de marque effectué postérieurement à Monaco, contre u

ne société monégasque, produit effet à Monaco, dès lors que la Principauté a adhéré depuis le 29 avril 19...

Abstract

Marques

Dépôt international - Effet à Monaco - Demande expresse ou non - Contenu de la protection

Preuve

Matière commerciale - Date d'un acte - Admissibilité des preuves : liberté de produire tous moyens

Résumé

L'enregistrement opéré sous tel numéro auprès du Bureau international de la propriété intellectuelle d'une marque nominale (Misslyn) au profit d'une société de droit italien laquelle a introduit une action en contrefaçon de cette marque et en annulation de dépôt de marque effectué postérieurement à Monaco, contre une société monégasque, produit effet à Monaco, dès lors que la Principauté a adhéré depuis le 29 avril 1956 à l'Union de Madrid pour l'enregistrement international des marques, fondée sur l'arrangement de Madrid de 1881, ultérieurement révisé par les actes de Bruxelles (1900), Washington (1911), La Haye (1925), Londres (1934), Nice (1957) et Stockholm (1967) rendus exécutoires en dernier lieu par l'ordonnance souveraine n. 5685 du 29 octobre 1975.

Cette société italienne peut donc se prévaloir dans la Principauté, en vertu de l'article 4 dudit arrangement, de la protection de la loi n. 1058 du 10 juin 1983 sur les marques de fabrique de commerce ou de services ; il n'en est pas de même de la société monégasque laquelle n'est pas le premier déposant de la marque litigieuse.

Un dépôt international de marque effectué en 1956 à une époque où la Principauté n'avait pas encore déclaré, conformément à l'article 3 bis de l'arrangement de Madrid résultant des actes de Nice (1957) et de Stockholm (1967), que la protection tirée de l'enregistrement international ne s'étendra à Monaco que si le titulaire de la marque le demande expressément, ce qui n'avait pu être le cas, produit effet à Monaco dès l'origine.

Lorsqu'un acte de dépôt indique les dénominations ou emblèmes que le déposant a entendu protéger, la protection pouvant résulter d'un tel dépôt est acquise non seulement pour l'ensemble des éléments de la marque mais aussi pour chacun des éléments pris isolément, de sorte que la marque doit être protégée en elle-même indépendamment de toute autre composante figurative ou emblématique dont elle pourrait s'accompagner.

En matière commerciale, il est de principe jurisprudentiel de s'écarter de l'application rigoureuse de l'article 1175 du Code civil, pour admettre la preuve par tous moyens de l'établissement de la date d'un acte sous seing privé.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'aux termes de l'exploit d'assignation susvisé comme des conclusions qui lui font suite, la société de droit italien dénommée « Laboratori L. S.P.A. », qui réclame 1 000 000 F de dommages-intérêts à la Société anonyme monégasque « Cosmetic Laboratories » demande au tribunal de prononcer l'annulation de deux dépôts de marque effectués à Monaco par cette dernière société, respectivement le 14 mars 1969 sous le n° 69.4209 et le 27 juillet 1982 sous le n° 82.9313, au motif que de tels dépôts auraient été faits en fraude de ses droits, dès lors, soutient-elle, qu'ils révèleraient une contrefaçon et une appropriation frauduleuse de marques italiennes protégées à son bénéfice à Monaco par l'effet de leur enregistrement auprès du Bureau international de la propriété intellectuelle opéré sous les numéros 194.204, 266.904 et 474.281 ;

Attendu qu'il est, de fait, ainsi qu'il en a été justifié par les pièces produites, émanant dudit bureau :

• Que la marque n° 194.204 (enregistrée en Italie, pays d'origine, les 6 avril et 25 juin 1956 sous le n° 128.400) qui comporte, inclinée diagonalement, la mension « Misslyn » écrite en lettres italiques sous un emblème constitué par les lettres ML figurant dans un cercle, a été enregistrée le 23 juillet 1956 au Bureau international de la propriété intellectuelle pour des produits de la 3e classe au nom, en dernier lieu, de « I.M. L. - Italian Laboratories I. L. » et a fait ensuite l'objet, au profit d'A. O., d'une cession partielle, pour la France uniquement, enregistrée au Bureau international le 15 juillet 1968 sous le n° 346.141, cet enregistrement ayant à son tour été transmis par O. à la Société Cosmetic Laboratories, avec effet d'inscription du 16 avril 1969, puis renouvelé au nom de cette société sous le n° R.346.141 à compter du 23 juillet 1976 ;

• Que, sous la même appellation « Misslyn », a été enregistrée au Bureau international, à la date du 12 mars 1963 et sous le n° 266.904 (après l'avoir été en Italie, pays d'origine, les 3 mai 1962 et 26 janvier 1963, sous le n° 161.032) une nouvelle marque, figurative d'un flacon pour cosmétiques (produits de la 3e classe) comportant, sous des armoiries, la mention diagonale en italique qui vient d'être décrite, marque établie au nom d'I. L., lequel en a effectué une transmission à la Société Laboratori L. S.P.A., inscrite le 10 mars 1983, cette société ayant renouvelé à son nom l'enregistrement international de la marque le 12 mars 1983 sous le numéro R.266.904 - avec effets étendus en dernier lieu à la République Démocratique Allemande, l'Autriche, le Bénélux, l'Égypte, la France, le Maroc, Monaco, le Portugal, la Suisse et la Tunisie - et modifié ultérieurement l'inscription de sa raison sociale, devenue, à compter du 23 janvier 1984 : « Misslyn Laboratori L. S.P.A. » - I.53018 Sovicille (Italie) ;

• Que la marque « Misslyn » a, en outre, fait l'objet d'un nouvel enregistrement international, effectué le 10 février 1983 sous le n° 474.281 au profit de la « Societa di fatto L. & L. - Cosmetica senese L. e C. L. 59018 Sovicille (Italie) - également pour des produits de la 3e classe (après avoir été enregistrée en Italie, pays d'origine, les 5 avril 1976, sous le numéro 18.143 C/76 et le 30 mars 1982 sous le numéro 331.253) et a, ensuite, avec effet d'inscription du 26 septembre 1983, été transmise à la Société Laboratori L. S.P.A., la protection de ladite marque devant s'étendre aux pays suivants : Algérie, Autriche, Benelux, Égypte, Espagne, Hongrie, Liechtenstein, Maroc, Monaco, Portugal, République Démocratique Allemande, Roumanie, Saint-Marin, Suisse, Tchécoslovaquie, Tunisie, Union Soviétique, Vietnam et Yougoslavie ;

Attendu que les dépôts monégasques incriminés par la Société Laboratori L. S.P.A. sont relatifs :

• Pour le dépôt n° 69.4209, effectué au nom de la Société Cosmetic Laboratories, à une marque pour des produits de la 3e classe portant, au-dessous de l'emblème » ML « susvisé, la mention en italique » Misslyn «, cette marque, déposée le 14 mars 1969, puis aux fins de renouvellement, le 10 janvier 1984, étant actuellement enregistrée au service de la propriété industrielle de Monaco sous le n° R.84.9836 ;

• Pour le dépôt n° 82.9313, encore effectué au nom de la Société Cosmetic Laboratories sous la date du 22 juillet 1982, à une marque » Misslyn Monte-Carlo « portant également sur des produits de la 3e classe, laquelle, enregistrée à Monaco, pays d'origine, sous le numéro précité 82.9313 a fait l'objet, par ailleurs, d'un enregistrement international le 25 octobre 1982 sous le n° 472.289 intéressant en définitive - après, notamment, divers refus de protection - les pays suivants : Autriche, Benelux, France, Liechtenstein, Portugal (sauf pour les cosmétiques), Saint-Marin et Suisse (mais uniquement pour des produits de provenance monégasque) ;

Attendu qu'il ressort, par ailleurs, de la copie versée aux débats d'une mention publiée dans le bulletin international de la propriété industrielle qu'une marque » Misslyn Miniline « d'origine italienne a fait l'objet d'un dépôt au Bureau international le 19 juillet 1971, avec effet pour dix ans notamment à Monaco, relative à des produits de la 3e classe, cette marque étant établie au nom de L. & C. L. Cosmetica senese societa di fatto L. e C. L. - Sovicille (Siena, Italie) et enregistrée sous le n° 379.611) ;

Attendu que la Société Laboratori L. S.P.A. soutient, en substance, à l'appui de ses demandes :

* que son représentant légal I. L., titulaire personnel du dépôt international n° 194.204 de 1956 n'a cédé à O., en 1968, que la partie française de la marque correspondant à ce dépôt, avant que celui-ci ne la cède à son tour à la Société Cosmetic Laboratories ;

* qu'une telle cession, intervenue en dernier lieu, n'a pu conférer à cette société aucun droit sur la partie monégasque de la marque ;

* que c'est donc légitimement qu'elle a pu acquérir d'I. L., avec effet d'inscription de 1963 et de 1983, notamment la partie monégasque des marques correspondant aux dépôts internationaux n° 266.904 de 1963 et 474.281 de 1983 ;

* qu'ainsi, étant titulaire à Monaco de ces deux marques, et pour la première d'entre elles avec une antériorité instaurée par son auteur à compter de 1963, elle est en droit de s'opposer à ce que la Société Cosmetic Laboratories use dans la Principauté des marques initialement déposées en 1969 et en 1982 sous les numéros 69.4209 et 82.9313 respectivement, puisque ces marques reprennent la dénomination » Misslyn « antérieurement déposée ;

Attendu que la Société Cosmetic Laboratories expose, pour l'essentiel, en défense et par voie reconventionnelle :

* qu'elle peut se prévaloir en France d'une antériorité d'usage datant de 1956 par l'effet de la cession susvisée consentie par O. pour la partie française de la marque » Misslyn « déposée au Bureau international sous le n° 194.204 ;

* que la marque » Misslyn « déposée audit bureau le 12 mars 1963 sous le n° 266.904 lui a été cédée, quant à ses parties française et monégasque, par I. L., aux termes d'un acte sous seing privé, qu'il verse en photocopie aux débats, daté des 23 et 26 juillet 1965 et ultérieurement complété par un avenant signé les 25 et 28 septembre 1967, dont il produit l'un des quatre exemplaires originaux (ces deux actes devant être enregistrés en tant que de besoin avec le présent jugement dès lors qu'ils n'apparaissent pas l'avoir été antérieurement) ;

* que, de la sorte, encore que son adversaire lui oppose à ce propos l'article 1175 du Code civil, étant depuis ces actes propriétaire des deux marques litigieuses à Monaco, où elle aurait usé de la dénomination » Misslyn « de manière publique et notoire à partir de l'année 1957 sans interruption, prétend-elle, au contraire de la Société Laboratori L. S.P.A. qui ne l'aurait jamais exploitée, elle ne saurait se voir opposer par cette société, avec effet d'inscription, respectivement, des 16 avril 1969 et 10 mars 1983, une cession ultérieure au profit de celle-ci des marques susvisées internationalement déposées sous les n° 266.904 et 474.281, alors surtout qu'une telle cession ne serait que le fruit d'une collusion frauduleuse d'I. L. avec ladite société ;

* qu'il conviendrait à cet égard d'ordonner la production de l'acte de cession correspondant à la marque » Misslyn « actuellement enregistrée au Bureau international, après renouvellement de son dépôt, sous le n° R.266.904 ;

* qu'en tout cas, du fait de son exploitation durable à Monaco de la marque » Misslyn «, l'action introduite par la Société Laboratori L. S.P.A., qui n'aurait au demeurant jamais exploité ladite marque, doit être déclarée irrecevable en vertu des articles 3 et 4 de la loi du 10 juin 1983 ;

* que, par ailleurs, et par voie de conséquence, les dépôts internationaux de marques n° R.266.904, 379.611 et 474.281 doivent être annulés, en ce qui concerne Monaco, comme révélant une contrefaçon des marques qu'elle y exploite ;

* qu'une somme de 1 000 000 F devrait lui être allouée à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon ;

* qu'en outre, une somme de même montant devrait compenser divers manquements, qu'elle évoque, à des engagements contractuels souscrits par I. L. aux termes de l'avenant précité, 500 000 F devant, par ailleurs, lui être versés pour réparer, en sus de son préjudice moral, les conséquences préjudiciables qu'elle aurait subies du fait d'une concurrence déloyale qu'elle impute à la Société Laboratori L. S.P.A. et du non-respect d'engagements découlant de l'acte susvisé des 23 et 26 juillet 1965 ;

Sur quoi,

Quant à la recevabilité de l'action introduite par la Société Laboratori L. S.P.A. ;

Attendu que cette société ne saurait, à Monaco, invoquer à son bénéfice le dépôt international de marque effectué par son actuel représentant légal I. L., mais en son nom personnel, le 23 juillet 1956 sous le n° 194.204, du fait qu'elle n'apparaît aucunement titulaire par transmission de la marque correspondante du Bureau international de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'en revanche, il résulte desdites indications que l'enregistrement international n° 266.904 du 12 mars 1963 a fait l'objet au profit de cette même société d'une transmission inscrite le 10 mars 1983, le dépôt de marque correspondant étendant, comme sollicité, ses effets à Monaco eu égard à l'adhésion de la Principauté, depuis le 29 avril 1956, à l'Union de Madrid, pour l'enregistrement international des marques, fondée par l'Arrangement de Madrid de 1881 - ultérieurement révisé à Bruxelles (1900), Washington (1911), La Haye (1925), Londres (1934), Nice (1957) et Stockholm (1967) - dont les actes modifiés ont été en dernier lieu rendus exécutoires à Monaco par l'ordonnance souveraine n. 5685 du 29 octobre 1975 ;

Qu'elle peut donc se prévaloir dans la Principauté, en vertu de l'article 4 dudit arrangement et ainsi qu'elle le fait, de la protection de la loi n. 1058 du 10 juin 1983 sur les marques de fabrique de commerce ou de services, de la même manière que si elle avait effectué à Monaco le dépôt de la marque » Misslyn « étant à ce propos rappelé qu'un droit privatif sur une dénomination entraîne la propriété de l'emblème correspondant, tout comme, à l'inverse, un droit privatif sur un emblème entraîne la propriété de la dénomination correspondante, et que, par ailleurs, lorsqu'un acte de dépôt indique les dénominations ou emblèmes que le déposant a entendu protéger, la protection pouvant résulter d'un tel dépôt est acquise non seulement pour l'ensemble des éléments de la marque mais aussi pour chacun des éléments pris isolément, de sorte que la marque nominale » Misslyn «, diversement déposée comme il a été ci-dessus spécifié, doit être protégée en elle-même indépendamment de toute autre composante figurative ou emblématique dont elle pourrait s'accompagner en l'état des dépôts dont elle a fait l'objet ;

Attendu qu'il s'ensuit que, par application de l'article 3 de la loi n. 1058 précitée, la Société Laboratori L. S.P.A. peut arguer en justice à Monaco, aux fins de son action, de l'existence du dépôt de la marque » Misslyn « actuellement enregistrée au Bureau international sous le no R.266.904 ;

Attendu qu'alors que l'article 4, alinéa 1er, de ladite loi ne saurait en l'espèce recevoir l'application que réclame la Société Cosmetic Laboratories du fait que celle-ci n'est pas le premier déposant de la marque » Misslyn « à Monaco, laquelle a été enregistrée dès 1956 au Bureau international à la requête d'I. L. sous le no 194.204 (étant précisé qu'à l'époque, la Principauté n'avait pas encore déclaré, conformément à l'article 3 bis de l'Arrangement de Madrid résultant des actes ultérieurs de Nice et de Stockholm, que la protection tirée de l'enregistrement international ne s'étendra à Monaco que si le titulaire de la marque le demande expressément, ce qui n'a pas été le cas du dépôt no 194.204, en sorte que ce dépôt a eu, dès l'origine, effet à Monaco), il s'ensuit que le moyen d'irrecevabilité soulevé par la défenderesse principale à l'encontre de la Société Laboratori L. S.P.A. doit être rejeté ;

Attendu que, pour autant, ladite société ne saurait se borner à invoquer le dépôt international no 266.904 actuellement renouvelé, pour justifier quant au fond sa demande ;

Qu'étant rappelé qu'en droit monégasque la propriété d'une marque s'acquiert par le premier usage qui en est fait de manière publique et notoire et non par son simple dépôt - sauf si celui-ci constitue le premier acte d'usage - et que seul le propriétaire de la marque dispose de l'action en contrefaçon, il s'ensuit que la Société Laboratori L. S.P.A. doit justifier, aux fins de sa demande, de ce qu'elle est propriétaire à Monaco de la marque » Misslyn « ;

Attendu qu'elle ne saurait, comme elle le fait arguer de ce que cette marque, en ce qui concerne le dépôt international no R.266.904, lui aurait été transmise, avec effet d'inscription du 10 mars 1983, par le titulaire originaire I. L. puisque, antérieurement à cette date, ce même L. avait déjà partiellement cédé la marque » Misslyn «, notamment quant à ses effets à Monaco, à la Société Cosmetic Laboratories aux termes des actes susvisés des 23 et 26 juillet 1965 et des 25 et 28 septembre 1967 ;

Attendu que ce dernier acte, en particulier, qui présente tous caractères d'authenticité par la forme sous laquelle il a été communiqué au tribunal, dispose en effet : » suivant acte sous seing privé fait à Milan en date du 22 juillet 1965, Monsieur L. a vendu à Monsieur P. R., agissant en l'occurrence aux nom, lieu et place de la Société Cosmetic Laboratories, la toute propriété de la marque « Misslyn » dans les pays de France et de Principauté de Monaco « ;

Attendu que cet acte doit être considéré comme ayant une date - celle du 28 septembre 1967 - certaine et opposable à la Société Laboratori L. S.P.A., bien que celle-ci soit tiers à la convention dont s'agit, dès lors qu'en droit il est de jurisprudence que l'article 1175 du Code civil invoqué par cette société n'est pas rigoureusement applicable en matière commerciale, la date d'un acte sous seing privé pouvant, en cette matière, être établie par tous moyens de preuve et même par simples présomptions, et, qu'en fait, l'acte susvisé comporte le visa du Consulat général de France à Monaco, ainsi que le paraphe du représentant du Consul, sous la date du 28 septembre 1967, cette date correspondant à celle figurant en lettres manuscrites au bas dudit acte à côté de la mention » à Monte-Carlo, le... « suivie de la signature d'une partie, ce qui établit à la conviction du tribunal, par le sérieux qui apparaît avoir ainsi présidé à son élaboration, que la convention invoquée, conclue à l'occasion d'une cession de marque, matière incontestablement commerciale pour chacune des parties à l'acte, a bien été souscrite à la date susindiquée du 28 septembre 1967 ;

Attendu qu'en conséquence, et dès lors, la Société Cosmetic Laboratories - qui, ce qui n'est pas contesté, a exploité la marque » Misslyn «, tout au moins depuis cette date - est devenue territorialement propriétaire à Monaco de ladite marque, même s'il apparaît que celle-ci a fait, par la suite, l'objet de la cession inscrite au Bureau international le 10 mars 1983 sous le no 226.904 au profit de la Société Laboratori L. S.P.A., sans que l'on puisse, d'ailleurs, déterminer la date à laquelle une telle cession serait intervenue, faute pour cette société d'avoir produit l'acte correspondant ce qui, toutefois, s'avère sans incidence en l'espèce, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la protection d'un tel acte ;

Qu'en effet, cette cession, qui caractérise une vente de la chose d'autrui, est, par principe, inopposable au véritable propriétaire puisqu'il est de règle, en particulier dans le cas de vente portant sur des meubles corporels, qu'un tel propriétaire peut revendiquer la chose entre les mains de tout détenteur ;

Attendu que, dès lors, faute de pouvoir présentement invoquer le bénéfice de la cession dont s'agit pour le dépôt international en dernier lieu enregistré, après renouvellement, sous le no R.266.904, la Société Laboratori L. S.P.A., qui n'allègue ni ne prouve avoir exploité la marque » Misslyn « à Monaco avant la Société Cosmetic Laboratories, ne peut opposer à celle-ci un droit de propriété sur ladite marque qui, au demeurant, n'aurait pu naître que de l'effet à Monaco d'un dépôt au Bureau international de la propriété intellectuelle constitutif d'un premier acte d'usage de la marque à Monaco ;

Qu'elle est, par voie de conséquence, sans qualité pour agir en contrefaçon, ce qui doit conclure à déclarer son action irrecevable ;

Quant au fond

Attendu qu'au regard de ce qui précède, seules les demandes reconventionnelles de la Société Cosmetic Laboratories devront être ici examinées ;

Attendu que cette société étant titulaire comme il vient d'être dit, de la marque » Misslyn « à Monaco, pour laquelle les dépôts monégasques initiaux no 69.4209 et 82.9313 n'ont eu d'ailleurs qu'un effet déclaratif, elle doit être déclarée fondée en sa demande tendant à l'annulation, pour Monaco, des dépôts internationaux susvisés de la marque » Misslyn «, no R.266.904 et 474.281 et de la marque » Misslyn Miniline « no 379.611, puisqu'ils sont relatifs à ces marques reproduisant l'appellation d'une marque dont elle est seule propriétaire à Monaco, étant toutefois relevé qu'il n'a pas été présentement justifié du renouvellement de l'enregistrement international no 379.611 fait en 1971 pour 10 ans, en sorte que son annulation ne saurait être prononcée qu'en tant que de besoin ;

Attendu qu'au titre de la contrefaçon que de tels dépôts ont caractérisée, par leurs effets à Monaco, la Société Cosmetic Laboratories doit, comme elle le réclame, recevoir une réparation que le tribunal - en considération, d'une part, de l'atteinte portée au pouvoir distinctif de la marque » Misslyn « à Monaco, la seule qu'il se doive d'apprécier selon le principe de territorialité des marques, et, d'autre part, du trouble commercial qui en est résulté pour ladite société comme des dépenses qu'elle a été obligée de supporter pour s'assurer de la disposition de ses droits - estime devoir fixer à 200 000 F toutes causes de préjudice confondues ;

Attendu qu'en revanche la Société Cosmetic Laboratories ne peut être admise à solliciter de la demanderesse principale les sommes qu'elle lui réclame par ailleurs à titre de dommages-intérêts puisque les griefs qui justifieraient ceux-ci apparaissent, selon ses conclusions, être le fait personnel d'I. L. - lequel n'est pas partie originaire à la présente instance, et n'y a pas été attrait - dès lors que celui-ci n'aurait pas respecté, est-il soutenu, les accords contractuels objet des actes susvisés des 23 et 26 juillet 1985 ou des 25 et 28 septembre 1967 ; que, par ailleurs, aucun fait de concurrence déloyale n'apparaît avoir été commis à Monaco par la Société Laboratori L., puisque cette dernière n'y a pas exploité la marque » Misslyn " ;

Et attendu que cette même partie succombe en son action ; qu'elle doit, dès lors, supporter les dépens de l'instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare la Société Laboratori L. S.P.A. irrecevable en ses demandes, faute de qualité pour agir ;

La condamne à payer à la Société Cosmetic Laboratories la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Prononce la nullité de la partie monégasque des dépôts de marque enregistrés au Bureau international de la propriété intellectuelle sous les numéros R.266.904 et 474.281 ;

Prononce, en tant que de besoin, la même nullité pour le dépôt initialement enregistré audit bureau sous le no 379.611, sous réserve de son renouvellement ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Ordonne l'enregistrement des actes susvisés ;

Condamne la société LABORATORI L.

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; Mme Lorenzi et Blot, av. déf. ; Bonnafons, av. (Barreau de Marseille).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25424
Date de la décision : 10/03/1988

Analyses

Marques et brevets


Parties
Demandeurs : Société Laboratori L.
Défendeurs : Société Cosmetic Laboratories.

Références :

article 1175 du Code civil
loi n. 1058 du 10 juin 1983
articles 3 et 4 de la loi du 10 juin 1983
ordonnance souveraine n. 5685 du 29 octobre 1975


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1988-03-10;25424 ?

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