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12/02/1988 | MONACO | N°25413

Monaco | Tribunal de première instance, 12 février 1988, S. c/ État de Monaco.


Abstract

Responsabilité de l'Etat

Défaut de fondement juridique de la demande en dommages-intérêts - Demande recevable - Travaux et ouvrages publics - Fondement de l'indemnisation - Dommage anormal

Résumé

Il n'y a pas lieu de retenir le moyen de défense tendant au rejet d'une demande en dommages-intérêts à laquelle il n'a pas été attribué de fondement juridique, le tribunal ayant le pouvoir, dans les limites précisées par les conclusions des parties quant à l'objet et la cause de leurs demandes, d'apprécier le litige qui lui est soumis au regard des

règles de droit objectivement applicables, même non invoquées.

Par suite de travaux pu...

Abstract

Responsabilité de l'Etat

Défaut de fondement juridique de la demande en dommages-intérêts - Demande recevable - Travaux et ouvrages publics - Fondement de l'indemnisation - Dommage anormal

Résumé

Il n'y a pas lieu de retenir le moyen de défense tendant au rejet d'une demande en dommages-intérêts à laquelle il n'a pas été attribué de fondement juridique, le tribunal ayant le pouvoir, dans les limites précisées par les conclusions des parties quant à l'objet et la cause de leurs demandes, d'apprécier le litige qui lui est soumis au regard des règles de droit objectivement applicables, même non invoquées.

Par suite de travaux publics entrepris par l'État aggravant les conditions d'accès à un magasin de vente de véhicules où sont exposés ceux-ci, l'exploitant de ce fonds est en droit d'obtenir réparation pour les troubles excédant par leur ampleur ceux que les riverains des voies publiques sont tenus de supporter sans indemnité.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Considérant les faits suivants :

J. S. exploite depuis le 1er décembre 1982 dans l'immeuble ., un fonds de commerce d'achat-vente et courtage de véhicules de tourisme d'occasion sous l'enseigne « M.-A. » ;

Il dispose en ce lieu d'un magasin en rez-de-chaussée donnant directement sur l'avenue Saint-Charles et conçu pour permettre d'y exposer des véhicules accédant au magasin, à partir de ladite avenue, par deux portes-fenêtres ouvrables ;

A l'occasion des travaux relatifs à l'opération de construction des halles et marché de Monte-Carlo, un pont routier métallique provisoire a été mis en place par l'Administration sur une partie de l'avenue Saint-Charles ;

Sa pose a été prévue de telle manière que son tablier se trouve surélevé par rapport à la chaussée de cette avenue ;

L'une de ses extrémités jouxte le magasin de S. ; la voie de circulation unissant son tablier et la chaussée de l'avenue Saint-Charles emprunte en conséquence une rampe de circulation goudronnée située devant le magasin ;

Pour permettre le maintien de l'accès des véhicules à celui-ci, l'Administration a, par ailleurs, fait compléter la rampe goudronnée par un appendice de cette rampe en ciment desservant l'une des portes-fenêtres dudit magasin ;

Au motif que les conditions d'exploitation de son fonds avaient été affectées, à son détriment, par la pose du pont, J. S., après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert (Roger Orecchia), chargé d'apprécier les préjudices éventuels ayant pu découler de cet ouvrage, en réclame à l'État la réparation, qu'il chiffre dans l'immédiat, par l'exploit susvisé, à 1 018 540 F au total en se fondant, en partie, sur le rapport de l'expert affirmant la réalité de pertes financières d'exploitation en relation avec la présence du pont ;

L'État conclut au rejet d'une telle demande en ce que sa base légale n'en a pas été indiquée par S. et subsidiairement, pour l'essentiel, en ce que ce dernier n'aurait invoqué en l'espèce que des préjudices à caractère artificiel du fait qu'il avait vidé son local, avant même l'installation de la rampe, au lieu d'y maintenir, par un minimum d'initiatives qu'il se devait de prendre, une activité commerciale qui, pour être plus difficile qu'antérieurement, n'en aurait pas pour autant été impossible, en raison notamment de la persistance, au magasin, de l'enseigne et du local d'accueil de la clientèle, en sorte que les dommages allégués, dans les domaines financier ou commercial, ne seraient nullement rattachables à l'exécution du travail public dont s'agit ;

Sur quoi,

Attendu que, si le tribunal doit statuer dans les limites précisées par les conclusions des parties et ne peut modifier d'office ni l'objet ni la cause de leurs demandes, il lui incombe de se prononcer conformément aux lois et principes juridiques régissant la matière inhérente auxdites demandes, encore que l'application n'en ait pas été expressément requise par les parties ; qu'il lui appartient de la sorte d'apprécier, en l'espèce, le litige qui lui est soumis au moyen des règles de droit objectivement applicables, même non invoquées ;

Que le moyen de défense de l'État tendant au rejet de la demande à raison de ce que S. n'aurait pas attribué à celle-ci de fondement juridique précis, doit être en conséquence rejeté, étant au demeurant patent que la demande dont le tribunal se trouve présentement saisi a pour cause alléguée la responsabilité de l'État qu'il convient dès lors d'apprécier ;

Attendu à cet égard, qu'il résulte des éléments de la cause et notamment du rapport de l'Expert Orecchia versé aux débats, comme des documents photographiques auxquels il fait référence, que la présence de l'ouvrage public, constitué par le pont provisoire et les rampes goudronnée et cimentée qui le complètent, a gravement modifié les conditions d'exploitation du fonds de commerce de S., compte tenu de l'activité de ce dernier et des conditions normales d'occupation de l'immeuble, antérieures à la pose du pont, puisque, en dépit de la rampe cimentée susvisée, l'accès des véhicules par l'extérieur aux portes-fenêtres du magasin est devenu impossible pour l'une de ces portes-fenêtres et difficile pour l'autre ;

Attendu que si ces circonstances n'apparaissent pas avoir été de nature à contraindre S. à la fermeture de son magasin, qui demeurait accessible au public et à certains véhicules de petite taille, il reste qu'elles ont occasionné, par l'aggravation sensible des conditions d'accès qu'elles ont ainsi révélé, des troubles excédant par leur ampleur ceux que les riverains des voies publiques sont tenus de supporter sans indemnité et dont S. est en conséquence fondé à obtenir réparation ;

Attendu que ce dernier ne saurait, de ce chef, prétendre, comme il le soutient, à l'indemnisation d'une éventuelle dépréciation de son fonds de commerce, au demeurant non retenue par l'expert, puisqu'une telle dépréciation n'apparaît pas découler directement de l'ouvrage public considéré, alors de surcroît que celui-ci n'a qu'un caractère temporaire ;

Qu'en revanche, la perte des revenus de son fonds rattachable à cet ouvrage constitue pour S. un dommage anormal susceptible d'indemnisation ;

Attendu qu'en l'occurrence - au regard de l'estimation opérée par l'Expert Orecchia quant aux pertes certaines d'exploitation de S., jusqu'en octobre 1989, qui doit être entérinée par le tribunal dans ses bases de calcul, en ce qu'elle procède d'une étude approfondie et minutieuse de l'espèce - il s'avère que le dommage à ce titre réparable de S., qui pouvait, comme il est soutenu, maintenir son magasin en activité, ne saurait excéder 400 000 F pendant la période de référence comprise entre juillet 1986 et octobre 1989 ;

Que l'État, dont la responsabilité se trouve engagée à raison du dommage anormal ainsi subi par S., doit en conséquence être déclaré tenu d'indemniser ce dernier à concurrence dudit montant, et supporter les dépens de la présente instance, lesquels comprendront ceux réservés par l'ordonnance de référé ayant désigné l'Expert Orecchia, ainsi que les frais d'expertise ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement, en matière administrative,

Condamne l'État de Monaco à payer à J. S. la somme de 400 000 F, montant des causes sus-énoncées ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Blot et J.-Ch. Marquet, av. déf. ; Brugnetti, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25413
Date de la décision : 12/02/1988

Analyses

Responsabilité (Public) ; Compétence


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : État de Monaco.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1988-02-12;25413 ?

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