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14/01/1988 | MONACO | N°25401

Monaco | Tribunal de première instance, 14 janvier 1988, Dame G. c/ L.


Abstract

Divorce

Réconciliation - Notion

Résumé

La reprise ou la poursuite de la vie commune ne suffit pas à elle seule, à prouver la réconciliation des époux, laquelle doit s'entendre d'un accord de volonté de chacun de ceux-ci pour pardonner respectivement les torts reprochés et accepter tacitement, ou expressément, le pardon de l'autre conjoint.

Dès lors que le maintien temporaire de la vie commune des époux n'a été dicté que par l'intérêt supérieur et les besoins de l'éducation des enfants communs, et ne traduit nullement la volonté de

l'épouse demanderesse de pardonner à son mari les torts qu'elle lui reproche dans le cadre de l'...

Abstract

Divorce

Réconciliation - Notion

Résumé

La reprise ou la poursuite de la vie commune ne suffit pas à elle seule, à prouver la réconciliation des époux, laquelle doit s'entendre d'un accord de volonté de chacun de ceux-ci pour pardonner respectivement les torts reprochés et accepter tacitement, ou expressément, le pardon de l'autre conjoint.

Dès lors que le maintien temporaire de la vie commune des époux n'a été dicté que par l'intérêt supérieur et les besoins de l'éducation des enfants communs, et ne traduit nullement la volonté de l'épouse demanderesse de pardonner à son mari les torts qu'elle lui reproche dans le cadre de l'instance en divorce, il n'apparaît pas que la fin de non-recevoir tirée de la réconciliation soit recevable.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que G., née le 12 novembre 1954 à Monaco, de nationalité monégasque, a selon l'exploit susvisé régulièrement assigné en divorce L., né le 13 juillet 1943 à Ceriana (Italie), de nationalité italienne, qu'elle avait épousé à Monaco le 8 mars 1974 ;

Que deux enfants sont issus de cette union : C., né à Monaco le 17 septembre 1974 et M., née à Monaco le 21 septembre 1979 ;

Attendu que le Tribunal de première instance, statuant uniquement sur les mesures provisoires, a, par jugement du 13 février 1986, confié à la mère la garde des enfants mineurs, C. et M., sous réserve du droit de visite du père qui devait s'exercer une demi-journée par semaine, un week-end sur deux et la première moitié de toutes les vacances scolaires, et fixé à 3 300 F la part contributive globale du père à l'entretien et à l'éducation des deux enfants, soit 1 800 F pour C. et 1 500 F pour M. ;

Que ladite juridiction ordonnait également une mesure d'enquête sociale confiée à Madame Paule Leguay, à l'effet de recueillir tous renseignements utiles sur la situation matérielle et morale de chaque époux et les conditions de vie et d'éducation des deux enfants communs ;

Attendu que ledit rapport d'enquête sociale était déposé le 5 mars 1987 par Madame Leguay ;

Que, par ailleurs, Maître Marquilly, avocat-défenseur de G., déposait, le 5 mai 1987, des conclusions de déconstitution, tandis que Maître Blot se constituait le 27 juin 1987 à ses lieu et place aux intérêts de la demanderesse ;

Attendu qu'à l'audience du 17 décembre 1987, les parties comparaissaient pour qu'il soit conclu et statué sur le fond ;

Attendu que G. fonde sa demande sur le comportement inadmissible de son époux qui la brutaliserait et lui aurait fait subir de nombreux et graves sévices corporels, dont plusieurs auraient donné lieu à l'établissement de certificats médicaux ;

Qu'elle invoque en outre l'attitude outrageante de L., qui n'aurait pas hésité à l'humilier verbalement et à quitter le domicile conjugal, situé à Monaco, pour aller résider dans une villa qu'il avait fait construire en Italie ;

Que, dès lors, en l'état d'un tel manquement aux devoirs et obligations nés du mariage, G. s'estime fondée à solliciter le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son époux ;

Attendu que, par conclusions en réponse, L. conclut à l'irrecevabilité de la demande en divorce ; qu'il invoque, au soutien de son argumentation, les dispositions de l'article 206-7° du Code civil et expose que la réconciliation des deux époux est intervenue depuis les faits allégués par son épouse dans sa demande ; qu'il fait, à cet égard, valoir que, postérieurement à l'ordonnance de résidence séparée rendue le 6 novembre 1985, lui et son épouse ont néanmoins continué à vivre ensemble au domicile conjugal et ont passé une partie de leurs vacances dans leur maison de campagne située en Italie ; qu'une telle volonté de reprendre la vie commune serait confirmée selon le défendeur par la suspension de l'enquête sociale confiée à Mme Leguay, laquelle informait le président du Tribunal de première instance de cette tentative de réconciliation des deux époux ;

Que s'estimant, dès lors, fondé à soulever l'irrecevabilité de la demande en divorce, L. conclut au déboutement de son épouse, en faisant valoir par ailleurs que cette dernière n'a pas rapporté la preuve de l'existence de nouveaux griefs et faits d'injure survenus depuis leur réconciliation ;

Que, subsidiairement, pour le cas où le tribunal déclarerait recevable la demande de son épouse, L. forme pour sa part une demande reconventionnelle en divorce en invoquant le comportement injurieux de G., qui aurait, selon lui, entretenu une liaison adultérine avec un nommé Marc F., ce dont il atteste par la production des propres déclarations de l'épouse bafouée de cet homme ;

Sur ce,

Sur la demande principale en divorce

Attendu, s'agissant tout d'abord de la fin de non-recevoir tirée de la réconciliation des parties, et invoquée par G., L. à l'effet de voir déclarer éteinte l'action en divorce de son épouse, qu'il convient - ce, en application des dispositions de l'article 16 de l'ordonnance du 3 juillet 1907, seule applicable en l'espèce - d'apprécier en fait si les deux époux se sont véritablement réconciliés depuis les circonstances alléguées par la demanderesse ;

Attendu que L. invoque à cet égard le fait que les deux époux ne se soient jamais séparés et aient continué à vivre dans l'appartement mis à leur disposition par sa propre mère, ce, durant une année après qu'eût été rendue l'ordonnance autorisant son épouse à résider seule ; qu'au soutien de ses allégations, le défendeur produit une lettre, adressée le 16 avril 1986 par l'Assistante sociale Paule Leguay au président de cette juridiction, évoquant les efforts entrepris par chacun des époux pour tenter une éventuelle réconciliation ;

Attendu, cependant, qu'à la supposer établie, la reprise, ou la poursuite de la vie commune ne suffit pas, à elle seule, à prouver la réconciliation des parties, laquelle doit s'entendre d'un accord de volonté de chacun des époux pour se pardonner respectivement les torts reprochés et accepter tacitement, ou expressément, le pardon de l'autre conjoint ;

Qu'il est, à cet égard, constant que L. ne rapporte nullement la preuve de cette commune intention et qu'il n'a pas formellement contredit son épouse lorsque celle-ci a expliqué leur tentative de rapprochement par l'unique souci de préserver leurs deux jeunes enfants, C. et M. ;

Qu'il suit que le maintien temporaire de la vie commune des époux G.-L. n'a pu qu'être dicté par l'intérêt supérieur et les besoins de l'éducation des enfants communs et n'a nullement traduit la volonté de la demanderesse de pardonner à son mari les torts qu'elle lui reprochait dans le cadre de la présente instance ;

Que, dès lors, la réconciliation des deux époux n'apparaît pas établie et qu'il y a lieu pour le tribunal - rejetant la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par le défenseur - de déclarer recevable la demande principale en divorce et de l'examiner au fond ;

Attendu que G. produit à cet égard de nombreuses attestations établissant la nature brutale et agressive de son époux qui lui faisait de fréquentes et très violentes scènes de ménage sous les prétextes les plus futiles (attestation Dalmazzone) et lui portait même des coups à l'origine d'ecchymoses multiples constatées par le Docteur Scavini tant en 1977 qu'en 1985, selon certificats médicaux produits aux débats ; que l'attitude inadmissible de L ; s'évince également de l'attestation de Patricia Castellini, laquelle évoque tant les nuits passées par G. sur le palier de l'appartement commun dont son mari l'avait expulsée, que les absences répétées et de plus en plus fréquentes de celui-ci qui se désintéressait totalement de son foyer et vivait de façon quasi permanente en Italie où il avait fait construire une villa ; que la réalité de cet abandon du domicile conjugal s'induit en effet d'un procès-verbal de constat établi le 11 octobre 1985 par Maître Boisson-Boissière, ainsi que d'un certificat de résidence italien délivré en décembre 1986 à L. par la mairie de Ceriana ;

Attendu en conséquence que les pièces ainsi produites par G. établissent les manquements graves et répétés de son époux aux devoirs et obligations nés du mariage et caractérisant l'injure grave rendant intolérable le maintien du lien conjugal ;

Qu'il suit qu'il y a lieu de faire droit aux fins de la demande principale en divorce ;

Sur la demande reconventionnelle en divorce

Attendu qu'au soutien de sa demande, L., invoquant l'adultère de son épouse, produit une attestation émanant de Monique Pavanetto, épouse Fitoussi, qui relate les relations intimes de son époux avec G. ; que si ladite pièce ne permet toutefois pas d'établir la réalité des rapports extra-conjugaux imputés à la demanderesse, elle révèle néanmoins le caractère outrageant et vexatoire de son comportement envers L., lequel n'a pu ressentir que comme une injure sérieuse les dîners, séjours et loisirs communs de son épouse avec cet individu de sexe masculin, toutes relations intimes poursuivies de juin 1985 à avril 1986 ;

Qu'une telle attitude et la désaffection dont G. faisait preuve envers son mari s'avèrent incompatibles avec le maintien de la vie commune et commandent de faire droit à la demande reconventionnelle de L. ;

Attendu en conséquence que les éléments de la cause établissent le bien-fondé des griefs invoqués par les deux parties et justifient le prononcé du divorce à leurs torts et griefs réciproques ;

Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de pension alimentaire et dommages-intérêts formulées par l'épouse ;

Sur l'attribution du droit de visite et la contribution aux frais d'entretien et d'éducation des enfants mineurs

Attendu que G. et L. sollicitent tous deux la garde des deux enfants communs, C. et M. ;

Que, par jugement avant dire droit du 13 février 1986, le Tribunal de céans a ordonné de ce chef une enquête sociale, aux termes de laquelle Madame Leguay, assistante sociale chef près la Direction des services judiciaires, paraissant entériner un accord des parties, suggérait de confier à la mère la garde de C. et M., tout en prévoyant un très large droit de visite au profit du père, pouvant être notamment organisé de la manière suivante ;

* un week-end sur deux, du vendredi soir au dimanche soir,

* une fois par semaine, pour le déjeuner de midi ;

Attendu cependant que les écrits judiciaires des parties établis ultérieurement à cette enquête sociale ne font plus apparaître un tel accord des époux sur l'attribution du droit de garde à la mère, ni même sur l'organisation du droit de visite ;

Qu'il ressort néanmoins des constatations opérées par Madame Leguay, ainsi que des nombreuses attestations versées aux débats que G., institutrice de profession, a toujours scrupuleusement suivi l'éducation de C. et M. (attestation du censeur du Lycée Albert 1er et de la directrice de l'Ecole du Rocher) et se montre une bonne mère, veillant de près à l'entretien matériel de ses enfants et leur apportant toute son affection ;

Que, dès lors, eu égard au jeune âge de C. et M. et à leur mode de vie et d'éducation actuel, il apparaît de l'intérêt supérieur de ces enfants d'en confier la garde à G., sous réserve du droit de visite du père ;

Attendu à cet égard que la mère n'entend concéder à L. qu'un droit de visite organisé de la façon suivante :

* un jour par semaine, alternativement le samedi et le dimanche, de 9 heures le matin à 18 heures le soir et sur le territoire de la Principauté de Monaco exclusivement,

* la première moitié de toutes les vacances scolaires ;

Qu'elle déclare en effet s'opposer à l'octroi d'un droit de visite du mercredi après-midi, tel que prévu par le jugement sur les mesures provisoires du 13 février 1986, dès lors que son époux, qui travaille dans un snack-bar de la Principauté avait pris pour habitude d'y faire passer ledit après-midi à C. et M. ;

Attendu qu'eu égard, toutefois, tant à cet élément de fait qu'aux activités scolaires et sportives pratiquées par les deux enfants communs le mercredi, il apparaît de l'intérêt de ces derniers de ne pas prévoir de droit de visite cet après-midi-là et ce, sauf meilleur accord des parties à cet égard ;

Que, s'agissant en outre des modalités d'exercice du droit de visite qu'il y a lieu de conférer au père les premier et troisième week-end de chaque mois, il n'apparaît pas opportun d'en limiter l'exercice au territoire de la Principauté de Monaco, étant observé que G. ne démontre nullement l'existence d'un danger ou d'un obstacle particulier s'opposant à ce que leurs deux enfants bénéficient des avantages de la maison de campagne de leur père située sur le territoire italien, dans la commune de C. ;

Attendu, enfin, en ce qui concerne le montant de la part contributive aux frais d'entretien et d'éducation des deux enfants communs, que G. sollicite une somme globale de 4 000 F, soit 2 000 F par enfant, indexée au 1er janvier de chaque année ; que L., qui ne formule pour sa part aucune offre de ce chef, relève néanmoins le caractère équitable des sommes fixées à ce titre par la juridiction de céans dans le jugement sur mesures provisoires du 13 février 1986, aux termes duquel la part contributive à l'entretien et à l'éducation de C. et M. était respectivement fixée pour chacun d'entre eux à 1 800 F et 1 500 F par mois ;

Attendu qu'eu égard aux besoins normaux d'enfants âgés de 13 et 8 ans d'une part, et aux facultés respectives des époux d'autre part, il apparaît équitable de condamner L. à payer à G. d'avance et à son domicile une somme mensuelle globale de 4 000 F, soit 2 000 F pour C. et 2 000 F pour M., ces pensions étant, à la demande de l'épouse, indexées sur l'indice des prix à la consommation des ménages urbains publié par l'I.N.S.E.E. et pouvant être révisées le 1er janvier de chaque année en fonction de la variation de cet indice, et pour la première fois le 1er janvier 1989 ;

Et attendu que les dépens doivent suivre la succombance respective des parties ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée par L. de la réconciliation avec son épouse ;

Prononce le divorce des époux G.-L. à leurs torts et griefs réciproques, avec toutes conséquences de droit ;

Fixe au 6 novembre 1985 les effets de la résidence séparée des époux ;

Confie à G. la garde des deux enfants communs C. et M. et réserve à L. le plus large droit de visite, lequel, en cas de désaccord des parties, s'exercera de la manière suivante :

* un week-end sur deux du samedi 9 heures au dimanche 18 heures,

* la seconde moitié de toutes les vacances scolaires ;

Condamne L. à payer à G., à son domicile, le premier de chaque mois et d'avance :

* la somme de 4 000 F (quatre mille francs) à titre de part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants communs, soit 2 000 F pour C. et 2 000 F pour M. ;

Dit que ces pensions seront révisées annuellement en fonction des variations de l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains (série France entière) publié par l'I.N.S.E.E. et pour la première fois le 1er janvier 1989, le cours de l'indice au mois du présent jugement étant pris pour base ;

Déboute G. et L. du surplus de leurs demandes ;

Ordonne la liquidation du régime matrimonial ayant pu exister entre les époux ;

Commet Maître Louis-Constant Crovetto, notaire, pour procéder à cette liquidation et Madame Brigitte Gambarini, juge au siège, pour suivre ces opérations et faire rapport en cas de difficultés ;

Dit qu'en cas d'empêchement du notaire ou du magistrat ainsi commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Blot et Léandri, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25401
Date de la décision : 14/01/1988

Analyses

Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps


Parties
Demandeurs : Dame G.
Défendeurs : L.

Références :

article 206-7° du Code civil
article 16 de l'ordonnance du 3 juillet 1907


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1988-01-14;25401 ?

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