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07/01/1988 | MONACO | N°25398

Monaco | Tribunal de première instance, 7 janvier 1988, M. Veuve M. c/ R. M.


Abstract

Succession

Époux survivant : seulement légataire - Application de l'article 650 du Code civil - Exhérédation par voie testamentaire

Résumé

Dès lors que le testateur a manifesté son intention de disposer de l'intégralité de ses biens en faveur de son fils, il a privé sa veuve, à qui il a consenti cependant divers legs particuliers, de la vocation héréditaire dont elle aurait pu se prévaloir en l'absence de testament ou en l'état de dispositions non universelles de sorte que celle-ci ne dispose en l'espèce que des droits relatifs qui lui ont

été consentis, sans qu'elle puisse prétendre cumuler des droits d'héritier et de légatai...

Abstract

Succession

Époux survivant : seulement légataire - Application de l'article 650 du Code civil - Exhérédation par voie testamentaire

Résumé

Dès lors que le testateur a manifesté son intention de disposer de l'intégralité de ses biens en faveur de son fils, il a privé sa veuve, à qui il a consenti cependant divers legs particuliers, de la vocation héréditaire dont elle aurait pu se prévaloir en l'absence de testament ou en l'état de dispositions non universelles de sorte que celle-ci ne dispose en l'espèce que des droits relatifs qui lui ont été consentis, sans qu'elle puisse prétendre cumuler des droits d'héritier et de légataire, ou même opter entre ceux-ci.

L'article 650 du Code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n. 917 du 27 décembre 1971 applicable en l'espèce eu égard à la date du décès du testateur, s'il énonce que le conjoint survivant en concours avec des descendants légitimes reçoit la part d'un tel enfant sans que sa part soit inférieure au quart de la succession, ne vise cette situation qu'au titre supplétif, à défaut de dispositions testamentaires ainsi que l'a expressément voulu le législateur (voir exposé des motifs).

Les seuls droits de légataire particulier du conjoint survivant ne l'autorisent pas à poursuivre le partage des biens composant la succession.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'il est constant que par testament du 13 janvier 1970, suivi de deux codicilles des 20 décembre 1979 et 10 mai 1981, R. M., de nationalité française, décédé le 25 décembre 1985 à Monaco où il était domicilié, a institué son fils R. M., issu de son premier mariage, de nationalité française également, légataire de la totalité de ses biens, à l'exception de ceux ayant fait l'objet de legs particuliers à sa seconde épouse séparé de biens N. M., de nationalité française, qui s'est ainsi vue gratifiée d'une somme en capital, de meubles meublants, d'un véhicule automobile, des montants de retraite et du capital d'assurance revenant au de cujus, de revenus provenant de biens immobiliers et de la jouissance sa vie durant d'un autre bien immobilier et de bijoux ;

Attendu qu'un conflit d'intérêt s'étant élevé entre la veuve de R. M. et son fils R., celle-la a fait assigner celui-ci par l'exploit susvisé pour que lui soit reconnu son droit de cumuler la vocation successorale qu'elle tient de l'article 650 ancien du Code civil avec le bénéfice des legs dont elle est gratifiée, par les dispositions testamentaires précitées, dès lors qu'aucune exhérédation formelle à son encontre n'a été exprimée par le testateur ; qu'elle demande en conséquence au tribunal :

* d'ordonner le partage des biens dépendants de la succession de R. M. ;

* de constater que la loi lui confère la saisine et que le testament ne l'a pas exhérédée ;

* de juger que sa part successorale doit être déterminée par application des articles 649 et 650 du Code civil (dans leur rédaction résultant de la loi n. 917 du 27 décembre 1971) et que ses legs particuliers devront être prélevés sur le montant de la quotité disponible définie par la loi ;

* d'imposer à R. M. de lui délivrer lesdits legs avec toutes conséquences de droit eu égard à leur nature alimentaire ;

* de commettre un notaire pour procéder au partage, après inventaire et estimation des biens à dire d'expert(s) ;

* de désigner un administrateur provisoire de la succession jusqu'au partage ;

* de condamner R. M. à lui payer 100 000 F à titre de dommages-intérêts ;

* et de le condamner en outre aux dépens ;

Attendu que par conclusions ultérieures N. M. veuve M., qui estime avoir une vocation successorale identique à celle du défendeur et être en droit de faire valoir à la fois son droit héréditaire et celui de légataire particulière - en soutenant à nouveau que le testament ne l'a pas exclue de la succession -, et explique qu'en sa qualité d'héritier saisi elle aurait pu s'abstenir de demander l'envoi en possession sollicité par elle à toutes fins, ajoute à ses prétentions initiales en demandant l'exécution provisoire de la décision à intervenir eu égard à l'urgence qui s'attacherait, en raison du caractère alimentaire de ses legs, à la désignation d'un administrateur provisoire à la succession ;

Attendu que pour sa part R. M. dénie tout droit à la demanderesse de se prévaloir de la vocation successorale, reconnue par la loi en l'absence de testament seulement, au conjoint survivant ; qu'il rappelle que celui-ci n'est pas réservataire ; qu'il soutient qu'en l'instituant légataire universel, son père a manifesté son intention de ne léguer à sa veuve que les seuls biens énumérés par le testament, lequel, par son existence même, a privé la demanderesse de sa qualité d'héritière dont elle ne saurait dès lors se prévaloir ; qu'il affirme, en sa qualité d'unique héritier réservataire et de légataire universel, avoir seul la saisine des biens dont il appartiendrait à la légataire particulière de demander la délivrance par un envoi en possession ; qu'il estime subir un préjudice du fait de la position adoptée par sa belle-mère qui, occupant un appartement dépendant de la succession, le prive des revenus qu'il pourrait en tirer ;

Qu'il conclut en conséquence au rejet des demandes de N. M. en faisant état de ses réserves de réclamer une indemnité d'occupation pour l'appartement dont s'agit à compter du 1er avril 1986 ;

Sur quoi,

Attendu qu'il appartient au premier chef au tribunal d'apprécier la nature de la vocation successorale de la demanderesse, en l'état des dispositions testamentaires de l'espèce ; que la réponse à cette question est la même selon que son appliqués les principes de droit français ou monégasques, identiques sur ce point, étant par ailleurs relevé que le conjoint survivant, tant en France qu'à Monaco, n'est pas un héritier réservataire ;

Attendu que par son testament du 13 janvier 1970, qui désigne son fils R. « comme légataire (de) la totalité de (ses) biens », R. M. a manifesté clairement son intention de disposer de l'intégralité de ses biens en faveur de son fils ; qu'il a donc privé sa veuve, à qui il a cependant fait divers legs particuliers, de la vocation héréditaire dont elle aurait pu se prévaloir en l'absence de testament, ou en l'état de dispositions non universelles ; qu'il s'ensuit que N. M. veuve M. ne dispose en l'espèce que des droits relatifs aux libéralités qui lui ont été consenties, sans qu'elle puisse prétendre cumuler des droits d'héritier et de légataire, ou même opter entre ceux-ci ;

Attendu que cette solution trouve son fondement aussi bien en droit français - qui pourrait régir, en tant que loi nationale du de cujus, la succession mobilière de celui-ci - qu'en droit monégasque - applicable à la partie immobilière de la succession, en ce que les immeubles concernés sont situés en Principauté ;

Qu'il est certain en effet que par application de l'article 767 du Code civil français, qui dispose en particulier que « l'époux survivant ne pourra exercer son droit (qui lui est reconnu dans la succession ab intestat) que sur les biens dont le prédécédé n'aura disposé ni par acte entre vifs ni par acte testamentaire », le conjoint survivant, bien qu'héritier, peut être totalement exclu de la succession si tous les biens ont été légués, sauf le bénéfice en l'espèce des legs particuliers ;

Que d'autre part, l'article 650 du Code civil monégasque, dans sa rédaction résultant de la loi n. 917 du 27 décembre 1971 (applicable en l'espèce, eu égard à la date de décès de R. M.), s'il énonce que le conjoint survivant en concours avec des descendants légitimes reçoit la part d'un tel enfant sans que sa part soit inférieure au quart de la succession, n'envisage cette situation qu'à titre supplétif, à défaut de dispositions testamentaires, ainsi que l'a expressément voulu le législateur (cf. exposé des motifs de la loi précitée) ;

Attendu dès lors, que les seuls droits de légataire à titre particulier de la demanderesse ne l'autorisent pas à poursuivre le partage des biens composant la succession ; que la demande formulée en ce sens, et celles qui en sont le préalable ou la conséquence, doivent donc être rejetées ;

Qu'il n'y a pas lieu, de même, de faire droit à la demande, non fondée, tendant à obtenir paiement de dommages-intérêts, non plus qu'à celle visant à obtenir le bénéfice de l'exécution provisoire, qui ne se justifie pas ;

Attendu, sur la demande tendant à obtenir par M. la délivrance des legs, qu'il y a lieu d'observer que R. M. n'a jamais fait obstacle à ladite délivrance ; qu'il a même chargé son notaire d'établir un acte en ce sens, lequel n'a pas été signé par la demanderesse qui estimait à tort devoir disposer de plus de droits que ceux dont elle se trouve en réalité titulaire ; qu'il convient donc de constater cette absence de toute opposition de la part du défendeur et de dire, en tant que de besoin, qu'il devra délivrer à N. M. veuve M. les legs particuliers dont elle est bénéficiaire ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Dit que la vocation successorale de N. M. veuve M. est limitée aux seuls legs particuliers qui lui ont été consentis par les dispositions testamentaires du de cujus ;

Déboute cette demanderesse de toutes ses prétentions contraires et rejette ses autres demandes ;

Constate que R. M. est disposé à délivrer les legs particuliers dont N. M. veuve M. est bénéficiaire ;

Dit, en tant que de besoin, qu'il devra effectuer cette délivrance ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Léandri et Sbarrato, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25398
Date de la décision : 07/01/1988

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités


Parties
Demandeurs : M. Veuve M.
Défendeurs : R. M.

Références :

Code civil
loi n. 917 du 27 décembre 1971
articles 649 et 650 du Code civil
article 650 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1988-01-07;25398 ?

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