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22/10/1987 | MONACO | N°25373

Monaco | Tribunal de première instance, 22 octobre 1987, R. c/ C., F., les S.C.I. «M.», «L.», «A.» et Sieur L'H. de L.


Abstract

Donation

Don manuel - Révocation pour survenance d'enfant - Présents d'usage (non)

Résumé

Si la jurisprudence a, de manière constante et par analogie avec les dispositions de l'article 721 du Code civil, estimé que des simples présents d'usage ne sont pas susceptibles de révocation, pour cause de survenance d'enfant prévue par l'article 827 du Code civil, dès lors qu'ils pourraient s'analyser soit en des cadeaux négligeables, soit en des dons relevant moins de libéralités que de charges imposées par les mœurs et l'usage, ne sont pas tenus pou

r tels les cadeaux mobiliers représentés par des objets d'art de valeur lesquels doive...

Abstract

Donation

Don manuel - Révocation pour survenance d'enfant - Présents d'usage (non)

Résumé

Si la jurisprudence a, de manière constante et par analogie avec les dispositions de l'article 721 du Code civil, estimé que des simples présents d'usage ne sont pas susceptibles de révocation, pour cause de survenance d'enfant prévue par l'article 827 du Code civil, dès lors qu'ils pourraient s'analyser soit en des cadeaux négligeables, soit en des dons relevant moins de libéralités que de charges imposées par les mœurs et l'usage, ne sont pas tenus pour tels les cadeaux mobiliers représentés par des objets d'art de valeur lesquels doivent être regardés comme dépassant manifestement dans leur ensemble la normalité propre au contexte social vécu par les donataires et échappent à la qualification de présents d'usage qui leur est prêtée.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Considérant les faits suivants :

Sous la date du 23 octobre 1984, C. F. R., né le 20 mars 1955, a déposé auprès du juge d'instruction de Monaco une plainte écrite avec constitution de partie civile, des chefs d'abus de confiance et d'abus de blanc-seing, à l'encontre de L. C. et de N. F., nés respectivement le 7 novembre 1944 et le 20 décembre 1952 ;

Il y exposait :

• Qu'en raison d'un grave conflit qui l'avait alors opposé à son père, il avait été amené, de 1979 à 1982, à faire de fréquents séjours à Monaco au cours desquels il avait été hébergé par L. C., qui partageait avec N. F., un appartement dont ce dernier était locataire au [adresse] à Monaco ;

• Que ces deux personnes, qui étaient démunies de ressources propres et qui vivaient dans l'oisiveté, avaient abusé de ses faiblesses, alors qu'il était invalide civil à 80 % pour vivre à ses dépens et obtenir, au résultat de diverses manœuvres, qu'il leur confie des sommes considérables et des objets d'art de grande valeur ;

• Qu'ainsi, et alors qu'il possédait un large portefeuille de valeurs mobilières et d'importants dépôts dans des établissements bancaires français, il avait été incité par le couple C.-F. à réaliser ses avoirs pour disposer à Monaco de liquidités à investir dans l'immobilier, ce qui s'était traduit par des opérations ayant épuisé le crédit qu'il s'était procuré à cette fin au moyen de virements (2 000 000 F et 600 000 F), de cessions de titres (2 070 807,62 F ; 1 222 847,91 F et 241 114,28 F) et de dépôts d'espèces (200 000 F et 240 000 F), lesquelles opérations lui avaient permis de remettre au couple C.-F., outre de nombreux chèques, d'importantes sommes en numéraires (2 000 000 de F en février 1981 ; 1 500 000 F en mars 1981 ; 78 407,12 F et 84 239,02 F en mai 1981), ainsi que d'effectuer à leur profit plusieurs virements bancaires ;

• Qu'il avait, par ailleurs, été convaincu par L. C. et N. F. de l'opportunité d'acquérir deux appartements dans l'immeuble dénommé «Résidence L. M.» portant le [adresse] à Monaco, alors en cours d'édification, et qu'à cette occasion il leur avait confié le soin de négocier pour son compte, auprès de l'Agence immobilière B., une promesse de vente portant sur les appartements 4 A2 et 8 B2 dudit immeuble, ainsi que la constitution d'une société monégasque, devant apparaître en ses lieu et place comme acquéreur de ces appartements, dont ils devaient souscrire le capital et qu'ils devaient administrer en qualité de prête-noms, conformément à une pratique courante qu'ils lui avaient décrite ;

• Qu'il avait ensuite été informé par le couple C.-F. de la constitution à cet effet, suivant acte sous seing privé du 26 mars 1981, de la Société civile «M.» dont N. F. était gérante statutaire, et, ultérieurement, en juillet 1981, de la réalisation par acte notarié des promesses de vente envisagées mais, qu'en revanche, il n'avait jamais obtenu la remise des actes de cession de parts en blanc que L. C. et N. F. lui avaient assuré avoir simultanément signés à son intention ;

• Qu'en fait et selon les premières recherches qu'il avait entreprises, il s'était avéré que la Société «M.» n'avait acheté qu'un appartement (le n° 8 B2), pour le prix de 1 911 000 F, aux termes d'un acte notarié conclu le 24 juillet 1981, tandis que l'autre appartement (le n° 4 A2), dont il avait aussi envisagé l'achat, n'avait été acquis qu'en 1983, en vertu d'un acte notarié souscrit le 10 août de la même année, ce, par une société dénommée «S.C.I. L.», constituée le 27 juillet 1982, et dans laquelle l'un des gérants statutaires était A. L'H. de L., ledit appartement ayant été payé en espèces 1 700 000 F ;

• Qu'il lui était apparu à cet égard qu'A. L'H. de L. et les nommés J.-P. S. et H. L.-M. avaient été persuadés par L. C. de servir de prête-noms à celui-ci et à N. F. pour la constitution et l'administration tant de la Société L. précitée que d'une troisième société dénommée «A.», ces deux sociétés ayant ensuite bénéficié, en leurs comptes bancaires, d'importants virements effectués par le débit d'un compte alors ouvert par A. L'H. de L. à la demande de L. C. et qui avait été préalablement crédité à cet effet, de 1981 à 1982, par plusieurs versements en espèces opérés par ce même C. pour un montant total d'environ 1 000 000 F ;

• Qu'il avait en outre été incité à l'achat en 1981, au nom de la Société «M.», d'une automobile Rolls Royce ([numéro]) exclusivement utilisée depuis lors par le couple C.-F., ainsi qu'en 1982, à celui d'un véhicule Porsche ([numéro]), mis au nom de N. F., laquelle en a toujours conservé l'usage ;

• Que, par ailleurs, alors qu'il possède une importante collection d'objets d'art lui venant de son père, collectionneur et expert de grande renommée, divers de ces objets garnissant son appartement parisien et estimés globalement à 5 000 000 de F au moins, avaient été placés, à l'instigation de L. C. et de N. F., dans un coffre loué à cette fin dans une agence de Paris du Crédit foncier de France par ces derniers, lesquels, après lui avoir, pour l'ouverture du coffre, donné procuration, avaient révoqué celle-ci, puis fait transporter ces objets dans leur appartement de Monaco où leur présence avait ensuite été attestée notamment par deux personnes (de L. et S.) ;

• Qu'enfin, L. C. et N. F. avaient exercé une telle influence sur lui, après avoir capté sa confiance, qu'ils avaient obtenu de lui, sous divers prétextes, qu'il leur remette des feuilles de papier signées en blanc, ainsi que des certificats de vente et de donation totalement fictifs, en lui indiquant qu'ils lui seraient utiles au regard du différend l'opposant à son père ;

Sur la base de la plainte ainsi conçue, C. F. R. sollicitait du juge d'instruction, pour la préservation de ses intérêts civils, que soient placés sous main de justice, outre les objets d'art indûment apportés à Monaco par les mis en cause, les dépôts en banque de ces derniers, ainsi que les appartements et véhicules susvisés ;

Ouverte d'abord contre X., l'information judiciaire consécutive à la plainte de C. F. R. donnait lieu, le 9 novembre 1984, sur une commission rogatoire du magistrat instructeur en date du 5 novembre 1984, à une perquisition de l'appartement 8 B2 de la résidence «L. M.», occupé par L. C. et N. F. ;

Cette perquisition permettait la découverte de nombreux objets d'art et tableaux figurant sur un catalogue établi par C. F. R., en annexe à sa plainte, et dénoncés par lui comme faisant partie des effets détournés par L. C. et N. F. ;

Saisis, tous ces objets étaient alors emballés, scellés et déposés dans une chambre forte de la Trésorerie générale de Monaco ;

D'autres objets de valeur, découverts également dans cet appartement, et dont la provenance pouvait s'avérer délictueuse au regard des termes de la plainte, étaient par ailleurs saisis après inventaire et déposés dans la pièce W.C. de ce même appartement, immédiatement placée sous scellés ;

Parallèlement et en exécution de la commission rogatoire précitée, les enquêteurs procédaient au même moment à la saisie des deux véhicules Rolls Royce ([numéro]) et Porsche ([numéro]), mentionnés par C. F. R. dans sa plainte, ainsi qu'à celle de divers documents afférents aux Sociétés M., L. ou A., lesquels, sur instruction du magistrat mandant, furent ensuite restitués à L. C. et à N. F. après que des photocopies en furent faites par les enquêteurs pour être conservées à l'effet de l'information ;

Ce même 9 novembre 1984, ces derniers procédaient en outre à l'audition de L. C. et de N. F. ;

Instruit de la commission rogatoire susvisée dont il a déclaré connaître la teneur, L. C. faisait alors des déclarations explicites aux enquêteurs, enregistrées par procès-verbal régulier ;

Il en ressort en substance :

• Que L. C. avait connu C. R. et M. M., respectivement père et mère de C. F. R., ainsi que ce dernier, en 1967, alors qu'il exploitait avec sa tante la Galerie S.-J., à Monaco ;

• Qu'après le divorce de C. R. et M. M., il avait pendant trois ans, et jusqu'en 1970, vécu avec celle-ci à Beaulieu-sur-Mer, où il s'était occupé du jeune C. F. (alors âgé de 12 à 15 ans), avant de vivre, à compter de 1972, avec N. F. qu'il venait alors de connaître et qui l'avait, depuis, assisté dans son travail à la Galerie S.-J. ;

• Qu'en 1976, C. F. R., qui ne s'entendait plus avec son père par suite notamment de divers détournements d'objets d'art qu'il avait commis au préjudice de ce dernier, ce, à l'instigation d'une nommée H. K. (en fait, H. C., épouse L., dite K., condamnée avec d'autres pour ces faits à une peine de 8 mois d'emprisonnement, prononcée du chef de recels le 7 juillet 1980 par la 15e Chambre correctionnelle de Paris), lui avait alors demandé de l'aider, ce qu'il avait fait aussi bien moralement que financièrement, du fait que C. F. R. se trouvait alors dépourvu de ressources ;

• Que s'étant ensuite réconcilié avec son père, à la fortune duquel il avait pu désormais accéder, C. F. R. avait, pour remercier L. C. et N. F. - laquelle était par ailleurs restée en très bons termes avec C. R. père - commencé à leur faire à tous deux des cadeaux en rapport avec ses possibilités nouvelles, tels que bijoux, voyages, séjours et repas dans des établissements de luxe, et même à leur offrir d'importantes sommes d'argent ;

• Qu'il avait ainsi, en 1979, donné à N. F. une somme de 1 700 000 F provenant d'une banque parisienne et rapportée en espèces à Monaco par L. C., ce, pour l'achat de l'appartement 4 A2 de la résidence «L. M.», destiné en fait à N. F. mais ultérieurement mis au nom de la S.C.I. L., détentrice par ailleurs de deux bons de caisse (respectivement de 170 000 F et de 150 000 F) correspondant à des sommes bloquées sur des comptes à terme ;

• Que, d'autre part, il avait quelque temps plus tard offert une Rolls Royce à N. F., pour le prix de 550 000 F remis en espèces comme suite à un pari fait avec elle dans une discothèque ;

• Qu'en 1981, il avait également offert à N. F. une somme de 3 000 000 F pour l'acquisition de l'appartement 8 B2 de la résidence «L. M.» occupé par le couple C.-F., propriété en fait de N. F. mais mis par celle-ci au nom de la Société M., comme d'ailleurs le véhicule Rolls Royce, grâce au concours d'un prête-nom (en sorte que 10 % des parts de la société revenaient en apparence à N. F. et 90 % à une dame C.) ;

• Que, toutefois, si L. C. avait, de même, constitué une Société A. lui appartenant en propre (alors qu'en apparence 10 % des parts revenaient à J.-P. S. et 90 % à H. L.-M.), en revanche, les avoirs de cette société, évalués à 1 085 000 F et convertis en bons de caisse, avaient eu pour seule origine les économies opérées par L. C. sur un héritage de sa tante, sur de l'argent dû par sa mère, et sur les fruits de son travail personnel d'antiquaire privé ;

• Enfin, que les nombreux objets d'art et de valeur découverts dans l'appartement 8 B2 avaient été remis à L. C. et à N. F., sur plusieurs années à titre gracieux et en cadeau, par la famille R. et principalement par C. F. R. ;

Il résulte par ailleurs de l'audition de N. F. opérée le même jour :

• Que celle-ci attribue la présence, dans l'appartement perquisitionné, des objets de valeur saisis aux rapports d'affaires et d'amitié qu'elle-même et L. C. avaient durablement entretenus avec C. F. R., dont il était résulté que ce dernier et son père leur avaient fait à tous deux de nombreux cadeaux, étant précisé par N. F. qu'elle avait été pendant quelque temps la maîtresse de C. F. R., que cette circonstance avait conduit son amant à lui faire des dons en argent ou en objets d'art, et que, de la sorte, tous les objets saisis provenaient de cadeaux (P.V. du 9 novembre 1984, p. 2) ;

• Que N. F. s'est reconnue gérante de la Société M., ci-dessus évoquée, laquelle possède en titre le véhicule Rolls Royce [numéro] et l'appartement 8 B2 du «M.» ;

• Que le véhicule Rolls Royce aurait été payé avec l'argent personnel de N. F., comme la plus grande partie du prix de l'appartement, versé en liquide, bien qu'aucun détail n'ait cependant été fourni par N. F. sur cette dernière acquisition, non plus que sur les modalités d'un versement de fonds qu'elle aurait effectué au profit de la Société L., pour l'achat de l'appartement 4 A2 du «M.», versement dont elle a cependant reconnu le principe ;

• Que, quant à l'origine des deniers ayant permis ces financements, tout en affirmant avoir pour une bonne part apporté elle-même des fonds personnels lui venant de sa famille et d'une activité professionnelle, qu'elle avait exercée, de revente d'antiquités (en général contre argent liquide), N. F. a indiqué qu'elle avait également économisé sur des sommes assez importantes que lui avait régulièrement données C. F. R. et qui s'étaient élevées, durant environ trois ans, de 1978 à 1981, à plusieurs dizaines de milliers de francs par mois ;

Au motif que l'information judiciaire, à laquelle il a été procédé en suite des auditions ainsi rapportées, n'avait pas permis d'établir l'existence ni de déterminer la nature des contrats ayant pu exister entre C. F. R., d'une part, et L. C. et N. F., d'autre part, à propos des biens litigieux et qu'en conséquence les délits d'abus de confiance et d'abus de blanc-seing invoqués par la partie civile ne se trouvaient pas caractérisés, le juge d'instruction rendait, sous la date du 8 juillet 1985, une ordonnance de non-lieu et, donnant mainlevée des saisies, ordonnait que les biens, objets et valeurs saisis dans le cadre de l'information seraient restitués à L. C. et à N. F. ;

Sur appel interjeté le 10 juillet 1985 par C. F. R., la Cour d'appel, par arrêt prononcé le 13 septembre 1985, confirmait cette ordonnance en ce qu'elle avait dit n'y avoir lieu de suivre contre quiconque du chef d'abus de confiance et, par voie de conséquence, ordonné la mainlevée des saisies pratiquées ; cet arrêt donnait par ailleurs acte à la partie civile de ce qu'elle s'était désistée de son appel relatif au chef d'abus de blanc-seing ;

Ayant formé le 17 septembre 1985 un pourvoi en révision contre cette décision d'appel, C. F. R. en était déchu par un arrêt de la Cour de révision judiciaire rendu le 18 novembre 1985 ;

Sous la date du 20 novembre 1985, il présentait cependant une requête à fin d'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire, de saisie-revendication et de désignation de séquestre relativement aux biens ayant fait l'objet de mesures conservatoires de saisie au cours de l'information judiciaire susvisée, à l'effet que ces mesures soient maintenues ou renforcées dans la perspective de la présente instance qu'il se proposait alors d'introduire ;

Rendue sur cette requête le 22 novembre 1985, une ordonnance présidentielle autorisait alors C. F. R. à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire auprès du Conservateur des hypothèques de Monaco, sur divers biens immobiliers dépendant de l'immeuble «L. M.», savoir :

* les lots nos 745, 275, 76, 77, 481 et 482, propriété de la Société M., tels que ces lots figurent à l'état descriptif de division déposé le 21 janvier 1977 au rang des minutes de Me J.-C. Rey, notaire, dont une expédition a été transcrite à la conservation des hypothèques le 20 avril 1977 (vol. 598 n° 16) ;

* et le lot n° 635, tel qu'il figure au même état, propriété de la S.C.I. L. ayant son siège dans l'immeuble «L. M.»,

ce, en sûreté et garantie du paiement d'une somme de 6 000 000 F correspondant au montant provisoirement évalué de la créance alors invoquée par C. F. R. à l'encontre de L. C. et de N. F. ;

La même ordonnance autorisait en outre le requérant à pratiquer la saisie-revendication :

* des objets d'art portant les numéros 1 à 53 (à l'exception de l'objet n° 29) dans une liste annexée à sa requête, lesquels avaient été déposés en 7 cartons, fermés et scellés, le 12 novembre 1984 à la demande du juge d'instruction, dans une salle des coffres de la Trésorerie générale de Monaco ;

* de l'objet n° 29 de ladite liste (croix byzantine cristal de roche) se trouvant dans le coffre [numéro] loué par N. F. à la Banque Sudameris (agence du boulevard des Moulins à Monte-Carlo) ou en tout autre lieu où il aurait été déplacé ;

* des objets nos 54 à 107 de cette même liste déposés le 27 mars 1985 au 2e sous-sol de la résidence «M.», dans la cave n° 1 sur laquelle les scellés avaient été apposés par le juge d'instruction ;

* des bons de caisse nos 21247, 21293, 21322, 21459, 21462, 21486, 21515, 21820, 21821 et 21835 émis par la Société de crédit et de banque de Monaco (SOCREDIT), d'une valeur globale de 1 425 000 F, placés le 21 décembre 1984 à la demande du juge d'instruction, dans le coffre [numéro] loué par L. C. à la Société marseillaise de crédit (45, rue Grimaldi à Monaco), sur lequel des scellés avaient été apposés ;

* du véhicule automobile Porsche, type 924, de couleur rouge, immatriculé au nom de N. F., sous le [numéro], en quelque lieu qu'il serait découvert et notamment dans l'un des garages de la résidence «M.» ;

* enfin, du véhicule automobile Rolls Royce, immatriculé au nom de la Société M. sous le [numéro], saisi à la demande du juge d'instruction et immobilisé dans un garage dépendant de la Sûreté publique ;

Roger Orecchia, expert-comptable, était alors commis, par l'ordonnance ainsi rendue, séquestre et gardien judiciaire des biens saisis-revendiqués, à charge de les conserver, aux frais avancés du saisissant, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné ;

En exécution de cette ordonnance, l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire envisagée était prise au Bureau des hypothèques de Monaco le 26 novembre 1985 (vol. 166 n° 75) ;

A la même date était en outre effectuée la saisie-revendication des objets d'art, des bons de caisse et du véhicule automobile Rolls Royce ;

Suivant exploit du 27 novembre 1985, C. F. R. formait, enfin, entre les mains du chef du Service de la circulation de Monaco une opposition à la vente et au transfert du certificat d'immatriculation du véhicule Porsche ci-dessus évoqué ;

L'exploit de la saisie-revendication ainsi pratiquée était, par ailleurs, à la date du 28 novembre 1985, signifié à L. C. et à N. F., ce, à la requête de N. F., ce, à la requête de C. F. R., lequel faisait en outre sommation à N. F., mais sans succès à ce jour, de lui remettre ledit véhicule automobile Porsche ;

Selon les termes de l'assignation susvisée, délivrée - en présence de Roger Orecchia, pris en qualité de séquestre et gardien judiciaire - à l'encontre de L. C., de N. F., de la Société M., de la Société L., de la Société A., et d'A. L'H. de L., et, ainsi qu'il l'avait indiqué en présentant sa requête précitée aux fins d'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire, de saisie-revendication et de désignation de séquestre, C. F. R., en l'état des décisions ci-dessus évoquées ayant éteint l'action publique mise en mouvement par sa constitution de partie civile à l'encontre de L. C. et de N. F., estime désormais devoir adhérer à la thèse des donations qu'il reprochait auparavant à ces derniers de lui opposer, ressortant, pour l'essentiel, de leurs déclarations du 9 novembre 1984 ci-dessus rapportées et, particulièrement, d'une note adressée le 19 mars 1985 au magistrat instructeur par leur conseil, alléguant, sur la base de l'information judiciaire, l'existence d'une intention libérale de sa part lors des remises, portant sur les effets litigieux, qu'il avait opérées au profit de L. C. et de N. F. ;

Invoquant les dispositions de l'article 827 du Code civil au regard de ce qu'un enfant prénommé C.-A. était né le 20 mai 1984 de son mariage avec P. T., C. F. R. s'estime actuellement en droit de revendiquer notamment à l'encontre de L. C. et de N. F. l'intégralité des biens dont la donation de sa part a pu être par eux alléguée comme il vient d'être dit, dès lors qu'il devrait être constaté que la survenance de cet enfant a révoqué de plein droit les donations de toute nature par lui faites à ces deux défendeurs ;

Il demande en conséquence par l'assignation susvisée :

* que lui soit reconnue rétroactivement depuis le 20 mai 1984 la propriété pleine et entière des biens et droits immobiliers ayant fait l'objet de l'inscription provisoire d'hypothèque consécutive à l'ordonnance susvisée du 22 novembre 1985, prise à Monaco le 26 novembre 1985 (vol. 166, n° 75) ;

* qu'il soit ordonné que, sur présentation de la grosse de la décision à intervenir, la mutation de propriété à son profit pourra être opérée ou constatée partout où besoin sera ;

* à titre subsidiaire :

• que L. C., N. F. et les Sociétés M. et L. soient, conjointement et solidairement entre eux, condamnés à lui payer à titre de restitution, la somme de 4 962 000 F, montant du prix d'acquisition des biens et droits immobiliers considérés, avec les intérêts de droit depuis le 28 novembre 1985, date à laquelle L. C. et N. F., recevant justification du procès-verbal de saisie-revendication préalable à la présente instance, ont eu formellement connaissance de la survenance d'enfant actuellement invoquée comme cause de révocation des donations dont s'agit ;

• et qu'en ce cas il soit lui-même autorisé à prendre, sur présentation de la grosse de la décision à intervenir, une inscription définitive d'hypothèque sur les biens et droits considérés, conforme aux dispositions de l'article 1938 du Code civil, pour avoir sûreté et garantie du paiement en principal tant de ladite somme de 4 962 000 F que d'une somme complémentaire de 1 063 000 F correspondant à la différence existant entre d'une part le montant des donations en numéraires faites au couple C.-F. durant 5 années (entre 1977 et 1981) à raison de 50 000 F à 200 000 F par mois et qu'il chiffre approximativement à 8 000 000 F et, d'autre part le total des sommes provenant de ces donations, qui auraient été investies dans l'acquisition des deux appartements du «M.» qu'il revendique (4 962 000 F), dans la souscription des bons de caisse également revendiqués (1 425 000 F) et dans l'achat des deux véhicules Rolls Royce et Porsche susvisés (550 000 F) ;

* que toutes les parties défenderesses soient condamnées conjointement et solidairement entre elles, ou les unes à défaut des autres, à lui payer à titre de restitution ladite somme de 1 063 000 F avec intérêts de droit à compter du 28 novembre 1985 ;

* que lui soit rétroactivement reconnue, depuis le 20 mai 1984, la propriété pleine et entière de tous les objets d'art saisis-revendiqués le 26 novembre 1985 ;

* que soit en conséquence ordonnée la remise, à son profit et sur sa seule décharge, desdits objets par le séquestre et gardien judiciaire ;

* que lui soit rétroactivement reconnue depuis le 20 mai 1984 la pleine et entière propriété des dix bons de caisse saisis-revendiqués le 26 novembre 1985, ensemble les intérêts produits par lesdits bons de caisse depuis le 28 novembre 1985 ;

* que soit, en conséquence, ordonnée la remise à son profit, et sur sa seule décharge, de ces mêmes bons de caisse par le séquestre et gardien judiciaire ;

* à titre subsidiaire de ces deux derniers chefs de demande, que toutes les parties défenderesses soient condamnées conjointement et solidairement entre elles à lui payer à titre de restitution la somme de 1 425 000 F, montant de la valeur nominale des bons de caisse précités avec les intérêts de droit à compter du 28 novembre 1985 ;

* que ces mêmes parties soient également condamnées conjointement et solidairement entre elles, ou les unes à défaut des autres, à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 500 000 F avec les intérêts de droit à compter de la date du jugement à intervenir ;

* que soit enfin ordonnée l'exécution provisoire de ce jugement en toutes ses dispositions nonobstant tout recours et sans constitution de garantie ;

A l'appui de cet ensemble de demandes, C. F. R. a soutenu pour l'essentiel :

* qu'il avait offert à L. C., comme celui-ci l'avait reconnu lors de son audition du 9 novembre 1984 (D.21), ainsi qu'à N. F., l'intégralité des sommes nécessaires à l'acquisition des deux appartements du «M.», du véhicule Rolls Royce [numéro] et par ailleurs des objets d'art découverts et saisis ce même 9 novembre 1984 au domicile de ces deux défendeurs ;

* que N. F. avait elle-même reconnu selon les termes de son audition du même jour, ultérieurement confirmés le 21 février 1985 (D.47) que tous ces objets provenaient de cadeaux qu'il leur avait faits (D.22) - ce qui exclurait à cet égard l'intervention de son père, C. R. - encore qu'elle ait en revanche prétendu, contrairement à L. C., que les véhicules automobiles et les appartements avaient été par elle acquis de ses propres deniers ;

* qu'il avait offert à L. C., bien que celui-ci ne l'ait pas expressément précisé le 21 décembre 1984 aux enquêteurs (D.39), un véhicule Mercedes Benz (type 450 SE) dont la reprise avait servi à l'achat du véhicule Porsche revendiqué moyennant un complément de prix qui avait été payé, aux dires de C., avec les deniers personnels de N. F. ;

* qu'il avait en tout cas remis à celle-ci et à L. C., à titre de libéralités, des fonds supérieurs au montant du prix des deux appartements et du véhicule Rolls Royce, bien que ces deux défendeurs se soient en dernier lieu accordés à prétendre que l'acquisition de ces biens n'avait pas eu lieu à l'aide des deniers qu'il leur avait donnés, puisque N. F. avait elle-même reconnu devant le magistrat instructeur (D.48) : «M. R. me donnait entre 1977-1978 et 1981, environ, certaines sommes mensuellement qui pouvaient varier entre 50 000 et 200 000 F et peut-être plus selon les affaires qu'il faisait ou pour mon anniversaire» ;

* que N. F. est en réalité seule propriétaire de l'intégralité des parts des Sociétés M. et L., elles-mêmes propriétaires des deux appartements précités, tandis que L. C., qui l'a reconnu, est seul propriétaire des parts de la Société A., puisqu'aussi bien A. L'H. de L., J.-P. S., H. L.-M. et L. Le C. el O. divorcée C. ont reconnu au cours de l'instruction avoir joué le rôle de simples prête-noms ;

* qu'il est, dès lors, propriétaire depuis la naissance de son enfant, ayant révoqué l'ensemble des donations par lui faites, notamment des biens immobiliers acquis au nom de la Société M. (dont les parts sont détenues par N. F. et par L. Le C. el O., prête-nom) et de la Société L. (dont les parts sont détenues par J.-P. S. et A. L'H. de L., prête-noms de L. C. et de N. F.) au moyen de fonds qu'il avait donnés à cet effet à L. C., qui l'a reconnu, et à N. F. ;

* que, s'il ne pouvait être déclaré propriétaire de ces biens, il lui reviendrait à titre de restitution la somme de 4 962 000 F représentant selon P. B., négociatrice en immobilier, le prix de revient des appartements acquis au nom desdites sociétés ;

* que, de même, il est depuis le 20 mai 1984 propriétaire des objets d'art saisis, comme aussi des deux véhicules automobiles Rolls Royce et Porsche et des bons de caisse susvisés, ces véhicules et bons ayant été acquis au moyen de fonds par lui donnés à cet effet à L. C. et à N. F., sauf au tribunal à lui faire allouer, de ces derniers chefs, les sommes de 1 425 000 F et 550 000 F représentant respectivement le prix desdits bons et véhicules, pour le cas où la propriété ne pourrait lui en être reconnue ;

N. F. et L. C. ont conclu en défense, le 16 avril 1986, au débouté de C. F. R. de l'ensemble de ses demandes ;

Ils estiment que la thèse des donations révocables actuellement soutenue par le demandeur ne saurait davantage prospérer que celle, initialement évoquée, durant la procédure pénale, d'un mandat d'investir qu'il leur aurait conféré ;

Selon eux, et à l'exception des objets d'arts saisis qui ne sauraient être atteints par la révocation invoquée car ils constitueraient des présents d'usage, C. F. R. ne prouverait en aucune manière l'existence d'une quelconque donation dès lors qu'il n'allèguerait que des dons manuels de deniers devant être prouvés par écrit conformément au droit commun de la matière établi par les articles 1188 et suivants du Code civil, lesquels n'auraient pas été observés en l'occurrence ;

Il ressort, plus précisément, de leurs conclusions datées du 16 avril 1986 :

* que C. F. R. n'aurait nullement allégué avoir remis quoi que ce soit à L. C. personnellement, évoquant seulement la révocation de donation portant sur des biens propriété de N. F. ou des Sociétés M. et L., en sorte que les biens de la Société A., procédant uniquement d'économies de ce même L. C., auraient été indûment immobilisés depuis le début de la procédure ;

* que N. F. ne pourrait qu'être reconnue propriétaire légitime du véhicule Porsche revendiqué, puisqu'aucune donation ne serait démontrée quant à ce véhicule acquis, soutiennent-ils, avec les deniers personnels de N. F. ;

* que l'appartement 4 A2 se trouvant au nom de la «S.C.I. L.» aurait été acheté par celle-ci pour une somme de 1 832 000 F, le 3 juin 1980, soit antérieurement à l'époque indiquée par C. F. R. dans sa plainte comme étant celle du début de ses remises de fonds, et qu'ainsi, alors que ce demandeur ne serait nullement intervenu dans cette acquisition, ni comme mandant, ni comme donateur, la révocation de la donation relative à cet appartement ne saurait être prononcée sur la seule base de la reconnaissance par N. F. de «mensualités» offertes par C. F. R., puisque ce dernier n'avait, à cet égard, fourni aucune indication précise ou écrite quant à la réalité desdites mensualités ;

* que C. F. R. n'aurait nullement participé à l'acquisition du véhicule Rolls Royce, propriété de la Société M., et n'aurait en aucune manière établi avoir à quelque moment que ce soit remis des sommes à quiconque en vue de l'achat de l'appartement 8 B2, d'un prix de 3 000 000 F pour son compte ou celui de N. F., aucune présomption, indice ou preuve littérale ne venant appuyer ses dires à ce propos ;

L. C. et N. F. soutiennent en substance qu'alors que le demandeur avait la charge de la preuve, dans les conditions prévues par le Code civil, des donations consistant en des remises de sommes d'argent, il aurait succombé à cette preuve d'autant que lesdites remises n'auraient été évoquées qu'une seule fois par L. C., en des déclarations recueillies durant une période de garde à vue, qu'il avait ultérieurement contredites ;

Invoquant un acte sous seing privé souscrit le 29 juillet 1981 par C. F. R. et contenant par celui-ci reconnaissance envers elle d'une dette de 500 000 F avec intérêts de 7 % par an, N. F. demande reconventionnellement le paiement des sommes correspondant à cet engagement ;

En outre, L. C. et N. F. sollicitent la condamnation de C. F. R. à leur payer une somme de 800 000 F en réparation du préjudice moral qu'ils auraient éprouvé par suite de la procédure introduite par C. F. R. suivant l'exploit d'assignation susvisé ;

Ils réclament enfin l'exécution provisoire de la décision qu'ils sollicitent et la mainlevée immédiate des mesures de séquestre prescrites par l'ordonnance présidentielle du 22 novembre 1985 ;

Les sociétés civiles dénommées L., A. et M., comparaissant par le même avocat-défenseur que L. C. et N. F., ont conclu, à la même date que ces derniers, au rejet de toutes les demandes de C. F. R. ;

S'estimant légitimement propriétaires des biens saisis à leur encontre à la requête de C. F. R., pour les avoir régulièrement acquis, et alors que la révocation des donations de deniers alléguées ne saurait les concerner, en raison de leur personnalité juridique distincte de celle des défendeurs C. et F., ces sociétés réclament, avec exécution provisoire, outre la mainlevée de l'ensemble des mesures de séquestre autorisées le 22 novembre 1985, le paiement par C. F. R. d'une somme de 100 000 F à chacune, à titre de dommages-intérêts pour abus de procédure ;

Par ailleurs, les Sociétés A. et L. demandent, reconventionnellement à l'encontre de C. F. R., le paiement d'une indemnité correspondant aux intérêts qu'auraient produits les bons de caisse saisis à leur détriment s'ils avaient pu être renouvelés à leur échéance, ce qui n'avait pas été le cas du fait de leur immobilisation, indemnité qu'elles chiffrent respectivement à 129 000 F (A.) et 20 400 F (L.) ;

Contrairement aux autres défendeurs originaires, A. L'H. de L. n'a pas conclu bien qu'ayant régulièrement constitué un avocat-défenseur ;

Par des conclusions additionnelles datées du 20 novembre 1986, et prenant acte de ce défaut, C. F. R. demande que soient déclarées inopposables à son égard, pour cause de simulation et par application de l'article 1168 du Code civil :

* les conventions de prête-noms conclues entre, d'une part, L. C. et N. F. et, d'autre part, A. L'H. de L., J.-P. S., H. L.-M. et L. Le C. el O. ;

* la constitution des Sociétés M., L. et A. ;

* les acquisitions faites au nom de la Société M. du véhicule Rolls Royce et de l'appartement 8 B2 du «M.», celle opérée au nom de la Société L. de l'appartement 4 A2 dudit immeuble ;

* ainsi que les souscriptions de bons de caisse faites au nom des Sociétés L. et A. et d'A. L'H. de L. ;

Par les mêmes conclusions, il sollicite du tribunal qu'il déclare les trois sociétés précitées irrecevables et subsidiairement mal fondées en leurs demandes reconventionnelles, qu'il déclare inefficace la prétendue reconnaissance de dette invoquée par N. F., en raison de la fausseté et de l'illicéité de sa cause, et subsidiairement, qu'il étende à la libéralité qu'elle exprime la révocation édictée par l'article 827 du Code civil ;

Pour réfuter les dénégations de ses adversaires quant aux donations invoquées, il soutient dans ses dernières écritures, contenant les demandes qui viennent d'être rappelées :

* que l'acquisition des biens litigieux par L. C. et N. F. ne saurait s'expliquer que par son intervention puisque tous deux se trouvaient dépourvus d'activité lucrative ;

* qu'il doit être admis en l'espèce à rapporter la preuve de ses dons manuels par tous moyens et, notamment, par l'aveu judiciaire qu'il entend opposer à L. C. et N. F. à raison de leurs déclarations faites au cours de l'instruction ;

* que la répartition faite par le couple C.-F. du produit des donations effectuées à leur profit premier ne saurait influer sur son droit à en obtenir la restitution, quelle qu'en ait été ensuite l'affectation ;

* qu'il avait lui-même démontré au cours de l'instruction avoir procuré 3 000 000 F pour l'appartement 8 B2 de l'immeuble «M.» ;

* et que, en ce qui concerne l'appartement 4 A2 de cet immeuble, deux témoignages versés aux débats (J., B.) sont de nature à corroborer les déclarations de C. spontanément faites dans les locaux de la police, en tant qu'il s'en déduit un paiement en espèces de 1 832 000 F effectué le 3 juin 1980 grâce à ses deniers pour le prix dudit appartement 4 A2 ;

C. F. R. s'oppose par ailleurs à ce que les objets d'art saisis puissent être, au regard de leur valeur, considérés comme des présents d'usage ;

Il estime enfin, quant à ses dernières demandes :

* que N. F. est en réalité seule propriétaire de l'intégralité des parts des Sociétés M. et L., tout comme L. C. quant à celles de la Société A. et aux bons de caisse souscrits par cette société et par A. L'H. de L. ;

* que la Société M. est l'acquéreur fictif de l'un des appartements litigieux et du véhicule Rolls Royce, N. F. en étant l'acquéreur réel ;

* que la Société L. est, de même, l'acquéreur fictif de l'autre appartement litigieux, propriété réelle de N. F., et que cette société a, en outre, fictivement souscrit des bons de caisse revenant en réalité à cette même N. F. ;

* que les contre-lettres ainsi révélées ne sauraient point avoir d'effet à son égard, sur la base de l'article 1168 du Code civil ;

L. C. et N. F. ont répliqué aux conclusions additionnelles ainsi déposées par d'ultimes écritures judiciaires de leur part dans lesquelles ils exposent pour l'essentiel :

* que les donations invoquées par C. F. R. sont des actes juridiques, et non seulement des faits de remise, et qu'elles doivent être en conséquence prouvées par écrit, notamment pour établir l'intention libérale dont elles seraient le résultat ;

* que le prétendu aveu judiciaire qui est allégué par C. F. R. n'est pas opérant en l'espèce du fait qu'il devait émaner, ce qui ne serait pas le cas, de celui à qui on l'oppose, et qu'il n'a pas été fait, dans le cours de la présente instance, avec la conscience qu'il pouvait être utilisé comme moyen de preuve ;

* que, de la sorte, les déclarations recueillies au cours de l'enquête ne sauraient valoir que comme aveux extrajudiciaires, mais qu'un tel mode de preuve n'est pas admissible en l'espèce puisque la preuve testimoniale ne l'est pas davantage en vertu de l'article 1188 du Code civil ;

Ces deux parties affirment en outre qu'à les supposer avérées les simulations alléguées par C. F. R. ne pourraient pas être invoquées par celui-ci dès lors que la connaissance des contre-lettres correspondantes, lorsque celles-ci ont été conclues, lui a fait perdre la qualité de tiers habile à se prévaloir de l'article 1168 du Code civil ;

Elles s'élèvent enfin contre l'idée qu'une condamnation solidaire pourrait être prononcée à leur encontre, ainsi qu'il est requis, puisque leur couple ne constitue aucune entité juridique et que les biens visés par la demande originaire se trouvent actuellement, sans confusion, dans leurs patrimoines respectifs ;

Concluant en dernier, Roger Orecchia, en sa qualité de séquestre et de gardien judiciaire, a déclaré quant à lui s'en rapporter à justice ;

Sur quoi,

Quant aux objets d'art revendiqués

Attendu que les donations invoquées par C. F. R. comme portant sur les 107 objets d'art saisis-revendiqués en exécution de l'ordonnance présidentielle susvisée et mentionnés par ladite ordonnance, n'ont pas été contestées en leur principe par L. C. ou N. F. ;

Qu'à cet égard, ceux-ci se sont, en effet, bornés à soutenir pour l'essentiel (cf. p. 11 § 3 de leurs premières conclusions) que lesdits objets constituaient des présents d'usage, admettant par là-même en être devenus communément détenteurs dans leur appartement en suite de dons manuels, à eux faits conjointement par C. F. R., dont la réalité n'est dès lors plus à démontrer ;

Attendu que, si la jurisprudence a, de manière constante et par analogie avec les dispositions de l'article 721 du Code civil, estimé que des simples présents d'usage n'étaient pas susceptibles de révocation, notamment pour la cause de survenance d'enfant prévue par l'article 827 du Code civil, dès lors qu'ils pourraient s'analyser soit en des cadeaux négligeables, soit en des dons relevant moins de libéralités que de charges imposées par les mœurs et l'usage, ne sont pas tenus pour tels les présents se trouvant hors de proportion avec la situation matérielle respective des parties, ou qui seraient détachés de toute circonstance de fait les ayant occasionnés et permettent de les considérer comme habituels ou obligatoires pour des personnes soumises aux mêmes événements dans le cadre humain considéré ;

Attendu qu'en l'espèce, s'agissant des 107 objets précités, aucune cause précise tenant, notamment, à un événement ou à une coutume à caractère social ou familial n'a été invoquée en défense pour en justifier le don manuel, hormis, d'une part, les relations durant un temps entretenues par C. F. R. avec L. C. et plus spécialement avec N. F. - étant toutefois relevé à ce propos que la notion de «présent d'usage» est inapplicable aux rapports entre concubins même s'il s'agit de dons manuels sans cause illicite - et, d'autre part, la gratitude qu'aurait éprouvée C. F. R. envers le couple C.-F. lors de sa réconciliation avec son père, que ces derniers auraient facilitée dans des conditions qui sont, toutefois, demeurées obscures ;

Attendu qu'en l'état de ces relations, pouvant apparaître somme toute anodines selon la correspondance versée aux débats qu'ont échangée les parties aux dons manuels dont s'agit, les cadeaux mobiliers correspondant à ces dons, et représentés par les 107 objets susvisés - lesquels ont été évalués par C. F. R., sans contestation adverse, à plus de six millions de francs - doivent être regardés comme dépassant manifestement, dans leur ensemble, la normalité propre au contexte social vécu par L. C. et N. F. jusqu'à leur vie commune avec C. F. R., puisque ces deux donataires n'ont pas fait état pour cette époque d'un train de vie élevé fondé sur des revenus personnels importants ; que ces cadeaux apparaissent d'autre part comme étrangers par leur nature propre à tout usage ayant pu s'avérer contraignant pour C. F. R., lequel, s'il a pu épisodiquement et légitimement accéder en dernier lieu à la fortune artistique de son père du vivant de ce dernier, n'en disposait pas alors, doit-il être relevé, à titre personnel ;

Que lesdits objets échappent, de la sorte, à la qualification de présents d'usage que leur ont prêtée les défendeurs principaux ;

Attendu que les dons manuels portant sur ces mêmes objets se trouvent, par suite, rétroactivement révoqués de plein droit, ainsi qu'il est justement soutenu, en raison de ce que la circonstance prévue par l'article 827 du Code civil s'est réalisée en l'espèce, comme il est constant, du fait de la naissance ci-dessus rapportée qu'a invoquée C. F. R. au soutien de son action ;

Que toutefois, ainsi qu'il est de principe, une telle circonstance produit les effets d'une condition résolutoire ; qu'il s'ensuit qu'elle rétroagit, non au 20 mai 1984 comme il est soutenu, mais pour chaque objet remis, au jour où la donation en a été faite, encore qu'il ne puisse être indiqué avec précision, en l'espèce ;

Qu'en conséquence, C. F. R. est fondé, et quelle que soit cette date, à réclamer présentement la restitution des objets susvisés, comme en ayant toujours été propriétaire, auprès du séquestre et gardien constitué, lequel s'en libèrera dès lors valablement par la remise qu'il lui en fera ;

Quant au surplus des revendications

Attendu que les autres biens mobiliers et immobiliers, faisant également l'objet de revendication dans les termes de l'assignation susvisée, n'apparaissent nullement avoir pu être remis en nature au couple C.-F., ou à quiconque d'autre, par C. F. R. puisque ce dernier a seulement allégué à leur propos avoir offert les deniers destinés à leur acquisition, ce que contestent présentement les défendeurs principaux en invoquant l'absence de preuve régulière des donations correspondantes ;

Attendu que ces donations, doit-il être relevé, doivent s'analyser pareillement en des dons manuels, que ceux-ci aient porté sur des numéraires remis en espèces, sur des émissions de chèques ou d'ordres de virement, ou sur tout autre type de monnaie scripturale, ce qu'admet communément la jurisprudence ;

Attendu que la preuve de tels dons, dès lors qu'ils se trouvent déniés par les défendeurs principaux en tant qu'actes juridiques, doit être rapportée par le donateur R. conformément au droit commun de la preuve, c'est-à-dire au moyen d'un écrit, sauf impossibilité de se le procurer et à moins qu'il n'existe un commencement de preuve par écrit, ou, à défaut, par aveu ou serment décisoire ;

Attendu qu'en l'espèce C. F. R. a fondé les revendications mobilières et immobilières dont s'agit sur le caractère décisif, qui s'imposerait au tribunal, des aveux judiciaires que constitueraient, selon lui, les déclarations de L. C. et de N. F. recueillies au cours de l'instruction pénale à laquelle il a été procédé, par suite de sa constitution de partie civile ci-dessus évoquée ;

Attendu toutefois que lesdites déclarations ne peuvent être qualifiées d'aveux judiciaires du fait, en particulier, suffisant à faire échec à une telle qualification, qu'elles n'ont pas été formulées au cours de la présente instance ;

Que les procès-verbaux dressés par les enquêteurs de police ou le magistrat instructeur, lors de ces déclarations, ne sauraient donc valoir que comme écrits justifiant soit d'aveux extrajudiciaires, soit de témoignages, selon qu'ils s'avèreront contenir l'affirmation de faits reconnus pour vrais par la partie à qui de tels faits sont opposés, ou par une autre partie ;

Qu'il doit être ici rappelé que l'aveu, même non judiciaire, est un procédé de preuve parfait, admissible par principe en toutes matières et qu'il peut être notamment utilisé lorsque la preuve par témoins ou par présomptions ne peut être reçue, sous la seule réserve toutefois que l'on n'use pas de ces deux derniers modes de preuve pour établir l'existence même d'un aveu purement verbal, ce que prohibe l'article 1202 du Code civil ;

En ce qui concerne les numéraires

Attendu qu'en l'espèce, il ressort des propres déclarations de N. F. consignées dans le procès-verbal daté du 9 novembre 1984, qui a été ci-dessus analysé, qu'à la question de savoir d'où provenaient les fonds qui avaient été par elle investis dans les Sociétés M. et L. ou utilisés par elle pour l'achat du véhicule Rolls Royce [numéro], cette partie, tout en excluant avoir reçu expressément d'un tiers les numéraires ayant servi à l'acquisition dudit véhicule ou à celle des appartements dépendant desdites sociétés, a répondu notamment, avoir économisé sur des sommes assez importantes que lui avait données C. F. R., s'élevant, lorsqu'elle vivait avec lui, soit durant environ 3 ans, de 1978 à 1980, à plusieurs milliers de francs par mois ; que, par ailleurs, il résulte d'un procès-verbal d'interrogatoire dressé le 21 février 1985 par le magistrat instructeur (D.48) que les sommes ainsi reçues, entre 1977 ou 1978 et 1981, allaient d'environ 50 000 F à 200 000 F par mois, et parfois plus ;

Attendu que ces déclarations, concordantes pour l'essentiel, constituent l'aveu de principe par N. F. des dons de numéraires invoqués par le demandeur principal comme ayant été faits, notamment à cette partie, en sus de ceux destinés aux acquisitions des biens mobiliers ou immobiliers revendiqués ;

Que les dons ainsi avoués peuvent être équitablement mais certainement fixés, quant au montant de leur produit, eu égard notamment à la moyenne des chiffres avancés par N. F. pour la période de trois ans considérée, à 1 000 000 F ;

Qu'il doit être ici incidemment observé qu'un aveu n'est pas révocable encore qu'il puisse être rétracté par celui dont il émane pour cause d'erreur de fait, ce qui n'a pas été allégué en l'occurrence quant au versement des sommes précitées, et que, à la différence de l'aveu judiciaire, l'aveu extrajudiciaire peut être divisé à l'encontre de celui à qui on l'oppose, en sorte que les propos accessoires ou contraires aux déclarations ci-dessus rapportées de N. F., lesquels notamment, par leur imprécision, ne sont pas de nature à emporter la conviction du tribunal, n'ont pas lieu d'être retenus comme pertinents en défense ;

Attendu que l'obligation de restituer ladite somme de 1 000 000 F, déduite de l'application non contestée en l'espèce de l'article 827 du Code civil, comporte comme accessoire, ainsi qu'il est demandé en vertu de l'article 829 subséquent, celle d'en payer les intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 1985, date à laquelle la naissance d'enfant révoquant, en particulier, les donations portant au total sur cette même somme a été notifiée à L. C. et à N. F. par acte d'huissier ;

Qu'une telle obligation pèse solidairement sur chacun de ces derniers à raison de leur communauté de vie reconnue, ce, conformément au principe posé par l'article 1725 du Code civil, principe qui apparaît devoir, en l'occurrence, recevoir application puisque les donataires susnommés doivent être réputés, du fait de la résolution de leurs droits inhérente à la révocation intervenue des donations dont s'agit, n'avoir jamais acquis les numéraires ayant fait l'objet de celles-ci ;

En ce qui concerne les appartements et le véhicule Rolls Royce

Attendu que les déclarations de N. F. qui viennent d'être rappelées, par la portée qui leur a été reconnue quant aux dons de numéraires allégués, sont par ailleurs, en dépit des dénégations annexes de cette partie, de nature à constituer, étant contenues dans un procès-verbal, un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait prétendu par C. F. R. que les appartements ci-dessus mentionnés (4 A2 et 8 B2) de la résidence «L. M.» avaient été acquis avec les fonds offerts à cet effet par ce demandeur principal, de même que le véhicule Rolls Royce [numéro] dont le prix, indiqué par L. C. lors de sa propre déclaration, également formulée le 9 novembre 1984, était de 550 000 F ;

Attendu que ces déclarations de C. peuvent être dès lors utilement invoquées comme témoignages des faits ainsi allégués ;

Attendu qu'elles apparaissent, par leur consistance ci-dessus analysée - encore qu'elles aient été ultérieurement modifiées par leur auteur pour les besoins de sa défense pénale, quoiqu'en des termes plus imprécis ôtant toute vraisemblance à sa rétractation - manifestement probantes, par leur caractère explicite, de la remise des fonds litigieux, laquelle doit être dès lors considérée comme établie à l'encontre de N. F. aux fins des acquisitions dont s'agit, opérées par celle-ci, comme il a été dit, avec le concours apparent de sociétés civiles ;

Attendu que ces acquisitions d'appartements et de véhicule, qui ne peuvent être séparées des dons en numéraires faits en vue de les réaliser, lesquels se trouvent de plein droit rétroactivement révoqués à leur date par l'application, non contestée, de l'article 827 du Code civil, doivent être, dès lors, considérées comme ayant été faites, dès l'origine, au nom du donateur des deniers les ayant permises, observation étant faite que l'article 1099-1 du Code civil français n'a pas son homologue à Monaco et qu'il est, en France, strictement limité dans son domaine d'application, aux relations entre époux, en sorte qu'ainsi que l'admet généralement la jurisprudence, les biens immobiliers et véhicule Rolls Royce considérés peuvent être en l'occurrence légitimement revendiqués en nature, et entre les mains de quiconque, comme le fait C. F. R., les demandes de celui-ci de ce chef formulées devant en conséquence être à ce titre déclarées fondées ;

En ce qui concerne le véhicule Porsche et les bons de caisse

Attendu qu'en revanche il ne résulte pas des écritures judiciaires de C. F. R. ci-dessus rapportées que celui-ci ait expressément précisé les circonstances de la remise manuelle des fonds qui auraient en particulier servi à l'acquisition du véhicule Porsche - (dont il semble admettre qu'une partie du prix n'ait pas été payée de ses deniers, l'autre partie l'ayant été par la reprise d'un véhicule Mercedes qu'il aurait donné mais qu'il s'abstient de revendiquer en équivalent) - ou à celle des bons de caisse dont il estime, par ailleurs, devoir être reconnu propriétaire ;

Qu'en tout état de cause, il n'apparaît pas, quant à ces biens, avoir invoqué les aveux de ses adversaires ni, en l'absence de commencement de preuve par écrit de leur part, des éléments de preuve qui seraient présentement admissibles ;

Que ses demandes tendant à la restitution de tels biens doivent être par voie de conséquence rejetées ;

Qu'il s'ensuit que les mesures conservatoires de saisie-revendication pratiquées suivant exploits des 26 et 27 novembre 1985 et portant sur lesdits biens doivent être levées, le séquestre judiciaire antérieurement constitué en la personne de Roger Orecchia devant dès lors remettre les effets correspondants dont il est gardien aux personnes à l'encontre desquelles lesdits effets ont été saisis ;

Quant à la déclaration de simulation

Attendu qu'en l'état des dispositions qui précèdent, C. F. R. apparaît irrecevable en son action en déclaration de simulation formulée dans les termes de ses conclusions additionnelles datées du 20 novembre 1986, faute d'intérêt pour agir, puisque, d'une part, il est désormais fondé à entrer en possession, comme légitime propriétaire, des biens ayant pu être acquis de concert par les personnes physiques et morales visées par son action, dont la donation s'est trouvée révoquée, en sorte que les simulations qu'il invoque ne font pas obstacle à ses droits de ce chef, et que, d'autre part, lesdites simulations, en ce qu'elles seraient relatives, par ailleurs, à des biens dont la donation n'a pas été établie et n'a pu, partant, être révoquée, à les supposer déclarées, ne lui permettraient aucunement d'exercer utilement les revendications qu'il formule quant auxdits biens, celles-ci se trouvant dépourvues de base légale comme il vient d'être dit ;

Quant aux dommages-intérêts

Attendu que la résistance abusive opposée à C. F. R. depuis le début de la présente instance civile, par L. C. et N. F. quant à la restitution, notamment des objets d'art, régulièrement identifiés, qu'ils détenaient indûment, justifie qu'ils soient in solidum condamnés à payer au demandeur principal contraint d'ester en justice pour la reconnaissance de ses droits, la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et moral découlant pour lui de la présente instance et des frais lui étant inhérents qu'elle a impliqués ;

Quant aux demandes reconventionnelles :

En ce qui concerne la reconnaissance de dette

Attendu que la reconnaissance de dette de 500 000 F opposée à C. F. R. n'a pas été contestée dans sa forme par ce dernier qui a seulement fait valoir, à cet égard, que le document produit ne précisait pas la cause de l'obligation, en sorte qu'il serait dépourvu d'effet sur la base tant de l'article 986 du Code civil, pour abus de cause, fausse cause ou cause illicite, que de l'article 988 subséquent disposant qu'est illicite la cause contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public, ce qui serait le cas de l'espèce puisque la reconnaissance de dette susvisée ne serait en vérité qu'un des nombreux billets que N. F. lui aurait extorqués sur un coin de table ou sur l'oreiller et dont elle aurait fait dépendre la poursuite de leurs relations intimes ou, après une brouille, leur réconciliation, toutes circonstances qui exprimeraient une libéralité tombant par ailleurs sous le coup de la révocation instituée par l'article 827 du Code civil ;

Attendu cependant qu'aux termes de l'article 987 dudit code, la convention dont s'agit n'en est pas moins valable quoique la cause n'en soit pas exprimée ; qu'il s'ensuit que l'obligation que ladite convention comporte est présumée avoir une cause réelle et licite sauf preuve contraire devant être en l'occurrence apportée par C. F. R. ;

Attendu qu'en réalité ce dernier ne s'est pas prévalu en ses écritures judiciaires d'une absence de cause autrement que formelle, dans le silence de la convention, alors en revanche qu'il apparaît avoir invoqué aussi bien une fausse cause qu'une cause illicite ;

Que du contexte de ses conclusions il résulte cependant, implicitement mais nécessairement, que, sans alléguer une fausse cause stricto sensu, C. F. R. estime, plus précisément, que la convention conclue aurait pour cause véritable une libéralité et que celle-ci aurait été dissimulée aux tiers par la reconnaissance de dette souscrite qui serait donc fictive ;

Qu'étant observé que C. F. R. conteste avoir reçu 500 000 F de N. F. et que la reconnaissance de dette dont s'agit n'émane pas de cette dernière, la libéralité invoquée ne pouvait porter que sur la promesse de remettre à N. F. ladite somme de 500 000 F, conformément d'ailleurs à ce que C. F. R. avait envisagé à la page 17 de son mémoire daté du 9 septembre 1985 remis à la Chambre du Conseil de la Cour d'appel pour les besoins de l'instruction pénale dans laquelle il était partie civile ;

Attendu que, s'agissant dès lors, pour C. F. R., d'une donation déguisée qui aurait été acceptée par N. F., la contre-lettre qui aurait été ainsi conclue et qui serait par principe valable entre les parties à l'acte ostensible constitué par la reconnaissance de dette dont s'agit, doit être établie conformément au droit commun de la preuve des actes juridiques prévu par l'article 1188 du Code civil ;

Attendu, toutefois, qu'à ce propos C. F. R. ne se prévaut pas d'un commencement de preuve par écrit ; que les présomptions de fait qu'il invoque en ses dernières écritures et qui sont au demeurant contraires à celles qu'il avait tirées des circonstances de la cause lors de l'instruction pénale précédemment diligentée, comme en font foi les mentions de la page 17 de son mémoire précité, ne sont dès lors pas admissibles, en sorte que ce défendeur reconventionnel succombe dans sa preuve de la libéralité qu'il allègue ;

Attendu en revanche que le prêt d'argent invoqué à l'encontre de ce dernier par N. F. n'est pas pour autant établi ;

Qu'en effet, une telle convention, constitutive d'un contrat réel, ne se réalise que par la remise des fonds à l'emprunteur et qu'en l'espèce, le fait positif de cette remise, contesté par C. F. R., n'a pas été prouvé par la demanderesse reconventionnelle au soutien de sa demande de remboursement desdits fonds, qui suppose que le contrat de prêt soit parfait ;

Que la demande de N. F. de ce chef, formulée en principal et intérêts, doit être en conséquence rejetée ;

En ce qui concerne les dommages-intérêts

Attendu que, succombant pour l'essentiel, L. C. et N. F. ne peuvent être déclarés fondés à soutenir que la présente procédure a été fautivement dirigée à leur encontre ; qu'ils doivent être dès lors déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts ;

En ce qui concerne les sociétés civiles

Attendu qu'en l'état du rejet, ci-dessus évoqué, des revendications formulées par C. F. R., portant sur les bons de caisse saisis à l'encontre des Sociétés civiles A. et L., ces deux sociétés sont fondées à réclamer respectivement, ainsi qu'elles le font, les sommes de 129 000 F et de 20 400 F, dont le calcul n'a pas été contesté, comme correspondant à des intérêts que lesdits bons de caisse auraient pu leur procurer ;

Qu'en revanche, les dommages-intérêts qu'elles réclament en outre avec la Société M., n'apparaissent pas justifiés par un préjudice matériel personnel dont elles auraient en outre souffert en sorte qu'il ne saurait être fait droit à leurs demandes présentées de ce chef ;

Quant à l'exécution provisoire

Attendu que l'exécution provisoire du présent jugement apparaît justifiée par l'urgence tenant à la nécessité dans laquelle se trouvent C. F. R. et les sociétés civiles défenderesses de recouvrer dans les meilleurs délais la libre disposition de leurs biens se trouvant saisis ;

Qu'il y a lieu, dès lors, de l'ordonner, mais à cet effet seulement ;

Quant aux dépens,

Attendu que les dépens du présent jugement doivent être supportés solidairement par L. C. et N. F., au regard des dispositions des articles 232 et 235 du Code de procédure civile, compte tenu de ce qu'ils succombent, pour l'essentiel, dans la présente instance et de ce que leur condamnation principale est fondée sur une obligation solidaire ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant par défaut faute de conclure envers A. L'H. de L., et contradictoirement à l'égard des autres parties,

Ordonne la restitution des 107 objets d'art mentionnés par l'ordonnance présidentielle susvisée en date du 22 novembre 1985, ce, au profit de C. F. R. ;

Dit que Roger Orecchia, agissant en qualité de séquestre et gardien judiciaire desdits objets, s'en libèrera valablement par la remise qu'il en fera à C. F. R. ;

Lui donne en conséquence décharge de sa mission de ce chef ;

Condamne solidairement L. C. et N. F. à payer à C. F. R. la somme de 1 000 000 F, ainsi que les intérêts de ladite somme calculés au taux légal à compter du 28 novembre 1985 ;

Déclare C. F. R. propriétaire, dès leur acquisition dans les conditions qui ont été ci-dessus rapportées, des biens et droits immobiliers ayant fait l'objet de l'inscription provisoire d'hypothèque, consécutive à l'ordonnance présidentielle susvisée, prise à Monaco le 26 novembre 1985 (vol. 166 n° 75), ainsi que du véhicule Rolls Royce immatriculé sous le [numéro] ;

Ordonne que, sur présentation de la grosse en forme exécutoire du présent jugement, la mutation formelle de propriété à son profit pourra être opérée ou constatée partout où besoin sera relativement à cet ensemble de biens ;

Déboute C. F. R. de ses revendications relatives aux bons de caisse et au véhicule Porsche immatriculé sous le [numéro] ;

Donne mainlevée des mesures de saisie pratiquées sur ces biens ;

Ordonne que lesdits biens seront restitués aux personnes à l'encontre desquelles les saisies correspondantes ont été pratiquées, et ce, à la diligence de Roger Orecchia agissant en qualité de séquestre judiciaire ;

Donne de ce chef à ce dernier décharge de sa mission ;

Déclare C. F. R. irrecevable en ses demandes de déclaration de simulation, faute d'intérêt pour agir ;

Condamne, in solidum, L. C. et N. F. à payer à C. F. R. la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

Déboute N. F. de ses demandes fondées sur la prétendue reconnaissance de dette de 500 000 F ;

Déboute L. C. et N. F. de leurs demandes de dommages-intérêts ;

Condamne C. F. R. à payer aux sociétés civiles A. et L., respectivement, les sommes de 129 000 F et de 20 400 F, montant des causes sus-énoncées ;

Déboute lesdites sociétés et la Société M. de leurs demandes de dommages-intérêts ;

Ordonne l'exécution provisoire, nonobstant appel, du présent jugement pour ce qui est de la restitution, d'une part à C. F. R. des 107 objets d'art, des appartements et du véhicule Rolls Royce susvisés, et, d'autre part aux Sociétés civiles L. et A., des bons de caisse saisis dont elles apparaissent titulaires ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Boéri, Karczag-Mencarelli, av. déf. ; Cohen et Le Foyer de Costil, av. (Barreau de Paris).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25373
Date de la décision : 22/10/1987

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités


Parties
Demandeurs : R.
Défendeurs : C., F., les S.C.I. «M.», «L.», «A.» et Sieur L'H. de L.

Références :

articles 232 et 235 du Code de procédure civile
article 1188 du Code civil
article 827 du Code civil
article 1725 du Code civil
article 986 du Code civil
article 1938 du Code civil
Code civil
article 1202 du Code civil
article 1168 du Code civil
article 721 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-10-22;25373 ?

Source

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