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04/06/1987 | MONACO | N°25348

Monaco | Tribunal de première instance, 4 juin 1987, A. c/ S.A.M. Industrie du bâtiment - Compagnie d'assurances A.G.F.


Abstract

Accident du travail

Majoration de rente de l'article 23 bis - Non-cumul avec pension de retraite

Retraite d'un salarié

Accident du travail survenu entre 60 et 65 ans - Faculté d'option : poursuite de l'activité avec reclassement - Mise à la retraite anticipée

Résumé

Si la rente destinée à réparer le préjudice corporel subi par la victime d'un accident du travail présente, aux termes de la loi n. 636 du 11 janvier 1958 sur les accidents du travail, un caractère viager et lui demeure acquise sa vie durant, il ne saurait en être de

même de la majoration de rente résultant de l'article 23 bis de ladite loi, laquelle ayant pour o...

Abstract

Accident du travail

Majoration de rente de l'article 23 bis - Non-cumul avec pension de retraite

Retraite d'un salarié

Accident du travail survenu entre 60 et 65 ans - Faculté d'option : poursuite de l'activité avec reclassement - Mise à la retraite anticipée

Résumé

Si la rente destinée à réparer le préjudice corporel subi par la victime d'un accident du travail présente, aux termes de la loi n. 636 du 11 janvier 1958 sur les accidents du travail, un caractère viager et lui demeure acquise sa vie durant, il ne saurait en être de même de la majoration de rente résultant de l'article 23 bis de ladite loi, laquelle ayant pour objet de compenser le préjudice professionnel éprouvé par la victime, est déterminée à partir du concept de la capacité résiduelle de gains et ne peut être cumulée avec une pension de retraite calculée indépendamment de toute réduction de capacité, ce qui constituerait dans le cas contraire un enrichissement sans cause.

Il ressort des dispositions de l'article 1er, de la loi n. 445 du 27 juin 1947, que l'ouverture du droit à pension de retraite peut être notamment anticipée à l'âge de 60 ans, - sans minoration du montant de la pension -, si le salarié ne peut plus, en raison de son état physique, accomplir un travail normal ; il ne s'agit là que d'une faculté d'option laissée à la libre disposition du salarié lui-même qui peut souhaiter poursuivre une activité professionnelle et tenter d'obtenir un reclassement jusqu'à l'âge de 65 ans, et qui ne contrevient ainsi nullement au voeu du législateur, dès lors qu'il ne cumule pas de pension de retraite avec une éventuelle majoration de rente.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que G. A. employé pour le compte de la S.A.M. Industrie du bâtiment dont l'assureur-loi est la Compagnie A.G.F. (G.) a été victime le 10 septembre 1984 d'un accident du travail ayant entraîné selon rapport d'expertise établi le 31 juillet 1985 par le Docteur Mercati un taux d'I.P.P. de 25 % avec consolidation au 15 août 1985 ; que la commission chargée d'apprécier la capacité résiduelle de gains des victimes instituée par l'article 23 de la loi n. 636 du 11 janvier 1958 évaluait à 30 % la capacité résiduelle de gains de G. A. ;

Attendu toutefois que la Compagnie A.G.F. ne s'étant pas accordée sur le taux d'I.P.P. de 70 % en résultant, le juge chargé des accidents du travail renvoyait l'affaire devant le Tribunal de première instance par ordonnance de non-conciliation du 8 avril 1986 ;

Que par l'exploit susvisé en date du 24 novembre 1986, G. A. assignait la S.A.M. Industrie du bâtiment et la Compagnie A.G.F. aux fins de voir entériner l'avis de la Commission spéciale et s'entendre dire que la victime devra être indemnisée jusqu'à 65 ans sur la base d'un taux d'I.P.P. de 40 % résultant de cette évaluation ;

Attendu que la S.A.M. Industrie du bâtiment et la Compagnie A.G.F., après avoir relevé que le taux d'I.P.P. de 40 % indiqué par le demandeur paraissait procéder d'une erreur matérielle dès lors que l'incapacité résultant de l'appréciation de la capacité résiduelle de gains de la victime serait en fait de 70 %, font valoir qu'il appartient à G. A. de solliciter le bénéfice de sa mise à la retraite ; qu'à l'appui de cette allégation, les codéfenderesses exposent que l'accidenté ne peut plus obtenir une indemnisation sur les bases retenues par la Commission Spéciale dès lors qu'âgé de 60 ans, il pouvait prétendre à la mise à la retraite anticipée possible en cas d'inaptitude physique au travail ; que G. A. leur semble dès lors mal fondé en sa demande tendant à obtenir réparation d'un préjudice professionnel qui n'existe plus et ne peut prétendre au complément de rente résultant de l'appréciation de sa capacité résiduelle de gains par la Commission Spéciale ;

Que la S.A.M. Industrie du bâtiment et la Compagnie A.G.F. entendent néanmoins qu'il leur soit donné acte de leur offre de verser à la victime une rente calculée en fonction du taux d'I.P.P. médical de 25 % retenu par l'expert ;

Attendu que G. A. réplique toutefois qu'il n'entend pas solliciter sa mise à la retraite anticipée et qu'il n'atteindra que dans cinq ans l'âge légal de 65 ans, auquel il admet ne plus pouvoir bénéficier d'une quelconque réparation au titre de sa capacité résiduelle de gains ;

Sur ce,

Attendu que le présent litige commande d'apprécier en premier lieu le caractère justifié ou non du taux d'I.P.P. médicalement fixé par l'expert ; qu'à cet égard, le Docteur Mercati a relevé que G. A. employé en qualité de boiseur pour le compte de la S.A.M. Industrie du bâtiment a fait le 10 septembre 1984 une chute à la suite de laquelle il présentait un cal vicieux du pied gauche avec blocage total de l'articulation sous-astragalienne par enfoncement du talamus et luxation permanente de l'astragale ; qu'après avoir noté que la marche n'apparaissait plus possible qu'avec une sérieuse boiterie, le pied gauche en varus, sans aucun déroulement, que l'appui monopodal demeurait interdit et l'accroupissement incomplet, l'expert évaluait à 25 % le taux d'I.P.P. dont demeurait atteint G. A. à la suite de son accident du travail du 10 septembre 1984 ;

Attendu en conséquence qu'au regard de l'analyse sérieuse et détaillée opérée par le Docteur Mercati et étant observé qu'aucune critique n'a été formulée par les parties à l'encontre de son travail, il y a lieu de dire que les constatations cliniques effectuées par l'expert justifient le taux d'I.P.P. de 25 % qu'il propose et que son rapport du 31 juillet 1985 doit dès lors être homologué avec toutes conséquences de droit ;

Attendu par ailleurs que la Compagnie A.G.F. faisant ressortir que G. A. a atteint l'âge de 60 ans auquel il peut bénéficier de sa mise à la retraite anticipée estime qu'il ne peut plus prétendre au complément de rente dont la Commission Spéciale lui a accordé le bénéfice lors de sa réunion du 22 octobre 1985 en indiquant par proçès-verbal : « Compte tenu de l'âge de l'intéressé, la Commission Spéciale est d'avis de fixer la capacité résiduelle de gains à 30 %, soit un taux d'I.P.P. de 70 % » ;

Attendu qu'il apparaît en effet que si la rente destinée à réparer le préjudice corporel subi par la victime présente, aux termes de la loi n. 636 sur les accidents du travail, un caractère viager et lui demeure acquise sa vie durant, il ne saurait en être ainsi s'agissant de la majoration de rente résultant de l'article 23 bis de ladite loi, laquelle, ayant pour objet de compenser le préjudice professionnel éprouvé par la victime, est déterminée à partir du concept de la capacité résiduelle de gains et ne peut être cumulée avec une pension de retraite calculée indépendamment de toute réduction de capacité ;

Qu'il ne saurait en effet être admis que le législateur ait entendu permettre à un salarié retraité de continuer à percevoir outre le montant de sa pension, une partie du salaire qu'il percevait quand il était en activité, ce, sous la forme d'une majoration de rente, ce qui constituerait un enrichissement sans cause ;

Attendu cependant qu'un tel cumul ne s'induit nullement des circonstances de l'espèce, dès lors qu'il est constant que G. A. âgé de 62 ans seulement n'apparaît pas, au regard des dispositions de la loi n. 455 du 27 juin 1947, avoir épuisé son droit à l'emploi ;

Attendu en effet que s'il peut être admis que le salarié ayant atteint l'âge de 65 ans ne peut plus prétendre à un quelconque reclassement professionnel et donc au bénéfice du complément de rente précité, il ne saurait pour autant être contraint à solliciter sa mise à la retraite anticipée contre son propre gré, ainsi que le soutient la Compagnie A.G.F. ;

Qu'il ressort à cet égard des dispositions de l'article 1er de la loi n. 455 que l'ouverture du droit à pension de retraite peut être notamment anticipée à l'âge de 60 ans - sans minoration du montant de la pension - si le salarié ne peut plus en raison de son état physique accomplir un travail normal ; qu'il ne s'agit là que d'une faculté d'option laissée à la libre disposition du salarié lui-même qui peut souhaiter poursuivre une activité professionnelle ou tenter d'obtenir un reclassement jusqu'à l'âge de 65 ans, et ne contrevient ainsi nullement au vœu du législateur, dès lors qu'il ne cumule pas de pension de retraite avec une éventuelle majoration de rente ;

Qu'il suit que G. A., âgé seulement de 62 ans, subit toujours un préjudice professionnel qu'il convient de compenser par l'octroi de la majoration de rente telle qu'appréciée par la Commission Spéciale lors de sa réunion du 22 octobre 1985, laquelle a évalué à 30 % la capacité résiduelle de gains de la victime, soit un taux d'I.P.P. de 70 % ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de condamner la Compagnie A.G.F. à payer à G. A. une rente annuelle calculée en fonction dudit taux d'I.P.P. de 70 %, soit un taux « utile » de 40 % tel qu'évoqué par la victime dans ses écritures, et ce, jusqu'à ce qu'il ait épuisé son droit à l'emploi et perçoive une pension de retraite ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Homologue le rapport Mercati du 31 juillet 1985 ayant évalué à 25 % le taux d'I.P.P. dont demeure atteint G. A. au plan strictement médical ;

Ayant tels égards que de droit pour l'avis de la Commission Spéciale en date du 22 octobre 1985, fixe à 30 % la capacité résiduelle de gains de G. A. ;

Condamne la Compagnie A.G.F. - substituée à la S.A.M. Industrie du bâtiment - à payer à G. A. à compter du 15 août 1985, date de la consolidation, une rente annuelle de 26 425,10 F, calculée en fonction du taux d'I.P.P. de 70 % résultant de l'appréciation de la capacité résiduelle de gains de la victime et d'un salaire annuel légal de 66 062,77 F ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Sanita et Léandri, av. déf. ; Brugnetti, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25348
Date de la décision : 04/06/1987

Analyses

Social - Général ; Sécurité au travail ; Protection sociale


Parties
Demandeurs : A.
Défendeurs : S.A.M. Industrie du bâtiment - Compagnie d'assurances A.G.F.

Références :

loi n. 636 du 11 janvier 1958
article 23 de la loi n. 636 du 11 janvier 1958
loi n. 445 du 27 juin 1947
loi n. 455 du 27 juin 1947


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-06-04;25348 ?

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