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21/05/1987 | MONACO | N°25344

Monaco | Tribunal de première instance, 21 mai 1987, F. c/ B.


Abstract

Contrat de travail

Motif du licenciement - Contrôle par voie d'expertise

Jugement

Jugement préparatoire - Expertise ne préjugeant pas au fond

Appel

Irrecevabilité à l'encontre d'un jugement préparatoire

Résumé

Une expertise ordonnée par le Tribunal du travail, insuffisamment éclairé sur une demande en paiement d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, aux fins de recueillir des éléments d'information quant à la détermination des activités d'une entrepris

e se situant avant et après la rupture, laquelle tend ainsi à faire contrôler la validité de la décision de licenc...

Abstract

Contrat de travail

Motif du licenciement - Contrôle par voie d'expertise

Jugement

Jugement préparatoire - Expertise ne préjugeant pas au fond

Appel

Irrecevabilité à l'encontre d'un jugement préparatoire

Résumé

Une expertise ordonnée par le Tribunal du travail, insuffisamment éclairé sur une demande en paiement d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, aux fins de recueillir des éléments d'information quant à la détermination des activités d'une entreprise se situant avant et après la rupture, laquelle tend ainsi à faire contrôler la validité de la décision de licenciement prise par l'employeur pour un motif économique, n'apparaît pas de nature à préjudicier aux droits du demandeur qu'elle réserve sans préjuger au fond, dès lors que celui-ci soutient que l'invocation d'une réduction d'activité constitue un faux motif qui masque la volonté de l'employeur de le licencier à bon compte.

La décision du Tribunal du travail, ordonnant cette mesure d'instruction qui tend uniquement à mettre le procès en état de recevoir un jugement définitif, doit être considérée comme réputée préparatoire par application de l'article 4, alinéa 1, de l'ordonnance du 21 mai 1909, sur l'appel et ne peut faire l'objet d'un appel aux termes de l'article 3, alinéa 1, de ladite ordonnance, qu'après le jugement définitif et conjointement avec l'appel de celui-ci.

Il s'ensuit que l'appel interjeté contre le jugement du Tribunal du travail doit être déclaré irrecevable en l'état, en sorte que la mission d'expertise ordonnée par les premiers juges ne saurait être modifiée.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que F., licencié par B. de son emploi de chef-comptable par suite d'une suppression de poste décidée par l'employeur « pour des raisons d'ordre professionnel... et personnel » qui lui étaient propres, a saisi le Tribunal du travail de diverses demandes tendant notamment à obtenir paiement d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts ;

Qu'à l'appui de ces demandes, F. a soutenu que le licenciement n'est pas justifié par un motif valable, qu'il ne présente pas le caractère économique allégué par l'employeur mais qu'il est au contraire intervenu sur le fondement d'un faux motif et qu'il revêt de ce fait un caractère abusif ;

Attendu que par jugement du 9 janvier 1986, qui n'apparaît pas avoir été signifié, le Tribunal du travail, sur la demande en paiement de l'indemnité de licenciement impliquant l'appréciation de la validité du motif invoqué, a estimé ne pas être en mesure de se prononcer sur la nécessité de la suppression du poste de F., faute d'éléments d'information suffisants tenant au volume d'activités du cabinet comptable exploité par B. au cours des années 1983 et 1984, et, sur la demande en dommages-intérêts pour rupture abusive, a considéré que F. ne rapportait pas la preuve de ce que la baisse d'activité nécessitant la suppression du poste de chef-comptable n'a pas été réelle ou de ce que B. a repris, après le licenciement, une activité telle que le licenciement se trouverait empreint de légèreté blâmable ou d'intention de nuire ;

Que le Tribunal du travail a donc décidé de recourir d'office à une mesure d'expertise aux frais avancés du demandeur, tous droits des parties étant réservés, à l'effet en particulier :

« - d'évaluer l'importance de l'activité (du cabinet comptable exploité par B.) tant en clients qu'en chiffre d'affaires au cours de l'année 1983 ;

- de chiffrer la réduction d'activité de ce cabinet en 1984 après la cessation de la prise en charge de la comptabilité d'un certain nombre de clients du défendeur ;

- de dire si cette réduction nécessitait la disparition de l'emploi de chef-comptable compte tenu du personnel en activité en 1983 et en 1984 et de la répartition des tâches entre les parties ;

- de rechercher si le cabinet comptable n'a pas ensuite augmenté son activité dans l'année qui a suivi le licenciement du sieur F. tant en chiffre d'affaires qu'en nombre de clients ;

- de déterminer, à l'heure actuelle, l'importance de l'activité du cabinet comptable de l'employeur, dans la mesure où ce dernier en conserve toujours la responsabilité... » ;

Attendu que par l'exploit susvisé, F. a formé appel de ce jugement ; qu'il reproche au Tribunal du travail d'avoir imparfaitement apprécié les faits de la cause en ce sens qu'il ne s'agit pas de rechercher si une baisse d'activité a rendu nécessaire la suppression du poste de chef-comptable, mais de rechercher la réalité du motif allégué du licenciement, étant relevé que c'est la rupture du contrat qui a engendré une baisse d'activité, en sorte que la mesure d'expertise ne serait d'aucun profit sur ce point ;

Qu'il estime que le motif réel du licenciement et les circonstances dans lesquelles est intervenue la rupture doivent conduire le tribunal, après avoir jugé l'appel recevable, à dire et juger qu'il a droit au paiement d'une indemnité de licenciement et qu'il est fondé à obtenir des dommages-intérêts, sauf à instituer, de ce seul chef, une mesure d'expertise à l'effet de rechercher dans quelles circonstances il a été mis fin au contrat de travail ;

Attendu que B., qui soutient que le jugement du 9 janvier 1986 n'a tranché ni préjugé aucune question au fond et est de ce fait strictement préparatoire, conclut en réponse à l'irrecevabilité de l'appel formé par F. qui, par application de l'article 3 de l'ordonnance sur l'appel du 21 mai 1909, ne peut être interjeté qu'après le jugement définitif et conjointement avec celui-ci ;

Attendu que F. soutient au contraire que l'expertise ordonnée préjuge le fond et confère au jugement un caractère interlocutoire en autorisant l'appel ; qu'il estime qu'en donnant mission de rechercher si le licenciement n'a pas été rendu inéluctable par suite d'une baisse d'activité de l'employeur ou si celui-ci, après la rupture du contrat, aurait repris en tout ou partie son activité, le Tribunal du travail a préjugé du fond de l'affaire, en laissant entendre dans quel sens interviendra le jugement définitif et en préjudiciant dès lors à ses droits ; qu'il considère en effet que cette mission est contraire au fondement de son action tendant à faire juger que la réduction de certaines activités consécutive à son licenciement n'était imposée par aucun motif réel et sérieux ; qu'il réitère en conséquence les termes de son acte d'appel en laissant au tribunal le soin de modifier la mission confiée à l'expert, s'il l'estimait utile ;

Sur quoi,

Attendu que l'expertise ordonnée par les premiers juges tend à faire contrôler la validité de la décision prise par l'employeur de réduire ses activités, telle qu'invoquée dans la lettre de licenciement comme motif de rupture, en recherchant si cette décision a bien été suivie d'effet, et a par ailleurs pour objet d'apprécier les conséquences - quant au maintien de l'emploi de chef-comptable occupé par F. - devant nécessairement être entraînées par ladite décision ;

Attendu, dans ces conditions, que la mission confiée à l'expert apparaît réserver les droits de F. sans préjuger du fond de l'affaire, dès lors que celui-ci soutient que la décision de réduction d'activité invoquée par son ancien employeur masque en réalité sa volonté de le licencier « à bon compte » et constitue un faux motif ouvrant droit à son profit à l'indemnité de licenciement et aux dommages-intérêts qu'il réclame ;

Attendu que la mesure d'instruction ainsi ordonnée dans l'intérêt du demandeur ne préjudiciant en rien à ses droits mais tendant uniquement à mettre le procès en état de recevoir jugement définitif, la décision du Tribunal du travail, réputée préparatoire par application de l'article 4, alinéa 1, de l'ordonnance du 21 mai 1909 précitée ne peut faire l'objet d'un appel, aux termes de l'article 3, alinéa 1, de ladite ordonnance, qu'après le jugement définitif et conjointement avec l'appel de celui-ci ;

Qu'il s'ensuit que l'appel dont le tribunal est saisi doit être déclaré irrecevable en l'état, en sorte que la mission d'expertise ordonnée par les premiers juges ne saurait être modifiée ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

Déclare irrecevable l'appel formé par F. à l'encontre du jugement rendu le 9 janvier 1986 par le Tribunal du travail ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-près. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Léandri et Sanita, av. déf. ; Champsaur, av. (Barreau de Nice).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25344
Date de la décision : 21/05/1987

Analyses

Social - Général ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : F.
Défendeurs : B.

Références :

article 4, alinéa 1, de l'ordonnance du 21 mai 1909


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-05-21;25344 ?

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