La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/1987 | MONACO | N°25341

Monaco | Tribunal de première instance, 21 mai 1987, A. c/ J., Dame B., Dame J., Dame B.-P.


Abstract

Testament

Annulation d'un premier testament (articles 890 et 891 Code civil) - Caducité du deuxième testament (article 894 Code civil) - Intention exprimée de révoquer le premier (article 892, alinéa 2) - Effet : dévolution ab intestat.

Résumé

Des dispositions testamentaires postérieures qui sont incompatibles avec celles antérieurement exprimées les annulent par l'effet des articles 890 et 891 du Code civil.

Au cas où le légataire n'a pas survécu au testateur, ces secondes dispositions deviennent caduques, conformément à l'article 89

4 du même code, de sorte que la succession se trouve dévolue ab intestat si le testateur a ma...

Abstract

Testament

Annulation d'un premier testament (articles 890 et 891 Code civil) - Caducité du deuxième testament (article 894 Code civil) - Intention exprimée de révoquer le premier (article 892, alinéa 2) - Effet : dévolution ab intestat.

Résumé

Des dispositions testamentaires postérieures qui sont incompatibles avec celles antérieurement exprimées les annulent par l'effet des articles 890 et 891 du Code civil.

Au cas où le légataire n'a pas survécu au testateur, ces secondes dispositions deviennent caduques, conformément à l'article 894 du même code, de sorte que la succession se trouve dévolue ab intestat si le testateur a manifesté son intention de révoquer les premières dispositions testamentaires, cette révocation conservant tous ses effets, en vertu de l'article 892, alinéa 2, dudit code, en dépit de la caducité affectant les secondes.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que résultent des pièces produites les éléments de fait suivants, non contestés par les parties :

M. B. veuve A., née le 5 mars 1889, est décédée - sans héritier réservataire - à Monaco où elle était domiciliée le 14 novembre en l'état de diverses dispositions testamentaires ;

Par un premier testament olographe du 14 mai 1970, la défunte a institué pour légataire universel son petit-cousin J. A. ; ce testament a fait l'objet d'un codicille le 15 juin 1980 précisant qu'en cas de prédécès du légataire, ses enfants recueilleront le bénéfice du legs universel ;

Par un second testament fait par acte public reçu le 19 avril 1979 par Maître Crovetto, notaire à Monaco, en présence de quatre témoins, M. B. veuve A. a institué pour ses légataires généraux et universels, par parts égales entre eux, M. B. et R. T., lesquels sont respectivement décédés en février et novembre 1983 soit antérieurement à la testatrice ;

Enfin, dans une ultime disposition olographe du 25 juin 1980, M. B. veuve A. a testé en ces termes « je confirme les dispositions testamentaires dictées à Maître Crovetto, notaire à Monaco, en 1979 ; en conséquence doivent être considérées comme nulles toutes dispositions contraires au contenu du testament authentique susvisé » ;

Attendu que J. A., qui estime être le seul bénéficiaire de la succession de M. B. veuve A., a fait assigner selon l'exploit susvisé les héritiers du sang de la défunte P. J., L. J., J.-M. B. épouse P. et L. B. veuve L., à l'effet d'être déclaré, en l'état du testament olographe du 14 mai 1970 et de son codicille du 15 juin 1980, légataire universel de la testatrice avec tous effets de droit ;

Qu'au soutien de sa demande, J. A. fait valoir :

* que l'interprétation de la volonté de la testatrice commande d'apprécier l'ensemble de ses dispositions à cause de mort,

* que ces dispositions montrent que les libéralités consenties au profit de M. B. et R. T. étaient conditionnelles dans l'esprit de la testatrice en ce sens qu'elles n'avaient de valeur que si elles pouvaient être effectivement exécutées et suivies d'effet, ce qui n'est pas le cas puisque B. et T. n'ont pas survécu à la testatrice,

* que les dernières dispositions testamentaires du 25 juin 1980 ne révoquent pas les dispositions antérieures mais se bornent à annuler les seules dispositions contraires au testament authentique du 19 avril 1979, lequel avait été annulé par le codicille du 15 juin 1980 confirmant, le cas échéant au profit de ses enfants, le legs universel fait à J. A. et se trouvait en tout état de cause caduc depuis le décès des légataires B. et T.,

* que les faits de la cause montrent que la testatrice ne s'est jamais préoccupée de ses héritiers du sang mais a en revanche, sa vie durant, manifesté sans équivoque des liens étroits d'affection à l'égard de J. A. qu'elle entendait gratifier de tous ses biens à son décès,

* que cette intention est révélée par le testament olographe du 14 mai 1970, confirmée dix ans plus tard par le codicille du 15 juin 1980, et encore corroborée par la correspondance versée aux débats dont il peut être retenu notamment que la testatrice et son époux avaient envisagé de l'adopter pour lui transmettre leur patrimoine, ce qui n'a pu avoir lieu pour des raisons extérieures à leur volonté,

* que les dispositions du 25 juin 1980 ne produisant aucun effet à défaut de bénéficiaires pouvant s'en prévaloir, c'est le codicille du 15 juin 1980 se référant au testament olographe de 1970 qui doit être pris en considération ;

Attendu que les défendeurs prétendent au contraire que J. A., dont ils concluent au rejet des demandes, n'a aucun droit à prétendre à la succession de la défunte et soutiennent que cette succession doit être dévolue aux héritiers naturels et considérée comme ab intestat ;

Qu'ils soutiennent en particulier :

* P. J., qu'il est clair que par suite d'une évolution de son état d'esprit vis-à-vis de son petit-cousin, M. B. veuve A. a entendu révoquer en la forme authentique le testament précédemment établi en sa faveur ; que le codicille apporté à ce testament initial de 1970, que A. détenait personnellement, est le fruit d'une démarche de celui-ci ; qu'il est remarquable de constater que quelques jours plus tard, la testatrice s'est empressée de redonner vigueur au testament authentique de 1979 en annulant toutes dispositions contraires ; que cette ultime volonté conserve tout son effet même si elle reste sans exécution, par application de l'article 892 du Code civil ; que le testament initial a donc été révoqué et que cette intention pourrait être confirmée par voie d'enquête si besoin était ;

* L. J. et L. B. veuve L., que les dispositions du 25 juin 1980 confirment la révocation du legs fait en 1970 complété le 15 juin 1980 ; qu'il importe peu que le testament authentique fait en faveur de légataires universels décédés par la suite soit de ce fait privé d'efficacité ; que cette circonstance ne fait pas pour autant revivre les dispositions antérieures prises en faveur de J. A. ; que la volonté de la testatrice doit être appréciée au 25 juin 1980 ; qu'en définitive aucun testament ne peut être exécuté ; que les éléments de faits de la cause confirment la volonté d'exhéréder A. en dernier lieu manifestée par la testatrice, ce qu'une mesure d'instruction pourrait révéler le cas échéant ;

* J. B. épouse P., que le testament authentique de 1979, manifestement contraire au testament olographe de 1970, a eu pour effet de le révoquer ; que l'article 892 du Code civil - devant être entendu, au vœu de la doctrine et de la jurisprudence, comme s'appliquant également en cas de prédécès des légataires - confère tout son effet à cette révocation même si celle-ci est renfermée dans un testament qui, comme en l'espèce, est devenu caduc du fait du décès des gratifiés ; qu'il s'ensuit qu'aucun testament ne peut être exécuté ; que même s'il existait un doute sur les intentions de la testatrice celui-ci doit bénéficier aux héritiers naturels ; que dans le domaine des faits, il est révélateur de constater qu'après le décès de l'époux de la testatrice, les relations épistolaires invoquées par le demandeur ont pratiquement cessé, que le codicille du 15 juin 1980 a été prestement annulé ou encore que la testatrice n'a pas entendu modifier ses dispositions dans un sens favorable au demandeur même après le décès de ceux qu'elle avait institué comme légataires par testaments des 19 avril 1979 et 25 juin 1980 ;

Sur quoi,

Attendu que la chronologie des dispositions testamentaires n'étant pas discutée par les parties, il y a lieu pour le tribunal d'apprécier la portée des dernières volontés exprimées par la testatrice le 25 juin 1980 ;

Attendu qu'en confirmant en premier lieu à cette date le testament authentique du 19 avril 1979, la testatrice a manifestement entendu lui redonner toute sa vigueur, en sorte que le document du 25 juin 1980 réitère ses dispositions de volonté exprimées en 1979 par lesquelles elle instituait M. B. et R. T. pour ses légataires universels ;

Qu'à ce titre, le codicille du 15 juin 1980 complétant le testament olographe du 14 mai 1970 en faveur de J. A., incompatible avec le testament de 1979, apparaît avoir été annulé par l'effet des articles 890 et 891 du Code civil ;

Attendu qu'en précisant en second lieu le 25 juin 1980 que toutes dispositions contraires au contenu du testament authentique de 1979 devaient être considérées comme nulles, la testatrice a confirmé sa volonté de ne gratifier que M. B. et R. T., à l'exclusion de J. A. dont la désignation antérieure comme légataire universel est indiscutablement contraire à celle opérée dans le testament de 1979 ; que de ce chef également le testament du 25 juin 1980 révoque et annule les libéralités antérieurement consenties à J. A., par application des textes précités ;

Attendu que les dernières dispositions testamentaires ainsi prises en faveur de M. B. et R. T. sont devenues caduques au décès de ceux-ci par l'effet de l'article 894 du Code civil ; que la question devant en conséquence être tranchée est relative à l'effet qu'il convient de conférer à la révocation des testaments antérieurs renfermée dans ces dernières dispositions ;

Attendu qu'aucun élément ne permet d'affirmer en l'espèce que ladite révocation était subordonnée à l'exécution effective des dispositions gratifiant M. B. et R. T. et qu'en cas de prédécès de ceux-ci la testatrice aurait implicitement entendu y renoncer ; qu'une telle affirmation procède d'une interprétation de la volonté - pourtant clairement exprimée et demeurée inchangée après le décès des légataires - de la testatrice à laquelle il n'y a pas lieu de se livrer, les termes de la révocation devant être entendus dans leur sens naturel dépourvu en lui-même de toute ambiguïté ;

Attendu par ailleurs qu'il est constant que l'article 892, alinéa 1, du Code civil, conférant tous leurs effets aux révocations contenues dans un testament postérieur même si celui-ci reste inexécuté, est notamment étendu en jurisprudence au cas d'inexécution résultant du prédécès du légataire institué ; que cette interprétation, à laquelle le tribunal estime devoir se rallier, n'a au demeurant pas été contestée par le demandeur ; qu'il s'ensuit que la révocation, intervenue le 25 juin 1980, des dispositions dont le demandeur était bénéficiaire, conserve tous ses effets en dépit de la caducité de celles gratifiant M. B. et T. ;

Attendu en conséquence que la succession de M. B. veuve A. doit être réglée comme s'il n'y avait pas de testament et déférée aux héritiers habiles à succéder ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute J. A. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Dit que la succession de M. B. veuve A. doit être réglée comme une succession ab intestat et déférée aux héritiers habiles à succéder ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Karczag-Mencarelli, Sbarrato et Sanita, av. déf. ; Chichmanian-Delpy, Chambraud, av. (Barreau de Nice) ; Mennetrier, av. (Barreau de Marseille).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25341
Date de la décision : 21/05/1987

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités ; Droit de la famille - Filiation


Parties
Demandeurs : A.
Défendeurs : J., Dame B., Dame J., Dame B.-P.

Références :

article 894 du Code civil
Code civil
article 892 du Code civil
articles 890 et 891 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-05-21;25341 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award