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21/05/1987 | MONACO | N°25339

Monaco | Tribunal de première instance, 21 mai 1987, R. c/ Société des bains de mer et Compagnie d'assurances Union.


Abstract

Accident du travail

Aggravation d'un état antérieur - Imputabilité à l'accident - Indemnisation sans réduction

Résumé

Dès lors qu'il apparaît des conclusions des experts médicaux qu'un traumatisme sus-orbitaire subi par un employé agressé sur son trajet ne peut qu'aggraver en tout ou en partie un état pathologique préexistant (vice de réfraction congénital), il est de principe jurisprudentiel que la totalité de l'incapacité de travail résultant de cette aggravation doit être prise en charge, au titre de la législation sur les accidents

du travail.

Cette règle, fondée sur une présomption d'imputabilité, qu'exclut tout partage ...

Abstract

Accident du travail

Aggravation d'un état antérieur - Imputabilité à l'accident - Indemnisation sans réduction

Résumé

Dès lors qu'il apparaît des conclusions des experts médicaux qu'un traumatisme sus-orbitaire subi par un employé agressé sur son trajet ne peut qu'aggraver en tout ou en partie un état pathologique préexistant (vice de réfraction congénital), il est de principe jurisprudentiel que la totalité de l'incapacité de travail résultant de cette aggravation doit être prise en charge, au titre de la législation sur les accidents du travail.

Cette règle, fondée sur une présomption d'imputabilité, qu'exclut tout partage de causalité et donc toute réduction de l'indemnisation, doit recevoir application, à moins qu'il ne soit démontré que la lésion résulte uniquement de l'état antérieur et que le travail n'ait joué aucun rôle, si minime soit-il, dans son apparition, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que J. R. a été victime, le 2 novembre 1985, d'un accident du travail, alors qu'il était employé au service de la S.B.M. dont l'assureur-loi est la Compagnie d'assurances L'Union ; que le Dr Marchisio, désigné en qualité d'expert, établissait son rapport le 4 avril 1986 aux termes duquel il concluait à une I.T.T. du 2 novembre 1985 au 23 novembre 1985 et à un taux d'I.P.P. de 9 %, avec consolidation le 24 décembre 1985 ;

Attendu qu'à la suite du refus formulé par la Compagnie L'Union de se concilier sur les bases dudit rapport, une ordonnance de non-conciliation était rendue le 1er août 1986 ;

Attendu que selon exploit du 9 février 1987, J. R. assignait la S.B.M. et la Compagnie L'Union aux fins de s'entendre homologuer le rapport Marchisio du 4 avril 1986 et voir fixer à 9 % le taux d'I.P.P. dont il demeurait atteint à la suite de son accident ;

Attendu que la S.B.M. et la Compagnie L'Union s'opposent quant à elles formellement à l'homologation du rapport Marchisio en produisant divers certificats médicaux des Docteurs P. et L. mettant en exergue une divergence fondamentale d'appréciation avec les constatations de l'expert et son sapiteur en ophtalmologie, le Docteur Cénac ; que les codéfenderesses sollicitent dès lors la désignation d'un nouvel expert médical spécialiste en ophtalmologie, avec mission de déterminer en particulier si la baisse d'acuité visuelle présentée par J. R. à l'œil gauche doit être exclusivement rattachée aux suites de son accident du travail du 2 novembre 1985, ou apparaît au contraire résulter d'un vice de réfraction congénital d'une part, et de préciser d'autre part quel est le taux d'I.P.P. directement rattachable aux seuls troubles de la vision consécutifs à l'accident précité ;

Sur ce,

Attendu qu'il est constant que J. R., employé en qualité de caviste à l'Hôtel P., a été victime dans la nuit du 2 novembre 1985, alors qu'il rejoignait son domicile, d'une agression à l'occasion de laquelle il recevait un violent coup de poing sur la région orbitaire gauche ; qu'il était aussitôt transporté au Centre hospitalier Princesse Grace où le Dr B. diagnostiquait un traumatisme crânien avec hématome péri-orbitaire sous-conjonctival et plaie suturée à l'arcade sourcilière gauche ;

Attendu que pour conclure à un taux d'I.P.P. de 9 %, l'expert Marchisio, qui s'est adjoint le Dr Cénac en qualité de sapiteur spécialiste en ophtalmologie, a pu notamment relever la présence d'une cicatrice sus-orbitaire gauche un peu sensible et douloureuse à la pression, d'une longueur de 3 cm, à laquelle un taux d'I.P.P. spécifique de 1 % était attribué, ainsi que les conséquences ophtalmologiques proprement dites du traumatisme orbitaire, justifiant selon lui un taux d'I.P.P. de 8 %, et dont la description a été effectuée par le Dr Cénac, qui constatait la très nette baisse de l'acuité visuelle de l'œil gauche consécutive à l'accident ;

Attendu qu'à l'appui de leur contestation, la S.B.M. et la Compagnie L'Union versent pour leur part aux débats le dire établi le 12 juin 1986 par le Dr L., spécialiste en ophtalmologie, lequel précise que la victime, déjà atteinte d'un astygmatisme de deux dioptries, ne présentait pas avant l'accident une acuité visuelle parfaite correspondant à 10 dixièmes de l'œil gauche sans correction ; qu'il en conclut qu'en l'état de ce vice de réfraction congénital, la diminution de l'acuité visuelle de l'œil gauche, qui ne serait plus que de 3 dixièmes, ne doit pas être rattachée aux seules suites du traumatisme orbitaire subi le 2 novembre 1985 mais s'explique notamment par l'âge de la victime ;

Attendu cependant qu'il convient à cet égard d'observer que le sapiteur Cénac a pour sa part relevé que le médecin-conseil de la S.B.M. lui-même n'avait objectivé une telle baisse d'acuité visuelle qu'après l'accident du travail litigieux, et jamais lors des visites de contrôle régulièrement effectuées les années précédentes, au cours desquelles elle s'élevait à 9 dixièmes environ pour cet œil gauche ; qu'il apparaît dès lors peu plausible qu'une baisse aussi brutale de la vision résultât ainsi que le soutiennent les codéfenderesses, de l'évolution normale d'une anomalie congénitale, à savoir le vice de réfraction constaté par tous les praticiens ayant examiné J. R. ;

Attendu qu'il suit que l'accident du travail - ayant consisté en un traumatisme sus-orbitaire gauche - ne peut de toute évidence qu'avoir entraîné, en tout ou en partie, l'aggravation de cet état pathologique préexistant constitué par l'astygmatisme dont souffrait déjà J. R. ;

Qu'il est à cet égard de jurisprudence constante que la totalité de l'incapacité de travail résultant de cette aggravation doit être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ; que cette règle, fondée sur une présomption d'imputabilité qui exclut lors de la prise en charge tout partage de causalité et donc, toute réduction de l'indemnisation, doit recevoir application, à moins qu'il ne soit démontré que la lésion résulte uniquement de l'état antérieur, et que le travail n'a joué aucun rôle, si minime soit-il, dans son apparition, ce qui ne s'est pas avéré être le cas de l'espèce ;

Attendu en conséquence qu'en l'état des séquelles médicalement objectivées tant par l'expert Marchisio, que par son sapiteur en ophtalmologie le Dr Cénac, il y a lieu de dire que l'analyse minutieuse à laquelle se sont livrés ces praticiens justifie le taux d'I.P.P. de 9 % retenu par le Dr Marchisio, dont le rapport en date du 4 avril 1986 doit dès lors être homologué avec toutes conséquences de droit quant au paiement de la rente devant être allouée par la Compagnie L'Union à J. R. ;

Attendu que les dépens doivent suivre la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Homologue le rapport d'expertise du Dr Jean-Louis Marchisio en date du 4 avril 1986 ayant fixé à 9 % le taux d'I.P.P. dont demeure atteint J. R. à la suite de son accident du travail du 2 novembre 1985 ;

Dit que la Compagnie L'Union - substituée à la S.B.M. - sera tenue de payer à J. R. une rente annuelle et viagère de 4 070,78 F calculée en fonction dudit taux d'I.P.P. de 9 % et d'un salaire annuel de 90 461,82 F ;

La condamne en tant que de besoin à payer cette rente à J. R. à compter du 23 novembre 1985, date de la reprise du travail ;

Condamne la Compagnie L'Union - substituée à la S.B.M. - aux dépens au profit de l'Administration de l'enregistrement qui en a fait l'avance, et qui seront recouvrés comme en matière d'assistance judiciaire ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Karczag-Mencarelli et Clérissi, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25339
Date de la décision : 21/05/1987

Analyses

Social - Général ; Sécurité au travail


Parties
Demandeurs : R.
Défendeurs : Société des bains de mer et Compagnie d'assurances Union.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-05-21;25339 ?

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