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21/05/1987 | MONACO | N°25338

Monaco | Tribunal de première instance, 21 mai 1987, S. c/ État de Monaco.


Abstract

Responsabilité de l'Etat

Compétence du Tribunal suprême - Compétence du Tribunal de première instance pour indemniser - Prononcé préalable de l'illégalité des actes administratifs par le Tribunal suprême - Sursis à statuer

Résumé

Si le Tribunal suprême a seul compétence en vertu de l'article 90.B de la constitution pour statuer sur les demandes d'indemnité consécutives aux annulations pour excès de pouvoir qu'il prononce, il n'est pas dérogé par cet article à la compétence de droit commun prévue par l'article 12 de la loi n. 783 du 15

juillet 1965.

Par suite, le tribunal est compétent pour décider de l'octroi d'une indemnisat...

Abstract

Responsabilité de l'Etat

Compétence du Tribunal suprême - Compétence du Tribunal de première instance pour indemniser - Prononcé préalable de l'illégalité des actes administratifs par le Tribunal suprême - Sursis à statuer

Résumé

Si le Tribunal suprême a seul compétence en vertu de l'article 90.B de la constitution pour statuer sur les demandes d'indemnité consécutives aux annulations pour excès de pouvoir qu'il prononce, il n'est pas dérogé par cet article à la compétence de droit commun prévue par l'article 12 de la loi n. 783 du 15 juillet 1965.

Par suite, le tribunal est compétent pour décider de l'octroi d'une indemnisation à raison de fautes tirées de l'illégalité d'actes administratifs ou réglementaires et ce, notamment après expiration des délais d'un éventuel recours pour excès de pouvoir dirigé contre ces actes.

Pour autant, le tribunal ne saurait, sans méconnaître les dispositions de l'article 90.B de la constitution, se substituer au Tribunal suprême pour apprécier la validité desdits actes, non plus que les annuler.

Il s'ensuit qu'en l'espèce le tribunal doit, à la fois, se déclarer incompétent pour prononcer l'annulation, qui lui est demandée, de la décision du ministre d'État du 4 juin 1984, et surseoir à statuer sur la demande d'indemnité formulée jusqu'à ce que le Tribunal suprême saisi sur le fondement des articles 90.B 3 de la constitution et 16 de l'ordonnance souveraine n. 2984 du 16 avril 1963, se soit prononcé quant à la validité, au regard des règles de droit public, d'une part de l'ordonnance souveraine du 14 mars 1970 portant suppression, sans indemnité concomitante de l'office notarial de l'intéressé et acceptation de la démission de ce dernier, d'autre part, de la décision du ministre d'État du 4 juin 1984 pour ce qui est des modalités d'indemnisation qu'elle édicte, contestées en leur principe.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que, par l'exploit d'assignation susvisé, R. S., dont l'étude de notaire a été supprimée par une ordonnance souveraine n. 4422 en date du 14 mars 1970, portant par ailleurs acceptation de la démission qu'il avait présentée le jour même, et qui, sous la date du 8 février 1984, a formulé conjointement

Attendu que, par l'exploit d'assignation susvisé, R. S., dont l'étude de notaire a été supprimée par une ordonnance souveraine n. 4422 en date du 14 mars 1970, portant par ailleurs acceptation de la démission qu'il avait présentée le jour même, et qui, sous la date du 8 février 1984, a formulé conjointement avec son épouse, H. C., une requête adressée au ministre d'État, tendant à l'octroi d'une indemnité de 53 000 000 F en réparation du préjudice que leur auraient causé à tous deux la démission susvisée, prétendument forcée, et la suppression de l'office notarial objet de l'ordonnance précitée, demande au tribunal, aux côtés de son épouse, en faisant valoir que leur requête n'avait été que partiellement satisfaite par une lettre du ministre d'État en date du 4 juin 1984 :

* de condamner l'État à réparer avec les intérêts de droit à compter du 8 février 1984 et, plus d'un an s'étant écoulé, les intérêts des intérêts, le préjudice leur ayant été causé par les démission et suppression d'office qui viennent d'être évoquées ;

* d'annuler la décision du ministre d'État leur ayant été notifiée le 4 juin 1984 en ce qu'elle retient pour fixer le montant de l'indemnité leur étant due, la date de la suppression de l'étude ;

* et, enfin, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer le montant de ladite indemnité ;

Attendu que l'État, demandant acte de ce qu'il confirme le droit des époux S. à percevoir l'indemnisation de la privation du droit de présentation consécutive à la suppression de l'office notarial dont s'agit, conclut à ce qu'il plaise au tribunal :

* ordonner qu'il soit procédé conformément aux dispositions de la décision susvisée du 4 juin 1984 pour fixer cette indemnisation, ce par référence à la date du 14 mars 1970 ;

* par ailleurs, déclarer irrecevables comme portées devant un tribunal incompétent pour en connaître au regard de l'article 90.B de la constitution, d'une part la demande des époux S. tendant à l'annulation de ladite décision, d'autre part leur demande de dommages-intérêts ;

* et, enfin, mais subsidiairement au fond, déclarer celle-ci mal fondée et les en débouter ;

Attendu, sur ce, qu'aux termes de l'article 12 de la loi n. 783 du 15 juillet 1965, le Tribunal de première instance connaît comme juge de droit commun en matière administrative de tous litiges autres que ceux dont la connaissance est expressément attribuée par la constitution ou la loi au Tribunal suprême ou à une autre juridiction ;

Attendu que, par un arrêt rendu entre les parties le 6 mars 1985, le Tribunal suprême s'est déclaré incompétent pour connaître, en matière constitutionnelle, d'un recours en indemnité formé par les époux S. tendant à obtenir de l'État monégasque la réparation du dommage résultant de l'ordonnance du 14 mars 1970 acceptant la démission de Me S. et supprimant son office notarial, en considérant à cet égard que l'acceptation de cette démission et la suppression de l'office font l'objet de ladite ordonnance et qu'il s'ensuit que, même si celle-ci n'a fait l'objet d'aucun recours dans les délais légaux, l'octroi de l'indemnité demandée relève de la compétence prévue par l'article 90.B de la constitution ;

Attendu que cet article dispose que le Tribunal suprême statue souverainement en matière administrative sur les recours en annulation pour excès de pouvoirs formés contre les décisions des diverses autorités administratives et les ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois, ainsi que sur l'octroi des indemnités qui en résultent et, par ailleurs, sur les recours en interprétation et les recours en appréciation de validité des décisions des diverses autorités administratives et les ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois ;

Attendu que la demande d'indemnité, à déterminer après expertise, dont le tribunal est saisi procède de la même cause que celle antérieurement soumise au Tribunal suprême, objet de l'arrêt précité ;

Qu'il ressort en effet de leurs écritures judiciaires que les demandeurs critiquent les conditions dans lesquelles est intervenue l'ordonnance souveraine du 14 mars 1970, d'où résulterait l'indemnisation sollicitée, et font valoir par ailleurs, comme fondement juridique de leur demande, leurs droits pécuniaires nés de la suppression de l'office, de l'omission fautive de l'Administration de les indemniser à l'époque de cette suppression, et, enfin, de l'irrégularité de l'ordonnance du 14 mars 1970 qui découlerait des circonstances des démission forcée et suppression d'office considérées ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'examen d'une telle demande requiert une appréciation de validité, au regard des règles du droit public, de l'ordonnance souveraine du 14 mars 1970 puisque l'octroi de l'indemnisation actuellement réclamée suppose, en l'état de l'arrêt précité du Tribunal suprême qui s'impose aux parties, que ladite ordonnance ait été de nature à faire l'objet d'une annulation pour excès de pouvoir ;

Attendu que, si le Tribunal suprême a seul compétence en vertu de l'article 90.B de la constitution pour statuer sur les demandes d'indemnité consécutives aux annulations pour excès de pouvoir qu'il prononce, il n'est pas dérogé par cet article à la compétence de droit commun prévue par l'article 12 de la loi n. 783 du 15 juillet 1965 ;

Que, par suite, le tribunal est compétent pour décider de l'octroi d'une indemnisation à raison de fautes tirées de l'illégalité d'actes administratifs ou réglementaires et ce, notamment, après expiration des délais d'un éventuel recours pour excès de pouvoir dirigé contre ces actes ;

Attendu que, pour autant, le tribunal ne saurait, sans méconnaître les dispositions de l'article 90.B de la constitution, se substituer au Tribunal suprême pour apprécier la validité desdits actes, non plus que les annuler ;

Qu'il s'ensuit qu'en l'espèce et en l'état des demandes dont il est saisi le tribunal doit, d'une part, se déclarer incompétent pour prononcer l'annulation qui lui est demandée de la décision du ministre d'État du 4 juin 1984 et, d'autre part, surseoir à statuer sur la demande d'indemnité formulée par les époux S. jusqu'à ce que, ceux-ci ayant saisi le Tribunal suprême sur le fondement des articles 90.B 3  de la constitution et 16 de l'ordonnance souveraine n. 2984 du 16 avril 1963, cette haute juridiction se soit prononcée quant à la validité, au regard des règles du droit public, d'une part de l'ordonnance souveraine du 14 mars 1970 portant suppression, sans indemnité concomitante, de l'office notarial de R. S. et acceptation de la démission de ce dernier, d'autre part, de la décision du ministre d'État du 4 juin 1984 pour ce qui est des modalités d'indemnisation qu'elle édicte, contestées en leur principe par les demandeurs ;

Et attendu que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal

Statuant contradictoirement,

Donne acte à l'État de ce qu'il confirme le droit des époux S. à percevoir l'indemnisation de la privation du droit de présentation consécutive à la suppression de l'office notarial constituant un bien de la communauté desdits époux ;

Se déclare incompétent pour prononcer l'annulation de la décision du ministre d'État en date du 4 juin 1984 ;

Sursoit à statuer pour le surplus ;

Renvoie de ce chef les époux S. à saisir le Tribunal suprême d'un recours en appréciation de validité portant d'une part, sur l'ordonnance souveraine n. 4422 du 14 mars 1970, d'autre part, sur la décision précitée du ministre d'État ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Sbarrato et J.-Ch. Marquet, av. déf. ; Lyon-Caen et Piwnica, av. (Barreau de Paris).

Note

Voir l'arrêt d'incompétence rendu par le Tribunal suprême le 6 mars 1985.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25338
Date de la décision : 21/05/1987

Analyses

Public - Général ; Responsabilité (Public)


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : État de Monaco.

Références :

Tribunal suprême le 6 mars 1985
ordonnance souveraine du 14 mars 1970
ordonnance souveraine n. 4422 du 14 mars 1970
ordonnance souveraine n. 2984 du 16 avril 1963
article 12 de la loi n. 783 du 15 juillet 1965


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-05-21;25338 ?

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