La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/1987 | MONACO | N°25337

Monaco | Tribunal de première instance, 21 mai 1987, S. c/ Dame D.


Abstract

Divorce

Preuve - Exclusion du témoignage des descendants

Résumé

En matière de divorce, au regard des dispositions de l'article 206-6 du Code civil, tous témoignages, même indirects, émanant des descendants sont exclus, qu'il s'agisse d'enfants légitimes, naturels, voire issus d'un premier lit comme en l'espèce ; il y a donc lieu d'écarter, en l'occurrence, des débats les attestations émamant de ceux-ci.

Motifs

LE TRIBUNAL, 

Attendu que par l'exploit susvisé, S. né le 21 août 1943 à Monaco, de nationalité monégasque,

a régulièrement assigné en divorce D., née le 28 janvier 1939 à Sierck-les-Bains (Moselle), de nationalité mo...

Abstract

Divorce

Preuve - Exclusion du témoignage des descendants

Résumé

En matière de divorce, au regard des dispositions de l'article 206-6 du Code civil, tous témoignages, même indirects, émanant des descendants sont exclus, qu'il s'agisse d'enfants légitimes, naturels, voire issus d'un premier lit comme en l'espèce ; il y a donc lieu d'écarter, en l'occurrence, des débats les attestations émamant de ceux-ci.

Motifs

LE TRIBUNAL, 

Attendu que par l'exploit susvisé, S. né le 21 août 1943 à Monaco, de nationalité monégasque, a régulièrement assigné en divorce D., née le 28 janvier 1939 à Sierck-les-Bains (Moselle), de nationalité monégasque, qu'il a épousée le 26 février 1977 à Monaco ;

Que les époux ont, selon contrat préalablement établi à Nice par Maître Benne, notaire, le 16 février 1977, adopté le régime matrimonial de la séparation de biens ;

Qu'aucun enfant n'est issu de cette union ;

Attendu que S. fonde sa demande sur le comportement injurieux de son épouse qui n'aurait présenté à son encontre le 8 mai 1985 une requête en divorce qu'afin d'être autorisée à résider seule au domicile conjugal pour y vivre en toute indépendance, et ce, sans avoir poursuivi la procédure en divorce au-delà de la citation en conciliation du 22 mai 1985 ; que par conclusions postérieures, S. fait en outre valoir que son épouse se serait rendue coupable d'une liaison adultérine qu'établissent à suffisance les termes d'une lettre adressée par celle-ci à son amant ;

Qu'une telle inconduite rendant selon lui tout à fait intolérable le maintien du lien conjugal, le demandeur s'estime fondé à solliciter le prononcé du divorce aux torts exclusifs de D. ;

Attendu que D. - qui conteste quant à elle formellement les griefs articulés à son encontre par S. - sollicite reconventionnellement le prononcé du divorce aux torts exclusifs de ce dernier ; qu'au soutien de ses prétentions, l'épouse expose que dès la fin de l'année 1984, S. lui faisait de fréquentes scènes de ménage très pénibles en présence de ses enfants d'un premier lit, et avait concrétisé sa décision de rupture au mois d'avril 1985, ainsi qu'en atteste un constat d'abandon du domicile conjugal dressé par Maître Boisson-Boissière, huissier, outre diverses attestations de parents et amis du couple qu'elle verse aux débats ;

Que la défenderesse évoque en outre le comportement inadmissible de son époux après son départ, celui-ci n'ayant plus contribué aux charges du ménage, notamment au remboursement de divers crédits, et allant même jusqu'à résilier des polices d'assurance-habitation, concernant tant le domicile conjugal que la résidence secondaire ;

Que répondant par ailleurs à l'argumentation développée par S., D. fait en outre valoir que l'assistance judiciaire lui ayant été refusée, elle n'avait pas eu les moyens financiers de poursuivre la procédure de divorce introduite à l'encontre de son mari qui ne participait plus du tout aux dépenses du ménage depuis le mois d'avril 1985, et l'avait laissée seule avec trois enfants à charge d'un premier lit ;

Que s'agissant enfin de l'adultère dont elle se serait rendue coupable, et dont elle nie formellement la réalité, D. expose que la missive manuscrite versée aux débats par son époux n'est qu'un simple exercice littéraire, voire un projet de roman, dont elle reconnaît être l'auteur, mais qui n'a jamais été expédié à qui que ce soit, et lui a été dérobé dans des cartons par son époux en quête de griefs à son encontre ;

Qu'en l'état de tels agissements constitutifs à son égard des injures graves, D. s'estime fondée à solliciter reconventionnellement le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son époux ;

Attendu que l'épouse demande également la condamnation de S. au paiement d'une somme de 7 000 F par mois à titre de pension alimentaire pour elle-même, ladite pension devant être indexée annuellement sur l'indice des prix à la consommation des ménages urbains publié par l'I.N.S.E.E., et ce, avec exécution provisoire de ce chef du jugement à intervenir nonobstant appel ;

Que D. sollicite enfin la condamnation de S. à lui payer une somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice matériel et moral subi par elle du fait du divorce, et dont la responsabilité incombe selon elle à son époux ;

Sur ce,

I. Sur la demande principale en divorce

Attendu, s'agissant du premier grief formulé par S. à l'encontre de son épouse, tiré du comportement injurieux adopté par celle-ci du fait de la procédure de divorce introduite le 8 mai 1985, puis abandonnée sans raison apparente, qu'il ressort des pièces produites que le Bureau d'assistance judiciaire a, lors de sa réunion du 23 mai 1985, refusé le bénéfice de l'assistance judiciaire à D., laquelle, fonctionnaire en Principauté de Monaco, justifie ce jour de revenus mensuels moyens de l'ordre de 9 470 F et n'a de toute évidence pas dû abandonner la poursuite de cette procédure de divorce pour une impécuniosité qui n'apparaît guère établie, contrairement à ses allégations à cet égard ;

Attendu, en ce qui concerne le second grief tiré de l'adultère de l'épouse que S. verse aux débats un document écrit de la main de cette dernière évoquant l'existence d'une liaison entretenue par une dénommée « Lulu » avec un individu surnommé « Doc » ;

Attendu que D., alléguant le caractère exclusivement romanesque de ce courrier, en attribue la rédaction à une période de créativité littéraire au cours de laquelle elle concevait le désir de devenir écrivain, et expose que ce document non daté et ne portant mention d'aucun destinataire, n'a pas été expédié et n'a pu que lui être dérobé par S. à son domicile ;

Attendu que l'analyse de ce document rédigé de la main de l'épouse qui ne l'a pas contesté, ne permet pas de déterminer l'identité de son destinataire éventuel, et donc d'établir à la conviction du tribunal l'existence d'un adultère dont D. aurait pu se rendre coupable ;

Attendu cependant que la forme et la teneur de ce document excluent qu'il puisse s'agir d'un exercice littéraire et révèlent tant les sentiments de mépris de D. à l'encontre de son mari, que sa désaffection manifeste et sa volonté irrévocable de rupture ; qu'à cet égard, les multiples détails contenus dans ce projet de courrier revêtent pour S. un caractère tout à fait outrageant et vexatoire, notamment les propos suivants : « ...Je voudrais faire l'amour avec toi, chéri, vraiment, non plus me faire épingler... J'en ai marre de me prostituer avec mon mari... C'est bien de la prostitution que de coucher avec quelqu'un pour lui faire plaisir, pour honorer son contrat, pour préserver son bien-être... » ;

Qu'il s'ensuit qu'un tel comportement, gravement injurieux envers S., s'avère tout à fait incompatible avec le maintien du lien conjugal et justifie la demande principale en divorce ;

II. Sur la demande reconventionnelle en divorce

Attendu que D. produit à l'appui de sa demande diverses attestations, dont deux émanant d'I. et V. B., ses filles nées d'une précédente union ; qu'il convient de rappeler à cet égard qu'en matière de divorce, au regard des dispositions de l'article 206-6 du Code civil, tous témoignages, même indirects, des descendants sont exclus, et ce, qu'il s'agisse d'enfants légitimes, naturels, voire d'un premier lit comme en l'espèce ; qu'il y a donc lieu d'écarter en l'occurrence des débats les attestations d' I. B. et de V. B. ;

Attendu que l'analyse des autres attestations produites émanant de M. B. permet d'établir qu'alors que S. avait fait des avances à cette jeune femme qu'il voulait séduire, il avait fait preuve d'un comportement agressif et violent à l'égard de D. qui constituait un obstacle à ses entreprises galantes ;

Que la véracité de ce comportement s'évince encore des propos tenus par G. L. qui évoque les fréquentes scènes de ménage provoquées par S. et rapporte les aveux de celui-ci qui l'avait informée de sa lassitude d'avoir à charge « trois enfants dont il n'avait que faire » et une « femme plus âgée que lui » ;

Attendu qu'il ressort enfin d'un procès-verbal de constat dressé le 22 avril 1985 par Maître Boisson-Boissière que S. avait abandonné à cette date le domicile conjugal sis [adresse] à Monaco, où aucun effet masculin ne se trouvait plus ;

Attendu qu'une telle attitude a constitué une violation grave et renouvelée aux devoirs et obligations résultant du mariage rendant intolérable le maintien du lien conjugal et justifiant la demande reconventionnelle en divorce ;

Attendu en conséquence que les éléments de la cause établissant le bien-fondé des griefs invoqués par les deux parties, il y a lieu de prononcer le divorce à leurs torts réciproques ;

Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de pension alimentaire et dommages-intérêts formulée par D. ;

Attendu que les dépens doivent suivre la succombance respective des parties ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Prononce le divorce des époux D.-S., à leurs torts et griefs réciproques, avec toutes conséquences de droit ;

Fixe au 10 juillet 1985 les effets de la résidence séparée des époux ;

Déboute D. de ses demandes de pension alimentaire et de dommages-intérêts ;

Ordonne la liquidation du régime matrimonial ayant pu exister entre les époux ;

Commet Maître Jean-Charles Rey, notaire, pour procéder à cette liquidation et Madame Brigitte Gambarini, juge au siège, pour suivre ces opérations et faire rapport en cas de difficultés ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Lorenzi et Marquilly, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25337
Date de la décision : 21/05/1987

Analyses

Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : Dame D.

Références :

article 206-6 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-05-21;25337 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award