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07/05/1987 | MONACO | N°25330

Monaco | Tribunal de première instance, 7 mai 1987, E. c/ H.


Abstract

Conflit de loi - divorce

Epoux de nationalité allemande - Loi allemande applicable.

Liquidation de biens

Compétence de la juridiction monégasque quant aux difficultés de la liquidation - Loi allemande applicable

Résumé

La juridiction monégasque qui, ayant prononcé le divorce de deux époux de nationalité allemande mariés en Allemagne selon les conditions de fond de la loi allemande, a ordonné la liquidation de leurs biens demeure compétente pour connaître des difficultés relatives à leur consistance sans pour autant pouvoir ordo

nner le partage des biens situés à l'étranger par application a contrario de l'article 3-1° du Code...

Abstract

Conflit de loi - divorce

Epoux de nationalité allemande - Loi allemande applicable.

Liquidation de biens

Compétence de la juridiction monégasque quant aux difficultés de la liquidation - Loi allemande applicable

Résumé

La juridiction monégasque qui, ayant prononcé le divorce de deux époux de nationalité allemande mariés en Allemagne selon les conditions de fond de la loi allemande, a ordonné la liquidation de leurs biens demeure compétente pour connaître des difficultés relatives à leur consistance sans pour autant pouvoir ordonner le partage des biens situés à l'étranger par application a contrario de l'article 3-1° du Code de procédure civile.

C'est en considération également de la loi allemande que doit être défini le moment de la prise d'effet du lien matrimonial, que doit être fixé le jour où sera appréciée la masse partageable constituée des biens communs, et que doit être précisée l'incidence qu'a eue le divorce quant à l'application du régime matrimonial et partant, aux conditions de liquidation de celui-ci.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Considérant les faits suivants :

E. née le 6 janvier 1913 à Dusseldorf (Allemagne), et H. né le 26 juin 1918 à Jever (Allemagne) ayant tous deux la nationalité allemande se sont unis par le mariage le 11 décembre 1969 à Jever, sans avoir préalablement conclu de convention matrimoniale ;

Aux termes d'un jugement devenu définitif et rendu par défaut faute de comparaître à l'encontre de H. à la date du 26 juillet 1985, le tribunal faisant application de la loi allemande quant aux conditions de fond du divorce a prononcé celui-ci avec toutes conséquences de droit à la requête de l'épouse au motif que les parties vivaient séparées depuis plus de trois ans, circonstance prévue par les articles 1565 et 1566 alinéa 2 du Code civil allemand ;

Par le même jugement, et en considérant que les règles régissant l'obligation alimentaire relèvent des lois de police et de sûreté qui, aux termes de l'article 3 du Code civil, s'appliquent aux étrangers habitant à Monaco, le tribunal, faisant application des dispositions de l'article 27 de l'ordonnance du 3 juillet 1907 sur le divorce et la séparation de corps, alors en vigueur, a condamné H. à payer à son ancienne épouse une pension alimentaire mensuelle et indexée de 9 000 F et débouté E. du surplus de ses demandes en ce qu'elle sollicitait d'être autorisée à percevoir directement en Allemagne, au titre de la pension précitée, divers revenus devant être versés par des tiers à son mari ;

En conséquence du divorce le jugement susvisé a désigné Maître Crovetto, notaire à Monaco, pour procéder à la liquidation des intérêts communs existant entre les époux, et commis un juge au siège pour suivre les opérations de liquidation et faire rapport au Tribunal en cas de difficultés ;

Après avoir été convoqué par le notaire désigné, à l'effet d'être présent à l'ouverture desdites opérations, H. a fait connaître à ce notaire, par une lettre en langue allemande, datée du 14 août 1986 que son état de santé ne lui permettait pas de se rendre à Monaco le 20 août 1986 comme il lui était demandé et que, sauf accord de son ancienne épouse avant le 1er septembre 1986, la liquidation des intérêts communs sera faite par un tribunal allemand en conformité d'une correspondance émanant du ministère allemand de la Justice citée audit courrier ;

Dans une note concomitamment adressée à son ancienne épouse en annexe à celui-ci, H. apparaissait par ailleurs proposer à cette dernière, au titre des conséquences du divorce, de lui attribuer à compter du 1er octobre 1986 :

1° un terrain sis dans l'île de Langerooge,

2° un terrain près de Sospel,

3° une villa avec terrain près de Sospel,

4° un appartement à Monte-Carlo,

5° le remboursement d'un prêt fait par un nommé M. à Jever s'élevant à 600 DM par mois,

6° le produit de la vente d'une maison sise à Jever, [adresse], ce après règlement d'une dette foncière d'environ 40 000 DM,

7° enfin et par voie de cession, une créance d'environ 250 000 DM qu'il détenait à l'encontre du fils de son ancienne épouse ;

Par la même note, et pour sa part, H. indiquait vouloir conserver la propriété exclusive d'une station service sise à Jever, [adresse], et ce, à compter également du 1er octobre 1986 ;

Il y précisait enfin que, sauf accord écrit de son ancienne épouse donné avant le 1er septembre 1986, il entendait que les conséquences du divorce soient réglées par un tribunal allemand ;

En réponse à ces prétentions et à la date ci-dessus indiquée fixée pour l'ouverture des opérations de liquidation de la communauté de biens ayant existée entre les époux, E. a fait connaître à Maître Auréglia (notaire ayant alors substitué Maître Crovetto et constaté le défaut de comparution de H.) qu'elle n'estimait pas avoir à discuter les termes ci-dessus rapportés de la note de son ancien époux dès lors que la totalité des biens immobiliers et de l'argent dont elle disposait avec son mari au moment de leur séparation lui appartenait en propre pour constituer le remploi de la vente d'un bien immobilier sis à Dusseldorf qu'elle avait recueilli dans la succession de sa mère décédée en 1970 ;

Dans ces conditions et constatant l'impossibilité dans laquelle se trouvait Maître Crovetto de procéder à la mission dévolue par le jugement précité, Maître Auréglia a dressé un procès-verbal de défaut et de dire sur la base duquel le juge commis à la surveillance des opérations de liquidation dont s'agit, ayant constaté la non-conciliation des parties en l'état d'un défaut de comparution de H. relevé le 7 janvier 1987, a renvoyé celles-ci devant le tribunal à l'audience du 8 janvier 1987, à l'effet qu'il y soit utilement statué sur les difficultés de la liquidation ;

Ce procès-verbal de non-conciliation a été par la suite dénoncé à H. avec traduction en langue allemande par un acte d'huissier en date du 18 mars 1987 contenant à l'adresse de cette partie sommation d'avoir à comparaître par-devant le tribunal à l'audience du 2 avril 1987, ledit acte ayant été régulièrement porté le 13 mars 1987 à la connaissance personnelle de H. qui y a répondu par une lettre datée du 27 mars 1987 et adressée au tribunal, de laquelle il apparaît ressortir qu'il conteste tant la compétence des juridictions monégasques pour connaître du différend ci-dessus rapporté l'opposant à son épouse, que le recours au droit monégasque pour l'appréciation d'un tel différend ;

Sur quoi,

Attendu que la liquidation du régime de communauté correspondant au régime matrimonial légal allemand sous l'empire duquel se sont placées les parties lors de leur mariage, liquidation à laquelle font obstacle les prétentions contradictoires de ces mêmes parties consignées dans le procès-verbal précité de Maître Auréglia, requiert que soit établie avec précision la consistance des biens propres de chacun des anciens époux, sur lesquels seront, s'il y a lieu, exercées par ceux-ci, respectivement, leurs reprises ainsi que celle des biens communs, activement et passivement, à l'effet que soit déterminée la masse partageable, au regard de laquelle chacune des parties pourra éventuellement faire valoir ses droits ;

Qu'une telle détermination devra être faite selon la loi allemande déjà appliquée par le tribunal quant aux conditions de fond du divorce intervenu ;

Qu'il est de principe, en effet, que c'est cette loi qui, comme loi du divorce, doit définir le moment auquel a eu effet entre les parties la rupture de leur lien matrimonial, qu'elle fixera notamment le jour auquel sera appréciée la masse partageable constituée des biens communs ;

Que, d'autre part, c'est encore à cette même loi allemande, considérée cette fois comme loi du régime matrimonial des époux à raison tant de leur nationalité que du lieu de leur mariage, qu'il reviendra de préciser l'incidence qu'a eue leur divorce quant à l'application dudit régime, et partant, aux conditions de liquidation de celui-ci ;

Attendu que la demanderesse ne s'est nullement expliquée dans la présente instance sur la teneur de cette loi quant aux divergences de droit la séparant de son ancien mari, non plus qu'en fait sur l'inventaire des biens actuels relevant du régime des propres de chaque époux ou de celui de leur communauté dont s'agit ;

Que s'il est de jurisprudence, sur le fondement a contrario de l'article 3-1° du Code de procédure civile, que les juridictions monégasques n'ont pas compétence pour ordonner le partage judiciaire de biens situés à l'étranger, ce qui apparaît être le cas de certains immeubles dont les anciens époux ont eu la jouissance durant leur mariage, il doit être en revanche admis que le tribunal, après avoir ordonné la liquidation d'une communauté matrimoniale, demeure compétent pour connaître notamment des litiges portant sur la consistance de celle-ci ;

Que dans ces conditions et en l'état de l'absence d'éléments suffisants soumis à cet égard à son appréciation, le tribunal estime devoir procéder à une expertise sans statuer plus avant, tous autres droits des parties demeurant dès lors réservés, à l'effet que soit, pour l'essentiel, fait le compte des parties sur la base des règles de droit applicables en l'espèce ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Dit et juge que la date d'effet entre les parties de leur divorce, en ce qui concerne leurs biens, doit être fixée selon les règles de droit civil allemand de même que la détermination de leurs biens propres et de leurs biens communs et, d'une manière générale, la liquidation de leur régime matrimonial ;

Avant dire droit au fond sur ces derniers chefs quant au différend séparant les parties, en suite du procès-verbal de difficultés susvisé,

Désigne Monsieur Paul Mazzoni à Nice (06000), en qualité d'expert, lequel aura pour mission, serment préalablement prêté, après s'être entouré de l'avis de tout jurisconsulte de son choix quant à la teneur des règles du droit allemand devant être appliquées en l'espèce, de rapporter au tribunal tous éléments de fait lui permettant de déterminer :

1° l'inventaire en consistance et valeur à la date d'effet du divorce :

a) des biens propres de chacun des anciens époux,

b) de leurs biens communs ;

2° les dettes ou créances réciproques pouvant mutuellement exister entre chacune des parties préalablement au partage de leurs biens communs et découlant notamment de l'usage antérieur de leurs biens propres ;

3° les récompenses pouvant être dues par ou à la communauté qui viendront modifier la masse des biens communs ;

4° les modalités tant du partage de ceux-ci que de la liquidation du régime ;

Dit que l'expert ainsi commis répondra dans le cadre de sa mission à tous dires écrits des parties qu'il conciliera si faire se peut et qu'il déposera un rapport de ses opérations dans les quatre mois de leur début ;

Dit que l'avance des frais de l'expertise sera faite par E. ;

Désigne Madame Monique François, Première Juge, à l'effet de suivre les opérations d'expertise ;

Réserve les dépens ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Léandri, av. déf. ; Delsol, av. (Barreau de Nice).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25330
Date de la décision : 07/05/1987

Analyses

Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps ; Droit des biens - Biens et patrimoine


Parties
Demandeurs : E.
Défendeurs : H.

Références :

article 27 de l'ordonnance du 3 juillet 1907
articles 1565 et 1566 alinéa 2 du Code civil
article 3 du Code civil
article 3-1° du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-05-07;25330 ?

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