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07/05/1987 | MONACO | N°25329

Monaco | Tribunal de première instance, 7 mai 1987, Entreprise monégasque de travaux c/ P.


Abstract

Contrefaçon

Dénomination sociale - Imitation intentionnelle (non) - Caractère spécifique et original (non) - Activité différente.

Résumé

Une société ayant pour objet l'étude et la réalisation de tous travaux publics, en particulier la construction de génie civil, dénommée « Entreprise monégasque de travaux » (en abrégé E.M.T.) qui invoque la priorité de l'usage de son appellation laquelle est générique et dépourvue d'originalité est mal fondée à reprocher à une autre société dénommée « Entreprise monégasque de travaux ac

robatiques » (en abrégé E.M.T.A.) de lui faire une concurrence déloyale et de créer un risque de confusion d...

Abstract

Contrefaçon

Dénomination sociale - Imitation intentionnelle (non) - Caractère spécifique et original (non) - Activité différente.

Résumé

Une société ayant pour objet l'étude et la réalisation de tous travaux publics, en particulier la construction de génie civil, dénommée « Entreprise monégasque de travaux » (en abrégé E.M.T.) qui invoque la priorité de l'usage de son appellation laquelle est générique et dépourvue d'originalité est mal fondée à reprocher à une autre société dénommée « Entreprise monégasque de travaux acrobatiques » (en abrégé E.M.T.A.) de lui faire une concurrence déloyale et de créer un risque de confusion dans l'esprit du public en contrefaisant ainsi sa dénomination sociale par la simple adjonction du mot « acrobatiques », alors que l'activité de la seconde, qui met en œuvre les techniques de l'alpinisme et de la spéléologie pour des travaux de réfection ou de contrôles très spécifiques effectués sur des édifices et ouvrages d'art et dans des sites naturels, se différencie nettement de la première et concerne une clientèle différente.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Considérant les faits suivants :

La société anonyme monégasque dénommée Entreprise monégasque de Travaux, en abrégé E.M.T., ayant pour objet « l'étude et la réalisation de tous travaux publics en particulier de construction de génie civil, terrestre ou maritime, de démolition et de terrassement, ainsi que la prestation de services accessoires » et dont l'exploitation principale consiste en l'utilisation d'une centrale à béton située sur le terre-plein de Fontvieille a été immatriculée le 18 octobre 1973 au répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco ;

Sous la date du 11 juin 1985, S. P. exerçant personnellement le commerce, pareillement à Monaco, s'est fait immatriculer audit répertoire en y faisant inscrire comme enseigne de son activité la dénomination « Entreprise monégasque de travaux acrobatiques », et comme objet de son commerce : « Entreprise spécialisée dans certains travaux du bâtiment » ;

Dans une notice publicitaire destinée à sa clientèle et sous l'abréviation « E.M.T.A. » correspondant au sigle de son enseigne, S. P., à l'effet de décrire son activité, consistant pour l'essentiel à utiliser les techniques de l'alpinisme et de la spéléologie pour l'accomplissement de travaux sur les sites d'accès difficile ou périlleux, mentionne les rubriques suivantes : Contrôles de sécurité, Nettoyages spéciaux, Purge de rochers, Réparations inaccessibles, Vérifications acrobatiques, Nettoyage de campagnes, Travaux de sécurité que « Murs, Parois rocheuses, Immeubles, Tours, Monuments, Ponts, Façades, Fortifications, Églises, Toits, Campagnes, Arbres, Pylônes, Chemins, Châteaux, etc. » ;

Au motif que l'enseigne « Entreprise monégasque de travaux acrobatiques (E.M.T.A.) » constituerait une contrefaçon de sa dénomination sociale, d'utilisation antérieure, la Société « Entreprise monégasque de travaux (E.M.T.) », par l'exploit d'assignation susvisé, demande au tribunal de constater cette circonstance et de faire interdiction, par voie de conséquence, à S. P. d'user à l'avenir de l'enseigne de son commerce personnel ce, sous astreinte de 5 000 F par infraction constatée en ordonnant la publication du jugement ainsi requis dans deux quotidiens locaux aux frais du défendeur et en condamnant en outre celui-ci à réparer le préjudice qu'elle aurait subi, résultant des agissements qu'elle lui impute, par l'allocation d'une somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts ;

La société demanderesse soutient à ce propos, que la similitude des deux appellations susvisées, utilisées dans une branche d'activité qu'elle estime similaire pour elle-même et pour P., est de nature à créer une grave confusion dans l'esprit du public, à lui causer dès lors un dommage incontestable et à caractériser de surcroît une concurrence déloyale à son égard de la part du défendeur, lequel, en dépit d'une sommation interpellative qu'elle lui avait adressée le 15 avril 1986 afin qu'il modifie sa raison commerciale, a poursuivi sous l'enseigne litigieuse une campagne publicitaire antérieurement entamée dont elle dit avoir souffert ;

En défense, S. P. qui conclut au rejet de la demande et à ce que lui soit versée une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive par la Société Entreprise monégasque de travaux, prétend que celle-ci ne peut nullement se prévaloir de ce qu'il aurait usurpé la dénomination sociale précitée dès lors, d'une part, que l'activité qu'il exerce, s'il elle s'exécute comme celle de la demanderesse dans le cadre de travaux publics, ne concerne en revanche que des travaux acrobatiques très spécifiques exclusifs d'une activité de construction et visant une clientèle certainement différente de celle de la Société E.M.T. qui ne met pas en œuvre comme lui les techniques de l'alpinisme, en sorte que l'on ne saurait se placer en l'espèce sur le terrain de la concurrence, et encore moins de la concurrence déloyale, et que, d'autre part, la contrefaçon de dénomination qui lui est reprochée et qui ne résulterait que de l'adjonction du terme « acrobatiques » à ceux de « Entreprise monégasque de travaux » ne serait nullement critiquable puisque ces derniers termes étant génériques et non spécifiques, la Société E.M.T. ne saurait interdire à d'autres l'usage de ceux-ci alors et surtout qu'en l'occurrence le mot adjoint permettrait à l'évidence de différencier même dans l'esprit d'une clientèle peu attentive, et au surplus distincte, l'entreprise qu'il exploite de celle de la demanderesse ;

Sur quoi,

Attendu que, si la priorité de l'usage d'une dénomination sociale peut créer au profit de la personne morale justifiant de cette priorité un droit d'appropriation opposable aux tiers et faisant obstacle à l'imitation intentionnelle par une entreprise concurrente, d'une telle dénomination en considération du risque de confusion pouvant en résulter dans l'esprit antérieur à ce titre invoqué, n'ait porté que sur une appellation particulière de nature à individualiser l'entreprise désignée et à la distinguer d'une autre entreprise du même genre, puisqu'il est de principe qu'une raison sociale ou commerciale ne peut donner naissance par son utilisation à un droit privatif, dont elle serait l'objet, qu'au cas où elle aurait un caractère original dans l'activité commerciale envisagée, ce qui exclut qu'elle comporte uniquement des termes ou expressions se trouvant par leur généralité dans le domaine public, et pouvant être, dès lors, légitimement utilisée sans faute, par autrui ;

Attendu qu'en l'espèce le vocable « entreprise monégasque de travaux » doit être regardé comme constituant par la signification des termes qui le composent une désignation générique et nécessaire, notamment pour toute activité se rapportant au bâtiment ou au génie civil et ayant son siège à Monaco, et comme dépourvu par là même, de tout caractère distinctif, alors par ailleurs que la juxtaposition de ses termes ne présente en soi aucune originalité ;

Qu'il s'ensuit que l'utilisation d'un tel vocable n'a pu faire l'objet d'appropriation par la société demanderesse ;

Attendu que l'adjonction à cette dénomination banale du mot « acrobatiques » loin de faire prendre à celle-ci un caractère spécifique, qu'elle n'avait pas, quant à la désignation de la seule société demanderesse, a individualisé en revanche l'activité de P. ce qui exclut le risque de confusion invoqué en l'espèce au soutien de la demande ;

Que l'usurpation alléguée de raison sociale n'est dès lors pas établie ;

Attendu qu'alors même qu'une imitation intentionnelle aurait été en l'occurrence caractérisée au travers d'un emprunt non autorisé au vocable considéré, à supposer celui-ci protégeable de par le caractère susceptible d'appropriation de son usage, elle ne serait nullement répréhensible en raison de la particularité des clientèles propres à chacune des activités considérées en l'espèce, puisqu'il suffit de rappeler à cet égard, ainsi qu'il est constant, que celles-ci procèdent pour la demanderesse de lourds travaux inhérents à la construction de bâtiments dans le domaine de la production générale du béton, et qu'elles ne tiennent en revanche, pour P., qu'à de ponctuels travaux de réfection ou de contrôle mis en œuvre non seulement sur des édifications et ouvrages d'art mais encore en sites naturels, et avec un matériel sans commune mesure avec celui employé par la Société E.M.T. ;

Que celle-ci ne peut être en conséquence admise à invoquer comme elle l'a fait l'existence d'une concurrence déloyale de la part de P. ayant nui à sa clientèle et lui ayant causé un préjudice, qu'au surplus elle n'établit pas, en sorte qu'elle doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu que, pour autant, dès lors qu'elle apparaît découler d'une appréciation défectueuse mais non fautive de l'étendue de ses droits, son action ne saurait justifier les dommages-intérêts qui ont été reconventionnellement réclamés par P. ;

Attendu enfin que les dépens du présent jugement doivent être supportés par la Société E.M.T. qui y succombe ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute la Société « Entreprise monégasque de travaux (E.M.T.) » de l'ensemble de ses demandes et S. P. de sa demande reconventionnelle ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Sbarrato, av. déf. et Cohen, av. (Barreau de Nice).

Note

Cette décision a été confirmée par arrêt de la Cour d'appel du 12 juillet 1988.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25329
Date de la décision : 07/05/1987

Analyses

Travaux publics ; Sociétés - Général


Parties
Demandeurs : Entreprise monégasque de travaux
Défendeurs : P.

Références :

Cour d'appel du 12 juillet 1988


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-05-07;25329 ?

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