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30/04/1987 | MONACO | N°25325

Monaco | Tribunal de première instance, 30 avril 1987, Société nouvelle des Établissements Cobry c/ M.


Abstract

Contrat de travail

Licenciement - Rupture abusive : conditions - Appréciation des dommages-intérêts

Résumé

Étant énoncé que des dommages-intérêts pour rupture abusive d'un contrat de travail ne peuvent être alloués au profit d'un salarié sur le fondement de l'article 13 de la loi n. 729 du 16 mars 1963, qu'autant que serait démontrée à l'encontre de l'employeur une faute circonstancielle commise dans l'exercice de son droit de résiliation unilatérale, caractérisée notamment par la malveillance ou la légèreté blâmable, il s'avère en

l'espèce que l'employeur a invoqué un motif de licenciement dont il n'a pas établi la réalité, d...

Abstract

Contrat de travail

Licenciement - Rupture abusive : conditions - Appréciation des dommages-intérêts

Résumé

Étant énoncé que des dommages-intérêts pour rupture abusive d'un contrat de travail ne peuvent être alloués au profit d'un salarié sur le fondement de l'article 13 de la loi n. 729 du 16 mars 1963, qu'autant que serait démontrée à l'encontre de l'employeur une faute circonstancielle commise dans l'exercice de son droit de résiliation unilatérale, caractérisée notamment par la malveillance ou la légèreté blâmable, il s'avère en l'espèce que l'employeur a invoqué un motif de licenciement dont il n'a pas établi la réalité, dans le dessein, alors qu'il éprouvait des aléas financiers, d'échapper à ses obligations envers son employée, ce qui a eu pour effet de mettre celle-ci de manière soudaine dans une situation pécuniaire momentanément difficile.

Dans l'appréciation des dommages-intérêts, sont pris en considération la faible ancienneté de l'employée dans l'entreprise et la courte durée du chômage après le licenciement.

Motifs

LE TRIBUNAL,

statuant comme juridiction d'appel,

Attendu que R. M. est entrée le 4 février 1985 au service de la société anonyme monégasque dénommée « Société nouvelle des Établissements Cobry », en qualité de secrétaire ;

Que son contrat de travail a été résilié unilatéralement par ladite société, celle-ci lui ayant envoyé à cet effet une lettre de licenciement datée du 9 octobre 1985 par laquelle lui étaient reprochées des fautes graves dans l'exercice de ses fonctions ;

Qu'aux termes d'une lettre explicative ultérieure de l'employeur, en date du 23 octobre 1985, ces fautes auraient consisté dans le fait pour l'employée de fournir régulièrement par téléphone à un ancien cadre de la société nommé L. des renseignements confidentiels intéressant celle-ci ;

Attendu qu'en suite d'un procès-verbal de non-conciliation dressé le 25 novembre 1985, R. M. a saisi le bureau de jugement du Tribunal du travail d'une demande tendant à faire déclarer non valable avec tous effets de droit la lettre de licenciement susvisée, ainsi qu'au paiement de diverses indemnités (préavis : 6 664,19 F, congés payés sur préavis : 666,42 F, dommages-intérêts pour licenciement abusif : 39 985,14 F), ce, pour un total de 49 714,85 F.

Qu'en défense à l'action ainsi introduite, la Société Cobry a conclu au rejet de l'ensemble de ces demandes ;

Attendu que par un jugement contradictoirement rendu le 2 octobre 1986, le Tribunal du travail a estimé que le licenciement de R. M. était intervenu sans faute grave, ni motif valable, et qu'il avait revêtu un caractère abusif ;

Que cette juridiction a en conséquence condamné la Société Cobry, outre aux dépens, à payer à R. M. les sommes réclamées au titre du préavis, des congés payés et de l'indemnité de licenciement, et, par ailleurs, sans faire totalement droit de ce chef à la demande de l'employée, la somme de 4 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, soit au total la somme de 13 729,71 F, R. M. étant, enfin, déboutée du surplus des chefs de sa demande ;

Attendu que, par l'exploit susvisé, la Société Cobry a régulièrement frappé d'appel cette décision ;

Qu'elle en poursuit l'infirmation en faisant grief aux premiers juges de n'avoir pas retenu que le renvoi de R. M., intervenu le 9 octobre 1985, ne présentait aucun caractère abusif et était en revanche justifié en l'état de fautes graves et caractérisées commises sur le plan professionnel par cette employée, laquelle aurait dû être dès lors purement et simplement déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Qu'au soutien de son appel, la Société Cobry estime, sauf à recourir à une expertise, que les manquements qu'elle reproche à son employée résultent d'une attestation établie le 8 janvier 1986 par F. G. ;

Qu'il ressortirait en effet de cette attestation que R. M. aurait, à plusieurs reprises, communiqué à des tiers, et notamment à des personnes en litige avec la Société Cobry, des renseignements confidentiels dont elle avait pu avoir connaissance à l'occasion de son travail, relatifs tant à l'organisation interne de la société, qu'aux mesures que ses dirigeants entendaient adopter pour assurer son développement commercial futur ;

Attendu que cette appelante fait grief, en outre, au jugement entrepris d'avoir considéré que des fautes de classement imputables à R. M. et tenant à ce que des enveloppes contenant des chèques et des traites, avaient été laissées, non ouvertes, au milieu de journaux et de prospectus destinés à être jetés, fautes qui seraient établies par une déclaration de l'employée susnommée datée du 4 septembre 1985, n'avaient pu constituer de la part de cette dernière une faute professionnelle susceptible de justifier le licenciement opéré, au motif que le classement du courrier n'incombait pas à cette employée mais faisait partie du travail entrant normalement dans les fonctions incombant à la secrétaire de direction, alors cependant que celle-ci se trouvait en vacances et qu'il incombait à R. M., en l'absence de sa collègue, de classer tout le courrier arrivant à la société ;

Qu'enfin, elle estime en dernier lieu, que ne serait nullement rapportée la preuve, d'une part, qu'elle aurait mis fin au contrat de travail dont s'agit en commettant une faute génératrice de dommages-intérêts, ni, d'autre part, que ceux fixés par les premiers juges à 4 000 F correspondraient effectivement à un préjudice que R. M. aurait réellement éprouvé par suite de la perte de son emploi ;

Attendu que cette employée, qui a conclu au débouté de la Société Cobry des fins de son appel, a formé pour sa part un appel incident tendant à ce que soit, par infirmation partielle du jugement précité du 2 octobre 1986, déclarée non valable la lettre de licenciement susvisée, qui devrait être, selon elle, renouvelée, et, par ailleurs, à ce que la Société Cobry soit condamnée à lui payer la somme initialement réclamée de 39 985,14 F, à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de contrat de travail ;

Que pour s'opposer à l'appel de la Société Cobry, R. M. soutient que le Tribunal du travail avait à juste titre relevé que l'employeur n'avait pas rapporté la preuve des fautes qu'elle s'était vu imputer ;

Que par ailleurs, à l'appui de son appel incident, l'employée expose pour l'essentiel, d'une part que la signataire de la lettre de licenciement dont s'agit, une dame E., n'avait aucune qualité à la date de cette lettre pour signer celle-ci, et d'autre part, qu'elle a subi un préjudice matériel certain, insuffisamment apprécié par le Tribunal du travail, du fait du licenciement abusif dont elle a été victime, dès lors qu'elle a dû supporter des frais de justice tandis qu'elle se trouvait sans emploi, et que ce n'est qu'en janvier 1986 qu'elle a pu réintégrer un nouveau poste ;

Attendu, sur ce, quant à l'appel principal, que les premiers juges ont à juste titre considéré, par des motifs devant être à cet égard approuvés, qu'il ne résultait pas en fait de la déclaration de F. G., en date du 8 janvier 1986, ni des autres documents produits, au regard des dénégations de R. M., que celle-ci eût commis les faits qui lui étaient reprochés comme constituant, selon la Société Cobry, un motif valable de licenciement et une faute grave, relatifs tant à une fourniture indue de renseignements qu'à une négligence de classement ;

Que la demande d'expertise formulée de ce chef en première instance et en cause d'appel par la Société Cobry, à qui incombe la preuve de l'existence, préalable au licenciement intervenu, d'un motif valable de celui-ci et d'une faute grave de son employée pouvant lui permettre de se dispenser, comme elle l'a fait, du paiement de l'indemnité de licenciement prévue par la loi n. 845 du 27 juin 1968, et de l'indemnité de préavis édictée par la loi n. 729, modifiée, du 16 mars 1963, ne peut qu'être à cet égard rejetée en tant, d'une part, qu'elle apparaît révéler en l'espèce le caractère non patent à la date de licenciement dont s'agit des fautes imputées à R. M. et que, d'autre part, comme l'ont à juste titre indiqué les premiers juges, une telle mesure d'instruction s'avérerait en l'occurrence dépourvue de pertinence faute par la Société Cobry d'avoir invoqué, notamment en cause d'appel et avec suffisamment de précision, les circonstances de fait qu'elle entend vérifier par voie d'expertise ;

Qu'il convient, dès lors, de confirmer la décision du Tribunal du travail en ce qui concerne aussi bien l'indemnité de licenciement que celles de préavis et de congés payés dont la Société Cobry a été déclarée tenue dans les termes du jugement entrepris, lequel apparaît avoir justement calculé le montant desdites indemnités ;

Attendu par ailleurs qu'étant rappelé que les dommages-intérêts pour rupture abusive d'un contrat de travail ne peuvent être alloués au profit d'un salarié sur le fondement de l'article 13 de la loi n. 729 précitée que pour autant que serait établie à la charge de l'employeur une faute circonstancielle que celui-ci aurait commise dans l'exercice de son droit de résiliation unilatérale en se rendant coupable notamment, de malveillance ou légèreté blâmable, il s'avère en l'espèce que la Société Cobry a invoqué un motif de licenciement dont elle n'a pas établi la réalité dans le dessein, alors qu'elle connaissait des difficultés commerciales, d'échapper à ses obligations envers son employée, ce qui a eu pour effet de mettre celle-ci, de manière soudaine, dans une situation pécuniaire momentanément difficile ;

Que, de ce chef, la décision des premiers juges déclarant abusif le licenciement intervenu doit être par voie de conséquence également confirmée, de même que l'appréciation par eux faite de l'indemnité correspondante devant être allouée à R. M., laquelle n'apparaît nullement insuffisante au regard des faits de l'espèce dont il ressort, notamment qu'à la date de son licenciement R. M. avait dans l'entreprise une faible ancienneté et qu'elle a retrouvé un travail trois mois seulement après avoir été congédiée par la Société Cobry ;

Qu'à cet égard, il échet donc de débouter R. M. de son appel incident ;

Qu'il en va pareillement pour ce qui est de l'irrégularité alléguée par celle-ci de la lettre de licenciement, dès lors que le mandat ayant pu être donné à la signataire de cette lettre par l'employeur de R. M. n'a pas été en définitive contesté, quant à ses effets relatifs au licenciement intervenu, par cette employée, celle-ci n'ayant nullement mis en doute la réalité dudit licenciement par le fait même qu'elle l'a dès l'origine prétendu abusif ;

Attendu enfin que la Société Cobry, qui succombe pour l'essentiel, doit supporter les dépens du présent jugement ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

Le Tribunal,

Statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

Reçoit les appels tant principal qu'incident, les déclare mal fondés ;

Confirme le jugement susvisé du Tribunal du travail ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Lorenzi et Sbarrato, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25325
Date de la décision : 30/04/1987

Analyses

Contrats de travail ; Rupture du contrat de travail ; Social - Général


Parties
Demandeurs : Société nouvelle des Établissements Cobry
Défendeurs : M.

Références :

loi n. 845 du 27 juin 1968
article 13 de la loi n. 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-04-30;25325 ?

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