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30/04/1987 | MONACO | N°25323

Monaco | Tribunal de première instance, 30 avril 1987, R. c/ Copropriété de l'immeuble « Sun Tower » - Compagnie d'assurances A.G.F.


Abstract

Accident d travail

Présomption d'imputabilité - Lien causal. Preuve : non à la charge de la victime

Résumé

Dès lors qu'un employé a subi une blessure au crâne pendant et à l'occasion de l'exercice de son service de nettoyage des ascenseurs, pour le compte d'une copropriété, il existe une présomption d'imputabilité résultant des dispositions de l'article 1 de la loi n. 636 du 11 janvier 1958.

Cette présomption rattachant le dommage à l'accident du travail s'applique selon une jurisprudence constante à toutes les suites normales du tra

umatisme concomitant à l'accident.

La preuve du lien de causalité ne saurait être mise à la c...

Abstract

Accident d travail

Présomption d'imputabilité - Lien causal. Preuve : non à la charge de la victime

Résumé

Dès lors qu'un employé a subi une blessure au crâne pendant et à l'occasion de l'exercice de son service de nettoyage des ascenseurs, pour le compte d'une copropriété, il existe une présomption d'imputabilité résultant des dispositions de l'article 1 de la loi n. 636 du 11 janvier 1958.

Cette présomption rattachant le dommage à l'accident du travail s'applique selon une jurisprudence constante à toutes les suites normales du traumatisme concomitant à l'accident.

La preuve du lien de causalité ne saurait être mise à la charge de la victime en cas de concomitance suffisante de l'accident, de la lésion et des symptômes, ce qui s'avère le cas en l'espèce, l'employé ayant fait une chute sur la tête et présentant un traumatisme crânien constaté ayant entraîné dans les jours qui suivirent diverses manifestations post-traumatiques en rapport étroit avec le siège de la lésion initiale.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que J. R. a été victime, le 29 juillet 1985, d'un accident du travail au service de la copropriété du « Sun Tower », dont l'assureur-loi est la Compagnie A.G.F., ayant entraîné aux termes d'un rapport d'expertise établi le 27 mai 1986 par le Dr Camuzard une incapacité permanente partielle évaluée à 6 % ;

Qu'en suite du refus formulé par la Compagnie A.G.F. de prendre en charge les conséquences pécuniaires de cet accident, le juge chargé des accidents du travail renvoyait l'affaire devant le Tribunal de première instance, selon ordonnance de non-conciliation en date du 24 octobre 1986 ;

Attendu que par exploit du 26 novembre 1986, J. R. assignait alors la Compagnie A.G.F. et la copropriété du « Sun Tower » aux fins de s'entendre homologuer le rapport du Dr Camuzard du 27 mai 1986 avec toutes conséquences de droit ;

Attendu que l'assureur-loi et l'employeur responsable estiment, quant à eux, ne pas devoir prendre en charge les conséquences pécuniaires de cet accident survenu le 29 juillet 1985 ; qu'ils exposent qu'il ne résulte aucunement des pièces produites que la lésion dont s'agit serait née à l'occasion ou par le fait des activités salariales de J. R. et qu'il n'y aurait aucun lien de cause à effet entre l'accident subi et le déficit sensoriel allégué par la victime ;

Qu'en conséquence, J. R. ne saurait à leur avis prétendre au bénéfice de la législation sur les accidents du travail et doit être débouté des fins de sa demande ;

Sur ce,

Attendu qu'il est constant que le 29 juillet 1985, à 7 h 15, J. R., employé en qualité d'homme de service pour le compte de la copropriété du « Sun Tower », était en train de nettoyer les ascenseurs de l'immeuble, lorsqu'à la suite d'un différend l'ayant opposé à un autre employé, il fit une chute en arrière et heurta le sol avec son crâne ; que ledit accident ayant occasionné, selon certificat établi par le Dr P., un hématome sous la calotte crânienne (côté gauche - région occipitale) n'entraînait aucune interruption de travail mais faisait l'objet d'une déclaration régulière d'accident du travail auprès des services de la Sûreté publique ;

Attendu toutefois que J. R. ayant ultérieurement ressenti des troubles secondaires, notamment une hypo-acousie gauche, des douleurs cervicales, des céphalées occipito-frontales et une adynamie, la Compagnie A.G.F. sollicitait par courrier adressé le 9 avril 1986 au juge chargé des accidents du travail la désignation d'un médecin-expert spécialiste en neurologie, aux fins de déterminer si les troubles allégués étaient bien imputables à l'accident du travail du 29 juillet 1985 ;

Attendu qu'il convient à cet égard d'observer, préalablement à toute discussion au fond, que seule la nature des séquelles invoquées par la victime prêtait à contestation ; qu'en effet, ni la nature, ni les circonstances de l'accident du 29 juillet 1985 n'ont jamais été contestées par l'assureur-loi qui indiquait même en début du courrier précité :

« J. R. a été victime le 29 juillet 1985 d'un accident du travail... » ;

Attendu que cette reconnaissance formelle de la nature du sinistre dont s'agit ne fait que renforcer la présomption d'imputabilité résultant des dispositions de l'article 1 de la loi n. 636 du 11 janvier 1958 dont bénéficie à l'évidence J. R., dès lors qu'il a subi une blessure au crâne pendant et à l'occasion de l'exercice de son travail, soit en effet dans l'immeuble « Sun Tower » où il procédait à 7 h 15 au nettoyage des ascenseurs, en sa qualité d'homme de service pour le compte de la copropriété ;

Qu'il suit que la Compagnie A.G.F. apparaît mal fondée à dénier tardivement le caractère d'accident du travail de ce sinistre, au demeurant régulièrement déclaré comme tel par son assurée, la copropriété du « Sun Tower », et alors qu'aucune mesure d'enquête n'avait été sollicitée devant le magistrat compétent afin de combattre la présomption légale précédemment évoquée ;

Attendu, en outre, que l'accident du travail dont la réalité est ainsi établie s'est manifesté par une lésion qui est elle-même présumée en provenir ; qu'à cet égard, cette seconde présomption d'imputabilité rattachant le dommage à l'accident s'applique selon une jurisprudence constante à toutes les suites normales du traumatisme concomitant à l'accident ; que la preuve du lien de causalité ne saurait être mise à la charge de la victime en cas de concomitance suffisante de l'accident, de la lésion et des symptômes, ce qui s'avère être le cas de l'espèce dès lors que le 29 juillet 1985 J. R. faisait une chute sur la tête et présentait aussitôt un traumatisme crânien constaté par le Dr P., ayant entraîné dans les jours qui suivirent diverses manifestations post-traumatiques en rapport étroit avec le siège de la lésion initiale ;

Attendu que l'expert a pu à cet égard fournir les éléments d'appréciation suivants :

« Le 29 juillet 1985, J. R. a subi un traumatisme crânien avec contre-coup cervical sans perte de connaissance. Il n'y a pas eu d'arrêt de travail, mais le sujet s'est plaint d'un état syncopal ou d'un » éblouissement « quelques jours plus tard... ;

Les investigations cliniques, tomodensitométriques, E.E.G. se sont avérées négatives ; les manifestations E.E.G. montraient une hyperexcitabilité neuronale sans manifestation typique ;

... Il y a eu chez le sujet des manifestations vaso-vagales post-traumatiques, comme cela se voit dans des malmenages de l'axe cervical et de l'axe cérébral ;

... Ne persistent que des manifestations d'un syndrome post-commotionnel assez classique, faits de perte de mémoire, cervicalgies, troubles du sommeil ;

... Il est à relever que la déclaration de l'employeur serait en discordance flagrante avec les déclarations de la victime, ce qui peut poser l'existence d'une fragilité préalable de Monsieur R. ;

... La persistance des manifestations subjectives, la dolorisation du rachis cervical permettent d'estimer qu'il persiste une I.P.P. dont le taux global peut être évalué à 6 % » ;

Attendu qu'en l'état de cette analyse précise et détaillée, l'Expert Camuzard, spécialiste en neuro-psychiatrie, apparaît avoir lui-même conforté la présomption légale d'imputabilité précédemment énoncée et avoir suffisamment démontré l'existence d'un lien de causalité entre l'accident et les troubles subis par la victime ;

Qu'il apparaît, en outre, tout à fait contraire à une jurisprudence constante de tenter de mettre en échec cette présomption de rattachement, en invoquant les prédispositions de la victime à raison de son état de santé ; que la Compagnie A.G.F. ne saurait en effet s'emparer de la « fragilité » de J. R. constatée par l'expert pour en déduire que toutes les séquelles post-traumatiques subies sont la conséquence exclusive de cette prédisposition pathologique ;

Attendu que même si l'accident du travail n'a fait que concrétiser un état latent ou aggraver un état déficient - ce que l'expert n'a pas même au demeurant constaté - l'intégralité du dommage subi doit de toute évidence être attribuée à l'accident ;

Attendu enfin qu'à l'appui de leur contestation, la Compagnie A.G.F. et la copropriété du « Sun Tower » font valoir que les troubles sensoriels allégués par la victime ne seraient pas rattachables à l'accident ; qu'il convient néanmoins d'observer que l'Expert Camuzard a lui-même formulé en page 4 de son rapport une appréciation similaire lorsqu'il indique : « ...l'hypo-acousie de l'oreille gauche ne s'accompagne pas d'une latéralisation au Weber ... ; la relation de cause à effet entre l'accident subi et ce déficit sensoriel ne peut être établie... » ;

Qu'il est ainsi suffisamment démontré que l'expert lui-même n'a nullement tenu compte de cette nature de séquelles pour évaluer à 6 % le taux d'I.P.P. de la victime, lequel apparaît donc justement apprécié au vu de l'analyse qui précède ;

Attendu qu'il y a lieu d'homologuer par voie de conséquence le rapport Camuzard du 27 mai 1986, et ce, avec tous effets de droit quant au paiement de la rente devant revenir à J. R., laquelle calculée en fonction du salaire annuel applicable de 94 453,08 F s'élève à une somme de 2 833,59 F et doit lui être versée par la Compagnie A.G.F. - substituée à la copropriété du « Sun Tower » - à compter du 14 mai 1986, date de consolidation des blessures ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Dit que la Compagnie A.G.F. - substituée à la copropriété du « Sun Tower » - doit être tenue de prendre en charge les conséquences pécuniaires de l'accident du travail dont G. R. a été victime le 29 juillet 1985 ;

Homologue le rapport du Docteur Camuzard en date du 27 mai 1986 avec toutes conséquences de droit ;

Dit que la Compagnie A.G.F. - substituée à la copropriété du « Sun Tower » - sera tenue de verser à J. R. une rente annuelle et viagère de 2 833,59 F, calculée en fonction du salaire annuel applicable de 94 453,08 F et du taux d'I.P.P. de 6 % retenu par l'expert ;

La condamne en tant que de besoin à payer ladite rente à la victime à compter du 14 mai 1986, date de consolidation des blessures ;

Condamne la Compagnie A.G.F. - substituée à la copropriété du « Sun Tower » - aux dépens au profit de l'administration de l'Enregistrement qui en a fait l'avance et qui seront recouvrés comme en matière d'assistance judiciaire ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Sbarrato et Léandri, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25323
Date de la décision : 30/04/1987

Analyses

Social - Général ; Sécurité au travail ; Protection sociale


Parties
Demandeurs : R.
Défendeurs : Copropriété de l'immeuble « Sun Tower » - Compagnie d'assurances A.G.F.

Références :

article 1 de la loi n. 636 du 11 janvier 1958


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-04-30;25323 ?

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