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26/03/1987 | MONACO | N°25307

Monaco | Tribunal de première instance, 26 mars 1987, C. c/ M.


Abstract

Procédure pénale

Inapplication de la règle - Instances civile et pénale portées respectivement dans deux États distincts

Intérêts

Point de départ - Résiliation judiciaire d'une convention - Assignation en restitution.

Résumé

La règle selon laquelle le criminel tient le civil en état, et qui est prévue à Monaco par l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale, ne reçoit pas application lorsque les instances civile et pénale considérées ont été respectivement portées, comme cela est le cas en l'occurrence, par-dev

ant les juridictions des deux États distincts nantis, chacun, de leur propre souveraineté judiciaire.

Les in...

Abstract

Procédure pénale

Inapplication de la règle - Instances civile et pénale portées respectivement dans deux États distincts

Intérêts

Point de départ - Résiliation judiciaire d'une convention - Assignation en restitution.

Résumé

La règle selon laquelle le criminel tient le civil en état, et qui est prévue à Monaco par l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale, ne reçoit pas application lorsque les instances civile et pénale considérées ont été respectivement portées, comme cela est le cas en l'occurrence, par-devant les juridictions des deux États distincts nantis, chacun, de leur propre souveraineté judiciaire.

Les intérêts réclamés au taux légal pour retard à restituer une somme d'argent découlant de la résiliation d'une convention ne courent qu'à dater de l'assignation en restitution dès lors que la résiliation prononcée judiciairement n'est pas imputable au défendeur.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que, par l'exploit susvisé, G. C. a fait assigner J. M., avec lequel il avait conclu, le 4 janvier 1985, un protocole d'accord (dont la copie, produite aux débats sera soumise, avec le présent jugement aux formalités de l'enregistrement), en remboursement d'une somme de 54 300 F, qu'il prétend lui avoir versée à l'occasion dudit protocole, et en paiement de 50 000 F à titre de dommages-intérêts contractuels, en sus d'une somme en dernier lieu ramenée à 1 000 F pour frais irrépétibles, ce, au motif que J. M. n'aurait pas exécuté ses obligations et que, dès lors, la résiliation du protocole susvisé serait intervenue de plein droit par le fait de ce défendeur, circonstance qu'il demande au tribunal de constater ;

Attendu qu'à l'appui de son action il soutient que le protocole dont s'agit avait pour objet la fabrication et la commercialisation d'appareils destinés à mesurer et à enregistrer les transferts de flux thermiques à travers les parois des édifications, et, tout d'abord, la réalisation et l'étalonnage d'un prototype de ces appareils par l'École nationale supérieure des Mines de Paris moyennant un financement de 63 000 F qu'il devait lui-même assurer pour moitié, et que, de ce fait, il avait remis à J. M., dès la signature du protocole, une première somme de 31 500 F avant de la compléter, quelque temps après, par une deuxième somme de 22 800 F, également remise par lui-même à J. M. au titre d'un supplément de fonds s'étant avéré nécessaire pour assurer le financement des opérations convenues ;

Qu'il ajoute, alors que J. M. aurait conclu aux termes dudit protocole la double obligation de faire le nécessaire pour la réalisation de l'appareil par l'École des Mines et de déposer à Monaco, dans le délai d'un mois à compter de la signature du contrat, une demande de brevet pour le dispositif inventé aux deux noms de « M. » et « C. », que ce défendeur n'avait formulé la demande de brevet qu'à son seul nom, écarté par ailleurs l'École des Mines de la réalisation du prototype envisagé, et détourné les sommes susvisées, de leur destination prévue, soit l'achat de « sondes fluxmétriques » auprès d'une Société Etel de droit suisse ;

Que de la sorte G. C., qui précise avoir présenté à l'encaissement par l'intermédiaire de deux avocats parisiens (Gast et Douet) deux chèques de garantie que J. M. leur avait confiés à titre de séquestre, d'un montant respectivement de 31 500 F et de 22 800 F, ce, après l'avoir mis en demeure par une lettre datée du 29 mai 1985 de lui payer lesdites sommes, s'estime en droit de réclamer présentement à J. M., en faisant valoir que lesdits chèques se sont révélés sans provision, le montant principal de ces mêmes sommes et, en outre, celle de 50 000 F prévue comme devant être supportée par la partie responsable de la résiliation du protocole dont s'agit, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 1985 ;

Attendu que J. M. qui s'est vu reconnaître en l'occurrence, par un jugement du tribunal en date du 10 avril 1986 (ayant écarté une exception de nullité à cet égard formulée par le demandeur) la faculté de faire valoir par écrit ses moyens de défense, a conclu pour l'essentiel, et en ce qui concerne l'action résultant de l'exploit d'assignation susvisé, à l'application en l'espèce de la loi française, ce, sur le fondement de l'article 5 du protocole susvisé, et à ce que le tribunal ne se prononce dans la présente instance, sauf à surseoir à statuer jusqu'à décision de la juridiction pénale française compétente, qu'après avoir pris connaissance du dossier d'une procédure correctionnelle qui serait actuellement pendante au Parquet d'Agen à l'encontre de C. et dont ce même M. se réserve à l'avenir de verser la copie aux débats, laquelle ferait ressortir selon lui que C. lui devrait 872 967 F, soit une somme bien supérieure à celles qui sont actuellement réclamées par ce dernier ;

Que, ce faisant, toutefois, J. M. admet la validité initiale du protocole invoqué à l'appui de la demande sans aucunement mettre en doute la réalité des versements que C. soutient lui avoir faits à concurrence de la somme principale réclamée de 54 300 F, non plus que celle de l'émission par lui des deux chèques susvisés, nonobstant la circonstance qu'il invoque, et qui est acquise aux débats, que le défaut de paiement desdits chèques n'ait pas donné lieu à condamnation pénale contre lui, sur une action publique mise en mouvement de ce chef par une citation directe émanée de G. C., du fait d'un désistement de cette partie civile, préalable au jugement de l'action publique, constaté le 20 septembre 1985 par décision de la 13e Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, consécutif semble-t-il à un manquement des avocats parisiens susnommés aux règles de leur profession, et sur lequel le Ministère public français s'est abstenu de reprendre les poursuites ;

Sur quoi,

Attendu que le protocole d'accord dont s'agit, après l'exposé de ses motifs, faisant état de ce que J. M. était co-inventeur avec un nommé R. d'un dispositif à breveter, permettant d'apprécier l'importance des flux caloriques au travers des parois des bâtiments et de ce qu'il avait déposé à Monaco en 1984 deux marques (Sycok et Orcotherm-France) relatives à l'activité d'utilisation et de production de ce dispositif, a prévu, principalement, de convention expresse entre les parties (soit J. M. agissant en son nom personnel et en qualité de porte-fort de l'École Nationale Supérieure des Mines de Paris, et G. C. agissant en son nom personnel et en qualité de porte-fort de deux autres participants nommés W. et T.), la création, au plus tard, le 31 mars 1985 d'une société à responsabilité limitée comprenant comme associés J. M., une société Armyn créée au sein de l'École des Mines de Paris et, enfin, « G. C. et son groupe (Messieurs W. et T.) (sic) ;

Attendu que le capital de cette société à créer, désignée du nom d'» Orcotherm « à la page 3 du protocole, devait être détenu pour 1/4 par J. M., pour 1/4 également, par la société Armyn et pour la moitié par G. C. et son groupe ;

Qu'il était en outre décidé :

* que J. M. apporterait à ladite société, outre 25 000 F dès la constitution de celle-ci, ses droits sur les marques susvisées, sa demande de brevet pour le dispositif à exploiter de son invention, ainsi que son savoir-faire correspondant, et qu'il s'engageait à déposer avant le 4 février 1985 la demande de brevet précitée,

* que la Société Armyn apporterait les mêmes droits que lui quant à l'invention dont s'agit, brevet et savoir-faire,

* et, enfin, que G. C. et son groupe feraient apport de leurs droits sur le brevet, de leurs connaissances commerciales et techniques et en outre de 25 000 F, à l'instar de J. M.,

les parties ayant dès lors convenu d'évaluer les apports, autres que ceux en numéraire, à 150 000 F pour J. M. et la Société Armyn et à 300 000 F pour G. C. et son groupe ;

Attendu qu'il ne résulte pas des pièces produites par le demandeur que ladite société ait été créée à ce jour ni que sa constitution soit désormais poursuivie, les relations actuelles entre les parties, manifestement dépourvues désormais d'affectio societatis, apparaissant de nature à compromettre en fait une telle constitution ; qu'il doit être dès lors constaté, de leur accord à tout le moins implicite, que le protocole susvisé se trouve désormais privé de son effet essentiel en sorte que sa résiliation doit, comme le sollicite le demandeur en son principe et sans opposition de J. M., être présentement prononcée, ce, sur le fondement de l'article 1134,alinéa 2 du Code civil français applicable en l'espèce comme étant la loi expressément choisie par les parties pour régir au fond la validité et les effets du protocole d'accord par elles conclu, ainsi que cela résulte de l'article 5 de cette convention, mais sans qu'il y ait lieu par ailleurs de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de l'instance pénale française invoquée en l'espèce par J. M., puisque la règle qu'il oppose à cet effet, selon laquelle le criminel tient le civil en état, et qui est prévue à Monaco par l'article 3, alinéa 2 du Code de procédure pénale, ne reçoit pas application lorsque les instances civile et pénale considérées ont été respectivement portées, comme cela est le cas en l'occurrence, par-devant les juridictions de deux États distincts nantis, chacun, de leur propre souveraineté judiciaire ;

Attendu que G. C. est dès lors fondé à réclamer à J. M., par suite de la révocation de leurs accords, le remboursement des sommes qu'il lui a versées et que ce cocontractant n'a pas, dans la présente instance, nié avoir reçues à l'occasion desdits accords ;

Qu'aucune compensation ne pouvant être actuellement invoquée, faute pour la créance à cet égard alléguée par J. M., d'avoir été à ce jour définitivement liquidée et à défaut pour le tribunal de pouvoir présentement la déterminer en l'état des éléments qui lui ont été à ce jour contradictoirement soumis, il s'ensuit que J. M. doit être déclaré redevable envers G. C. de la somme à ce titre réclamée de 54 300 F ;

Attendu que pour solliciter les intérêts de ladite somme à compter du 29 mai 1985 - date à laquelle serait intervenue de plein droit la résiliation du protocole dont s'agit ainsi que cela se déduit implicitement mais nécessairement de l'assignation susvisée - et, en outre, 50 000 F à titre de dommages-intérêts, G. C. impute à J. M. la responsabilité de la rupture de ses relations contractuelles avec lui ;

Que toutefois les trois seuls griefs invoqués à cet effet à l'encontre de son cocontractant n'apparaissent pas fondés puisque :

* d'une part, s'il est constant que J. M. a déposé à Monaco sous la date du 14 janvier 1985, soit dans le délai contractuellement prévu, un brevet d'invention relatif au dispositif devant être exploité par la Société Orcotherm, en mentionnant comme inventeur R. R., le protocole d'accord ci-dessus évoqué n'a pas expressément prévu, au titre des conventions conclues, l'obligation pour J. M. de formuler cette demande sous le nom, en outre, de C., bien que celui-ci eût pu par la suite acquérir des droits sur le brevet considéré ;

* que d'autre part, G. C., n'apparaît pas avoir établi en l'état, par les pièces qu'il a produites, en quoi la non-participation de l'École des Mines au déroulement de la mise en œuvre du dispositif dont s'agit serait due, à la supposer établie, au fait fautif de J. M., simplement tenu d'une obligation de moyens consistant à » faire le nécessaire " pour la réalisation du prototype convenu, alors par ailleurs que ce défendeur a plaidé sans être démenti sur ce point, que l'École des Mines, qui avait établi une note de frais, avait été initialement associée aux recherches entreprises ;

* et qu'enfin le détournement de sommes reproché à J. M., pour ce qui est des sondes fluxmétriques Etel ne relève pas strictement des conventions conclues au protocole susvisé, qui ne mentionnent pas ce type de produit ;

Que par voie de conséquence l'alinéa deuxième de l'article 4 dudit protocole, mettant à la charge de la partie responsable, par l'inexécution de ses obligations, de la résiliation du contrat, le paiement d'une indemnité forfaitaire de 50 000 F, ne saurait en l'espèce recevoir application ;

Que dans le même ordre d'idées, au regard de ce que la résiliation devant être prononcée ne saurait être présentement considérée comme imputable à J. M., mais comme étant seulement le fait du désaccord objectif des parties révélé par l'assignation susvisée, les intérêts de retard à juste titre réclamés au taux légal, par G. C., ne sauraient courir en l'espèce qu'à dater de ladite assignation à laquelle seule doit être réputée avoir produit effet la révocation des accords des parties ; ce, en raison du caractère explicite qu'ont eu seulement à cette date leurs divergences de fond lesquelles n'apparaissent pas actuellement pouvoir être antérieurement situées avec certitude, en l'état des pièces produites révélant l'existence de discussions durables et complexes, notamment entre J. M. et G. C., relativement à l'objet du protocole précité, et postérieurement à celui-ci ;

Attendu enfin que les frais dits irrépétibles n'apparaissent pas justifiés en l'espèce à concurrence de leur montant en dernier lieu réclamé de 1 000 F du fait des intérêts de retard ci-dessus évoqués qui sont de nature à réparer entièrement le préjudice occasionné en l'occurrence au demandeur par le défaut de paiement initial des sommes réclamées ;

Et attendu que J. M. qui succombe en définitive dans la présente instance doit en supporter les dépens, lesquels devront comprendre ceux qui ont été réservés par le jugement susvisé du tribunal en date du 10 avril 1986 ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Prononce la résiliation du protocole d'accord susvisé à la date du 15 janvier 1986 ;

Condamne J. M. à rembourser à G. C. la somme de 54 300 F avec intérêts au taux légal à compter de cette même date ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Boisson, av. déf. ; Couraud, av. (Cour d'appel de Paris).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25307
Date de la décision : 26/03/1987

Analyses

Procédure pénale - Exécution


Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : M.

Références :

article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-03-26;25307 ?

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