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19/03/1987 | MONACO | N°25304

Monaco | Tribunal de première instance, 19 mars 1987, Dame V. c/ B. - Compagnie d'assurance « La Minerve ».


Abstract

Responsabilité contractuelle

Restaurateur - Obligation de moyen - Chute de la victime - Partage de responsabilité

Résumé

Le devoir de prudence et de protection envers sa clientèle auquel est tenu le propriétaire exploitant d'un bar-restaurant engage sa responsabilité au cas de chute d'une cliente dans un escalier de son établissement partiellement et insuffisamment éclairé et dépourvu de garde-corps sans pour autant que la victime soit dispensée de veiller à sa propre intégrité physique en faisant preuve de vigilance ce qui lui aurait permis

de se rendre compte de la configuration des lieux.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que ...

Abstract

Responsabilité contractuelle

Restaurateur - Obligation de moyen - Chute de la victime - Partage de responsabilité

Résumé

Le devoir de prudence et de protection envers sa clientèle auquel est tenu le propriétaire exploitant d'un bar-restaurant engage sa responsabilité au cas de chute d'une cliente dans un escalier de son établissement partiellement et insuffisamment éclairé et dépourvu de garde-corps sans pour autant que la victime soit dispensée de veiller à sa propre intégrité physique en faisant preuve de vigilance ce qui lui aurait permis de se rendre compte de la configuration des lieux.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que J. V., qui expose avoir fait une chute le 11 janvier 1983 dans les locaux exploités par M. B. sous l'enseigne « L. L. », a fait assigner par l'exploit susvisé ledit propriétaire exploitant et la Compagnie « La Minerve » pour s'entendre ceux-ci déclarer responsables de cet accident et tenus d'en réparer les conséquences dommageables à fixer par voie d'expertise médicale en ce qui concerne son préjudice corporel, et obtenir d'ores et déjà le paiement d'une somme de 7 500 F au titre des frais médicaux dont elle a fait l'avance ;

Qu'au soutien de sa demande, J. V. précise qu'elle se trouvait le jour des faits en qualité de cliente dans les locaux du restaurant « L. L. », lorsque, attendant le service de sa consommation, elle entreprit de se rendre aux toilettes ; qu'alors qu'elle se trouvait dans le petit hall d'accès qui y conduisait, au fond de la salle de restaurant, elle fut contrainte de reculer pour laisser passer un autre client sortant des toilettes et, ce faisant, chuta dans un escalier menant à la cave, lequel n'était pas éclairé et ne faisait l'objet d'aucune protection particulière ; qu'elle estime dès lors que la responsabilité de M. B. doit être engagée, étant par elle observé que celui-ci s'est déclaré, devant les services de police, civilement responsable de sa chute et a appelé la Compagnie La Minerve aux fins de le couvrir et garantir ;

Attendu que M. B. et la Compagnie La Minerve s'opposent à cette demande en faisant valoir que la lampe placée à proximité des toilettes permettait d'apercevoir les premières marches de l'escalier menant à la cave, et, qu'en fait, seule une faute d'inattention de J. V. a pu être à l'origine de sa perte d'équilibre et de la chute qui s'ensuivit ; qu'il appartenait en effet à cette dernière de veiller à sa propre sécurité et de supporter les conséquences d'un dommage qui n'apparaît nullement imputable au propriétaire des locaux du restaurant « L. L. » lesquels s'avéraient en parfait état d'entretien et ne présentaient aucun danger pour la clientèle ; qu'enfin, les codéfendeurs précisent qu'il ne saurait être tiré parti de la déclaration « de pure forme » effectuée par M. B. devant les services de police qui le priaient de décliner le nom de la compagnie d'assurances couvrant sa responsabilité civile ;

Qu'à titre subsidiaire, au cas où le tribunal estimerait devoir retenir une part de responsabilité à leur encontre, le sieur B. et la Compagnie La Minerve demandent qu'elle n'excède pas 25 % ; qu'ils contestent enfin tant le montant d'une facture de l'Institut Moderne de Gent versée aux débats par la victime, laquelle ne s'élèverait en fait qu'à une somme de 40 147 francs belges, que des divers frais de déplacements dont la demanderesse sollicite le remboursement, alors qu'ils correspondent à une époque d'hospitalisation de cette dernière ;

Sur quoi,

I. - Sur la responsabilité

Attendu qu'il résulte des pièces d'un dossier d'enquête de la sûreté publique, régulièrement versé aux débats, et auquel les parties ont entendu se référer à titre d'élément de preuve, que le 12 janvier 1983, à 15 h 25, J. V. se trouvait dans la salle du bar-restaurant « L. L. », où elle venait de commander un thé peu de temps avant que ne se produise la chute objet du présent litige ; qu'il s'ensuit que la demanderesse était une cliente de cet établissement, et, qu'en l'état des rapports contractuels liant les parties au moment de l'accident, le régime de responsabilité applicable en l'espèce est de nature contractuelle, ce que la demanderesse a implicitement admis en n'invoquant aucune des règles tirées de la responsabilité délictuelle et quasi délictuelle ; qu'il convient dès lors de rechercher si la responsabilité de M. B., propriétaire-exploitant, résulte de l'inexécution de ses obligations envers sa cliente ;

Attendu à cet égard que le devoir de prudence et de protection envers la clientèle, qui incombe contractuellement à l'exploitant d'un établissement ouvert au public dans l'organisation et le fonctionnement de son exploitation, constitue une simple obligation de moyen qui ne saurait dispenser les clients de veiller à leur propre sécurité ;

Qu'en l'espèce, s'il est constant et cela résulte du dossier d'enquête de police, que l'escalier menant à la cave dans lequel chuta la demanderesse n'était éclairé que partiellement au moyen d'une lampe située devant les toilettes et n'était pas doté d'un quelconque dispositif de protection - tous éléments de fait imputables à l'exploitant des locaux - il n'en est pas moins vrai que J. V. conservait comme tous les autres consommateurs une certaine part d'initiative à l'intérieur du restaurant et une liberté d'action lui imposant de prendre toutes mesures appropriées pour s'assurer de sa propre intégrité physique ; qu'un minimum de vigilance aurait dû à cet égard lui permettre d'apercevoir la configuration, voire la simple présence, de l'escalier de la cave, et ce, étant observé qu'elle n'a jamais contesté avoir dû attendre un certain temps la libération des toilettes, au cours duquel cette rapide observation aurait pu être effectuée ;

Attendu en conséquence que le tribunal dispose des éléments d'appréciation suffisants pour dire d'une part que M. B. - en ne prévoyant pas un éclairage spécifique pour l'accès à l'escalier de la cave, voire une lampe plus importante dans le hall d'accès ainsi qu'un garde-corps ou tout autre dispositif de protection - a manqué aux règles générales de prudence et de protection qui lui incombent à l'égard de la clientèle en sa qualité d'exploitant, et, d'autre part, que J. V. a commis une faute à l'origine du dommage en ne prenant pas toutes précautions utiles pour veiller à sa propre sécurité ;

Qu'il suit que chacune des parties ayant également contribué à la réalisation du dommage, il y a lieu de ne déclarer M. B. responsable que pour moitié de l'accident dont fut victime J. V. le 12 janvier 1983 et tenu « in solidum » avec la Compagnie « La Minerve » qui couvre sa responsabilité civile, et dans cette même proportion, d'en réparer les conséquences dommageables pour la victime ;

II - Sur la réparation des préjudices

Attendu en ce qui concerne la demande en paiement des frais dont J. V. dit avoir fait l'avance, qu'il résulte des pièces produites qu'elle a réglé une somme de 40 147 francs belges à l'Institut Moderne de Gent, en Belgique, au titre de divers soins, interventions chirurgicales et honoraires de médecins ; qu'étant observé que les codéfendeurs ne contestent plus le montant de la facture tel que ci-dessus chiffré, après rectification d'une erreur matérielle commise par la demanderesse dans son assignation, il y a lieu de condamner « in solidum » ces derniers à lui rembourser la moitié, ce en proportion de leur part de responsabilité, de l'équivalent en francs français au jour du jugement d'une somme de 40 147 francs belges ;

Que s'agissant par ailleurs des frais d'hôpital, la victime établit avoir payé une somme globale de 1 797,40 F, soit 967,10 F au titre de son hospitalisation, 400 F au titre d'honoraires perçus par le Dr O. et 430,30 F pour divers autres soins, dont les codéfendeurs seront en conséquence tenus de lui verser la moitié ;

Attendu qu'il y a lieu de débouter J. V. de sa demande de remboursement de frais de taxis, qui n'apparaissent avoir aucun lien de rattachement avec l'accident dont s'agit, dès lors que les dates de facturation des attestations produites correspondent à une période d'hospitalisation de la victime et que les destinations qui y figurent ne permettent pas d'établir la réalité des trajets de son domicile vers l'hôpital, qu'invoque la demanderesse ;

Attendu par ailleurs, en ce qui concerne le préjudice corporel de J. V. dont l'existence résulte des nombreux certificats versés aux débats, que le tribunal ne disposant pas des éléments d'appréciation pour en évaluer l'importance, il convient de faire droit à la demande de la victime et de désigner un expert médical avec la mission figurant au dispositif ci-après ;

Attendu que les dépens doivent suivre la succombance respective des parties ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant contradictoirement,

Déclare M. B. responsable pour moitié de l'accident dont J. V. fut victime le 12 janvier 1983 ;

Le déclare tenu « in solidum » avec la Compagnie « La Minerve », et dans cette même proportion, de réparer le préjudice qui en est résulté pour J. V. ;

Le condamne à lui payer « in solidum » avec la Compagnie « La Minerve » au titre des causes sus-énoncées :

1° la somme de 898,70 francs français ;

2° l'équivalent en francs français au cours en vigueur au jour du prononcé du présent jugement de la somme de 20 073,50 francs belges ;

Et, statuant avant dire droit sur l'évaluation du préjudice corporel subi par J. V., ordonne une mesure d'expertise confiée à Monsieur le Professeur Chatelin, lequel, serment préalablement prêté aux formes de droit, aura pour mission :

* d'examiner la victime et décrire les blessures occasionnées par l'accident du 12 janvier 1983 ;

* de préciser la durée de l'I.T.T. ;

* de fixer le taux de l'I.P.P. et la date de consolidation ;

* de préciser l'importance du pretium doloris ;

* de déterminer s'il existe un préjudice esthétique ou un préjudice d'agrément ;

Dit que l'expert répondra à tous dires écrits des parties en relation avec la présente mission, les conciliera si faire se peut, et sinon, déposera rapport de ses opérations dans les 2 mois de sa saisine ;

Dit que l'expertise sera diligentée aux frais avancés de J. V. ;

Commet Mme Monique François, Premier Juge au tribunal, à l'effet de suivre ladite expertise ;

Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert ou du juge commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Blot et Karczag-Mencarelli, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25304
Date de la décision : 19/03/1987

Analyses

Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle


Parties
Demandeurs : Dame V.
Défendeurs : B. - Compagnie d'assurance « La Minerve ».

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-03-19;25304 ?

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