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26/02/1987 | MONACO | N°25293

Monaco | Tribunal de première instance, 26 février 1987, Dame E.-Z. c/ Dame R.-B.


Abstract

Exequatur

Astreinte non liquidée - Exequatur

Nantissement

Inscription provisoire - Créance constituée par une astreinte non liquidée - Créance indéterminée - Sursis à validation

Résumé

Un arrêt d'une Cour d'appel française prononçant une condamnation à délivrer une chose sous astreinte, passé en force de chose jugée est exécutoire à Monaco en application de l'article 18 de la Convention mutuelle judiciaire franco-monégasque dès lors que les conditions imparties par cet article sont remplies, sans qu'il importe que l'astrei

nte n'ait point encore été liquidée.

Il y a lieu de surseoir à statuer sur une demande en validation de...

Abstract

Exequatur

Astreinte non liquidée - Exequatur

Nantissement

Inscription provisoire - Créance constituée par une astreinte non liquidée - Créance indéterminée - Sursis à validation

Résumé

Un arrêt d'une Cour d'appel française prononçant une condamnation à délivrer une chose sous astreinte, passé en force de chose jugée est exécutoire à Monaco en application de l'article 18 de la Convention mutuelle judiciaire franco-monégasque dès lors que les conditions imparties par cet article sont remplies, sans qu'il importe que l'astreinte n'ait point encore été liquidée.

Il y a lieu de surseoir à statuer sur une demande en validation de l'inscription provisoire de nantissement prise en garantie d'une créance indéterminée dans son montant, constituée par la condamnation à une astreinte qui n'a pas été liquidée ;

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que résultent des circonstances de la cause les éléments suivants :

Dans le litige opposant M.-B. E. épouse Z. à M. B. épouse R., commerçante à l'enseigne « Garage B. », relatif à la vente d'un véhicule automobile, le Tribunal de commerce de Fréjus (Var), par jugement du 21 septembre 1981, a dit que le contrat de vente du 28 juin 1980 devait recevoir application, a condamné M.-B. Z. à payer à M. R. la somme de 144 514,74 F pour prix de vente du véhicule BMW type CSI 635 modèle 81, a condamné M. R. à remettre le véhicule à M.-B. Z. contre paiement de cette somme et a ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

Sur appel de M.-B. Z., la Cour d'Aix-en-Provence, selon arrêt rendu par la 2e Chambre civile le 9 juin 1983, réformant ce jugement, a condamné M. R. à livrer à M.-B. Z. le véhicule objet du bon de commande du 26 juin 1980, - moyennant paiement, par cette dernière, de la somme de 103 484 F -, dans les huit jours de la signification de l'arrêt, a dit que faute de le faire, elle y sera contrainte sous astreinte de 500 F par jour de retard, a débouté M. Z. de sa demande en dommages-intérêts, et a condamné M. R. à payer à M. Z. 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

Sur le pourvoi en cassation de cet arrêt, formé par M. R., la Cour de cassation, chambre commerciale, a prononcé un arrêt de rejet le 26 mars 1985 ;

M. R. ayant formé un recours en révision (comparable à la voie extraordinaire de rétractation organisée par les articles 428 et suivants du Code de procédure civile monégasque) à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'Aix-en-Provence du 9 juin 1983, cette juridiction a déclaré ce recours irrecevable, a débouté M. Z. de sa demande en dommages-intérêts et a condamné M. R. à lui payer 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, outre les entiers dépens, aux termes d'un arrêt en date du 21 mars 1986 ;

Cet arrêt a été également frappé d'un pourvoi en cassation par M. R., enregistré le 20 mai 1986, qui paraît actuellement pendant devant la Cour de cassation, ce qui n'est pas contesté ;

Par ailleurs, M. Z., qui avait à nouveau saisi le Tribunal de commerce de Fréjus d'une demande tendant pour l'essentiel à la liquidation, à la somme de 385 500 F, de l'astreinte fixée par l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 juin 1983, a été déclarée irrecevable en son action au motif que l'astreinte fixée par cet arrêt, définitif, de la Cour d'Aix doit être liquidée par cette juridiction, selon jugement du 27 octobre 1986 qu'elle a frappé d'appel le 12 novembre suivant, étant relevé que la Cour d'Aix n'a pas à ce jour statué sur cette instance ;

Dans ces conditions, M. Z. a fait assigner la dame M. R. devant le Tribunal de Monaco pour que soit déclaré exécutoire en Principauté l'arrêt de la Cour d'Aix-en-Provence du 9 juin 1983 et demande en outre au tribunal de constater que M. R. n'a pas exécuté ses obligations, telles que précisées par ledit arrêt, alors qu'elle-même a offert de payer la somme de 103 484 F, de dire que M. R. est tenue au paiement de l'astreinte ordonnée par la Cour d'Aix le 9 juin 1983 et de valider l'inscription provisoire de nantissement qu'elle a été autorisée à prendre sur le fonds de commerce appartenant à M. R. à l'effet de garantir le paiement de cette astreinte ;

Dans ses dernières conclusions du 5 novembre 1986, M. Z., qui s'est opposée aux divers moyens invoqués en défense par M. R., a persisté en sa demande de validation de nantissement devant garantir le paiement de l'astreinte « qui sera liquidée par le Tribunal de commerce de Fréjus », lequel, doit-il être observé, avait déjà, à cette date, déclaré la demande en liquidation irrecevable ;

M. R., pour sa part, a conclu au rejet de ces demandes en faisant valoir pour l'essentiel que si l'arrêt d'Aix du 9 juin 1983 a acquis l'autorité de la chose jugée en France, il ne peut pour autant être rendu exécutoire à Monaco et y recevoir exécution puisque l'astreinte fixée par la Cour n'a pas été liquidée à ce jour et que le pourvoi en cassation formé à l'encontre de l'arrêt du 21 mars 1986, dont elle poursuit la révision, n'a pas encore été jugé ;

Elle en déduit que l'arrêt du 23 juin 1983 ne peut pas être exécuté en France, ni a fortiori en Principauté, en sorte que l'astreinte qu'il ordonne ne saurait dès lors servir de base à la demande en validation de nantissement ;

Elle observe par ailleurs que le principe français selon lequel les pourvois en cassation ne sont pas suspensifs ne saurait être transposé dans les relations judiciaires franco-monégasques ;

Elle demande donc au tribunal de débouter la demanderesse des fins de son assignation et d'ordonner la radiation de l'inscription provisoire de nantissement prise le 4 novembre 1985 sur le fonds de commerce à l'enseigne Garage B. ;

Sur quoi,

1° L'exequatur de l'arrêt de la Cour d'Aix-en-Provence en date du 9 juin 1983

Attendu qu'il importe peu, pour que l'instance en exequatur puisse prospérer, que l'astreinte ordonnée par ledit arrêt n'ait pas encore été liquidée, le tribunal n'ayant pas en l'espèce à se préoccuper des conditions dans lesquelles la décision dont l'exequatur est poursuivi pourra recevoir exécution mais devant seulement se borner, aux termes de l'article 18 de la Convention relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco signée le 21 septembre 1949, à vérifier la conformité de la décision aux exigences édictées par cet article ;

Attendu à cet égard qu'il appartient en particulier au tribunal d'apprécier si l'arrêt du 9 juin 1983 est exécutoire en France et y est passé en force de chose jugée, les autres conditions exigées par l'article 18 précité, en ce qu'elles sont relatives à l'authenticité de la décision, à la compétence de la juridiction qui l'a prononcée, à la citation régulière des parties et à l'absence de contrariété avec l'ordre public monégasque, apparaissant réunies en l'espèce, ce qui, au demeurant, n'est pas contesté ;

Attendu qu'aux termes de l'article 501 du Nouveau Code de procédure civile français « le jugement est exécutoire... à partir du moment où il passe en force de chose jugée... », l'article 500 dudit code reconnaissant la force de chose jugée au jugement « qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution » ;

Attendu que tel est bien le cas de l'arrêt du 9 juin 1983, qui a fait l'objet de deux voies extraordinaires de recours - pourvoi en cassation (rejeté) et recours en révision (jugé irrecevable par une décision frappée d'un pourvoi) - qui, en principe, ne sont pas suspensifs d'exécution, par application de l'article 579 du Nouveau Code de procédure civile, ce que confirment les dispositions des articles 593 et suivants sur le recours en révision et la règle posée par l'article 19 de la loi n. 67-523 du 3 juillet 1967 relative à la Cour de cassation ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'arrêt dont l'exequatur est requis est exécutoire en France comme y étant passé en force de chose jugée, nonobstant l'instance en révision - elle-même frappée d'un pourvoi - dont il peut faire l'objet à ce jour ; que cet arrêt doit donc être déclaré exécutoire à Monaco, ainsi que l'ordonne l'article 18 de la convention bilatérale précitée ;

2° L'instance en validation de l'inscription provisoire de nantissement

Attendu que cette instance suppose la reconnaissance, à Monaco, de la créance de M. Z. ;

Qu'aux termes de l'arrêt du 9 juin 1983, la demanderesse est créancière, outre d'une obligation de faire imposant à M. R. de livrer le véhicule, d'une somme de 3 000 F, des dépens de l'instance et d'une astreinte de 500 F par jour ayant commencé à courir huit jours après la signification dudit arrêt ;

Attendu que le principe certain de créance, résultant de l'inexécution - constante, en l'espèce - de l'obligation de faire ci-dessus mentionnée et de l'astreinte qui en découle, interdit au tribunal d'ordonner la radiation de l'inscription de nantissement prise à titre provisoire ;

Que pour autant, l'essentiel de la créance de la demanderesse n'est pas en l'état déterminé en son montant, dès lors que le juge français, seul compétent pour le faire, n'a pas encore procédé à la liquidation de l'astreinte ; qu'il s'ensuit que l'inscription de nantissement ne peut être validée à concurrence du montant définitif de la créance, la demanderesse s'étant elle-même abstenue dans la présente instance de préciser la somme dont cette mesure conservatoire est destinée à garantir le paiement ;

Attendu, dans ces conditions, et alors que M. R. ne justifie pas, ni même n'allègue, de motifs sérieux et légitimes au sens de l'article 762 quater du Code de procédure civile qui auraient pu conduire le tribunal à ordonner la radiation totale ou partielle de l'inscription, qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la demande en validation du nantissement jusqu'à ce que les juridictions françaises aient statué, par décision définitive et exécutoire, sur l'astreinte ordonnée le 9 juin 1983, étant observé qu'il sera loisible à la défenderesse, si elle l'estime préférable, de demander en référé la substitution, à l'inscription provisoire, d'une consignation entre les mains d'un séquestre de sommes suffisantes pour garantir la créance ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare exécutoire en Principauté de Monaco, avec toutes conséquences de droit, l'arrêt de la 2e Chambre civile de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 9 juin 1983 dont le dispositif est ainsi conçu :

« La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort,

Réforme le jugement déféré ;

Condamne M. B. à livrer à M. Z. le véhicule objet du bon de commande du 26 juin 1980, moyennant paiement par cette dernière, de la somme de 103 484 F, dans les huit jours de la signification de l'arrêt ;

Dit que faute de le faire, elle y sera contrainte sous astreinte de 500 F par jour de retard ;

Déboute M. Z. de sa demande en dommages-intérêts ;

Condamne M. B. à payer à M. Z. 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

La condamne aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Aube-Martin, avoué, aux offres de droit » ;

Maintient l'inscription provisoire de nantissement prise le 4 novembre 1985 vol. 18 n° 96 au Répertoire du Commerce et de l'Industrie à la requête de M. Z. sur le fonds de commerce à l'enseigne Garage B. sis . appartenant à M. R., née B. ;

Sursoit à statuer sur le mérite de cette inscription jusqu'à décision définitive et exécutoire de la juridiction française compétente quant à la liquidation de l'astreinte précitée ;

Ordonne de ce chef la mise au rôle général de la présente affaire et renvoie la cause et les parties à l'audience du 2 avril 1987, pour être statué ce qu'il appartiendra ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Marquilly et Sanita, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25293
Date de la décision : 26/02/1987

Analyses

Exequatur ; Garanties (Nantissement, privilège, cautionnement) ; International - Général


Parties
Demandeurs : Dame E.-Z.
Défendeurs : Dame R.-B.

Références :

Code de procédure civile
article 762 quater du Code de procédure civile
article 19 de la loi n. 67-523 du 3 juillet 1967


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-02-26;25293 ?

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