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19/02/1987 | MONACO | N°25288

Monaco | Tribunal de première instance, 19 février 1987, B. c/ W. - Compagnie d'assurances U.A.P.


Abstract

Responsabilité contractuelle

Chute d'une cliente dans un magasin - Exploitant tenu à une obligation de moyen - Faute de la victime - Obligation de prudence et de protection satisfaite - Absence de responsabilité de l'exploitant

Résumé

L'action en responsabilité engagée par la cliente d'un magasin de vêtements victime d'une chute dans un escalier de cet établissement ouvert au public, en l'état des rapports contractuels liant celle-ci à l'exploitant, exclut les règles et principes tirés de la responsabilité quasi délictuelle invoquée.

L'exploitant de ce magasin est tenu contractuellement envers sa clientèle à un devoir de prud...

Abstract

Responsabilité contractuelle

Chute d'une cliente dans un magasin - Exploitant tenu à une obligation de moyen - Faute de la victime - Obligation de prudence et de protection satisfaite - Absence de responsabilité de l'exploitant

Résumé

L'action en responsabilité engagée par la cliente d'un magasin de vêtements victime d'une chute dans un escalier de cet établissement ouvert au public, en l'état des rapports contractuels liant celle-ci à l'exploitant, exclut les règles et principes tirés de la responsabilité quasi délictuelle invoquée.

L'exploitant de ce magasin est tenu contractuellement envers sa clientèle à un devoir de prudence et de protection qui constitue une simple obligation de moyen et non de résultat et ne saurait, sauf au cas où une faute exclusive lui serait imputable, dispenser ses clients de veiller à leur propre sécurité.

Dès lors qu'il apparaît des éléments de la cause que la victime a reculé imprudemment sans s'assurer qu'elle pouvait le faire sans danger et que l'exploitant s'est acquitté de son obligation générale de prudence par les précautions prises pour signaler l'escalier, celui-ci se trouve dégagé de toute responsabilité.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que M. B. a par exploit du 17 avril 1986 assigné W. W. exploitant le commerce sous l'enseigne « Fourrures M.-C. » et la Compagnie UAP-Urbaine aux fins de s'entendre déclarer W. W. entièrement responsable de l'accident dont elle fut victime le 3 décembre 1983 dans son magasin, condamner à réparer toutes les conséquences dommageables qui en sont résultées pour elle et, avant dire droit sur l'évaluation de son préjudice corporel, voir désigner tel médecin expert qu'il appartiendra et condamner W. W. à lui payer d'ores et déjà une provision de 5 000 F ;

Qu'à l'appui de sa demande, M. B. expose qu'elle se trouvait le 3 décembre 1983, en compagnie de sa fille C. N., dans un magasin dénommé « Fourrures M.-C. », situé . lorsqu'elle chuta dans un escalier qui donnait accès au sous-sol ;

Qu'elle précise que les premières marches dudit escalier étaient démunies de rampe de protection et que c'est cette carence qui a constitué la cause exclusive de l'accident dont W. W. doit être déclaré responsable sur le fondement des dispositions de l'article 1231 alinéa 1 du Code civil et en sa qualité de gardien de l'escalier ;

Qu'enfin, M. B. faisant valoir l'importance des séquelles dont elle est demeurée atteinte produit des certificats établis par les Docteurs S. et V. attestant de la présence de séquelles dorso-lombaires et cervicales et révélant la persistance d'une I.P.P. à déterminer par expertise ;

Attendu que W. W. et la Compagnie UAP-Urbaine, pour s'opposer à cette demande, invoquent la faute de M. B. qui, en reculant imprudemment, serait tombée à la renverse dans l'escalier, cette circonstance étant selon eux de nature à démontrer le rôle passif de cet escalier dans la réalisation du dommage et à exonérer le gardien de sa responsabilité ; qu'après avoir également fait valoir que l'exploitant d'un établissement ouvert au public ne se trouve tenu qu'à une obligation de moyens quant à la sécurité de ses clients, les défendeurs concluent au rejet de l'action en responsabilité intentée à l'encontre de W. W. ;

Qu'enfin, la Compagnie UAP-Urbaine précisant que l'exploit introductif d'instance ne comportait aucune demande de condamnation dirigée à son encontre sollicite sa mise hors de cause pure et simple ;

Attendu qu'en réponse à ce dernier moyen M. B. a par d'ultimes conclusions expressément sollicité la condamnation de W. W. et de la Compagnie UAP-Urbaine « in solidum », tout en relevant que les défendeurs n'ont à aucun moment contesté être liés par une police d'assurance couvrant W. W. dans le cadre de sa responsabilité civile et doivent dès lors être tenus solidairement de réparer l'entier préjudice qui est résulté pour elle de l'accident du 3 décembre 1983 ;

Sur quoi,

Attendu qu'il ressort des pièces produites et notamment de l'attestation émanant de la propre fille de la victime, C. N., que le 3 décembre 1983, celle-ci se trouvait déjà en compagnie de M. B. dans le magasin « Fourrures M.-C. » où elles désiraient acquérir des vêtements, lorsqu'intervint la chute objet du présent litige ;

Qu'il s'ensuit qu'en l'état des rapports contractuels liant la cliente M. B. au commerçant W. W. au moment de l'accident, le régime de responsabilité applicable en l'espèce ne peut qu'être de nature contractuelle, à l'exclusion des règles et principes tirés de la responsabilité quasi délictuelle invoqués par M. B. ;

Qu'il convient dès lors de déterminer si le dommage subi par la cliente lors de l'exécution du contrat a pu résulter d'un manquement de l'une des obligations nées de ce contrat pour W. W. ;

Attendu à cet égard que le devoir de prudence et de protection envers la clientèle qui incombe contractuellement à l'exploitant d'un établissement ouvert au public dans l'organisation et le fonctionnement de son exploitation constitue une simple obligation de moyen et non de résultat et ne saurait, sauf au cas où une faute lui serait imputable, dispenser ses clients de veiller à leur propre sécurité ;

Qu'en l'espèce, s'il est constant que M. B. a chuté dans l'escalier litigieux après avoir imprudemment reculé sans regarder derrière elle, il apparaît en revanche que W. W. s'est quant à lui acquitté de l'obligation générale de prudence qui lui incombe ;

Qu'il ressort en effet tant des constatations effectuées par Maître Escaut-Marquet, dans le procès-verbal dressé le 13 septembre 1984 que des nombreuses photographies versées aux débats que l'escalier litigieux était en tout état d'entretien, parfaitement éclairé, les marches étant recouvertes d'une moquette fixée au sol sans aucun défaut ni déchirure, et se trouvait signalé par la présence d'un petit muret et d'un garde-corps ceinturant l'accès à cet escalier sur toute sa largeur et faisant office de protection au niveau du magasin ; qu'il résulte en outre de l'emplacement des meubles et marchandises à l'intérieur des locaux que le magasin offre à l'endroit où s'amorce l'escalier une largeur utile de 1,30 m qui constitue un espace suffisant pour permettre à deux personnes de se croiser sans difficulté, et ce, contrairement aux allégations de M. B. à cet égard ;

Attendu toutefois que ces mêmes pièces révèlent que l'implantation d'une rampe n'a pas été prévue dans la partie supérieure de l'escalier ;

Mais attendu que cette circonstance au demeurant dépourvue de toute causalité dans la réalisation de l'accident et invoquée par M. B. à l'appui de son argumentation, ne présentait pas en elle-même un danger caractérisé du fait de la présence du garde-corps précité ;

Que la configuration générale de l'escalier ne pouvait passer inaperçue à un usager normalement vigilant, auquel il appartient de veiller à sa propre sécurité ; qu'il est de principe que la clientèle d'un magasin conserve dans tous ses mouvements une initiative et une indépendance certaines et doit dès lors prendre toutes précautions utiles pour s'assurer de sa propre intégrité physique ;

Qu'il s'ensuit que l'analyse des pièces produites n'a pas permis d'établir à la charge de W. W. de manquement aux règles générales de prudence et de protection qui incombent au commerçant exploitant à l'égard de sa clientèle ;

Attendu en conséquence que M. B. n'établissant pas l'existence d'une faute engageant la responsabilité contractuelle de W. W., il ne saurait être fait droit à sa demande ;

Que les dépens doivent suivre la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute M. B. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Marquilly et Clérissy, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25288
Date de la décision : 19/02/1987

Analyses

Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle


Parties
Demandeurs : B.
Défendeurs : W. - Compagnie d'assurances U.A.P.

Références :

article 1231 alinéa 1 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-02-19;25288 ?

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