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12/02/1987 | MONACO | N°25284

Monaco | Tribunal de première instance, 12 février 1987, S.A.M. Cinava c/ Compagnie Winterthur.


Abstract

Compensation

Clause la prohibant - Compensation judiciaire possible - Conditions : article 1139 du Code civil

Résumé

Si une stipulation d'un contrat d'assurance interdit à un assuré qui n'a pas réglé ses primes de compenser de sa propre initiative celles-ci avec une indemnité que doit lui verser son assureur, une telle clause ne saurait faire obstacle au pouvoir du juge de constater judiciairement qu'une compensation s'est opérée de plein droit par le seul effet de la loi, au sens de l'article 1138 du Code civil, à condition toutefois que les cond

itions d'une telle compensation légale soient effectivement réunies.

Dès lors qu...

Abstract

Compensation

Clause la prohibant - Compensation judiciaire possible - Conditions : article 1139 du Code civil

Résumé

Si une stipulation d'un contrat d'assurance interdit à un assuré qui n'a pas réglé ses primes de compenser de sa propre initiative celles-ci avec une indemnité que doit lui verser son assureur, une telle clause ne saurait faire obstacle au pouvoir du juge de constater judiciairement qu'une compensation s'est opérée de plein droit par le seul effet de la loi, au sens de l'article 1138 du Code civil, à condition toutefois que les conditions d'une telle compensation légale soient effectivement réunies.

Dès lors que le montant de la créance alléguée par l'assuré, n'est pas déterminé et nécessite préalablement une expertise, aucune compensation ne peut être opérée par application de l'article 1139 du Code civil ;

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que par contrat dénommé « Police globale d'assurance crédit » n° 7.001.856 conclu sous la date du 14 janvier 1982, ayant fait l'objet notamment d'un avenant daté du 18 février 1983, la S.A.M. dénommée Cinava s'est assurée auprès de la Société suisse d'assurances Winterthur, dans les conditions détaillées audit contrat, contre les pertes pouvant être subies par elle par suite de l'insolvabilité de ses acheteurs domiciliés en France ou à Monaco, du matériel électronique qu'elle commercialise ;

Attendu que la Compagnie Winterthur ayant saisi le tribunal d'une demande en paiement d'une prime trimestrielle venue à échéance le 1er octobre 1983 et non réglée à cette date, la Société Cinava a été condamnée, par jugement du 11 octobre 1984 rendu par défaut faute de comparaître à son encontre, à payer à la Compagnie Winterthur la somme de 88 865 F avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 1984, représentant le montant de la prime échue, outre la somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu que par l'exploit susvisé, la Société Cinava a régulièrement formé opposition audit jugement qui lui a été signifié le 27 décembre 1984 ; qu'aux termes de ses écrits judiciaires, cette société fait valoir en définitive et pour l'essentiel :

* qu'elle est effectivement débitrice du montant précité de 88 865 F correspondant à la dernière prime due avant la résiliation du contrat d'assurance ;

* qu'elle s'est abstenue de payer cette somme par suite de l'inexécution, par la Compagnie Winterthur, de ses propres obligations alors que cette compagnie avait jusque-là perçu de sa part près de 600 000 F de primes ;

* qu'elle est créancière de la Winterthur qui lui est redevable de soldes d'indemnités en vertu du contrat d'assurances, cette créance s'établissant selon elle, en dernier lieu, à la somme de 75 248,94 F représentant les sommes lui restant dues sur trois dossiers (P. : 4 288,23 F ; Masch Diffusion : 12 592,59 F ; A. : 58 368,12 F) ;

* qu'une compensation doit s'opérer entre les sommes dont elle est respectivement débitrice et créancière, le compte des parties - contraires en fait sur ce point - devant dès lors être arrêté par voie d'expertise ;

Que la S.A.M. Cinava demande en conséquence au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, de lui donner acte de ce qu'elle ne conteste pas devoir la somme qui lui est réclamée en principal de 88 865 F, de constater qu'elle est créancière d'une somme en définitive évaluée par elle à 75 248,94 F à titre de solde d'indemnités contractuelles sur laquelle la Compagnie Winterthur admet devoir 35 500,56 F, de condamner cette compagnie à lui payer ce dernier montant, d'ordonner en conséquence la compensation entre les créances respectives de 88 865 F et 35 500,56 F et de désigner, pour la fixation du solde devant revenir à la Compagnie Winterthur, un expert chargé de procéder à l'arrêté des comptes entre les parties en déterminant les sommes dues par la compagnie d'assurances à titre d'indemnisation contractuelle pour les sinistres P., Masch Diffusion et A., en offrant en tant que de besoin de payer la soulte revenant à la Compagnie Winterthur ;

Attendu qu'en réponse cette compagnie d'assurances, qui ne conteste pas la recevabilité en la forme de l'opposition, demande au tribunal de prendre acte de ce que la Société Cinava reconnaît devoir les sommes qu'elle a été condamnée à payer selon jugement du 11 octobre 1984 et poursuit la confirmation pure et simple dudit jugement sauf à élever à 5 000 F, compte tenu de la procédure abusive dont elle s'estime faire l'objet et du préjudice qui en résulte, le montant des dommages-intérêts qu'il y a lieu de lui allouer, en concluant au rejet de toutes les demandes formées à son encontre ;

Qu'à l'appui de ses prétentions, la Compagnie Winterthur considère au premier chef qu'aucune compensation ne saurait être ordonnée en l'état des dispositions de l'article 1139 du Code civil exigeant que les dettes respectives soient, l'une et l'autre, certaines, liquides et exigibles, conditions qui ne seraient pas réunies en ce qui concerne la somme réclamée par la Cinava, dont le montant requiert, de l'aveu même de cette société, une détermination par voie d'expertise, alors en outre que le contrat liant les parties prévoit que l'assuré ne peut compenser une prime quelconque avec une indemnité incombant à la Winterthur (article 19 des conditions générales) ;

Qu'à titre subsidiaire, la compagnie d'assurances prétend n'être redevable d'aucune somme à l'encontre de la Société Cinava au motif que cette société s'est trouvée déchue de tout droit à indemnité sur les créances considérées faute d'avoir adressé la déclaration de chiffre d'affaires de l'année 1983 prévue par l'article 17 du contrat, en sorte qu'elle ne saurait réclamer aucun complément d'indemnité au titre des sinistres P., Masch Diffusion et A. ;

Que plus subsidiairement encore, la Compagnie Winterthur observe que si son assurée n'avait pas encore encouru de déchéance, elle ne pourrait prétendre en tout état de cause qu'au paiement d'une somme de 35 500,56 F eu égard aux conditions de mise en œuvre de sa garantie et aux règlements déjà effectués ;

Sur quoi,

Attendu que le jugement dont opposition doit être maintenue en ce qu'il a condamné la Société Cinava à payer à la Compagnie Winterthur la somme de 88 865 F avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 février 1984, dès lors que l'opposante a reconnu devoir cette somme, laquelle s'avère en effet incontestablement due ;

Attendu que la recevabilité - non contestée - de l'opposition ayant pour effet de remettre le procès dans l'état où il était avant le défaut de la Société Cinava, les demandes de celle-ci, considérées par l'article 382 du Code de procédure civile comme des demandes reconventionnelles en ce qu'elles tendent pour l'essentiel à obtenir le bénéfice de la compensation, doivent être appréciées au regard des moyens opposés par la Société Winterthur ;

Attendu que si l'article 19 des conditions générales du contrat relatif au défaut de paiement des primes interdit à l'assuré de compenser de sa propre initiative une prime avec une indemnité incombant à la Winterthur, cette clause contractuelle ne saurait pour autant faire obstacle à la possibilité pour le tribunal de constater judiciairement qu'une compensation s'est opérée de plein droit par le seul effet de la loi, au sens de l'article 1138 du Code civil, à condition toutefois que les conditions d'une telle compensation légale soient effectivement réunies ;

Qu'à cet égard, force est de constater que l'opposante a elle-même admis - implicitement, en modifiant en cours d'instance le montant de la créance qu'elle allègue, puis de manière explicite en sollicitant une mesure d'expertise, à l'effet de parvenir à la fixation de celle-ci - que sa créance n'est pas en l'état déterminée en son montant ; qu'il s'ensuit qu'aucune compensation ne peut présentement s'opérer, par application de l'article 1139 du Code civil ;

Attendu qu'il incombe cependant au tribunal, qui demeure saisi d'une demande en compensation, d'apprécier si la S.A.M. Cinava est fondée à se prévaloir d'un principe de créance à l'encontre de la Compagnie Winterthur, dont le montant pourrait alors être déterminé par voie d'expertise ;

Que la réponse à cette question suppose que soient examinées les clauses contractuelles auxquelles les parties se sont soumises, en ce qu'elles sont en particulier relatives à la déchéance invoquée, à son bénéfice, par la Compagnie Winterthur ;

Attendu, sur ce point, que l'article 23 des conditions générales prévoit que « l'assuré est déchu de tout droit à indemnité sur les créances considérées... s'il ne remet pas à la Winterthur... les déclarations du chiffre d'affaires prévues à l'article 17, dans le délai d'un mois à partir du jour de l'envoi par la Winterthur, d'une lettre recommandée reproduisant le présent texte » ;

Qu'alors que la Société Cinava n'a pas contesté ni démenti avoir reçu de son assureur le 3 mai 1984 le pli recommandé satisfaisant aux prescriptions ci-dessus lui enjoignant de déclarer le chiffre d'affaires de l'année 1983, il résulte d'un document daté du 4 avril 1986 établi par cette société que cette obligation n'a pas été par elle exécutée, pour des motifs sérieux qu'elle expose mais qui ne sauraient la soustraire aux conditions d'application du contrat qu'elle a acceptées en connaissance de cause, ou à tout le moins, librement convenues ;

Qu'il apparaît en conséquence que la sanction des obligations contractuelles prévue par l'article 23 précité doit s'appliquer en l'espèce, la Société Cinava se trouvant à cet égard déchue de ses droits ;

Attendu, dès lors, qu'il n'y a pas lieu d'accéder à la demande d'expertise ; que les autres demandes de l'opposante doivent être rejetées ;

Attendu que le jugement du 11 octobre 1984 n'a pas lieu d'être modifié du chef des dommages-intérêts qui apparaissent à suffisance sanctionner la résistance de la S.A.M. Cinava et compenser le préjudice occasionné à la Winterthur ;

Attendu que les dépens du présent jugement doivent être supportés par l'opposante conformément à l'article 230 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare recevable l'opposition au jugement de ce tribunal, en date du 11 octobre 1984, formée par la S.A.M. Cinava ;

Déboute cette société des fins de son opposition et la Compagnie Winterthur de sa demande en paiement de dommages-intérêts complémentaires ;

Maintient en conséquence ledit jugement en toutes ses dispositions ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Sbarrato et Clérissi, av. déf. ; Schiléo, av. (Barreau de Nice).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25284
Date de la décision : 12/02/1987

Analyses

Contentieux (Assurance) ; Droit des obligations - Régime général ; Contrat - Général


Parties
Demandeurs : S.A.M. Cinava
Défendeurs : Compagnie Winterthur.

Références :

article 1139 du Code civil
article 1138 du Code civil
article 382 du Code de procédure civile
article 230 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-02-12;25284 ?

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