La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/1987 | MONACO | N°25279

Monaco | Tribunal de première instance, 5 février 1987, État de Monaco c/ Société anonyme immobilière monégasque d'investissements (S.A.I.M.I.).


Abstract

Vente d'un immeuble

Obligation de délivrance du vendeur - Accessoire de la chose : climatisation - Preuve du contenu de l'obligation

Résumé

L'acquéreur de la copropriété d'un immeuble, qui ne peut doter les locaux acquis d'un climatiseur d'été après branchement à une installation collective de réfrigération par eau froide, est mal fondé à réclamer des dommages-intérêts en se prévalant de l'obligation de délivrance à laquelle se trouve tenu le vendeur, dès lors qu'il ne ressort pas des stipulations de l'acte de vente que l'installation d

e réfrigération-accessoire, constituant un immeuble par destination, devait avoir l'aptitude...

Abstract

Vente d'un immeuble

Obligation de délivrance du vendeur - Accessoire de la chose : climatisation - Preuve du contenu de l'obligation

Résumé

L'acquéreur de la copropriété d'un immeuble, qui ne peut doter les locaux acquis d'un climatiseur d'été après branchement à une installation collective de réfrigération par eau froide, est mal fondé à réclamer des dommages-intérêts en se prévalant de l'obligation de délivrance à laquelle se trouve tenu le vendeur, dès lors qu'il ne ressort pas des stipulations de l'acte de vente que l'installation de réfrigération-accessoire, constituant un immeuble par destination, devait avoir l'aptitude à être utilisée comme climatiseur d'été.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Considérant les faits suivants,

Aux termes d'un acte passé le 19 décembre 1974 par-devant Me Jean-Charles Rey, notaire à Monaco, le Domaine de l'État s'est rendu acquéreur, dans l'immeuble dénommé « Le Panorama », qui porte les numéros 51 à 57 de ., de trois lots immobiliers (numérotés 44 F, 137 A et 91 A au cahier des charges) respectivement situés aux premier et deuxième étages et au rez-de-chaussée, ainsi que des millièmes de parties communes correspondant à ces lots ;

Par une clause 4° figurant à la deuxième feuille du 5e rôle de cet acte, la société venderesse dénommée Immobilière Monégasque d'Investissements (S.A.I.M.I.) a autorisé le Domaine de l'État à faire procéder, quand il le jugerait opportun, en dehors du périmètre des locaux objet de la vente et aux emplacements prévus à cet effet, dans le cadre des stipulations du cahier des charges et des autorisations administratives délivrées par les services intéressés, à la mise en place d'un groupe producteur de froid, ainsi qu'à celle des gaines et canalisations de liaison nécessaires à son fonctionnement ;

Ayant en 1980 entrepris de doter les locaux susvisés d'une climatisation d'été, par le branchement à une centrale de réfrigération par eau froide des diverses installations qu'ils comprenaient, jusque-là utilisés pour le seul chauffage, s'agissant principalement de ventilo-convecteurs et des canalisations y afférentes, l'Administration constatait peu après que lesdites installations ne permettaient pas d'assurer la climatisation envisagée, par le fait notamment qu'elles n'étaient pas calorifugées dans leurs parties essentielles ;

Au motif qu'il se déduirait de l'acte de vente et en particulier de la clause 4° précitée, que ces mêmes installations devaient, par un simple branchement ultérieur au groupe producteur d'eau froide mentionné par ladite clause, assurer la climatisation qu'il avait projetée, l'État, par l'exploit susvisé, a fait assigner la S.A.I.M.I. en paiement d'une somme de 800 000 F, ultérieurement ramenée à 615 275 F, montant du coût de l'adaptation à la climatisation des installations litigieuses, après avoir été autorisé à inscrire provisoirement sur divers biens de cette défenderesse une hypothèque judiciaire à concurrence de la somme de 800 000 F, ce, par ordonnance présidentielle rendue le 9 avril 1984 ;

Il soutient à l'appui de sa demande en dernier lieu formulée que la S.A.I.M.I. a manqué à son obligation de délivrance de la chose vendue, faute d'avoir inclus dans les locaux cédés des installations de climatisation aptes à diffuser aussi bien le chauffage que la réfrigération, alors que la clause 4° susvisée, en ce qu'elle prévoyait l'installation d'un groupe producteur d'eau froide, ne saurait se justifier sans cette double aptitude ;

En défense, la S.A.I.M.I., qui a conclu au rejet de la demande, soutient pour l'essentiel que l'appareillage nécessaire à la climatisation des locaux dont s'agit n'était pas inclus dans la chose vendue et que les travaux prévus par la clause 4° étaient à la seule charge de l'Administration, qui, ayant pris les parties d'immeuble vendues dans l'état où elles se trouvaient lors de la vente, ne saurait en conséquence réclamer à sa venderesse le coût des travaux réalisés à concurrence de 615 275 F ;

Elle s'appuie à cet effet sur un rapport d'expertise ordonné en référé à la demande de l'État, et établi par le Cabinet Piastra, sous la date du 25 février 1986, dont elle relève l'indication que les installations litigieuses n'étaient destinées qu'au chauffage, que les ventilo-convecteurs équipant les locaux vendus, s'ils pouvaient diffuser aussi bien le chaud que le froid, devaient en ce dernier cas être branchés sur une installation de climatisation inexistante, au moment de la vente et que, lors de celle-ci, l'État n'avait fait aucune réserve, en prenant possession des lieux, relativement aux insuffisances actuellement invoquées d'un équipement de chauffage qui avait toujours été apparent dans l'immeuble « Le Panorama » ;

La S.A.I.M.I. a demandé en conséquence, en des conclusions datées du 21 mai 1986, la mainlevée immédiate de l'inscription provisoire d'hypothèque consécutive à l'ordonnance présidentielle susvisée, puis, par voie de conclusions rectificatives, déposées à l'audience des plaidoiries du 30 janvier 1986, que soit déclarée sans objet une caution bancaire constituée à sa requête par la Banque Centrale de Monaco, le 10 juillet 1985, pour un montant de 800 000 F en contrepartie d'une mainlevée de l'inscription d'hypothèque précitée et en exécution d'une ordonnance de référé rendue à cette fin, le 29 juillet 1985, au contradictoire de l'État, lequel a, en dernier lieu, conclu, également le 30 janvier 1987, à la réalité d'une telle mainlevée, en sollicitant toutefois, dans le cadre de sa demande, le maintien de la caution ;

Sur quoi,

Attendu que l'action dont le tribunal se trouve présentement saisi sur la seule base invoquée par l'État d'un éventuel manquement par la S.A.I.M.I. aux obligations découlant pour elle des articles 1446 et suivants du Code civil, requiert, pour son bien-fondé, que soit rapportée la preuve, par la partie demanderesse, que les biens immobiliers livrés en exécution de l'acte précité du 19 décembre 1974, diffèrent de ce qui avait été convenu, pour ce qui est des accessoires litigieux de l'espèce s'analysant en des immeubles par destination ;

Qu'il s'agit, en d'autres termes, d'apprécier si lesdits biens devaient comporter, de l'accord des parties, des installations aptes à la climatisation ultérieure des lieux, circonstance de droit dont la preuve incombe à l'État qui se prévaut de l'inexécution de l'obligation de délivrance inhérente à un tel accord, étant constant en l'espèce que les installations livrées ne présentaient pas cette aptitude lors de la vente ;

Attendu qu'à cet égard aucune description précise des biens objet de celle-ci n'a pu être établie par l'expert Piastra sur la base des documents contractuels communiqués par les parties, que ledit expert a estimés insuffisants à cet effet, puisqu'il a relevé à la page 9 de son rapport qu'alors qu'il espérait pouvoir préciser la consistance des équipements promis à l'État par la S.A.I.M.I. pour les locaux dont s'agit, en consultant les marchés de travaux, les descriptifs et quantitatifs ainsi que les factures et ordres de service afférents auxdits locaux, il n'avait jamais obtenu l'ensemble de ces pièces ;

Attendu, toutefois, qu'en l'état de diverses constatations de fait opérées par l'expert et non sujettes à discussion, comme aussi des pièces présentement soumises au contradictoire des parties, il peut être relevé que l'Administration a consenti à prendre, dès la réalisation de la vente, possession des locaux vendus dans l'état où ils se trouvaient au jour de l'acte de cession et en s'interdisant, selon les propres termes de celui-ci, de prétendre ultérieurement à une quelconque indemnité ni diminution de prix pour quelque cause ou motif que ce soit, ce qui s'analyse en une convention valable en son principe, sauf fraude non invoquée en l'espèce, de nature à exonérer la venderesse de toute responsabilité en cas de non-délivrance partielle de la chose vendue, étant ici rappelé que la clause d'un contrat, qui permet à une partie de s'affranchir des conséquences de ses fautes contractuelles, est licite ;

Attendu qu'indépendamment de l'effet absolu d'une telle clause en la circonstance, il demeure que la désignation des biens vendus a été formulée de l'accord des parties, dans l'acte de cession, par la seule référence au cahier des charges et règlement de copropriété fixant les conditions d'usage et d'exploitation de l'immeuble et à divers plans et états descriptifs, approuvés par le représentant du Domaine de l'État, étant précisé que le cahier des charges ainsi visé ne mentionne aucunement l'existence d'installations de climatisation de l'immeuble, alors qu'il se réfère en divers points au chauffage central (pages 17, 19, 32), ce qui rend vraisemblable, à défaut d'autre document contractuel, actuellement produit, permettant une désignation plus précise des locaux vendus, l'absence de convention des parties quant à l'existence dans lesdits locaux d'une installation permettant leur climatisation ultérieure, puisqu'aussi bien l'expert Piastra a indiqué dans son rapport, sans que cela soit actuellement contesté, que les installations de chauffage livrées avec ces mêmes locaux n'étaient pas autonomes et se trouvaient branchées sur le chauffage central de l'immeuble, sans différer quant à leur tuyauterie de l'équipement général de celui-ci ;

Attendu que cette absence de convention expresse des parties portant sur des installations aptes à la climatisation peut être par ailleurs déduite du fait qu'alors qu'une Société Sodexal a établi, à l'adresse d'un sous-traitant de la S.A.I.M.I., et sous la date du 4 octobre 1972, un devis, libellé pour 85 000 F, relatif à divers travaux portant sur les locaux dont s'agit et destinés à permettre un chauffage de ceux-ci par des ventilo-convecteurs, lequel devis mentionne expressément en sa page 2 des tuyauteries calorifugées ainsi que des canalisations nécessaires à une future centrale de froid, il s'avère qu'ultérieurement et pour les mêmes locaux, la Sodexal a formulé le 6 mai 1974 un deuxième devis quoique du même montant que le précédent, ne faisant, cette fois, aucune référence à une climatisation ultérieure des locaux considérés, et qu'en définitive, il a été facturé à l'Administration des Domaines par la S.A.I.M.I., à la date du 18 décembre 1974, soit à la veille de la passation de l'acte de vente, une somme de 85 000 F due au titre d'une installation de ventilo-convecteurs, sans que l'Administration n'établisse présentement, par les pièces produites, la consistance des conventions de travaux supplémentaires ayant précédé une telle facturation, ni si, en particulier, avait été commandé par l'État le calorifuge mentionné par chacun de ces deux devis - auxquels toutefois l'Administration n'était pas partie - et qui, ainsi que l'a relevé l'expert lors d'une visite de chantier opérée le 3 janvier 1985, faisait défaut, notamment sur les canalisations maîtresses de chauffage et d'eau chaude sanitaire alimentant l'entier immeuble et traversant le local technique ultérieurement utilisé pour le fonctionnement d'une sous-station de production de froid, ce qui ne pouvait qu'être, dès l'origine, relevé par les techniciens ;

Attendu qu'à défaut de la convention expresse requise en l'espèce du chef des installations réclamées, l'Administration ne saurait par ailleurs être admise à soutenir que l'ambivalence de principe des ventilo-convecteurs quant au chauffage et à la climatisation supposait nécessairement, du seul fait de l'installation de ces appareils, l'existence dans les locaux vendus, et à la différence du reste de l'immeuble, de tuyauteries calorifugées aptes à la climatisation, dès lors que les ventilo-convecteurs, même assortis d'évacuateurs de condensats peuvent, comme cela a été le cas durant plusieurs années, fonctionner uniquement comme appareils de chauffage, et que les modifications de leur installation découlant de leur nouvelle alimentation par fluide froid, s'agissant du calorifugeage de leurs tuyauteries d'alimentation, pouvaient être légitimement conçues comme devant s'opérer, selon la prévision des parties, dans le cadre des dispositions contractuelles faisant la loi de celles-ci, contenues d'une part dans l'article 6 (p. 24) du cahier des charges et règlement de copropriété de l'immeuble « Le Panorama » qui dispose « chaque copropriétaire pourra modifier comme bon lui semblera et à ses frais les parties privées comprises en son lot sous réserve des dispositions stipulées au présent article et à l'article 5 ci-dessus » et, d'autre part, dans la clause 4° précitée de l'acte de cession, faisant référence au cahier des charges, laquelle, en ce qu'elle vise des travaux extérieurs aux locaux cédés, qu'elle ne décrit pas, ne saurait à elle seule valoir dérogation, au surplus implicitement, à la consistance de ces derniers qui s'est révélée identique, comme cela s'infère de l'expertise, à celle du reste de l'immeuble quant à l'absence apparente de calorifuge sur les conduites d'alimentation des appareils de chauffage ;

Qu'en définitive et en l'état tant des pièces produites que des constatations de l'expert, la demande n'apparaît pas justifiée ;

Qu'il convient en conséquence de déclarer désormais sans objet la caution substituée, en exécution de l'ordonnance de référé précitée du 29 juillet 1985, à l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire précédemment autorisée le 9 avril 1984, et d'en ordonner dès lors, et en tant que de besoin, la mainlevée ;

Et attendu que les dépens doivent être laissés à la charge de l'État, eu égard à ce qui précède ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute l'État de l'ensemble de ses demandes ;

Déclare sans objet la caution susvisée ;

En ordonne la mainlevée en tant que de besoin ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe J.-Ch. Marquet et Boéri, av. déf. ; Champsaur, av. (Barreau de Nice).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25279
Date de la décision : 05/02/1987

Analyses

Contrat - Général ; Vente d'immeuble ; Copropriété


Parties
Demandeurs : État de Monaco
Défendeurs : Société anonyme immobilière monégasque d'investissements (S.A.I.M.I.).

Références :

Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-02-05;25279 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award