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05/02/1987 | MONACO | N°25277

Monaco | Tribunal de première instance, 5 février 1987, S.A.R.L. Safi c/ S.A.M. Agedi.


Abstract

Agent d'affaires

Présentation d'un client à une autre agence - Part de commission - Rémunération en rapport avec les usages déontologiques

Résumé

Une agence immobilière, dont le rôle a consisté à mettre un futur acquéreur en rapport avec une autre agence immobilière laquelle a mené les transactions et négociations qui ont abouti à la vente, est fondée à réclamer à celle-ci, pour son intervention, une part de la commission alors qu'il n'est point établi que l'acquéreur ait directement mandaté la deuxième agence.

Dans la déterm

ination de cette rémunération, il est tenu compte des usages en vigueur dans la profession.

Motifs

L...

Abstract

Agent d'affaires

Présentation d'un client à une autre agence - Part de commission - Rémunération en rapport avec les usages déontologiques

Résumé

Une agence immobilière, dont le rôle a consisté à mettre un futur acquéreur en rapport avec une autre agence immobilière laquelle a mené les transactions et négociations qui ont abouti à la vente, est fondée à réclamer à celle-ci, pour son intervention, une part de la commission alors qu'il n'est point établi que l'acquéreur ait directement mandaté la deuxième agence.

Dans la détermination de cette rémunération, il est tenu compte des usages en vigueur dans la profession.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'il résulte des pièces produites la relation suivante des faits et de la procédure :

Par acte de Maître Rey, notaire, en date du 4 décembre 1984, la société civile particulière dénommée « S.C.I. du Métropole », ayant pour gérant statutaire N. B., a vendu à la société civile particulière dénommée « S.C.I. Codeim » constituée le jour-même et ayant pour gérant statutaire R. H. W., par ailleurs directeur général pour la France de « International Westminster Bank P.L.C. », diverses portions d'immeuble dépendant du complexe du Métropole sis à Monte-Carlo, moyennant le prix hors taxes de 36 380 000 F.

Cette vente a été négociée avec le concours de l'Agence immobilière Agedi, qui a perçu, du vendeur exclusivement, une commission forfaitairement évaluée à 4 % du prix précité, ayant fait l'objet d'une facture datée du 4 décembre 1984 d'un montant acquitté de 1 455 200 F ;

Prétendant être intervenue dans cette négociation en mettant en rapport le futur acquéreur avec l'Agence Agedi, la S.A.R.L. de droit français « Société Anglo Française Immobilière » (Safi), sise à Antibes (A.-M.), où elle exerce notamment la profession d'agent immobilier, a réclamé à l'Agence Agedi une part de commission, sans être suivie en sa demande au motif qu'aucun accord en ce sens n'a été conclu et que cette réclamation est totalement injustifiée ;

Après diverses démarches amiables suivies de sommations de payer des honoraires représentant 40 % de ceux supposés perçus par l'Agence Agedi, la S.A.R.L. Safi a fait assigner la S.A.M. Agedi en paiement d'une somme ramenée, dans le dernier état de ses écrits judiciaires, à 552 080 F, au lieu de 1 380 693,76 F, initialement demandés, correspondant selon elle à 40 % des 1 445 200 F (en réalité 1 455 200 F) perçus à titre de commission par l'Agence Agedi, outre celle de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

A l'appui de ses prétentions, la Société Safi fait valoir, pour l'essentiel :

* que la vente n'a pu se conclure que grâce à son intervention, dans la mesure où elle a elle-même « apporté » l'acquéreur ; elle soutient, en effet, en se prévalant de la correspondance qu'elle produit aux débats, que l'International Westminster Bank P.L.C. - dont la S.C.I. Codeim, uniquement constituée pour les besoins de la vente, serait l'émanation - qui envisageait d'acquérir un bien immobilier à Monaco, s'est d'abord adressée à la Safi, laquelle, dans l'impossibilité de traiter en Principauté, l'a présentée à l'Agence Agedi en organisant la première rencontre entre les représentants de la banque et de cette agence ;

* que cette mise en relation n'a fait que traduire les excellents rapports existant entre les dirigeants de la Safi et de l'Agence Agedi, dont les relations d'affaires dans des situations antérieures comparables à celles de l'espèce n'avaient jamais donné lieu à difficulté, le partage d'honoraires étant habituel ;

* que son intervention déterminante pour la réalisation de l'affaire justifie sa réclamation, à laquelle, contre toute attente, la Société Agedi n'a pas fait droit, en s'abstenant de répondre à ses diverses demandes, en sorte que la résistance abusivement opposée par cette société l'a contrainte à introduire la présente action ;

La Société Agedi conteste pour sa part cette relation des faits ; elle admet que le directeur de l'agence de Nice de la banque International Westminster Bank P.L.C. (G.G. S.) s'est adressé au responsable de la Safi (S. B.) en vue d'acquérir des locaux à Monaco, B. lui ayant alors expliqué qu'il n'était pas autorisé à traiter d'affaires en Principauté et que la banque pouvait s'adresser à l'Agence Agedi ; elle indique que S. s'est alors rendu à Monaco à ladite agence où il a été reçu une première fois, sans qu'il ait précisé le nom de ses mandants, d'autres entretiens ayant eu lieu par la suite avant la conclusion de l'affaire entre des membres de la banque Westminster en France et le Président-Délégué de la S.A.M. Agedi, J. B. ; elle affirme toutefois que celui-ci connaissait déjà les intentions de la banque quant à l'acquisition d'un local à Monaco, à telle enseigne qu'il avait adressé au président de la banque à Paris, le 16 février 1984, un courrier « de prospection » pour l'informer que l'Agence Agedi se tenait à disposition pour toute opération immobilière en Principauté ; elle considère dès lors qu'aucune autre agence n'était intéressée à la transaction - qu'elle a menée entre B. et W., jusqu'à son terme -, ce qui expliquerait qu'elle n'a réclamé une commission qu'au vendeur ; elle ne conteste pas que des relations d'affaires l'unissaient à la Safi mais précise que cette société prenait soin, à chaque fois, de se préconstituer la preuve de son intervention pour prétendre utilement au paiement de la commission lui revenant en vertu d'une convention verbale de partage qui, en l'espèce, n'est pas intervenue, ni a fortiori prouvée ;

Elle prétend que la Safi ne saurait pas davantage se prévaloir d'une commission due à titre d'indicateur ;

Elle conclut, en conséquence, au rejet des demandes dont elle fait l'objet et sollicite reconventionnellement le paiement de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, à l'effet de sanctionner l'atteinte à la réputation de la Société Agedi que la Safi a tenté de porter à son encontre, préalablement et au cours de la présente instance ;

Sur quoi,

Attendu qu'il ressort de la lettre adressée le 11 décembre 1984 par S. à B., dont le contenu n'est pas contesté par l'Agence Agedi, que l'International Westminster Bank P.L.C., qui envisageait d'acquérir des bureaux en Principauté, a contacté la Safi au mois d'avril 1984 en la personne de B. pour lui demander d'intervenir en ce sens, B. ayant alors proposé à S. - en lui expliquant qu'il ne pouvait traiter d'affaires à Monaco - de le mettre en rapport avec l'Agence Agedi, ce qui fut fait puisqu'un rendez-vous a été organisé par lui à Monaco entre S. et J. B., ce premier contact ayant été suivi par d'autres entre les membres de la direction française de la banque (dont W., cf. sa lettre du 28 mars 1985) et l'Agence Agedi, pour aboutir en définitive à l'acte de vente précité ;

Attendu que ces circonstances, confirmées dans leur matérialité par les pièces produites et d'ailleurs admises par la S.A.M. Agedi, établissent que la Safi, par son intervention, a présenté et introduit auprès de l'Agence Agedi le futur acquéreur des locaux du Métropole, étant ici observé qu'il est constant que son rôle s'est achevé à ce stade et que les transactions et négociations ultérieures ont été menées à terme par l'agence monégasque ;

Attendu que les diligences de la Safi, telles que ci-dessus retracées - qui auraient pu conduire l'Agence Agedi, se substituant en quelque sorte à son confrère français intervenu dans l'affaire et y ayant intérêt, à solliciter de l'acquéreur un pourcentage de commission qu'elle s'est en définitive bornée à réclamer au seul vendeur -, justifient une rémunération devant être payée, eu égard aux circonstances de la cause, par l'Agence Agedi, à la condition toutefois que cette agence n'ait pas déjà eu pour client ou établi un contact antérieur avec la banque préalablement à la présentation de celle-ci par la Safi ;

Attendu que cette condition essentielle, que l'Agence Agedi estime avoir été réalisée en l'espèce en affirmant qu'elle « connaissait depuis longtemps les projets de la banque », n'est pas établie par les pièces au dossier ; que si la lettre du 4 décembre 1984 adressée par B. à l'attention de J. B. peut donner à penser que celui-ci avait dans le passé proposé ses services, au cours d'une « visite impromptue » à son siège londonien, à la National Westminster Bank, rien ne permet d'affirmer que cette démarche se soit trouvée à l'origine de l'affaire réalisée le 4 décembre 1984, ce qui est au demeurant confirmé par le dernier paragraphe de la lettre du 28 mars 1985 émanant de W. ; que, par ailleurs, la lettre adressée par l'Agence Agedi le 16 février 1984 à « V. S., Président International Westminster Bank » à Paris, qui apparaît avoir été rédigée dans le cadre général d'une politique commerciale tendant à la recherche de clients potentiels et être demeurée sans réponse - la Société Agedi l'ayant elle-même qualifiée de lettre de « prospection » -, ne peut être tenue, en l'absence d'éléments plus précis, comme ayant été le point de départ des relations prises au mois d'avril suivant, dans les circonstances ci-dessus relatées, par la banque avec l'Agence Agedi ; qu'ainsi, même à supposer que les projets d'installation de cette banque à Monaco étaient connus de la défenderesse avant d'être mise en rapport avec l'International Westminster Bank P.L.C., l'absence de contact prouvé préalable à cette première relation n'autorise pas à considérer que la banque était d'ores et déjà, pour l'avoir mandatée, la cliente de l'Agence Agedi ;

Attendu, sur la rémunération devant être allouée à la Safi, que si les règles intérieures s'appliquant aux membres de la Fédération nationale française des agents immobiliers ne peuvent être prises en considération s'agissant d'une agence monégasque, pas davantage d'ailleurs que celles édictées par la Chambre monégasque des agents immobiliers dès lors que l'Agence Agedi a indiqué, sans être démentie sur ce point, ne pas y être affiliée, il y a lieu toutefois de tenir compte des usages en vigueur dans la profession qui prévoient une rémunération pour l'agence qui présente un client se portant ultérieurement acquéreur ; que sur le montant de celle-ci, le tribunal dispose des éléments suffisants d'appréciation, eu égard certes à la modestie des diligences effectuées comme aussi à leur caractère déterminant, pour l'arbitrer à la somme de 200 000 F au paiement de laquelle la Société Agedi doit être condamnée ;

Attendu que, pour autant, la résistance opposée par cette société n'apparaît pas fautive, le seul fait de s'opposer à un paiement que la défenderesse pouvait estimer, de bonne foi, eu égard aux données particulières de l'espèce, ne pas être dû, ne pouvant être considéré comme abusif ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la demande de la Safi ayant été partiellement reconnue fondée, la demande reconventionnelle de la Société Agedi doit être rejetée ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Condamne la S.A.M. dénommée Agedi à payer à la S.A.R.L. dénommée Safi la somme de 200 000 F (deux cent mille francs), montant des causes sus-énoncées ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Karczag-Mencarelli et J.-Ch. Marquet, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25277
Date de la décision : 05/02/1987

Analyses

Vente ; Autres professions réglementées


Parties
Demandeurs : S.A.R.L. Safi
Défendeurs : S.A.M. Agedi.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-02-05;25277 ?

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