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05/02/1987 | MONACO | N°25276

Monaco | Tribunal de première instance, 5 février 1987, S.A.M. Soca Monte-Carlo c/ Dame B.


Abstract

Contrat de travail

Condition résolutoire : autorisation administrative - Conclusion définitive - Rupture du fait de l'employé - Légèreté blâmable de celui-ci - Dommages-intérêts au cas de préjudice - Exclusion de l'indemnité de préavis

Résumé

Nonobstant la condition résolutoire d'obtention d'autorisation administrative, un contrat de travail doit être considéré comme définitivement conclu dès l'acceptation de l'offre d'emploi, alors qu'il résulte des dispositions de l'article 1er, alinéa 2, de la loi n. 629 du 17 juillet 1957, que les

autorisations visant à la délivrance d'un permis de travail sont indépendantes du contrat de ...

Abstract

Contrat de travail

Condition résolutoire : autorisation administrative - Conclusion définitive - Rupture du fait de l'employé - Légèreté blâmable de celui-ci - Dommages-intérêts au cas de préjudice - Exclusion de l'indemnité de préavis

Résumé

Nonobstant la condition résolutoire d'obtention d'autorisation administrative, un contrat de travail doit être considéré comme définitivement conclu dès l'acceptation de l'offre d'emploi, alors qu'il résulte des dispositions de l'article 1er, alinéa 2, de la loi n. 629 du 17 juillet 1957, que les autorisations visant à la délivrance d'un permis de travail sont indépendantes du contrat de travail lui-même dont elles n'affectent pas les clauses et conditions.

La rupture du contrat de travail du fait de l'employé, avant même le début de la période d'essai prévue, pour un motif qui, excluant le cas fortuit ou la force majeure, exprime une légèreté blâmable, engage la responsabilité de l'employé et l'expose à réparer le préjudice susceptible d'avoir été causé à l'employeur.

La demande de préavis formée par l'employeur ne saurait être prise en considération dès lors que les conditions d'application des articles 7 et 11, de la loi n. 729 du 16 mars 1963, ne sont pas réunies.

Motifs

LE TRIBUNAL,

[Statuant comme juridiction d'appel du tribunal du travail]

Attendu qu'il est constant que la S.A.M. Soca (Société de chimie appliquée), à la suite d'une campagne de recrutement d'un animateur de formation, a adressé, le 20 février 1985, à B. B. qui s'était portée candidate à cet emploi, une offre écrite détaillée d'engagement, prévoyant en particulier une date d'embauche au 1er juin 1985 au plus tard et une période d'essai de trois mois, offre que celle-ci a acceptée en y apposant sa signature précédée de la mention « Lu et approuvé le 5 mars 1985 » ; que cependant, B. B. a informé la Soca, le 29 mars 1985, de ce qu'elle n'entendait pas donner suite à ce contrat de travail pour des raisons de convenances personnelles liées à l'obtention par ailleurs d'un emploi plus avantageux ;

Attendu que la Soca ayant saisi le Tribunal du travail de demandes tendant à obtenir de B. B. le paiement de frais d'annonce, du temps consacré au recrutement, des frais de déplacement d'une partie de son personnel, d'une indemnité de préavis et du préjudice commercial subi, cette juridiction, par jugement du 13 février 1986 auquel il y a lieu de se reporter en tant que de besoin, a relevé l'existence d'un contrat de travail liant les parties et l'obligation pour l'employée d'occuper son poste à la date convenue sous réserve de l'accord du service du Travail et des Affaires sociales, a estimé que le motif invoqué par B. B. au soutien de la rupture de ses engagements n'est pas de nature à l'exonérer de l'obligation de préavis prévue par la loi n. 729 du 16 mars 1963, a toutefois considéré que le délai de deux mois restant à courir entre la décision de renoncer à l'emploi et la date prévue pour le début du travail constituait un temps de prévenance suffisant et équitable pour permettre à l'employeur de recruter un nouvel animateur de formation, la Soca n'étant dès lors pas fondée à obtenir paiement d'une indemnité de préavis, a jugé fautive comme empreinte de légèreté blâmable la brusque démission de l'employée et abusive sa décision de refuser d'exécuter les obligations découlant du contrat de travail, a rejeté les demandes en remboursement des frais liés au recrutement au motif qu'ils n'ont pas été engagés pour l'embauche exclusive de B. B. et qu'ils n'étaient pas tous nécessaires, leur généralité ne permettant pas de les mettre à la charge de cette employée uniquement, a admis en revanche que la démission de B. B. a désorganisé les services de la Soca qui n'a pu bénéficier des avantages par elle escomptés à compter du 1er juin 1985, ce préjudice commercial étant arbitré à 1 F, a débouté la Soca de sa demande en paiement de 5 000 F au titre des frais irrépétibles parce que non soumise au préliminaire de conciliation, a débouté B. B. de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens ;

Que dans son dispositif, le tribunal du travail a donc jugé abusive la renonciation de B. B. à l'emploi qu'elle avait accepté, l'a condamnée à payer 1 F à la Soca à titre de dommages-intérêts, a déclaré irrecevable la demande en paiement de 5 000 F à titre de frais irrépétibles et a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Attendu que par l'exploit susvisé, la S.A.M. « Soca Monte-Carlo » a régulièrement interjeté appel de ce jugement - lequel n'apparaît pas avoir été signifié - dont il poursuit la réformation du chef des dommages-intérêts qui lui ont été alloués, en sollicitant à nouveau le paiement des « frais d'annonce » (9 397,86 F), du « temps perdu au recrutement sur la base du salaire horaire des cadres qui y ont participé » (1 326,13 F), « des frais de déplacement du personnel d'encadrement » (7 329,50 F), et de « l'indemnité de préavis ou de non-exécution de la période d'essai » (45 000 F), soit au total : 65 053,49 F, la confirmation du jugement étant demandée en ce qui concerne la faute relevée à l'encontre de B. B. et l'indemnisation qui lui a été octroyée en raison du préjudice commercial subi ;

Qu'au soutien de ses demandes, l'appelante, qui reproche aux premiers juges de n'avoir pas pris en considération l'exact préjudice qu'elle a subi, rappelle l'importance des missions conférées à la personne qu'il s'agissait de recruter pour souligner l'ampleur des moyens mis en œuvre pour ledit recrutement, et souligne que l'intimée a elle-même reconnu, dans sa lettre de rupture, occasionner un préjudice réel à la Soca ; que cette société explique avoir affecté du personnel en vue du recrutement et fait paraître des annonces dans la presse, ce qui a entraîné les frais dont elle justifie ; quant à l'indemnité de préavis, elle observe qu'aucun délai ne lui a été donné par B. B. pour pourvoir à son remplacement, que l'embauche d'un nouvel animateur de formation a été retardée de plusieurs mois et que l'indemnité est calculée sur la base de la durée de la période d'essai de trois mois qui aurait dû être assurée par l'employée ;

Attendu qu'en réponse B. B. conclut au rejet de ces demandes et se porte appelante à titre incident pour que le tribunal juge que sa renonciation à l'emploi qu'elle avait accepté n'est pas abusive ; que subsidiairement, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Soca de sa demande en paiement de préavis et de remboursement de frais ;

Qu'à l'appui de ses prétentions, B. B. soutient que si le contrat d'engagement a bien été conclu du fait de son acceptation des conditions de travail offertes, il se trouvait cependant soumis à la condition suspensive relative aux autorisations devant être délivrées par les autorités administratives et médicales de la Principauté et ne pouvait donc être considéré comme définitif avant la survenance de cette condition, laquelle n'était pas intervenue à la date du 29 mars 1985 ; qu'elle en déduit que la demande d'indemnité de préavis ne saurait être accueillie, alors en outre, en fait, qu'elle a informé la Soca de son intention plus de deux mois avant la prise d'effet du contrat, délai qui a été reconnu suffisant par les premiers juges ; qu'elle observe par ailleurs que le régime de la période d'essai prévue au contrat, durant laquelle les parties pouvaient sans formalité ni délai mettre un terme aux relations de travail, doit également s'appliquer - a fortiori - à la période préparatoire à l'embauche au cours de laquelle la rupture est intervenue ;

Qu'en ce qui concerne la demande en remboursement des frais, elle reprend à son compte l'argumentation des premiers juges et relève à titre subsidiaire qu'elle ne saurait être tenue au paiement de dommages-intérêts que s'il est d'abord retenu une faute ou une inexécution du contrat à son encontre, circonstance qu'elle dénie en se prévalant de la loyauté dont elle a fait preuve, alors qu'elle aurait pu attendre de se trouver en période d'essai pour démissionner librement ;

Sur quoi,

Attendu à cet égard que l'objet du litige n'est pas relatif aux conditions dans lesquelles B. B. aurait pu mettre un terme sans indemnité au contrat de travail en cours d'exécution de la période d'essai - en sorte que l'argumentation développée de ce chef est inopérante - mais se rapporte à la situation précise de l'espèce qui révèle que le contrat de travail, formé dès l'acceptation de l'employée, a été rompu par elle et inexécuté avant même le début de la période d'essai, convenue comme devant commencer au plus tard le 1er juin 1985 ;

Attendu que le contrat litigieux présentait en effet un caractère définitif dès le 5 mars 1985, date d'acceptation de l'offre d'emploi, nonobstant les termes utilisés dans la lettre d'engagement quant aux autorisations administratives à obtenir, dès lors d'une part qu'il apparaît des éléments de la cause que si les parties ont contracté sous réserve de la condition tenant à l'obtention desdites autorisations, elles ont entendu se lier immédiatement en envisageant cet événement non comme une condition suspensive de la formation ou de l'exécution du contrat mais comme une condition résolutoire, dont le défaut de survenance aurait mis à néant ledit contrat, considéré comme définitif dès sa conclusion, et d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article 1er, alinéa 2, de la loi n. 629 du 17 juillet 1957 que les autorisations visant à la délivrance d'un permis de travail sont indépendantes du contrat de travail lui-même dont elles n'affectent pas les clauses et conditions ;

Attendu, dès lors, que malgré la loyauté dont elle estime avoir fait preuve, il demeure qu'en rompant le contrat, parfaitement formé, avant le début de l'essai, B. B. a engagé sa responsabilité contractuelle ; qu'en effet, le motif de rupture invoqué ne saurait être regardé comme un cas fortuit ou de force majeure exonératoire de cette responsabilité mais constitue, à tout le moins, l'expression d'une légèreté blâmable de sa part ouvrant droit, sous réserve de l'existence d'un préjudice qui lui soit imputable, à des dommages-intérêts au profit de la Soca ;

Attendu, sur ce point, qu'il convient de rechercher quel a pu être le préjudice subi par cette société, sans égard toutefois pour sa demande en paiement d'une indemnité de préavis qui ne saurait être prise en considération dans le cas de l'espèce dès lors que les conditions d'application des articles 7 et 11 de la loi n. 729 du 16 mars 1963 ne sont pas réunies, aucune obligation de préavis au sens de ces textes ne pesant, contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, sur B. B., alors au surplus que le délai dont elle a fait bénéficier en fait son employeur pour la recherche d'un autre animateur de formation apparaît suffisant ;

Attendu que la Soca, qui a certes mis en œuvre une campagne de recrutement s'adressant par définition à plusieurs candidats, a toutefois engagé, pour la candidature de B. B., dont elle n'a en définitive pas tiré la contrepartie qu'elle pouvait en attendre, des frais spécifiques correspondant à partie de ceux qui ont été réclamés ; qu'au vu des éléments justificatifs qui lui sont soumis, le tribunal estime que le préjudice exclusivement imputable à la défenderesse peut être équitablement évalué à la somme de 6 000 F, étant ici observé que celle-ci a elle-même admis que sa décision procurait « du désagrément » à la Soca ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Partiellement substitués à ceux des premiers juges,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

Déclare recevables en la forme les appels tant principal qu'incident ;

Constate que B. B. a rompu par sa faute le contrat de travail qui l'unissait à la Soca ;

Confirme le jugement entrepris du 13 février 1986 en ce qu'il a condamné B. B. à payer à la Société Soca 1 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial ;

Y ajoutant et réformant de ce chef ledit jugement,

La condamne à payer en outre à cette société la somme de 6 000 F (six mille francs), montant des causes sus-énoncées, à titre de dommages-intérêts ;

Déboute la Société Soca du surplus de ses demandes ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés., Truchi, prem. subst. ; MMe Sbarrato et Marquilly, av. déf. ; Boitel, av. (Barreau de Nice).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25276
Date de la décision : 05/02/1987

Analyses

Contrats de travail


Parties
Demandeurs : S.A.M. Soca Monte-Carlo
Défendeurs : Dame B.

Références :

loi n. 729 du 16 mars 1963
article 1er, alinéa 2, de la loi n. 629 du 17 juillet 1957
articles 7 et 11 de la loi n. 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-02-05;25276 ?

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