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05/02/1987 | MONACO | N°25275

Monaco | Tribunal de première instance, 5 février 1987, B. c/ R.


Abstract

Locaux d'habitation

Droit de reprise - Congé - Délai - Appréciation des besoins normaux - Obstacle à l'exercice du droit de reprise

Résumé

Le propriétaire d'un appartement qui entend exercer son droit de reprise doit, en application des articles 26 et suivants, de l'ordonnance-loi n. 669, du 17 septembre 1959, modifiée, notifier son intention, au moins douze mois à l'avance, par un congé sans être obligé d'en situer la date d'effet à l'expiration d'un terme de loyer.

L'appréciation des besoins normaux n'implique pas l'examen de la situa

tion d'habitation actuelle ou passée du bénéficiaire de la reprise mais commande la prise e...

Abstract

Locaux d'habitation

Droit de reprise - Congé - Délai - Appréciation des besoins normaux - Obstacle à l'exercice du droit de reprise

Résumé

Le propriétaire d'un appartement qui entend exercer son droit de reprise doit, en application des articles 26 et suivants, de l'ordonnance-loi n. 669, du 17 septembre 1959, modifiée, notifier son intention, au moins douze mois à l'avance, par un congé sans être obligé d'en situer la date d'effet à l'expiration d'un terme de loyer.

L'appréciation des besoins normaux n'implique pas l'examen de la situation d'habitation actuelle ou passée du bénéficiaire de la reprise mais commande la prise en considération des conditions d'occupation offertes par le local objet de la reprise.

Les locataires de nationalité étrangère ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 30, de l'ordonnance-loi n. 669 susvisée, en invoquant, d'une part, leur qualité d'employés au service privé du Palais princier, d'autre part, la durée d'exercice de cet emploi dès lors que leur statut, bien qu'y étant assimilé, ne relève pas de la fonction publique et que le bénéficiaire de la reprise entre lui-même dans la catégorie prétendue.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'il est constant que V. B., de nationalité italienne, et son épouse née B. Y., de nationalité française, copropriétaires d'un appartement de trois pièces, cuisine, salle de bains et de ses dépendances - sis dans l'immeuble dénommé Villa M.-F., . - pour l'avoir acquis selon acte de Maître J.-C. Rey, notaire, en date du 19 avril 1979, ont notifié aux époux R., tous deux de nationalité française, employés au service de la Famille souveraine et occupants dudit appartement à titre de locataires, leur intention de reprendre cet appartement à leur bénéfice, suivant acte extra-judiciaire de Maître Escaut-Marquet, huissier, en date du 14 juin 1985, leur donnant congé pour le 15 juin 1986 ;

Attendu que par l'exploit introductif de la présente instance et leurs conclusions postérieures, les époux B., qui exposent être gracieusement hébergés à Monaco et se trouver dès lors dans l'impérieux besoin de disposer d'un logement personnel, ont fait assigner les époux R. en validation du congé précité qui répond selon eux aux conditions imposées par la loi n. 669 du 17 septembre 1959 ;

Qu'estimant satisfaire aux prescriptions légales pour bénéficier du droit de reprise de l'appartement dont s'agit, ils poursuivent en conséquence la libération des locaux dans le mois de la signification du présent jugement sous peine d'une astreinte de 300 francs par jour de retard et sollicitent, vu l'urgence, l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Qu'ils précisent encore, pour répondre aux moyens soulevés par les défendeurs, que le congé est régulier comme ayant été délivré au moins 12 mois à l'avance, que l'appartement objet de la reprise correspond à leurs besoins normaux puisqu'ils ne disposent pas d'habitation personnelle et sont logés par des amis, et que les époux R. n'ont pas la qualité de fonctionnaires ou agents de l'État et ne sauraient donc se prévaloir des dispositions de l'article 30-2° de l'ordonnance-loi n. 669 précitée.

Attendu qu'en réponse les époux R. concluent au rejet des demandes dont ils font l'objet aux motifs :

* que le congé devait être donné pour une date correspondant à un terme de loyer payé, ce qui ne serait pas le cas ;

* que les pièces produites à l'effet de démontrer que les demandeurs sont hébergés par autrui sont des documents dénués de valeur probante et établis pour la circonstance, insuffisants à caractériser « les besoins normaux exigés », alors en outre que l'acte d'achat de l'appartement objet de la reprise indique que les époux B. occupaient alors un appartement soumis à la législation du 17 septembre 1959 leur assurant un maintien dans les lieux ;

* que le droit de reprise ne peut être exercé à leur encontre puisqu'ils entrent dans la catégorie des étrangers fonctionnaires de l'État en activité ou assimilés à la fonction publique, alors que les demandeurs ne justifient pas entrer dans une catégorie similaire ;

Qu'ils considèrent en conséquence que toutes les conditions requises pour l'exercice du droit de reprise ne sont pas réunies par les époux B. ;

Sur quoi,

Attendu, sur le premier moyen opposé par les époux R., qu'aucune disposition de l'ordonnance-loi n. 669, modifiée, du 17 septembre 1959 n'impose au propriétaire qui entend exercer le droit de reprise prévu par les articles 26 et suivants de ladite ordonnance-loi de notifier son intention par un congé dont la date d'effet se situerait à l'expiration d'un terme du loyer, la seule prescription édictée de ce chef étant relative à l'obligation - respectée en l'espèce - de procéder à cette notification au moins douze mois à l'avance ;

Attendu, sur le deuxième moyen, qu'il importe peu, pour apprécier les besoins normaux dont doit justifier le propriétaire exerçant le droit de reprise, d'examiner les circonstances et conditions dans lesquelles est logé ledit propriétaire ou a pu l'être dans le passé, dès lors que le critère à prendre en considération s'applique exclusivement à l'occupation du local que l'on entend reprendre ;

Qu'ainsi, il est indifférent de tenir compte de la situation actuelle d'habitation des époux B., la seule question que le tribunal est appelé à trancher en l'espèce étant relative à l'appartement objet de la reprise dont l'occupation doit répondre, pour les bénéficiaires, à des besoins normaux ;

Qu'à cet égard, le tribunal estime que l'appartement de trois pièces, cuisine, salle de bains, dégagement, WC indépendant et penderies, sis au 2e étage de l'immeuble, et la cave qui lui est affectée, formant 122/1000 des parties communes, n'excède pas les besoins normaux du couple de sexagénaires formé par les époux B., bénéficiaires de la reprise, ce qui au demeurant n'a pas été sérieusement contesté par les époux R. dont il est constant qu'ils se satisfont eux-mêmes de cet appartement qu'ils occupent à titre de locataires ;

Qu'il suit dès lors que ce moyen doit également être écarté ;

Attendu, sur le troisième et dernier moyen, qu'aux termes de l'article 30 de l'ordonnance-loi n. 669, le droit de reprise ne peut être exercé à l'encontre d'un occupant de nationalité étrangère s'il est fonctionnaire ou agent de l'État en activité, ou encore s'il exerce depuis au moins cinq ans dans la Principauté un emploi privé, à moins que le bénéficiaire de la reprise n'entre lui-même dans l'une de ces catégories ;

Attendu que les pièces produites, en ce qu'elles révèlent que J. R. est employé au service privé de SAS le Prince souverain en qualité de premier maître d'hôtel titulaire, bénéficiant du statut du personnel du Palais princier et étant « assimilé » aux membres de la fonction publique monégasque, et que F. R. son épouse occupe les fonctions de gardienne au service de SAS la Princesse S., ne permettent pas d'inférer que les époux R. ont la qualité de fonctionnaires de l'État au sens de l'ordonnance-loi n. 669 précitée, puisqu'ils apparaissent relever d'un statut particulier - qui n'est pas celui institué par la loi n. 975 du 12 juillet 1975, portant statut des fonctionnaires de l'État, dont l'article 1 alinéa 3 précise qu'il n'est pas applicable aux personnes relevant des services du Palais princier - et qu'ils sont employés au service privé des membres de la Famille souveraine, la circonstance qu'ils puissent être assimilés, par leur statut propre, aux fonctionnaires de l'État et bénéficier d'avantages conférés auxdits fonctionnaires n'étant pas susceptible de leur conférer cette qualité ;

Attendu que pour l'application de l'ordonnance-loi n. 669, il y a donc lieu de considérer les défendeurs comme relevant de la catégorie prévue au chiffre 3 de l'article 30 à laquelle apparaît également appartenir B., au vu des pièces produites, en sorte que le droit de reprise doit être considéré comme ayant été régulièrement exercé ;

Attendu, par ailleurs, que les défendeurs n'ont pas contesté que les autres conditions d'exercice de ce droit, telles que prévues par les articles 26 et suivants de l'ordonnance-loi n. 669 dont les dispositions apparaissent au demeurant avoir été respectées, sont réunies en l'espèce ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit aux demandes des époux B. dans les termes du dispositif ci-après ;

Attendu que les demandeurs ne s'expliquent pas sur l'urgence, qui ne résulte pas des circonstances de la cause, motivant leur demande d'exécution provisoire à laquelle il n'y a dès lors pas lieu d'accéder ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare régulier et valide comme tel le congé, notifié le 14 juin 1985 pour le 15 juin 1986 par les époux B. aux époux R., aux fins de reprise pour leur occupation personnelle de l'appartement et de ses dépendances, formant les lots n° 21 et 14 du cahier des charges et règlement de copropriété, sis au 2e étage de l'immeuble « Villa M.-F. », . ;

Dit que les époux R. devront libérer les lieux dans les trois mois suivant la signification du présent jugement sous astreinte non définitive de 100 F par jour de retard pendant une période de deux mois passé laquelle il serait à nouveau fait droit ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Sbarrato et Boisson, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25275
Date de la décision : 05/02/1987

Analyses

Immeuble à usage d'habitation ; Droit des personnes - Nationalité, naturalisation


Parties
Demandeurs : B.
Défendeurs : R.

Références :

loi n. 669 du 17 septembre 1959
loi n. 975 du 12 juillet 1975


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-02-05;25275 ?

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