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23/01/1987 | MONACO | N°25272

Monaco | Tribunal de première instance, 23 janvier 1987, Société Crédit du Nord c/ R. - G.


Abstract

Location - gérance

Dette contractée par le gérant pour le fonctionnement du fonds. Absence de solidarité entre le gérant et le propriétaire du fonds.

Résumé

Le prêt, consenti par un organisme de crédit au gérant libre d'un fonds de commerce pour son exploitation, constitue une dette personnelle contractée par celui-ci et ne saurait fonder un appel en garantie du prêteur contre le propriétaire du fonds, dès lors que le gérant libre a pris l'engagement d'exploiter à son compte personnel et à ses risques et périls et que la loi n. 546 du 26

juin 1951 n'instaure pas de solidarité entre le propriétaire du fonds et le preneur gérant...

Abstract

Location - gérance

Dette contractée par le gérant pour le fonctionnement du fonds. Absence de solidarité entre le gérant et le propriétaire du fonds.

Résumé

Le prêt, consenti par un organisme de crédit au gérant libre d'un fonds de commerce pour son exploitation, constitue une dette personnelle contractée par celui-ci et ne saurait fonder un appel en garantie du prêteur contre le propriétaire du fonds, dès lors que le gérant libre a pris l'engagement d'exploiter à son compte personnel et à ses risques et périls et que la loi n. 546 du 26 juin 1951 n'instaure pas de solidarité entre le propriétaire du fonds et le preneur gérant relativement à une telle dette.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que par exploit du 20 janvier 1983, la Société anonyme le Crédit du Nord, a assigné P. R. en paiement de la somme de 119 206,63 francs, solde débiteur du compte dont il était titulaire dans ses livres, avec intérêts conventionnels depuis le 1er octobre 1982 au taux de base bancaire majoré de 3,20 % et des sommes de 2 500 francs à titre de dommages-intérêts et de 2 500 francs pour frais irrépétibles, avec exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu que par exploit du 12 janvier 1984, R. a assigné la dame D., épouse B., et le Crédit du Nord aux fins de :

« Venir les requis entendre dire et juger qu'il s'évince des pièces versées aux débats que la dette contractée par le sieur P. R. à l'égard de la S.A. Crédit du Nord ne l'a été qu'à l'occasion de l'exploitation en gérance libre du fonds de commerce S. . D. ; venir la dame B. entendre dire et juger qu'en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce donné en gérance libre elle devra intervenir dans l'instance actuellement pendante devant le Tribunal de première instance entre son ancien gérant, le sieur R. d'une part, et la S.A. Crédit du Nord, d'autre part, alors et surtout qu'elle est restée en possession de l'intégralité du matériel et de la marchandise acquis grâce au prêt consenti par le Crédit du Nord ; en conséquence, venir les requis entendre dire et juger qu'à peine de déchéance, il appartenait à la S.A. Crédit du Nord de former opposition dans le délai prescrit par la loi n. 546 du 26 juin 1971, alors qu'il est justifié de ce que la fin de gérance a été régulièrement publiée et qu'elle est intervenue à la connaissance de la banque ; venir en tant que de besoin la dame B. entendre dire et juger qu'elle devra garantir le sieur R. de toutes les condamnations qui pourraient être éventuellement prononcées à son encontre et qu'elle sera en outre tenue de l'indemniser de l'entier préjudice que lui occasionne la réclamation du Crédit du Nord ; venir les requis s'entendre condamner solidairement aux entiers dépens » ;

Que par conclusions communes avec R. en date du 5 décembre 1984, M. G. est intervenu volontairement à ces procédures en qualité de caution solidaire, à concurrence de 40 000 francs, du découvert bancaire consenti par le Crédit du Nord en demandant au tribunal de surseoir à statuer jusqu'à décision de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence saisie d'une instance l'opposant au Crédit du Nord ;

Attendu que les parties ont conclu ainsi qu'il suit :

R. soutient que l'ouverture de crédit en compte courant qui lui a été consentie par le Crédit du Nord l'a été pour les besoins de l'exploitation du fonds de commerce appartenant à la dame D., épouse B., situé . à l'enseigne « S. . D. », qui lui a été donné en gérance libre par acte de Me Rey, notaire, en date du 19 février 1981, gérance résiliée amiablement par acte notarié du 12 mai 1982, et que la dame B. n'a pas respecté l'engagement pris par lettre du 30 juin 1982 de lui régler le matériel et les marchandises laissées dans les lieux, ce qui a provoqué la désignation, par ordonnance de référé du 12 novembre 1982, de Roger Orecchia en qualité d'administrateur-séquestre, lequel a déposé le 12 juin 1984 un rapport provisoire et conclut, en sollicitant la jonction des instances :

* À l'égard du Crédit du Nord :

à l'irrecevabilité de la demande dirigée contre lui faute par la banque, pourtant informée de la fin de la gérance et de l'ordonnance de référé intervenue, d'avoir formé opposition dans le délai prescrit par l'article 10 de la loi n. 546 du 26 juin 1951, réglementant la gérance libre, sur les sommes à verser par le bailleur au preneur-gérant et, conjointement avec sa caution G., au sursis à statuer jusqu'à la solution d'une instance opposant la banque à G. par la Cour d'Aix, litige portant sur l'affectation d'une somme de 40 000 francs versée par la caution et qui devrait venir en déduction de la somme de 119 206,63 francs réclamée par le Crédit du Nord ;

* À l'égard de la dame D. épouse B. :

a) que cette dernière est solidairement responsable avec le gérant des dettes contractées à l'occasion de l'exploitation du fonds tant sur le fondement de la loi n. 546 précitée que du fait qu'elle est demeurée en possession des outillages et marchandises acquis en grande partie au moyen de fonds avancés par le Crédit du Nord dont elle s'est engagée à rembourser le prix, et doit en conséquence être tenue de le relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées au profit de la banque ;

b) en dernier lieu, et par conclusions du 5 décembre 1984, que la dame B. doit être, dans les termes de l'engagement souscrit le 30 juin 1982, condamnée à lui rembourser la somme de 92 274,36 francs, sauf mémoire, telle que résultant dans un premier temps du rapport Orecchia du 12 juin 1984, en sollicitant subsidiairement une nouvelle désignation du même expert à l'effet d'établir le compte définitif des parties et de rechercher notamment si le découvert obtenu du Crédit du Nord a été affecté, et dans quelle mesure, à l'exploitation du fonds et à des acquisitions de marchandises et d'outillage restés en la possession de la dame B. ;

Le Crédit du Nord :  qui fait observer qu'il est étranger au litige opposant R. à la dame B. dont il doit être mis hors de cause, relève que la loi n. 546 ne pose pas de principe de solidarité entre le bailleur et son gérant et que l'article 10 de ce texte instaure, en faveur des créanciers, une garantie supplémentaire en leur permettant de former opposition sur les sommes à verser par le bailleur et ne saurait en aucun cas leur interdire d'agir contre le gérant selon les voies du droit commun ; qu'il sollicite de plus fort l'adjudication de sa demande, qui n'est pas contestée dans son montant, et la condamnation de R. à lui payer la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts sanctionnant sa résistance abusive ;

La dame B. :

a) conclut au débouté de R. des fins de son assignation en garantie en faisant valoir que le découvert bancaire qui lui a été consenti constitue une dette qui lui est personnelle et que le contrat de gérance libre du 19 février 1981 prévoyait expressément que le preneur exploiterait le fonds à ses risques et périls et pour son compte sans que la bailleresse n'assume aucune responsabilité relativement à cette exploitation ;

b) soulève l'irrecevabilité des demandes dirigées contre elle en dernier lieu par R., et tendant à obtenir paiement de sommes qui résulteraient d'un rapport d'expertise Orecchia qui n'a pas fait l'objet d'une instance en homologation, lesquelles sortent du cadre précis de l'appel en garantie diligenté par l'exploit du 12 janvier 1984, alors que les débats sont liés par l'instance initiale introduite par le Crédit du Nord ;

Sur ce,

Attendu que les instances introduites par assignation des 20 janvier 1983 et 12 janvier 1984 sont connexes et doivent être jointes pour être statué sur elles par un seul et même jugement ;

Attendu que M. G. a, en sa qualité de caution solidaire de R., un intérêt personnel pour intervenir dans la présente procédure et que son intervention doit en conséquence être déclarée recevable ;

Sur la demande principale :

Attendu, étant relevé qu'un fonds de commerce n'a pas d'autonomie juridique, qu'il importe peu qu'à la suite de la convention de compte courant, au demeurant intervenue entre P. R. et le Crédit du Nord à la date du 10 décembre 1981, la banque ait fait figurer dans ses livres les mouvements le concernant sous la rubrique « S. . D. », cette affectation de nature comptable ne pouvant avoir eu pour effet de faire perdre au découvert, apparu à la clôture du compte, le caractère de dette personnelle de R. ;

Attendu par ailleurs que R. n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 10 de la loi n. 546 du 26 juin 1951 pour opposer une fin de non-recevoir à l'action du Crédit du Nord, ledit article dont la finalité est toute autre, n'imposant nullement aux créanciers du preneur-gérant de former opposition dans le délai légal sur les sommes à verser par le bailleur à son cocontractant à peine de déchéance de leurs droits contre le gérant ;

Que R., qui ne conteste pas le montant de ce découvert, doit en conséquence être condamné à payer au Crédit du Nord la somme de 119 206,63 francs, assortie des intérêts conventionnels réclamés au taux de base bancaire majoré de 3,20 %, ce à compter de la mise en demeure du 25 novembre 1982, sous la seule réserve des recouvrements auxquels la banque pourrait être parvenue contre la caution G. au terme de la procédure pendante devant les juridictions françaises, laquelle ne saurait motiver un sursis à statuer tant à raison du caractère solidaire de cet engagement que de la non-reconnaissance par les juridictions monégasques de la litispendance en matière internationale ;

Que, toutefois, le Crédit du Nord ne justifie pas de circonstances de nature à motiver l'exécution provisoire du présent jugement ;

Que R., dont la résistance a revêtu un caractère abusif doit en outre être condamné à la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé au Crédit du Nord ;

Sur l'appel en garantie :

Attendu qu'aux termes du contrat de gérance du 19 février 1981, R. devait exploiter le fonds « librement à son compte personnel et à ses risques et périls et la bailleresse n'assumera aucune responsabilité relativement à cette exploitation » ;

Que, d'autre part, la loi susvisée du 26 juin 1951 - à la différence de la loi française du 20 mars 1956 et dans le délai limité résultant de son article 8 - n'instaure pas de solidarité entre le propriétaire du fonds et le preneur-gérant relativement aux dettes contractées à l'occasion de son exploitation par ce dernier ;

Attendu que, s'agissant d'une dette personnelle de R., ce dernier ne peut par ailleurs fonder son appel en garantie contre la dame B. sur le fait que cette dernière aurait conservé, et se serait engagée à reprendre certaines marchandises ou équipements acquis par lui pendant la location-gérance, ce qui revient à invoquer une simple créance de nature personnelle et mobilière à l'égard de ladite dame dont l'existence et le montant éventuel ne sont nullement démontrés par le rapport provisoire déposé par Roger Orecchia le 12 juin 1984 révélant au contraire une importante contestation et un compte à faire entre les parties ;

Que R. doit dès lors être débouté de son appel en garantie et déclaré irrecevable, dans la présente procédure, à faire trancher au contradictoire du Crédit du Nord, qui est totalement étranger à ce litige, le contentieux l'opposant à la dame B., ainsi qu'il le sollicite par conclusions du 5 décembre 1984 ;

Que R. qui succombe doit être condamné aux entiers dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Joint les instances n° 261/83 et 256/84 du rôle ;

Reçoit M. G. en son intervention volontaire aux débats ;

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;

Déclare recevable la demande de la S.A. Crédit du Nord ;

Et y faisant droit, condamne P. R. à lui payer :

1°) la somme de 119 206,63 francs, avec intérêts conventionnels au taux de base bancaire majoré de 3,20 % à compter du 21 novembre 1982, sous réserve du recours exercé en France contre la caution G. ;

2°) celle de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Déboute R. de sa demande de garantie dirigée contre la dame D. épouse B. ;

Déclare irrecevables dans le cadre de la présente procédure les demandes formées contre la dame B. par R. par conclusions du 5 décembre 1984 ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Lorenzi, Marquilly et Léandri, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25272
Date de la décision : 23/01/1987

Analyses

Baux commerciaux ; Contrat - Général


Parties
Demandeurs : Société Crédit du Nord
Défendeurs : R. - G.

Références :

loi n. 546 du 26 juin 1971
loi n. 546 du 26 juin 1951
article 10 de la loi n. 546 du 26 juin 1951


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-01-23;25272 ?

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