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15/01/1987 | MONACO | N°25264

Monaco | Tribunal de première instance, 15 janvier 1987, Société Delta S.A.R.L. c/ Société Eisenberg S.A.


Abstract

Commissionnaire de transport

Obligations contractuelles - Preuve des retards et manquants incombant au commettant

Résumé

Les obligations contractuelles d'une entreprise commissionnaire de transport consistent à faire effectuer, par un ou plusieurs transporteurs, le transport de marchandises, en répondant comme ceux-ci des pertes, avaries ou retards constatés à la livraison, les marchandises, par principe, devant être livrées à l'issue de leur transport dans l'état même où le transporteur d'origine les a prises en charge et dans le délai stipulÃ

© par les parties ou imparti par les usages de la profession.

Il appartient au comme...

Abstract

Commissionnaire de transport

Obligations contractuelles - Preuve des retards et manquants incombant au commettant

Résumé

Les obligations contractuelles d'une entreprise commissionnaire de transport consistent à faire effectuer, par un ou plusieurs transporteurs, le transport de marchandises, en répondant comme ceux-ci des pertes, avaries ou retards constatés à la livraison, les marchandises, par principe, devant être livrées à l'issue de leur transport dans l'état même où le transporteur d'origine les a prises en charge et dans le délai stipulé par les parties ou imparti par les usages de la profession.

Il appartient au commettant, invoquant des retards et manquants, d'en rapporter la preuve en produisant notamment les mises en demeure quant au délai de livraison et les récépissés de prise en charge par le transporteur quant aux avaries et manquants.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que par l'exploit susvisé, la Société française à responsabilité limitée dénommée Delta, titulaire en France d'une licence n° 00614 de commissionnaire de transport, a fait assigner la Société anonyme monégasque Eisenberg S.A. en paiement d'une somme principale de 90 718,68 francs, montant total de 22 factures, demeurées impayées, qu'elle lui avait adressées dans le courant des mois de mars, d'avril et de juillet 1983, aux fins de règlement du coût de divers transports de marchandises dont cette dernière société l'avait chargé, majoré des frais de douane correspondants ;

Qu'invoquant une lettre datée du 4 juillet 1983 portant, à l'adresse de la Société Eisenberg, mise en demeure de payer la somme partielle de 83 197,20 francs, correspondant à 12 factures de mars 1983 et à 3 factures d'avril 1983, elle sollicite, outre le paiement de la somme principale susvisée, les intérêts de ladite somme calculés au taux légal, ce à compter du 4 juillet 1983, sur la somme de 83 197,20 francs et à compter de l'assignation sur la somme restante de 7 521,48 francs ;

Qu'elle réclame par ailleurs à la société Eisenberg la somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, en sollicitant, enfin, que le présent jugement prescrive l'exécution provisoire des divers chefs de condamnation ainsi requis ;

Attendu qu'en défense la Société Eisenberg, qui estime pour l'essentiel qu'il y aurait compte à faire entre elle-même et la Société Delta, du fait de nombreux retards à la livraison, manquants ou même pertes ayant affecté les transports faisant l'objet des factures litigieuses, conclut principalement au rejet des demandes ci-dessus rapportées, et à la condamnation de la Société Delta à lui payer, outre 30 000 francs à titre de dommages-intérêts, une somme de 129 863,29 francs (hors taxes) à laquelle elle évalue provisoirement, sous réserve de vérifications ultérieures, le préjudice qu'elle aurait subi du fait que la Société Delta aurait manqué, dans sa prestation de service, à ses obligations contractuelles de commissionnaire de transport ;

Qu'elle demande, subsidiairement, pour le cas où le tribunal s'estimerait insuffisamment éclairé, qu'une expertise soit ordonnée, aux frais avancés de la Société Delta, à l'effet, d'une part, de rechercher la mesure dans laquelle celle-ci aurait respecté ses obligations à l'occasion de chacune des opérations de transport dont elle avait été chargée en l'espèce et, d'autre part, de vérifier l'importance du préjudice ci-dessus mentionné résultant de la mauvaise exécution des transports, pouvant être imputé à la Société Delta ;

Que toutefois, la Société Eisenberg sollicite qu'il lui soit donné acte de ce qu'en cas d'expertise, elle offre de consigner entre les mains d'un séquestre judiciaire la somme principale réclamée par la Société Delta ;

Attendu qu'au soutien de ses demandes, la Société Delta fait valoir en premier lieu que la Société Eisenberg s'était engagée, par une lettre en date du 31 août 1981, à lui rembourser à la première demande les sommes devant être avancées à l'Administration des Douanes à l'occasion des transports pour lesquels cette même Société Eisenberg était sa commettante, mais qu'à dater du mois de mars 1983, cette dernière avait omis d'effectuer lesdits remboursements, en sorte qu'elle lui était redevable à ce titre d'une somme de 58 597,16 francs correspondant à des frais de douane effectivement acquittés sur lesquels, au demeurant, la discussion instaurée par la Société Delta quant aux obligations du commissionnaire de transport ne pouvait avoir d'incidence, puisqu'ils ne procédaient nullement de la rémunération d'une prestation de service qui aurait été mal exécutée ;

Qu'elle expose en dernier lieu qu'alors que la Société Eisenberg lui avait prorogé sa confiance antérieure à compter de mars 1983, cette société n'avait fait de difficultés pour payer qu'au mois de mai suivant, sans l'en avoir alertée antérieurement, en réclamant alors un nombre considérable de justificatifs de livraison mais sans, toutefois, justifier en dernier lieu que les factures impayées, ci-dessus mentionnées, correspondaient aux opérations invoquées en l'espèce par cette commettante comme ayant été mal exécutées ;

Qu'à ce propos et en droit la Société Delta soutient en substance qu'il ne saurait être élevé de contestation quant à l'exécution d'un transport que sur la seule base des indications figurant sur le titre de transport correspondant, ce, à l'effet de faire supporter au commissionnaire de transport, responsable du fait du transporteur, la garantie des seuls dommages signalés ou établis comme existants lors de la livraison ;

Qu'en l'espèce, alors qu'elle avait, d'avril 1982 à avril 1983, traité pour la Société Eisenberg 69 opérations d'importation relatives à 3 672 cartons de bonneterie en provenance d'Italie et de Yougoslavie, lesquels devaient être livrés en France sur des instructions précises de cette même société, celle-ci n'avait fait nullement état des récépissés correspondant aux opérations incriminées, se privant ainsi du moyen de prouver que ses réclamations portaient bien sur des colis effectivement pris en charge par le transporteur, alors en revanche que cette commettante lui avait antérieurement demandé d'effectuer des réexpéditions au vu des seuls éléments portés sur les cartons par les fournisseurs, ce qui faisait en l'espèce obstacle à la preuve, devant être rapportée par la Société Eisenberg, que la non-conformité des colis livrés par rapport aux colis commandés était imputable au transporteur, étant à ce propos relevé par la Société Delta que certains des manquants invoqués pour retarder le paiement réclamé étaient relatifs au contenu même des cartons livrés, et avaient constitué, selon les destinataires s'étant tardivement manifestés auprès de la Société Eisenberg, un « vice caché » ;

Attendu que la Société Eisenberg justifie l'essentiel de ses contestations par les termes d'un télex daté du 4 juillet 1983, par elle adressé à la Société Delta, dans lequel elle s'exprimait notamment en ces termes :

« Nous vendons la marchandise avec paiement à 90 jours, c'est-à-dire que seulement après 90 jours après la date de livraison on peut savoir si le client ne paye pas à cause d'une marchandise pas reçue ou perdue. Compte tenu de toutes les factures que nos clients nous ont réglées et compte tenu de la marchandise rendue, les filiales de Paridoc nous doivent encore la somme de 148 441,98 francs, pour des marchandises qu'elles disent ne pas avoir reçues et c'est pourquoi nous ne sommes pas payés.

Maintenant, nous avons deux possibilités :

* ou la marchandise a été reçue, et alors vous avez les bons de livraison signés par le client, bons que nous vous demandons de nous envoyer pour pouvoir justifier la réception de la marchandise et pour pouvoir être payés,

* ou, dans le cas contraire, la marchandise est perdue et nous devons être payés par l'assurance (...). Nous ne pouvons en aucune manière accepter de ne pas recevoir de vous des bons de livraison justificatifs (...) et de ne pas être payés par nos clients ou de ne pas être payés par l'assurance » ;

Attendu que la Société Eisenberg justifie en outre sa demande reconventionnelle en invoquant le fait qu'elle avait adressé à sa commissionnaire, le 8 mars 1983, une note de débit pour pièces manquantes d'un montant de 19 394,50 francs ; qu'elle avait établi le 11 avril 1983 une note de débit de 5 123,52 francs motivée par le refus d'un client de Guingamp de recevoir une marchandise tardivement livrée, et le 21 juillet 1983, une autre note de débit de 16 646,79 francs pour pièces manquantes, qu'elle avait, le 3 août 1983, transmis à la Société Delta les réclamations de divers clients se plaignant de ne pas avoir reçu la marchandise, ce pour un total de 51 303,50 francs ; qu'enfin, elle avait, les 5 août 1983 et 2 septembre 1983, fait part à la Société Delta de deux nouvelles réclamations des Magasins Paridoc pour des marchandises non livrées d'une valeur respectivement de 16 910 francs et de 21 288 francs, l'ensemble des sommes ainsi mentionnées totalisant le montant principal de la demande reconventionnelle ;

Attendu que, toutefois, la Société Eisenberg n'a pas expressément contesté en ses conclusions devoir le montant des avances faites en son nom par sa commissionnaire de transport à titre de frais de douane, selon le décompte établi par la demanderesse principale ;

Sur quoi,

Attendu que lesdites avances faites pour le compte de la Société Eisenberg et dont la Société Delta a justifié par la production de factures assorties des documents douaniers correspondants, établis au nom de l'importateur Eisenberg, apparaissent au regard des écritures des parties, comme des conventions de celles-ci objet de la lettre susvisée du 31 août 1981, devoir être supportées en dernier lieu par la défenderesse principale laquelle doit, en conséquence, être déclarée tenue de reverser en l'espèce à la Société Delta la somme de 58 597,16 francs, réclamée de ce chef et dont le calcul n'a pas été critiqué ;

Attendu que relativement à la somme principale subsistante de 32 121,52 francs, strictement réclamée, en définitive, à titre de frais de transport par la Société Delta, il incombe à celle-ci de justifier, pour en obtenir le paiement, de l'existence des conventions de commission de transport au titre desquelles une telle somme est réclamée, sauf à la Société Eisenberg à établir, pour s'exonérer de son obligation de payer, d'une inexécution par la Société Delta desdites obligations ;

Attendu que, sur ce point, l'existence d'un contrat de commission relativement aux marchandises faisant l'objet des factures dont le paiement est actuellement réclamé, n'a été aucunement mise en doute par la Société Eisenberg, commettante ;

Qu'il revient donc en l'espèce à celle-ci de prouver que la société commissionnaire de transport n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles, lesquelles s'analysent au premier chef en l'espèce, en celle de faire effectuer par un ou plusieurs transporteurs le transport des marchandises dont s'agit, en répondant, comme lesdits transporteurs, des pertes, avaries ou retards constatés à la livraison, dès lors que, par principe, les marchandises doivent être livrées à l'issue de leur transport dans l'état même où le transporteur d'origine les a prises en charge, et dans le délai stipulé par les parties ;

Attendu que pour établir les retards imputés à la Société Delta comme devant, en partie, s'opposer à la demande principale et justifier les demandes reconventionnelles, la Société Eisenberg n'a pas rapporté la preuve d'une mise en demeure, au demeurant non invoquée par elle, adressée à la Société Delta à l'effet de démontrer le retard de celle-ci à satisfaire à ses engagements ; que les moyens formulés de ce chef s'avèrent dès lors inopérants en l'espèce, étant observé qu'il n'est pas, par ailleurs, allégué que la Société Delta ait manqué, quant aux délais de transport, aux usages de sa profession, ou à d'éventuelles stipulations contractuelles d'une date ferme de livraison ;

Attendu que, par ailleurs, pour justifier des manquants invoqués, - au demeurant très tardivement puisque la Société Eisenberg, ainsi qu'il a été ci-dessus rapporté, a elle-même déclaré n'être informée par ses clients des pertes de marchandises que 90 jours après la date de livraison, cette commettante doit, au regard des récépissés de prise en charge par le transporteur, qu'il lui incombe de produire, indiquer en quoi ce qui a été livré n'est pas conforme à ce qui a été remis au transporteur ;

Qu'ainsi que l'a relevé la Société Delta à la page 7 de ses conclusions du 9 janvier 1985, la Société Eisenberg n'a pas produit les récépissés requis ; qu'elle succombe donc en l'état en la preuve qu'il lui appartenait d'administrer, au titre des manquants invoqués ;

Que dès lors, étant en outre relevé que les pièces cotées n° 4 à 9 et visées à la page 3 de ses conclusions du 4 décembre 1985, ne sauraient aucunement suppléer, non plus qu'une expertise qui s'avérerait tardive, à l'absence de la preuve, à ce titre requise, que les pièces signalées manquantes ont bien été remises au transporteur, la Société Eisenberg ne peut qu'être déboutée des fins de ses conclusions relatives tant à la demande principale qu'à ses demandes reconventionnelles ;

Attendu par ailleurs que la résistance de la Société Eisenberg à l'action, justifiée, dirigée à son encontre, qu'elle n'a cherché à contrecarrer, pour l'essentiel, qu'en prétendant à un renversement indu de la charge de la preuve, apparaît devoir être sanctionnée, comme le sollicite la Société Delta par un montant de dommages-intérêts devant être fixé à 5 000 francs, compte tenu du préjudice spécifique subi de ce chef par la demanderesse principale, distinct de celui qui se trouvera réparé par l'allocation des intérêts moratoires que cette dernière apparaît, eu égard aux pièces produites, fondée à obtenir dans les termes rie sa demande ;

Attendu par ailleurs que l'exécution provisoire sollicitée s'avère justifiée, vu l'urgence, quant au paiement des frais de douane susvisés et incontestés dont la Société Delta a fait l'avance ;

Attendu enfin que la Société Eisenberg qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Condamne la Société anonyme monégasque Eisenberg à payer à la Société française à responsabilité limitée Delta, les sommes de 58 597,16 francs et de 32 121,52 francs, soit au total celle de 90 718,68 francs, montant des causes sus-énoncées, ce avec intérêts au taux légal calculés jusqu'à parfait paiement sur la somme de 83 197,20 francs, à compter du 4 juillet 1983, et sur celle de 7 521,48 francs, à compter du 26 septembre 1983, ainsi que la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement du chef du paiement de la somme principale précitée de 58 597,16 francs ;

Déboute la Société Eisenberg des fins de ses conclusions ;

Composition

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Sanita, Boéri et Léandri, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25264
Date de la décision : 15/01/1987

Analyses

Contrat - Général ; Droit des obligations - Régime général


Parties
Demandeurs : Société Delta S.A.R.L.
Défendeurs : Société Eisenberg S.A.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-01-15;25264 ?

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