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08/01/1987 | MONACO | N°25261

Monaco | Tribunal de première instance, 8 janvier 1987, Dame E. M. épouse M. c/ Ministre d'Etat, Ministère public, maire.


Abstract

Nationalité

Enfant naturel - Nationalité

Jugement étranger

Etat et capacité - Reconnaissance d'un enfant naturel

Résumé

Une demande tendant à voir déclarer la nationalité monégasque ne saurait être valablement dirigée contre le ministre d'Etat et le Maire de Monaco mais seulement contre le Ministère public qui a pour mission de veiller à l'application des règles d'ordre public relatives à la nationalité (1).

Il est de règle jurisprudentielle que les jugements étrangers qui concernent l'état et la capacité des person

nes ont l'autorité de la chose jugée en Principauté indépendamment de toute décision d'exequatur (2).

La reco...

Abstract

Nationalité

Enfant naturel - Nationalité

Jugement étranger

Etat et capacité - Reconnaissance d'un enfant naturel

Résumé

Une demande tendant à voir déclarer la nationalité monégasque ne saurait être valablement dirigée contre le ministre d'Etat et le Maire de Monaco mais seulement contre le Ministère public qui a pour mission de veiller à l'application des règles d'ordre public relatives à la nationalité (1).

Il est de règle jurisprudentielle que les jugements étrangers qui concernent l'état et la capacité des personnes ont l'autorité de la chose jugée en Principauté indépendamment de toute décision d'exequatur (2).

La reconnaissance devant un officier d'état civil français par une mère de son enfant naturel valablement intervenue, comme satisfaisant aux conditions de forme de l'article 335 du Code civil français (ayant pour homologue à Monaco l'article 234, anciennement 232 du Code civil), est admise en Principauté comme moyen de preuve de la filiation maternelle par application de l'article 27 de la Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire franco-monégasque, de sorte qu'elle se trouve régulièrement portée en marge de lacté de naissance du mineur né à Monaco par l'officier d'état civil monégasque (3).

Un enfant né à Monaco le 7 juin 1964 de parents non dénommés, reconnu en France le 16 juin 1969 par sa mère naturelle de nationalité française suit la nationalité de celle-ci à compter de sa naissance en application du chiffre 1°, alinéa 2, de l'article 8 dans sa rédaction alors applicable résultant de l'ordonnance du 13 avril 1911.

Cette reconnaissance ayant pour objet de constater un lien de filiation naturelle préexistant dont les effets remontent au jour de la naissance, a eu pour conséquence nécessaire de doter le mineur, dès cette date, d'une filiation lui interdisant de se prévaloir des dispositions du chiffre 2° du texte susvisé (4).

La légitimation consécutive au mariage des père et mère, tous deux de nationalité étrangère ne peut avoir, en tout état de cause aucune incidence quant à la nationalité monégasque invoquée (5).

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'il est constant que le mineur prénommé M., R., M., né à Monaco le 7 juin 1969 de parents non dénommés, ainsi que l'atteste l'acte de naissance originairement dressé le 9 juin suivant sur la déclaration de M. M. par l'officier de l'état civil, a été reconnu devant l'officier d'état civil de la ville de Beausoleil (A.-M.) le 16 juin 1969, par E. M., de nationalité française, alors divorcée d'avec J. P. selon jugement du Tribunal civil de Perpignan du 9 janvier 1961 déclaré exécutoire en Principauté de Monaco par jugement de ce tribunal en date du 27 mai 1971, et actuellement mariée en secondes noces avec M. M. de nationalité italienne, les époux ayant, à la date de leur mariage célébré le 23 février 1985 à Monaco, déclaré que le mineur M. R. M. est né de leur liaison et qu'ils entendaient le légitimer ;

Que mentions de la reconnaissance effectuée à Beausoleil le 16 juin 1969 et de la légitimation, par mariage, du jeune M. ont été portées en marge de son acte de naissance par l'officier d'état civil de Monaco, respectivement les 20 juin 1969 et 25 février 1985 ;

Que les époux M., estimant que la mention de cette reconnaissance procède d'une « erreur » voire d'une « illégalité » puisque, selon eux, en l'absence d'exequatur de la décision du Tribunal de Perpignan, E. M. apparaissait alors dans les registres de l'état civil comme étant encore dans les liens de son premier mariage, en sorte que le mineur M. devait être considéré comme adultérin et, partant, ne pouvait faire l'objet d'une reconnaissance par la mère, ont demandé au directeur des Services judiciaires, par lettre du 30 septembre 1985, de procéder à l'inscription du jeune M., R. M. M. au sommier de la nationalité monégasque institué par ordonnance du 27 février 1929 ;

Que par lettre en réponse du 8 novembre 1985, le directeur des Services judiciaires a informé les époux M. qu'il ne pouvait donner une suite favorable à leur requête ;

Attendu que par le premier exploit susvisé, les époux M., régulièrement autorisés pour ce faire, ont fait assigner devant ce tribunal, siégeant en chambre du Conseil, le ministre d'Etat, le Procureur général et le Maire de Monaco aux fins d'annulation de la décision rendue le 8 novembre 1985 par le directeur des Services judiciaires et demandent au tribunal de juger que leur enfant, né monégasque, a conservé cette nationalité nonobstant la mention irrégulière de reconnaissance, de prononcer la nullité de la reconnaissance et de sa mention, et de dire que M. M. peut valablement être inscrit au sommier de la nationalité monégasque, le ministre d'Etat devant dès lors être renvoyé à accomplir les formalités pour l'exécution du jugement à intervenir ; qu'au soutien de leurs demandes, les époux M. font valoir :

* en la forme, que leur recours, fondé sur les dispositions de l'ordonnance précitée du 27 février 1929, est recevable comme ayant été introduit dans les quinze jours de la notification de la décision rejetant l'inscription au sommier,

et que cette décision émane, non de la commission instituée spécialement par l'ordonnance, mais d'une autorité incompétente en la matière,

* au fond, que le mineur est de nationalité monégasque comme étant né de parents inconnus, que la reconnaissance faite à Beausoleil ne saurait avoir d'effet à Monaco et ne pouvait alors faire l'objet d'une mention en marge de son acte de naissance sauf à admettre une filiation maternelle adultérine - du fait du mariage de la mère avec J. P., à l'époque non dissous à Monaco faute d'exequatur du jugement de divorce de Perpignan - que la loi monégasque prohibe comme contraire à l'ordre public, et que la légitimation du mineur, intervenue à une date postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n. 869 du 11 juillet 1969 ayant modifié l'article 8 du Code civil, n'a pas eu pour effet de lui faire perdre la nationalité monégasque ;

Attendu que le Maire de Monaco n'ayant pas comparu sur cette assignation, le tribunal a ordonné sa réassignation par jugement du 7 mai 1986 ; que sur le second exploit susvisé, il a persisté dans son défaut ; que cependant le présent jugement, par application de l'article 219, alinéa 2 du Code de procédure civile, ne sera susceptible d'opposition de la part d'aucune des parties ;

Attendu que le ministre d'Etat, qui observe qu'il n'a pris aucune décision à l'encontre du mineur et qu'il n'est pas partie contestante au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 27 février 1929, rappelle que la séparation des fonctions administratives, législatives et judiciaires interdit au tribunal de faire droit à la demande dont il fait l'objet et conclut à l'irrecevabilité de l'action en ce qu'elle tend à le renvoyer à accomplir des formalités pour l'exécution du jugement à intervenir ;

Attendu que le Procureur général conclut pour sa part au rejet des demandes des époux M., ès-qualités, aux motifs que si l'enfant était monégasque à sa naissance en vertu de l'article 8-3° du Code civil, l'effet déclaratif attaché à la reconnaissance par la mère a eu pour conséquence de lui faire acquérir la nationalité française de celle-ci, que la mention de reconnaissance est valable puisque la décision étrangère de divorce a produit ses effets en Principauté indépendamment de tout exequatur, et que la légitimation intervenue rend au surplus la demande sans objet ;

Attendu qu'à l'audience des plaidoiries, les époux M. ont déclaré, par leur avocat-défenseur, ne plus maintenir leur demande en ce qu'elle est dirigée contre le ministre d'Etat et tend à l'accomplissement des formalités ci-dessus mentionnées ;

Sur quoi,

Attendu que le tribunal constate que la présente action, par le biais des règles édictées par l'ordonnance « concernant l'institution d'un sommier de la nationalité monégasque et les élections communales » du 27 février 1929, tend en définitive à faire apprécier si le mineur M. M. est, ou non, de nationalité monégasque, ce qu'il appartient au tribunal, au contradictoire du Ministère public qui a notamment pour mission de veiller à l'application des règles d'ordre public relatives à la nationalité, de trancher ;

Attendu que les demandeurs ne contestent pas le principe jurisprudentiel constant selon lequel les jugements étrangers qui concernent l'état et la capacité des personnes ont l'autorité de la chose jugée en Principauté, indépendamment de toute décision d'exequatur ;

Attendu que par application de ce principe, le jugement du Tribunal civil de Perpignan du 9 janvier 1961, signifié le 7 mars 1961 et non soumis à recours, ayant prononcé le divorce des époux M.-Pla, s'est dès cette époque imposé dans ses effets en Principauté, - indépendamment de la procédure d'exequatur dont il a fait l'objet en 1971 - où E. M. pouvait et devait être considérée comme n'étant plus dans les liens du mariage ;

Attendu, dans ces conditions, que la reconnaissance par E. M., devant l'officier d'état civil de la commune de Beausoleil, de son enfant naturel M., valablement intervenue puisque satisfaisant aux conditions de forme de l'article 335 du Code civil français (ayant pour homologue à Monaco l'article 234, anciennement 232 du Code civil), et admise en Principauté comme moyen de preuve de la filiation maternelle par application de l'article 27 de la convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, a régulièrement été portée en marge de l'acte de naissance du mineur par l'officier d'état civil de Monaco ;

Que cette reconnaissance, ayant pour objet de constater un lien de filiation naturelle préexistant dont les effets remontent au jour de la naissance de l'enfant, a eu pour nécessaire conséquence de doter le mineur, dès ledit jour, d'une filiation maternelle qui lui interdit de se prévaloir des dispositions du chiffre 2° de l'article 8 du Code civil dans sa rédaction, alors applicable, résultant de l'ordonnance du 13 avril 1911 ;

Qu'au contraire, il résulte du chiffre 1° alinéa 2 de cet article que le mineur, reconnu par sa mère, a suivi à compter de sa naissance, la nationalité française de celle-ci, le tribunal observant que sa légitimation consécutive au mariage de ses père et mère, tous deux de nationalité étrangère, n'a pu, en tout état de cause, avoir aucune incidence quant à la nationalité monégasque invoquée ;

Attendu qu'il s'ensuit que les demandes des époux M., ès-qualités, doivent être rejetées dans leur ensemble en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre du Procureur général ;

Qu'apparaissant au surplus sans objet à l'égard des autres défendeurs - lesquels n'avaient pas lieu d'être attraits dans la présente instance -, elles doivent être déclarées irrecevables ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

Statuant en audience publique, après débats en chambre du Conseil, par jugement réputé contradictoire, non susceptible d'opposition,

Dit que le mineur M., R., M. M. n'est pas de nationalité monégasque et doit être réputé n'avoir jamais eu cette qualité ;

Déboute en conséquence les époux M., agissant en qualité de représentants de leur fils mineur, de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre le Procureur général ;

Déclare en tant que de besoin irrecevables leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre le Maire de Monaco et le ministre d'Etat ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMes Sbarrato et Sanita, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25261
Date de la décision : 08/01/1987

Analyses

Droit des personnes - Nationalité, naturalisation ; Contentieux et coopération judiciaire ; International - Général


Parties
Demandeurs : Dame E. M. épouse M.
Défendeurs : Ministre d'Etat, Ministère public, maire.

Références :

article 8 de l'ordonnance du 27 février 1929
loi n. 869 du 11 juillet 1969
article 219, alinéa 2 du Code de procédure civile
ordonnance du 27 février 1929
ordonnance du 13 avril 1911
Code civil
article 8 du Code civil
article 8-3° du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1987-01-08;25261 ?

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