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18/12/1986 | MONACO | N°25251

Monaco | Tribunal de première instance, 18 décembre 1986, M. c/ M., Association des Vieux Travailleurs de Saint-Dié Bureaux d'Aide Sociale de Saint-Dié et de Taintrux.


Abstract

Testament

Action en délivrance d'un legs (non) - Action en interprétation du testament (oui)

Résumé

L'action intentée par un cohéritier tendant à voir attribuer des legs particuliers à des bureaux d'aide sociale à défaut de désignation par le de cujus d'associations de secours lesquelles sont inexistantes, constitue non point une action en délivrance de legs ainsi qu'elle a été à tort qualifiée, une telle action ne pouvant qu'émaner du légataire, mais une action en interprétation de testament aux fins d'apprécier si les légataires sont

suffisamment déterminés ou déterminables et dans l'affirmative, une action corollaire en exé...

Abstract

Testament

Action en délivrance d'un legs (non) - Action en interprétation du testament (oui)

Résumé

L'action intentée par un cohéritier tendant à voir attribuer des legs particuliers à des bureaux d'aide sociale à défaut de désignation par le de cujus d'associations de secours lesquelles sont inexistantes, constitue non point une action en délivrance de legs ainsi qu'elle a été à tort qualifiée, une telle action ne pouvant qu'émaner du légataire, mais une action en interprétation de testament aux fins d'apprécier si les légataires sont suffisamment déterminés ou déterminables et dans l'affirmative, une action corollaire en exécution desdits legs.

En l'état de l'inexistence dans les communes d'associations ayant pour objet des œuvres d'assistance et de bienfaisance, il doit être inféré, au regard des circonstances de la cause, que les bureaux d'aide sociale de ces communes, habilités à recevoir des libéralités, sont bénéficiaires de ces legs.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'il est constant que R. M., en son vivant domicilié à Monaco, est décédé à Casablanca (Maroc) où il séjournait momentanément, le 8 août 1974, en l'état d'un testament olographe daté du 20 juillet 1974 par lequel, entre autres dispositions, il a légué à titre particulier à « L'Association des Vieux de la Ville de Saint-Dié » pour 80 % « et à celle de Taintrux » à concurrence des 20 % restant, sa part d'un immeuble situé à Méribel-les-Allues (Savoie) dans lequel était exploité l'Hôtel T., cette part représentant 50 % des parts de la S.C.I. Edelweiss ;

Qu'il a laissé pour lui succéder :

· Y. M., Vve B., remariée A., sa sœur, apte à recueillir les 2/6e de la succession,

· G. M., son frère, également héritier des 2/6e,

· et, venant en représentation de son frère A. M., décédé en 1973, ses deux neveux soit :

* A. M., venant pour 1/6e, et

* J. M., divorcée M., qui est décédée en 1980, et dont les droits (1/6e) ont été transmis à sa fille, E. M., épouse N. ;

Attendu que par exploit du 16 novembre 1982, G. M., qui relate que les investigations de Me Crovetto, notaire à Monaco, lieu d'ouverture de la succession, ont révélé que les associations, telles que désignées dans le testament, n'existent pas, mais que la volonté manifestée par le testateur permet d'inférer que le défunt a entendu gratifier le Bureau d'Aide Sociale de la Commune de Taintrux (Vosgues) d'une part, et l'Association des Vieux Travailleurs de Saint-Dié ayant son siège à Saint-Dié ou, alternativement, le Bureau d'Aide Sociale de la Commune de Saint-Dié (Vosges) d'autre part, et expose que seule Y. M., épouse A. s'oppose à la délivrance des legs particuliers à ces organismes alors que lui-même, A. M. et E. M. épouse N., qui représentent ensemble les 4/6e des droits indivis dans la succession, ont exprimé leur accord pour la délivrance desdits legs, a fait assigner Y. M., épouse A., A. M., E. M., épouse N., l'Association des Vieux Travailleurs de Saint-Dié, le Bureau d'Aide sociale de Saint-Dié et celui de Taintrux pour obtenir du tribunal qu'il désigne les deux organismes que le de cujus a entendu gratifier par le testament précité et qu'il juge que les héritiers seront conjointement et solidairement tenus de faire délivrance des deux legs aux organismes qui seront ainsi désignés ;

Attendu que A. M., E. M., épouse N. et l'Association des Vieux Travailleurs de Saint-Dié n'ayant pas comparu sur cette assignation, le tribunal a rendu un jugement de défaut profit-joint le 19 mai 1983, ordonnant la réassignation de ces défenseurs ;

Que par exploit du 28 juin 1985, G. M. a procédé à cette réassignation ; que bien que les défendeurs aient à nouveau fait défaut, le présent jugement ne sera pas susceptible d'opposition de leur part, par application de l'article 219, alinéa 2 du Code de procédure civile, le tribunal observant à ce stade que, par lettres des 20 et 25 août 1985 réitérant une correspondance déjà adressée au tribunal par leur conseil français le 25 février 1983, A. M. et E. M. ont confirmé leur accord « pour la délivrance du legs à l'association des vieux que le Tribunal de Monaco voudra bien désigner » ;

Attendu que pour sa part, Y. M., épouse A., qui relève le caractère inhabituel de l'instance introduite par le demandeur tendant à l'attribution de legs à des tiers qui pourraient être légataires et explique que cette instance n'a d'autre motif que de tenir en échec une procédure actuellement pendante devant la Cour de Chambéry, déclare s'opposer à la délivrance des legs aux personnes morales attraites aux débats, qu'elle estime ne pas correspondre à la définition donnée par le testateur et conclut au rejet de la demande de G. M. ;

Attendu que les Bureaux d'Aide Sociale des Communes de Saint-Dié et Taintrux, autres défendeurs, considèrent être les bénéficiaires des legs en expliquant :

* le Bureau d'Aide Sociale de Taintrux, qu'il n'existe dans cette commune aucune association de vieux,

* le Bureau d'Aide Sociale de Saint-Dié, également dénommé Centre d'Action Sociale, que toutes les associations regroupant des personnes âgées à Saint-Dié sont réunies en un « Comité de Coordination du 3e âge de la ville de Saint-Dié » ayant son siège dans les locaux du « Centre d'action sociale », que l'une de ces associations, « L'Union des Vieux de France - Groupe de Saint-Dié », anciennement dénommée « Union des Vieux Travailleurs » est fédérée au sein de la « Fédération Départementale des Vieux de France (Vosges) » dont l'adresse est celle mentionnée dans l'assignation comme étant le siège de l'Association des Vieux Travailleurs de Saint-Dié, défaillante dans la présente instance, qui n'a pas d'existence, et enfin que l'ensemble des associations précitées a donné son accord pour que le bénéficiaire du legs soit le Bureau d'Aide Sociale de Saint-Dié ;

Que ces défendeurs estiment, en effet, que le testament permet une désignation suffisante des légataires que le « de cujus » a entendu gratifier, et que les legs sont donc valables ;

Qu'ils demandent, en conséquence, au tribunal de juger que les legs particuliers dont s'agit devront respectivement leur bénéficier et qu'en l'état de son opposition infondée, Y. A., devra seule supporter les dépens de la présente instance ;

Qu'à titre subsidiaire, ils demandent au tribunal de dire que ces legs, divisibles, pourront être attribués et délivrés à hauteur de 4/6e aux Bureaux d'Aide Sociale, dans la proportion qu'ils ont chacun vocation à obtenir, les dépens devant dans ce cas, rester à la charge de la succession ;

Attendu que dans d'ultimes conclusions, G. M., après un commentaire des conclusions prises par chacun des défendeurs, réitère les termes de son acte introductif d'instance en demandant acte de ce qu'il accepterait que la délivrance des legs soit faite aux Bureaux d'Aide Sociale des Communes de Taintrux et de Saint-Dié ;

Sur quoi,

Attendu que l'action dont le Tribunal est régulièrement saisi eu égard au lieu d'ouverture de la succession, ne peut être assimilée à une action en délivrance des legs dans la mesure où les légataires prétendus n'ont pas initié une telle instance à titre principal à l'encontre des co-héritiers du testateur ; que, dès lors, les conclusions prises en ce sens par lesdits légataires, défendeurs à la présente instance, ne sauraient constituer à proprement parler une demande régulière en délivrance, car une telle demande serait en l'espèce contraire au principe suivant lequel on ne peut conclure de défendeurs à défendeurs, alors en outre, que des co-héritiers sont défaillants dans la présente procédure et n'y ont pas été dûment appelés par les associations légataires ;

Attendu qu'il demeure toutefois que le tribunal doit se prononcer sur l'interprétation du testament en ce qu'il dispose que deux « associations de vieux » sont légataires à titre particulier, en sorte qu'il lui appartient d'abord d'apprécier si ces légataires sont suffisamment déterminés ou déterminables et ensuite, dans l'affirmative, de poser en principe que lesdits legs devront recevoir exécution, à l'effet de respecter les dispositions testamentaires de R. M., étant ici observé que Y. A. est mal venue à soutenir que la présente procédure paralyserait de manière artificielle et à son détriment le déroulement de l'instance dont demeure saisie la Cour d'appel de Chambéry puisque, ainsi que cette cour l'a justement relevé dans son arrêt de sursis à statuer du 21 décembre 1983, le succès de l'actuelle procédure aurait pour effet de priver cette défenderesse de tous droits sur les parts du défunt dans la S.C.I. Edelweiss et de rendre ainsi irrecevable la demande en nullité de vente qu'elle a formée devant cette cour ;

Attendu que pour contester la qualité de légataires aux Bureaux d'Aide Sociale de Taintrux et Saint-Dié que leur reconnaissent les autres co-héritiers, Y. A. soutient que les « associations des vieux » de ces communes désignées dans le testament n'existent pas - ce qui est constant - et que celles qui se sont manifestées ne correspondent pas à la définition donnée par le testateur ;

Attendu sur ce point qu'il importe peu que le testateur n'ait pas utilisé la dénomination exacte des « associations de vieux » qu'il a entendu gratifier, dès lors qu'il a manifestement eu pour intention de faire bénéficier de ses legs particuliers, dans chacune des communes de Taintrux et Saint-Dié, un organe collectif regroupant des personnes âgées et leur apportant aide et soutien ;

Qu'en l'absence d'indication particulière quant aux « associations de vieux » bénéficiaires des dispositions testamentaires, excepté en ce qui concerne leur localisation, il convient de rechercher au vu des pièces produites si de tels organismes répondant aux critères ci-dessus définis existent et fonctionnent tant à Taintrux qu'à Saint-Dié ;

Que dans cette première commune, le seul établissement chargé en particulier des œuvres d'assistance et de bienfaisance aux personnes âgées est le bureau d'aide sociale, qui exerce à Taintrux, à l'égard de ces personnes, les missions et attributions envisagées par le testateur ; que le legs qui doit être ainsi considéré comme ayant été fait à cet établissement, capable de le recevoir, apparaît donc valable ; qu'il en va de même pour la commune de Saint-Dié, alors en outre que dans cette ville, les associations dont le centre d'intérêt est tourné vers les personnes âgées à des titres divers (« retraités », « anciens », « club de l'âge d'or », des « coquelicots » ...) sont regroupés en un comité représentatif dit « de coordination du 3e âge » dont les membres, à l'unanimité, se sont accordés, selon procès-verbal d'assemblée du 23 février 1983, pour considérer le Bureau d'Aide Sociale de Saint-Dié comme devant être le bénéficiaire du legs ;

Attendu qu'en l'état de la détermination des légataires particuliers, qui apparaissent au demeurant avoir d'ores et déjà régulièrement accepté les libéralités dont ils bénéficient, il y a lieu de dire que lesdits legs devront recevoir exécution et leur profiter, en dépit de la seule opposition manifestée par Y. A., laquelle apparaît infondée ;

Attendu qu'en l'état de la succombance de cette défenderesse, les dépens de l'instance doivent être mis à sa charge ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant par jugement non susceptible d'opposition,

Dit que le testament olographe de R. M., déposé le 9 septembre 1974, au rang des minutes de Maître Crovetto, notaire, par lequel le testateur déclare léguer ses parts de la S.C.I. Edelweiss à « l'Association des Vieux Travailleurs de la ville de Saint-Dié... et de celle de Taintrux », doit être à cet égard entendu comme devant bénéficier au Bureau d'Aide Sociale de la Commune de Saint-Dié (Vosges) et au Bureau d'Aide Sociale de la Commune de Taintrux (Vosges) ;

Dit que les legs particuliers dont les bénéficiaires sont ainsi déterminés devront recevoir exécution ;

Composition

M.M. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Sbarrato, Boisson, Sanita, av. déf. ; Darbier, Bonello, Chambrand, av.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 25251
Date de la décision : 18/12/1986

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités ; Droit des biens - Biens et patrimoine


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : M., Association des Vieux Travailleurs de Saint-Dié Bureaux d'Aide Sociale de Saint-Dié et de Taintrux.

Références :

article 219, alinéa 2 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1986-12-18;25251 ?

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